Avec huit abstentions, le Conseil de sécurité n’a pas pu adopter le projet de résolution recommandant un embargo sur les armes et des sanctions ciblées au Soudan du Sud
Le Conseil de sécurité n’a pas réussi à adopter, ce matin, un projet de résolution sur le Soudan du Sud proposé par les États-Unis qui visait à imposer un embargo sur les armes, ainsi que des sanctions ciblées contre trois dirigeants de ce pays. Sept de ses membres seulement ont voté en faveur du texte (Espagne, États-Unis, France, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Ukraine et Uruguay) tandis que les huit autres se sont abstenus (Angola, Chine, Égypte, Fédération de Russie, Japon, Malaisie, Sénégal et Venezuela).
Quatre jours après le nouvel appel du Secrétaire général de l’ONU en faveur d’un embargo sur les armes au Soudan du Sud, la représentante des États-Unis a exhorté les membres du Conseil de sécurité d’utiliser un embargo sur les armes et des sanctions ciblées pour mettre fin à la culture de l’impunité et réduire le niveau de violence au Soudan du Sud. La majorité des membres du Conseil ont expliqué qu’elles avaient rejeté le recours aux sanctions car l’avis donné par les organisations et pays de la région n’avait pas été suivi. L’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), appuyé en ce sens par l’Union africaine, avait clairement indiqué que les sanctions seraient contre-productives.
« Les membres du Conseil qui appartiennent à la région sont les mieux placés pour comprendre la situation sur le terrain », a estimé le représentant de l’Égypte tout en précisant que ces membres n’ignoraient pas pour autant l’ampleur de la crise au Soudan du Sud. À l’instar d’autres membres qui se sont abstenus et en reprenant l’avis de l’IGAD, il a estimé que les sanctions se sont révélées inefficaces sur le terrain.
Le représentant du Venezuela a expliqué que sa délégation avait de graves réserves en général sur les embargos sur les armes, compte tenu des expériences passées dans d’autres situations. C’est pourquoi le Venezuela, a-t-il dit, adopte une position de principe sur ce sujet selon laquelle ces mesures sont un outil et non une fin en soi; elles ne peuvent avoir un effet positif que si elles sont liées à une stratégie politique librement définie.
Le représentant de l’Angola a fait remarquer que le Gouvernement sud-soudanais avait récemment démontré sa volonté d’appliquer les mesures adoptées par le Conseil de sécurité, notamment le déploiement de la Force de protection régionale. « Au lieu d’adopter des sanctions, le Conseil devrait plutôt assurer le suivi des mesures positives que le Gouvernement du Soudan du Sud vient d’annoncer », a-t-il suggéré. Son homologue du Sénégal a, lui aussi, plaidé pour que ce pays soit accompagné dans sa quête de stabilité et de paix durable.
« Le Conseil de sécurité devrait adopter une approche plus constructive, au lieu de menaces et de punitions », a estimé le représentant du Soudan du Sud invité à s’exprimer à la table du Conseil. Il a jugé regrettable la présentation de ce projet de résolution, en rappelant qu’il avait personnellement présenté au Conseil les actions et efforts positifs de son gouvernement en vue de relever de nombreux défis auxquels le pays se heurte et d’appliquer les résolutions du Conseil, en particulier celle qui prévoit le déploiement de la Force régionale de protection.
La représentante des États-Unis, qui avait proposé ce texte, a prévenu les membres du Conseil en déclarant: « nous aurons cela sur notre conscience ». Mme Samantha Power n’a pas hésité à rappeler à la mémoire de ses collègues ce qui s’est passé au Rwanda et à Srebrenica, en espérant que l’on parviendra quand même à une reddition de comptes concernant la situation terrible au Soudan du Sud.
Elle a reproché à ceux qui se sont abstenus de ne pas écouter les appels que le Secrétaire général lance depuis un peu plus d’un an et a réfuté les arguments présentés. À ceux qui souhaitaient prendre des mesures autres que des sanctions, elle a répondu que personne n’avait fait d’autre proposition, laissant ainsi le Conseil dans l’inaction. Or, la situation s’est aggravée de jour en jour, avec des incitations à des violences ethniques sans que les autorités nationales ne réagissent, s’est indignée Mme Power en rappelant que de nombreux hauts fonctionnaires de l’ONU avaient alerté, à plusieurs reprises, sur la gravité de cette situation.
Reconnaissant la responsabilité collective d’éviter un nouveau cycle d’atrocités de masse au Soudan du Sud, le représentant de la France a expliqué pourquoi un embargo aurait pu être un instrument au service du processus politique. « En altérant les calculs de ceux qui privilégient encore la solution militaire, a-t-il dit, l’embargo aurait pu favoriser le camp de la paix. » La solution durable aux violences que connaît le Soudan du Sud ne saurait être que politique, a-t-il rappelé.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Déclarations
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a exhorté les membres du Conseil de sécurité à utiliser un embargo sur les armes et des sanctions ciblées pour mettre fin à la culture de l’impunité et réduire le niveau de violence au Soudan du Sud. Certains membres, a-t-elle constaté, n’ont pas écouté les appels que le Secrétaire général lance depuis un peu plus d’un an. Elle a réfuté les fausses allégations qui avaient été avancées ces jours derniers. Certains ont estimé, tout d’abord, qu’il faudrait soit un embargo sur les armes, soit des sanctions ciblées, mais pas les deux à la fois. Nous avons dit aux pays qui se sont abstenus que nous étions ouverts à faire l’un ou l’autre, pour lutter contre l’impunité, mais on nous a répondu qu’une telle modification du texte ne garantissait pas son adoption, a-t-elle expliqué.
Certains ont fait observer qu’il faudrait prendre des mesures autres que des sanctions. La délégation qui a fait cette déclaration, ni celles qui se sont abstenues, n’ont pas proposé la voie à suivre, a indiqué Mme Power. Elle a constaté que personne n’avait présenté d’autre proposition, finalement, nous sommes confrontés à l’inaction et « tournons en rond ». Au mois de juillet, nous avions demandé un accès sans entrave pour livrer les secours humanitaires à une population en grave situation d’insécurité alimentaire. Nous avons demandé de respecter la liberté de mouvement, mais le Gouvernement du Soudan du Sud n’a pas donné son autorisation. La situation s’est aggravée de jour en jour, avec des incitations à des violences ethniques sans que les autorités nationales ne réagissent, a rappelé Mme Power.
Elle a aussi fait remarquer qu’une série de hauts fonctionnaires de l’ONU avaient tous déclenché leurs sirènes d’alarme. Le feu était au rouge, et non pas orange, a-t-elle martelé. Le Secrétaire général a également lancé un appel. Or, depuis trois mois, il y a chaque jour 3 000 personnes qui se déplacent. Certes, l’embargo sur les armes n’aurait pas tout résolu, mais il aurait eu un certain effet, même s’il y avait eu une certaine part de contrebande, a-t-elle noté. Mme Power a expliqué que les sanctions proposées visaient trois dirigeants qui ont un lourd passé de violences ethniques contre les civils. L’un d’entre eux a même décrit la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) comme une partie au conflit.
Nous savons que nous envoyons un message d’impunité depuis longtemps, a-t-elle estimé, en prévenant que « nous aurons cela sur notre conscience ». Nous savons que certaines personnes de bonne volonté voudraient changer de cap, mais cela n’est pas encore possible. Elle s’est demandé si on allait rester les bras croisés. Les membres du Conseil de sécurité qui n’ont pas soutenu ce texte ont tort, a-t-elle affirmé, en soulignant que ce sont les civils qui vont en payer le prix. Évoquant ce qui s’est passé au Rwanda et à Srebrenica, elle a espéré que chacun justifierait sa réaction en entendant les informations qui vont être rendues publiques sur les violations. Nous allons sans relâche demander la reddition de comptes, a-t-elle répété avant de conclure.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé que, depuis le début du conflit au Soudan du Sud qui a commencé il y a trois ans, les civils ont été la cible de violences et d’exactions innommables, abondamment documentées par les Nations Unies, l’Union africaine et les organisations de la société civile. « La situation au Soudan du Sud reste aujourd’hui l’une des plus graves que nous connaissons », a-t-il fait remarquer, en soulignant les dramatiques conséquences humanitaires et la situation sécuritaire volatile. Il a rappelé que le Conseil de sécurité avait été averti au cours des dernières semaines des risques de reprise et d’aggravation d’un cycle de violences accompagné d’atrocités de masse. Regrettant que le projet de résolution n’ait pas pu recueillir les soutiens nécessaires au sein de ce Conseil pour être adopté, il a réitéré le soutien de sa délégation à la mise en place d’un embargo sur les armes au Soudan du Sud. « Nous regrettons que cette mesure n’ait pas été proposée plus tôt, à des moments où elle aurait pu bénéficier d’un large soutien au sein du Conseil », a-t-il ajouté.
Cette mesure est pleinement justifiée par l’impératif de protection des civils, compte tenu de l’afflux continu d’armes au Soudan du Sud qui tombent aux mains des adversaires de la paix, a estimé le représentant. Pour lui, il est de la responsabilité du Conseil de tout faire pour diminuer ce risque et l’embargo sur les armes y aurait certainement contribué. M. Delattre a considéré que cet embargo aurait également pu être un instrument au service du processus politique, en favorisant le camp de la paix. Son influence positive sur le niveau de violence aurait pu permettre de créer un environnement propice à un dialogue politique apaisé. Évoquant l’unanimité dont a fait preuve le Conseil pour renouveler le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) il y a quelques jours, le représentant de la France a émis l’espoir que le Conseil saurait retrouver une telle unanimité pour venir en aide aux populations du Soudan du Sud. Il a fait référence à sa « responsabilité collective » qui consiste à éviter un nouveau cycle d’atrocités de masse au Soudan du Sud, sur lequel le Secrétaire général des Nations Unies nous a mis en garde, et d’y créer les conditions pour enclencher une dynamique positive.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a estimé qu’aujourd’hui, nous avions la possibilité d’endiguer le flux des armes et de viser des personnes au sommet du Gouvernement et de l’opposition du Soudan du Sud. Au lieu de cela, nous n’avons rien fait, s’est-il indigné en invitant les délégués à interroger leur conscience. N’oublions pas que des atrocités ont déjà été commises au Soudan du Sud. Si nous nous sommes félicités de l’engagement des dirigeants envers un dialogue inclusif, la réalité n’a pas suivi et la situation humanitaire s’est aggravée, a-t-il fait remarquer. « Nous avons failli à notre devoir aujourd’hui », ce qui fait peser un poids encore plus lourd sur nos épaules.
M. WU HAITAO (Chine) a rappelé que le Président Salva Kiir avait annoncé récemment l’organisation d’un dialogue national tandis que l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a également pris des engagements en faveur de la paix dans le pays. Il a appelé à soutenir ces initiatives, en expliquant que sa délégation n’était pas d’avis qu’il faille utiliser des sanctions pour faire pression sur les acteurs politiques nationaux. Le représentant a relevé qu’une telle initiative n’avait pas l’assentiment de l’IGAD, en avertissant que les actions du Conseil ne devraient pas aller à l’encontre des avis de l’IGAD et de l’Union africaine. Il a annoncé que la Chine avait récemment dépêché un émissaire au Soudan du Sud afin de faciliter le dialogue entre les parties en conflit.
« N’êtes-vous pas en train d’utiliser le Conseil de sécurité pour vos intérêts nationaux en voulant imposer des sanctions au Soudan du Sud? » a lancé M. PETR V. ILIICHEV, de la Fédération de Russie, en s’adressant à son homologue des États-Unis. Il a jugé cynique la présentation d’un texte qui ignore les positions des autres membres du Conseil de sécurité, et encore moins celle des pays de la région où se déroule le conflit. « Vous n’avez pas non plus tenu compte de la position des pays fournisseurs de contingents et des possibles répercussions qu’une telle résolution aurait eu sur les relations entre le Gouvernement du Soudan du Sud et la MINUSS », s’est de nouveau indigné le délégué russe.
Il a rappelé que le Président Salva Kiir du Soudan du Sud venait d’annoncer l’organisation d’un dialogue national et accepté le déploiement des troupes de la Force régionale de protection. Prendre des sanctions contre les dirigeants du pays et de l’opposition ne pourrait qu’aggraver les divisions interethniques, a expliqué le représentant. Il a fait remarquer que, dans le processus d’adoption de la dernière résolution qui prorogeait le mandat de la MINUSS, les propositions de toutes les délégations n’avaient pas été prises en compte. Il a ainsi salué le rejet d’un texte qui aurait créé de nouveaux problèmes.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a rappelé que la question de l’embargo sur les armes avait été un sujet d’intenses débats au cours des derniers mois écoulés. Bien qu’il s’agisse d’un problème qu’il faudrait résoudre d’urgence, certaines délégations continuent à plaider pour donner une deuxième chance à la diplomatie. L’Ukraine n’a rien contre, a-t-il commenté, en insistant toutefois sur le fait que le Soudan du Sud est « au bord du chaos », et que le conflit a maintenant touché presque chaque famille, ruinant ainsi tout espoir d’avenir.
À titre d’exemple, le représentant a cité le cas de la ville d’Yei, dans le sud-ouest du pays, considérée jusqu’ici comme l’un des endroits les plus paisibles. « Ce n’est plus le cas maintenant », a fait observer le représentant, qui a aussi fait état de rues désertes, d’écoles et d’hôpitaux fermés, de boutiques et marchés pillés et de soldats gouvernementaux patrouillant les quartiers kalachnikov au poing. Par ailleurs, des zones entières contrôlées par les rebelles sont inaccessibles et plus de la moitié de la population a fui; tandis que ceux qui restent sont tués, violés, arrêtés ou portés disparus en détention.
Mettant la communauté internationale devant ses responsabilités en ce XXIe siècle, il a déclaré qu’il ne faudrait pas que le peuple du Soudan du Sud subisse la même tragédie humaine qu’à Srebrenica, au Rwanda ou à Alep. Avec cette réalité à l’esprit, l’Ukraine a voté contre le projet de résolution, a-t-il indiqué, en se disant convaincu qu’un embargo sur les armes et de nouvelles sanctions ciblées réduiraient la capacité des parties à continuer à attiser le conflit au Soudan du Sud. Il serait certainement utile de faire taire le matériel militaire d’ores et déjà acheté et de cesser de dépenser « désespérément » dans de nouveaux armements des ressources financières si nécessaires à la population. L’embargo sur les armes n’est pas une punition mais une condition préalable à la paix. Un instrument dont le Conseil dispose pour prévenir de nouvelles atrocités, a-t-il voulu.
M. KORO BESSHO (Japon), tout en s’inquiétant de la violence et de la grave situation humanitaire au Soudan du Sud, a néanmoins tenu à noter des progrès depuis fin novembre, en particulier la décision du Conseil des ministres du Gouvernement de transition, le 25 de ce même mois, autorisant un déploiement complet et immédiat de la Force régionale de protection. Dans son allocution devant le parlement, le 14 décembre, le Président Kiir avait appuyé un dialogue national inclusif, a rappelé M. Bessho, en se déclarant encouragé par la manifestation de volonté politique du Président du Soudan du Sud.
Le représentant a cependant souligné l’importance de la mise en œuvre rapide de tels engagements, faute de quoi, le peuple sud-soudanais souffrira encore. Il a jugé « absolument nécessaire » que le Gouvernement de transition traduise rapidement ses engagements en actions concrètes aux fins de prévenir une violence à grande échelle. M. Bessho a également appelé le Gouvernement à coopérer avec la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), notamment par un déploiement rapide de la Force régionale de protection. Compte tenu de la situation actuelle, il a estimé que de nouvelles mesures de sanction n’auraient pas l’effet escompté au moment même où le Gouvernement de transition fait des pas positifs. Il a ainsi invité le Conseil à poursuivre son dialogue avec ce gouvernement à travers des efforts diplomatiques l’encourageant à persévérer. Pour cela, l’Envoyé spécial du Premier Ministre du Japon s’est rendu cette semaine à Djouba pour demander aux dirigeants sud-soudanais, y compris M. Kiir, de répondre à toutes les exigences du Conseil. M. Bessho a expliqué que l’abstention du Japon ne saurait être interprétée comme un soutien au statu quo ou une attitude d’attente passive.
M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a évoqué l’adoption de la résolution sur le Soudan du Sud, la semaine dernière, grâce à un consensus au sein du Conseil de sécurité pour appuyer le Gouvernement de transition de ce pays. Le Conseil est fort lorsqu’il s’exprime d’une seule voix, a-t-il noté. Le délégué a salué le leadership et la solidarité des partenaires régionaux comme l’IGAD et l’Union africaine, qui jouent un rôle crucial dans le dialogue avec les parties dans le processus politique. L’IGAD a assuré, a-t-il rappelé, que le dialogue et la réconciliation sont un engagement de toutes les parties du Soudan du Sud. Il a regretté que la position de l’IGAD et des pays de la région n’ait pas été prise en compte. Il aurait été plus productif, de l’avis de sa délégation, que le Conseil de sécurité utilise son temps et son énergie à travailler avec les autorités sud-soudanaises. La Malaisie a été contrainte de s’abstenir aujourd’hui, a-t-il ainsi expliqué, en appelant les membres du Conseil de sécurité à rester unis sur ce dossier.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pu montrer son unité sur la question du Soudan du Sud. Il a regretté que certains pays demandent au Conseil d’être uni tout en ignorant les avis des membres qui appartiennent à la région et qui sont les mieux placés pour comprendre la situation sur le terrain. Il a ajouté que l’IGAD avait également rejeté l’option d’imposer des sanctions, en expliquant que celles-ci avaient démontré leur inefficacité sur le terrain, même si cette solution semble être retenue par certains acteurs qui ne tiennent pas compte d’actions politiques en faveur de la paix. « Notre abstention, a-t-il expliqué, ne signifie pas que nous ignorons l’ampleur de la crise au Soudan du Sud. » Il a conclu en invitant les acteurs nationaux à agir en faveur de la paix au Soudan du Sud.
M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a expliqué que sa délégation s’était abstenue malgré le fait que la situation au Soudan du Sud exige des mesures urgentes pour parvenir à une stabilisation dans le pays. Il a réaffirmé la position de principe de sa délégation sur les sanctions en soutenant que ces mesures étaient un outil et non une fin en soi. Cet instrument, a-t-il expliqué, ne peut avoir un effet positif que s’il est lié à une stratégie politique librement définie. Il a souhaité que soient conjugués les efforts en faveur du processus politique et, en même temps, que des progrès soient faits en faveur de l’élaboration d’une stratégie claire pour résoudre ce conflit.
Le représentant a ensuite fait sienne la position exprimée par des pays de la région qui veulent éviter que la situation ne s’aggrave. Il a jugé peu logique de demander, à la fois, la mise en œuvre de l’accord et l’imposition de sanctions ciblées à certaines parties à cet accord. Quant aux armes, même s’il existe des flux illicites, ces armes sont présentes dans le pays depuis le conflit avec le Soudan, a-t-il rappelé. « Nous avons de graves réserves en général sur les embargos sur les armes, compte tenu des expériences dans d’autres situations de conflit. » Il a enfin regretté qu’il n’ait pas été possible de préserver l’esprit d’unité du Conseil de sécurité.
M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a expliqué l’abstention de son pays par le fait que le Gouvernement sud-soudanais avait récemment démontré sa volonté à appliquer les mesures adoptées par le Conseil de sécurité, notamment le déploiement de la Force de protection régionale. Au lieu d’adopter des sanctions, le Conseil de sécurité devrait plutôt assurer le suivi des mesures positives que le Gouvernement du Soudan du Sud vient d’annoncer, a-t-il estimé. Les sanctions contre les autorités ne sont pas une priorité, a-t-il poursuivi, tout en précisant que l’ONU devrait plutôt se consacrer à la mise en œuvre de l’Accord de paix. Il a également rappelé que l’IGAD a clairement indiqué que les sanctions seraient contre-productives, et que l’Union africaine partageait en outre cet avis.
M. GORGUI CISS (Sénégal) a expliqué s’être abstenu de voter sur le projet de résolution parce que, tout en condamnant les violations des droits de l’homme au Soudan du Sud, il estime que ce pays a besoin d’être accompagné dans sa quête de stabilité et de paix durable. Cela exige un engagement constant du Conseil de sécurité, avec une démarche unitaire et, surtout, une coordination avec les organisations et les pays de la région, notamment avec l’IGAD. Il a plaidé en faveur d’un dialogue constructif avec le Gouvernement d’unité nationale, en coordination avec l’IGAD et l’Union africaine.
M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a estimé qu’un embargo sur les armes au Soudan du Sud aurait permis de réduire les capacités des parties à poursuivre les hostilités, tout en facilitant le mandat de la MINUSS. Il a invité les autorités nationales sud-soudanaises à assurer la protection de toutes les populations, quelle que soit leur origine ethnique.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a pris note de l’appel du Secrétaire général lancé depuis plus d’un an au sujet du Soudan du Sud et s’est inquiété que le Conseil de sécurité n’ait pas réagi. Il a reconnu les préoccupations exprimées par certains par rapport à un embargo et à des sanctions ciblées mais, a-t-il prévenu, ces mesures ne contribueraient qu’à créer des conditions propices sur le terrain pour le processus en cours. Il a fait remarquer qu’ignorer les avertissements et ne pas contribuer au dialogue n’a pas beaucoup de sens. Au moment où la Nouvelle-Zélande va quitter le Conseil, nous demandons aux autres membres d’agir pour que le Conseil puisse se prononcer de manière unifiée sur la situation au Soudan du Sud, a-t-il lancé.
M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a déclaré que son pays avait voté en faveur du texte présenté par les États-Unis en tenant en considération les propos du Secrétaire général qui avait indiqué qu’un embargo sur les armes et des sanctions ciblées permettraient de réduire la violence dans le pays. Il a rappelé que le Conseil spécial pour la prévention du génocide avait également averti sur les risques de génocide au Soudan du Sud. Il a aussi reconnu que les sanctions n’étaient pas une fin en soi, mais qu’elles auraient permis de réduire la violence dans le pays. Il a, en outre, appelé au déploiement de la Force régionale de protection, indiquant qu’il serait temps de passer des paroles aux actes, et que le Conseil de sécurité attendait de voir se concrétiser les promesses du Gouvernement en faveur d’un tel déploiement.
M. JOSEPH MOUM MAJAK NGOR MALOK (Soudan du Sud) a souligné que les raisons avancées concernant la menace d’un embargo sur les armes et de sanctions résultaient de la frustration et de l’impatience de la communauté internationale face à l’absence de progrès dans la mise en œuvre des mesures tendant à la paix. Il a rappelé qu’il avait personnellement présenté au Conseil les actions et efforts positifs de son gouvernement en vue de relever de nombreux défis auxquels le pays se heurte, et de l’application des résolutions du Conseil, en particulier sur le déploiement de la Force régionale de protection. M. Malok a également signalé que, le 19 décembre 2016, le Président de la République, M. Salva Kiir Mayardit, après avoir lancé le dialogue national, avait publié une ordonnance républicaine portant création d’un Comité de pilotage du dialogue national. Pour toutes ces raisons, le représentant sud-soudanais a qualifié de « malheureuse/inopportune » la présentation du projet de résolution.
Il a ensuite déclaré que le Soudan du Sud avait espéré, en cette phase charnière durant laquelle le Gouvernement de transition fait tout pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil et le déploiement de la Force régionale de protection, que le Conseil de sécurité aurait eu une approche plus constructive, au lieu de menaces et punitions par l’imposition d’un embargo sur les armes et de sanctions ciblées. Il a également déclaré qu’il était « regrettable » que des individus qui sont essentiels pour le processus de paix soient la cible de sanctions visées dans le projet de résolution qui vient d’être rejeté. Une telle mesure montre un manque de bonne foi et ne contribuera qu’à aggraver la situation et à encourager des tensions, des divisions et la méfiance, tout en soulignant que cette situation exige à la fois harmonie et coopération.
Le représentant a réitéré que les mesures punitives tendent à durcir les positions, au contraire de la coopération. Il a argué que l’embargo sur les armes ne fera qu’affaiblir le Gouvernement et renforcer les nombreux groupes et milices armés et ce, pour plusieurs raisons historiques: guerre civile de longue durée qui a mis des armes entre les mains de civils; frontières poreuses rendant mal aisé le contrôle des armes légères et de petit calibre; et, comme souligné dans le rapport du Secrétaire général, « prolifération de groupes armés dans le pays ayant un agenda distinct ». En conclusion, M. Malok a réaffirmé l’attachement de son gouvernement à la pleine application de l’Accord de paix, en coopération avec toutes les parties prenantes pour aboutir à la paix et la stabilité du peuple du Soudan du Sud.