En cours au Siège de l'ONU

Soixante-douzième session,
12e séance – matin
CPSD/641

Quatrième Commission: les débats se centrent sur l’accès équitable et la réglementation internationale de l’espace extra-atmosphérique

La Quatrième Commission, chargée des questions de politiques spéciales et de la décolonisation, a poursuivi, aujourd’hui, son débat sur la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace, une réunion qui a notamment été marquée par l’intervention de la Fédération de Russie qui s’est inquiétée de l’impact de « l’idéologie de la domination » sur les négociations relatives à la sécurité de l’espace.

Au préalable, les États Membres ont entendu le Président de l’Assemblée générale, M. Miroslav Lajčák, inviter la Commission à « refléter les réalités du présent », l’appelant notamment à garantir le droit à l’autodétermination des 17 territoires non autonomes.

Il l’a également enjoint à faire preuve d’un plus grand dynamisme, notant le rôle qu’elle a à jouer en matière de prévention des conflits, ses travaux ayant, par exemple, permis d’élaborer des normes et des standards sur la question des radiations nucléaires.

Tout en reconnaissant que la Commission est chargée des questions très politiques « qui peuvent diviser la communauté internationale », il fait part de son espoir qu’elle puisse, malgré tout, faire des progrès sur les questions les plus épineuses.

Lors de la reprise de l’examen des utilisations pacifiques de l’espace, plusieurs délégations se sont à nouveau centrées sur la question de la réglementation internationale régissant les activités dans l’espace extra-atmosphérique, nombre d’entre elles s’accordant pour dire qu’elle est insuffisante.

« Cette Commission et ses sous-commissions doivent réagir et trouver des solutions rapidement », a lâché le délégué de l’Ukraine en pointant des évolutions majeures telles que la privatisation de certaines activités ou l’émergence de nouvelles puissances spatiales. 

La question des utilisations commerciales et asymétriques de l’espace extra-atmosphérique a également été soulevée, la délégation de Cuba déplorant une commercialisation « effrénée et élitiste » de l’orbite géostationnaire, alors même que cette ressource naturelle limitée est menacée de saturation.

Constatant qu’il est désormais possible, pour un État, de s’auto-accorder le droit d’autoriser ses propres compagnies privées à commercialiser la récupération des ressources spatiales, le représentant de la Fédération de Russie a abondé dans son sens, avertissant que les tentatives d’un État d’exercer une domination exclusive sur l’espace pouvaient avoir des « conséquences négatives » et influencer la manière dont les autres États conduiront leur politique spatiale.

La Fédération de Russie a notamment regretté des « attitudes dommageables » lors de la dernière réunion, à Vienne, du groupe de travail sur la stabilité sur le long terme des activités spatiales.  « Certaines délégations ont soudainement changé leur attitude, beaucoup de commentaires faisaient fi d’ententes antérieures sur le plan de la sûreté et de la sécurité, sous-entendant que les régulations internationales de sûreté des opérations spatiales devraient être exclues du contexte des négociations.  C’est sans doute la première fois que cela a été affirmé aussi brutalement », s’est inquiété le représentant, qui a par ailleurs averti que « l’idéologie de la domination » réduit la capacité des États à communiquer de manière effective au sujet des questions liées à la sécurité de l’espace.

Le délégué de Singapour a souligné, pour sa part, que pour veiller à ce que l’espace extra-atmosphérique soit utilisé à des fins uniquement pacifiques, il importe de mettre au point des normes internationales fortes et disposer d’un consensus le plus robuste possible.  À ce propos, il a estimé que le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) était une plateforme incontournable pour œuvrer à l’élaboration des volets techniques et juridiques de normes internationales sur l’espace. 

Les délégations du Bangladesh, de Singapour, d’El Salvador, du Nigéria et de Cuba ont par ailleurs toutes mis en évidence l’intérêt d’utiliser les technologies spatiales pour prévenir et répondre aux catastrophes naturelles, l’Arabie saoudite ayant également réclamé un cadre pour assurer la sécurité de l’utilisation de l’énergie nucléaire dans l’espace

En début de séance, M. Hak-Fan Lau, du Département de l’information (DPI) a par ailleurs exprimé ses sincères regrets et présenté ses excuses aux délégations pour l’erreur commise dans le communiqué du 5 octobre, où une intervention a été attribuée à tort à M. Ahmed Boukhari, du Front Polisario.

La Quatrième Commission poursuivra ses travaux mardi 17 octobre, à partir de 15 heures.

ALLOCUTION DU PRESIDENT DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

La Quatrième Commission est la seule à comporter l’« adjectif spécial », ce qui reflète son caractère unique, a entamé M. MIROSLAV LAJČÁK, Président de l’Assemblée générale.  Selon lui, trois objectifs doivent guider ses travaux.  Il a tout d’abord appelé la Quatrième Commission à refléter les réalités du présent.  La Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a été rédigée à une époque bien différente de la nôtre et le monde n’est toujours pas conforme à ce qu’elle demande, a-t-il constaté.  Il a appelé à garantir le statut des 17 territoires non autonomes en se basant sur le droit à l’autodétermination et en utilisant tous les outils dont dispose la communauté internationale, y compris la Charte des Nations Unies.  Le Président de l’Assemblée générale a également souhaité que la Commission accorde une attention particulière à la question du déminage, car « même si les conflits ont eu lieu il y a longtemps, leurs effets se font encore ressentir aujourd’hui ».  Il a aussi demandé à ne pas minimiser la question de l’information, engageant les délégations à fournir les informations les plus mises à jour.

M. Lajčák a ensuite engagé la Commission à faire preuve d’un plus grand dynamisme, notant le rôle qu’elle a à jouer en matière de prévention des conflits.  Il a rappelé que la Commission avait déjà montré sa capacité à ce niveau, ses travaux ayant, par exemple, permis d’élaborer des normes et des standards sur la question des radiations nucléaires.  Il a aussi souligné l’importance des travaux sur les utilisations pacifiques de l’espace et s’est dit convaincu qu’ils vont se poursuivre dans les prochaines années.  Il a aussi mis en évidence le rôle de la Commission dans le renforcement des politiques spéciales et des opérations de maintien de la paix.

Enfin, le Président de l’Assemblée générale a insisté sur le fait que les différences politiques ne devaient pas empêcher les membres de la Commission d’assumer leurs responsabilités vis-à-vis des peuples qui sont confrontés aux réalités du terrain.  Il s’est félicité que plus de 100 pétitionnaires aient pris la parole au cours de cette session, ce qui selon lui prouve la pertinence de la Commission.  Il a aussi fait explicitement référence au rapport du Secrétaire général sur l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et a réitéré l’appel à assurer son financement pérenne.  « Je compte sur vous », a-t-il affirmé.  Il a conclu en rappelant que la Commission est chargée de questions très politiques qui peuvent diviser la Communauté internationale.  « Vous recevrez chacun des instructions très différentes de votre capitale.  Ce n’est pas une commission spéciale pour rien », a-t-il lancé.  Il a ensuite espéré que la Commission puisse, malgré tout, faire des progrès, même sur les questions les plus épineuses.

ALLOCUTION DU DÉPARTEMENT DE L’INFORMATION – (DPI)

M. HAK-FAN LAU, Département de l’information – (DPI), a exprimé ses sincères regrets et présenté ses excuses aux délégations pour l’erreur commise dans le communiqué du 5 octobre, où une intervention a été attribuée à tort à M. Ahmed Boukhari, du Front Polisario.  Il a expliqué que cette erreur était due au grand nombre de pétitionnaires étant intervenus lors de cette séance, dans un ordre qui ne correspondait pas à la liste prévue pour cette séance.  Il a indiqué que le DPI avait déployé un nouveau système pour éviter que de telles erreurs se reproduisent.  Il a rappelé que le DPI prenait « très au sérieux » sa tâche et que la précision était « essentielle », soulignant que le DPI avait produit « 4 100 communiqués de presse, équivalents à 18 000 pages en 2016 ».  « Nous vous remercions de votre compréhension et de votre appui », a-t-il conclu.  Aucune délégation n’a souhaité faire de commentaires après cette intervention.

Le Président de la Commission a ensuite souligné qu’une erreur « pouvait avoir des conséquences politiques » et remercié le représentant du DPI d’être venu donner ces explications.

Question de procédure

Le Président de la Quatrième Commission a indiqué que certaines délégations avaient soulevé des objections, quant à l’opportunité de se prononcer lors de cette séance sur un projet de décision (A/C.4/72/L.8) portant sur l’« élection des membres du Bureau désigné pour les bureaux du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique et de ses organes subsidiaires pour la période 2018/2019 », s’interrogeant lui-même sur la compétence de la Quatrième Commission sur ce sujet.

La représentante du Canada a indiqué que le Canada, parrain de ce projet de décision, ne demandait pas à la Quatrième Commission d’élire des candidats, mais de respecter les candidats choisis par les groupes régionaux spécifiques, expliquant qu’en raison de l’absence de consensus au sein du COPUOS, celui-ci avait proposé un vote à la Quatrième Commission.

À cela, le Président de la Quatrième Commission a indiqué ne pas comprendre pourquoi il faudrait prendre une décision aujourd’hui et pas avec les autres projets de résolution ou de décision.

Plusieurs délégations, ont alors argué qu’il était nécessaire de se prononcer le plus vite possible sur cette question, le Royaume-Uni ayant notamment souligné que le COPUOS ne pouvait pas fonctionner sans Bureau.  « Les décisions des organes subsidiaires ont toujours été entérinées par la Quatrième Commission », a renchéri le représentant du Chili qui a évoqué une « situation étrange ».  « Nous sommes dans une situation où il n’y a pas eu de consensus sur les candidats des cinq groupes régionaux, nous avons donc décidé de poursuivre le débat ici, devant la Quatrième Commission, avec une prise de décision de la Quatrième Commission », ont expliqué pour leur part les États-Unis.

Les représentants de l’Égypte, de la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran ainsi que de l’Iraq se sont toutefois opposés à ce que la Commission se prononce sur ce texte aujourd’hui, faisant observer qu’il avait été prévu qu’elle le fasse le 17 octobre.  « Cela permettra à tout le monde de présenter ses positions », a commenté le représentant de l’Algérie, appuyé par l’Arabie saoudite.  La Mauritanie a également souhaité que le projet de décision soit examiné à la date prévue.  « On demande à la Quatrième Commission une décision indirecte, puisqu’il n’y pas eu de consensus à Vienne, c’est inhabituel », a commenté pour sa part le représentant du Venezuela.

Le Canada ayant alors indiqué qu’il n’avait pas d’objection à un report, le Président de la Quatrième Commission a fait part de son souhait de respecter le programme de travail, indiquant que la Quatrième Commission se prononcerait le 17 octobre sur le projet de décision L.8.

COOPÉRATION INTERNATIONALE TOUCHANT LES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L’ESPACE (A/72/20, A/C.4/72/L.2, A/C.4/72/L.3, A/C.4/72/L.4 ET A/C.4/72/L.8)

Suite des déclarations

M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh), a plaidé pour l’élaboration d’un régime juridique fort en vue de partager équitablement les bénéfices de l’espace pour l’humanité et a souligné combien les technologies spatiales participaient à la réalisation des objectifs de développement durable.  Il a rappelé que son pays était très exposé aux répercussions des changements climatiques et que son gouvernement constatait l’importance du rôle des technologies spatiales.  Il a indiqué que son pays va lancer, pour la première fois, à la fin de 2017, son propre satellite qui pourra fournir des services à tous les pays d’Asie du Sud, ainsi que plusieurs pays d’Asie centrale et de l’Est.  Le Bangladesh essaie aussi de mettre en place une gestion des opérations commerciales de ce satellite.

Il a ensuite appelé le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) à rester attentif à la question de l’allocation et du partage équitable de l’orbite et du transfert des technologies, en particulier pour les pays les moins avancés.  Il a affirmé son appui aux efforts de prévention d’une course aux armements dans l’espace, et a plaidé pour un instrument juridique négocié dans le cadre de la Conférence du désarmement.  Il a souligné la responsabilité commune mais différenciée des États Membres concernant les débris spatiaux, et a rappelé qu’il fallait rester attentif aux États Membres qui ont des capacités limitées dans tout exercice d’établissement de normes.

M. ABDULLAHI TUKUR ABDULLAHI (Nigéria) a rappelé le droit des États à exploiter pacifiquement l’espace extra-atmosphérique, soulignant que l’espace offrait de nouvelles innovations et de nouveaux services pour la gestion des ressources, la protection de l’environnement et l’atténuation de la pauvreté.  Il a aussi souligné le rôle des technologies spatiales pour la réalisation des objectifs de développement durable, insistant sur l’importance d’un usage pacifique de l’espace.

Le représentant a ensuite salué le processus menant au Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50), insistant sur son rôle pour renforcer la mise en œuvre des 17 objectifs de développement durable et les efforts déployés pour réduire l’impact des catastrophes naturelles.

Il s’est également félicité de la promotion de la coopération régionale et internationale dans ce domaine, en particulier le rôle fondamental joué, selon lui, par le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique pour développer la transparence, la confiance et l’usage pacifique de l’espace extra-atmosphérique.  « Il convient de favoriser la coopération entre les États pour améliorer les techniques et fournir une vie meilleure aux populations », a-t-il insisté.  Il a par ailleurs demandé une surveillance des États qui pourraient se livrer à une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

M. FAHAD S. S. ALHARBI (Arabie saoudite) a indiqué que le Royaume avait un programme spatial ambitieux axé sur la mise en orbite de satellites visant à maximiser et favoriser le développement de la région, notamment dans les domaines de la télédétection, des systèmes GPS, de l’agriculture, de la gestion de l’eau, de l’éducation à distance ou encore de l’appui logistique.  Il a rappelé que son pays avait adhéré au Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 dont les principes fondamentaux, a-t-il indiqué, sont conformes avec la conviction de l’Arabie saoudite que le droit de l’espace est essentiel et que les techniques spatiales doivent être mises au service de la paix et la sécurité.  Il a appelé à assurer la non-militarisation de l’espace et adopter des mesures pour empêcher que des armes nucléaires n’y soient déployées.  Il a également souligné que l’objectif fondamental de la coopération internationale doit être de faciliter l’accès de tous les États à l’espace sur un pied d’égalité, avec une utilisation raisonnée des orbites géostationnaires.

Le représentant a ensuite indiqué que le nord de l’Arabie saoudite avait récemment connu de graves inondations qui ont provoqué d’importantes pertes.  Le centre de télédétection du Royaume a pu fournir des images satellites essentielles aux services de sauvetage pour leurs permettre de localiser les lieux touchés et aider les victimes.  Le centre a également pu être utilisé pour prévenir d’autres inondations rapides.  Le délégué a par ailleurs appelé les États Membres à coopérer pleinement pour limiter la quantité de débris spatiaux sans menacer les capacités spatiales des pays en développement, les encourageant notamment à mettre en œuvre les lignes directrices sur les débris spatiaux.  Il a également exhorté à mettre en place un cadre pour assurer la sécurité de l’utilisation de l’énergie nucléaire dans l’espace.  « C’est fondamental », a-t-il souligné. 

M. LIM TONG HAI (Singapour) a déclaré que pour que l’espace extra-atmosphérique soit utilisé à des fins uniquement pacifiques, il fallait mettre au point des normes internationales fortes et disposer d’un consensus le plus robuste possible.  À ce propos, il a estimé que le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) était une plateforme incontournable pour œuvrer à l’élaboration des volets techniques et juridiques de normes internationales sur l’espace.  Par ailleurs, le représentant a attiré l’attention sur le rôle que pourraient jouer les petits États dans la promotion des utilisations pacifiques de l’espace.  Il a évoqué les travaux menés par le Bureau des industries et technologies spatiales de Singapour, lequel, depuis 2013, promeut aux côtés des universités et des entreprises spécialisées le développement des applications de techniques spatiales aux activités quotidiennes.  Grâce aux actions entreprises dans le cadre de ce bureau, Singapour a procédé, en 2015, au lancement de quatre satellites à partir de l’Inde pour aider à la gestion des catastrophes à travers l’Asie du Sud-Est, a-t-il dit.

M. RAIMUNDO GONZÁLEZ ANINAT (Chili), a constaté que le Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50), marquera un « point culminant » dans les travaux concernant les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique. « L’observation et la collecte de données par les satellites sont des ressources essentielles pour de nombreux pays et peuvent leur permettre d’augmenter le développement humain » a-t-il souligné, en demandant de prévoir des mesures d’incitation, pour la coopération régionale et internationale.  Il a aussi appelé à combler les lacunes sur le plan juridique, notamment pour contrer la course aux armements, mais en s’appuyant sur les normes existantes, la Charte des Nations Unies se fondant par exemple, a-t-il relevé, sur des clauses ouvertes et évolutives.  Il a aussi demandé de veiller à plus de synchronisation entre les normes du droit international, et pas seulement celles qui concernent spécifiquement l’espace.  Il a parlé d’un droit international fracturé, constant qu’il existe une énorme quantité de traités sur l’environnement ou l’armement qui ne peuvent pas toujours fonctionner en harmonie.  Enfin, il a insisté sur le fait que la divulgation démocratique des connaissances était cruciale. 

M. MAXIM V. MUSIKHIN (Fédération de Russie) a souligné que l’établissement de règles pour le développement à long terme des activités spatiales était de la plus haute importance.  « Cette Commission ne peut pas s’offrir le luxe de résultats négligeables », a-t-il même asséné.  Il a indiqué que depuis plus d’un an, il semblait que la viabilité du processus de négociation avait enfin été assurée. Aussi le représentant de la Russie a-t-il regretté des attitudes dommageables lors de la dernière réunion, à Vienne, du groupe de travail sur la stabilité sur le long terme des activités spatiales.  « En toute franchise, ce que nous avons entendu là-bas ne nous a pas enchantés.  Certaines délégations ont soudainement changé leur attitude, beaucoup des commentaires faisaient fi d’ententes antérieures sur le plan de la sûreté et de la sécurité, sous-entendant que les régulations internationales de sûreté des opérations spatiales devraient être exclues du contexte des négociations. »  C’est sans doute la première fois que cela a été affirmé aussi brutalement, s’est inquiété le représentant qui a par ailleurs signalé que même si on trouve par la suite le moyen d’achever le travail, le document final sera dépourvu de nombre des dispositions essentielles permettant aux États d’élaborer un système commun de conception relatives à la sécurité des opérations spatiales.

Étant donné les enjeux de sécurité posés par les objets en orbite autour de la Terre, la Russie favorise la création d’un groupe de travail scientifique et technique pour étudier cette question et a formulé une proposition spécifique à cette fin. Le représentant a toutefois précisé que la création d’un tel groupe ne fera sens que si un accord peut être trouvé en 2018 sur les aspects clefs de la sécurité des opérations spatiales.

Sur la question de l’usage pacifique de l’espace, la Russie a regretté que la Commission n’ait pu aboutir à des actions concrètes et a estimé qu’il était temps, pour les États, de faire preuve d’un peu de volonté politique sur ce sujet.  Le représentant a notamment appelé les États à se pencher sur les différences d’interprétation du droit à la légitime défense dans l’espace.  « Les États pourraient discuter, a poursuivi le représentant, de ce qui définit une intention ou un acte hostile, en considération du fait que la seule présomption d’intention pourrait donner raison, à certains États, d’exercer leur droit à la légitime défense dans le respect des doctrines actuelles. »

Déplorant qu’il n’existe pas, à cette heure, de règles réalistes et raisonnables décrivant un concept intégré de gestion du trafic spatial à l’échelle internationale, le représentant de la Russie a appelé à une interaction entre tous les États souverains pour déboucher sur une régulation internationale de ce type. Il a notamment proposé la création d’une plateforme de partage d’information placée sous l’égide des Nations Unies qui concentrerait toutes les données sur les objets et évènements spatiaux, y voyant un prérequis important pour la gestion du trafic spatial.  Alors que nous sommes les témoins du refus de la part de certains États de réguler la sécurité des opérations spatiales, est-il vraiment pertinent de brandir le slogan « Gestion globale de l’espace », a fait mine de se demander le représentant.

Poursuivant son intervention, le délégué a déploré que certains États privilégient l’unilatéralisme pour réguler les activités dans l’espace extra-atmosphérique, altérant ainsi le sens même de la notion de « non appropriation nationale de l’espace extra-atmosphérique et des corps célestes ».  Un État peut dorénavant prendre des mesures juridiques au niveau national pour s’auto-accorder le droit d’autoriser ses propres compagnies privées à commercialiser la récupération de ressources spatiales, a-t-il signalé.  Il a prévenu qu’une telle attitude pouvait avoir des conséquences négatives, s’inquiétant également des assertions faites lors de discussions nationales selon lesquelles le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 serait inadéquat pour promouvoir les initiatives privées spatiales.  « On ne peut donc pas exclure qu’un jour, quelqu’un affirme que le Traité, strictement parlant, définit des principes pour diriger les activités des États dans l’espace mais pas celles des sociétés privées », a-t-il souligné.

Constatant que les tentatives, de la part d’un État, d’exercer une dominance exclusive sur l’espace influera sur la manière dont les autres États conduiront leurs politiques spatiales, le représentant russe a ensuite averti que « l’idéologie de la domination » réduit la capacité des États à communiquer de manière effective au sujet des questions liées à la sécurité de l’espace.

M. OLEKSIY ILNYTSKYI (Ukraine) a souligné que le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) joue un rôle majeur dans la coopération internationale en matière d’exploration spatiale, et a appuyé le renforcement de son rôle stratégique.  Le représentant a constaté des évolutions majeures ces dernières années, comme la privatisation de certaines activités, l’émergence de nouvelles puissances spatiales ainsi qu’une dépendance accrue à ces activités.  Il a indiqué que cette évolution est assortie de défis, liés notamment à la gestion des débris spatiaux, à la redéfinition de l’espace, et à la responsabilité des États, que l’état actuel de la régulation spatiale ne permet pas de relever.  « Cette Commission et ses sous-commissions doivent réagir et trouver des solutions rapidement », a lâché le délégué.  Il a estimé, à ce titre, que de nouvelles discussions ne pourront pas s’engager tant qu’un document combinant les cinq traités spatiaux existants avec des éléments additionnels ne sera pas produit.  Il a ensuite souligné l’utilité du Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence (UN-SPIDER), et exhorté tous les pays à améliorer leur coordination pour garantir l’accès aux données spatiales permettant de mieux réagir aux situations d’urgence.

M. HECTOR ENRIQUE JAIME CALDERÓN (El Salvador) a indiqué que l’année 2017 marque un tournant dans le domaine du droit de l’espace avec la célébration du cinquantième anniversaire du Traité sur l’espace extra-atmosphérique, ratifié à ce jour par 104 États, ce qui, a-t-il souligné, réaffirme son caractère indiscutablement universel.  Il a dit sa conviction que les activités spatiales contribuent au développement socioéconomique et à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il a aussi estimé qu’UNISPACE+50 sera l’occasion de convenir de mesures et de moyens tendant au renforcement des priorités en matière spatiale.

M. Jaime Calderón a souligné que l’un des principaux objectifs du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) est de promouvoir la durabilité des activités de l’espace extra-atmosphérique de sorte à ce que les futures générations puissent également bénéficier de l’accès à l’espace.  Pour cette raison, il a jugé essentiel de ne pas y placer des armes.  Dans ce sens, il a salué la réunion conjointe tenue hier par la Première et la Quatrième Commissions.

Au niveau national, il a mis en exergue l’utilisation de la technologie spatiale aux fins d’adaptation aux changements climatiques, compte tenu de la vulnérabilité de l’environnement de son pays.  Il a aussi salué les initiatives prises dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence.   

M. HUMBERTO RIVERO ROSARIO (Cuba) a affirmé la militarisation de l’espace constitue la plus grande menace pour l’avenir du genre humain, et la législation actuelle est insuffisante et lacunaire à cet égard.  Il a appelé à adopter un instrument juridique efficace qui interdirait le déploiement d’armes dans l’espace, sur la base d’une coopération entre la Conférence du désarmement et le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS).  Le projet sino-russe de traité juridiquement contraignant de prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique est à son avis une bonne base pour les négociations.

Le représentant de Cuba s’est ensuite longuement attardé sur la question de l’orbite géostationnaire, rappelant qu’elle est une ressource naturelle limité et menacée de saturation.  Il a insisté sur un accès équitable qui prenne en compte les besoins des pays en développement, car l’orbite géostationnaire leur offre des « opportunités exceptionnelles ».  Il a déploré sa commercialisation « effrénée et élitiste » par certains États et organismes privés.  Il a souligné que l’orbite géostationnaire devait uniquement être utilisée dans le cadre juridique mis en place par les Nations Unies.

M. Rivero Rosario s’est aussi préoccupé du volume de travail et du temps limité dont dispose le groupe qui travaille sur la viabilité à long terme des activités spatiales. Il a également appelé à redoubler d’efforts pour faciliter l’accès des pays en développement aux technologies spatiales, à travers une coopération efficace et le transfert des connaissances scientifiques et technologiques.  Cuba, malgré le cruel blocus qu’elle subit, accorde une importance croissante aux utilisations pacifiques des technologies spatiales, a poursuivi le représentant, citant la prévision des catastrophes naturelles tels que les cyclones, les raz de marée, les incendies de forêt.  Pour lui, c’est dans ces domaines, de même que dans celui de la santé humaine et de l’éducation, que la communauté internationale doit concentrer ses efforts s’agissant des technologies spatiales.

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