En cours au Siège de l'ONU

7846e séance – après-midi  
CS/12642

Conseil de sécurité: le Secrétaire général plaide pour un embargo sur les armes au Soudan du Sud

Aujourd’hui, au Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’ONU, qui a décrit le Soudan du Sud comme « une des crises les plus urgentes au monde », a réitéré son appel à un embargo sur les armes pour réduire la « capacité de nuisance » de toutes les parties au conflit.  Le représentant sud-soudanais a vu là une proposition « inacceptable », alors que le Coordonnateur des secours d’urgence se demandait ce que le Conseil attend pour prendre des mesures de prévention.

Après la vague d’optimisme, s’est alarmé M. Ban Ki-moon, la plus jeune nation du monde se retrouve plongée dans une nouvelle guerre civile, à cause de dirigeants qui ont trahi la confiance du peuple, faisant preuve de « perversité » pour se maintenir au pouvoir.  Le Secrétaire général a fait part des informations sur une nouvelle offensive militaire du Président Salva Kiir et de ses loyalistes et sur l’escalade militaire du côté de M. Riek Machar et des autres groupes d’opposition.

Le moment est venu, a estimé M. Ban Ki-moon, de mettre la population du Soudan du Sud, et non leurs dirigeants, au centre de toutes les stratégies.  Je suis fermement convaincu, a-t-il confié, que l’embargo sur les armes est le meilleur moyen de progresser car il serait de nature à renforcer et non à miner le processus politique.  Il faut prendre toutes les mesures nécessaires pour bloquer les flux d’armes vers le Soudan du Sud et « si nous échouons, le pays prendra la direction des atrocités de masse », a prévenu le Secrétaire général, en exhortant le Conseil de sécurité à « agir maintenant », conformément à ses responsabilités.

Si une solution politique n’est pas trouvée pour mettre fin aux violences, la crise humanitaire ne fera que s’aggraver et à un rythme que personne ne pourra contrôler, même pas le Conseil de sécurité, a renchéri le Coordonnateur des secours d’urgence.  Rappelant les propos du Conseiller spécial pour la prévention du génocide et la promesse du « plus jamais ça » après Srebrenica et le Rwanda, M. Stephen O’Brien s’est demandé: « de quels autres éléments le Conseil a-t-il besoin pour prendre des mesures de prévention? »  « Combien de vies, combien de femmes, d’hommes et d’enfants pourrions-nous sauver si le Conseil et ceux qui ont de l’influence sur les parties agissent de manière décisive aujourd’hui? »

Mais nier au Gouvernement les moyens d’assumer ses responsabilités revient à saper sa souveraineté, « ce qui est totalement inacceptable », a prévenu le représentant du Soudan du Sud, qui a vu dans l’idée de l’embargo sur les armes le refus de faire la distinction entre un gouvernement légitimement élu et une rébellion armée qui tente de le renverser.  Après avoir nié toute velléité de son gouvernement de s’en prendre à une ethnie ou à une communauté, le représentant a insisté sur le fait que ledit gouvernement a justement accepté le déploiement « sans conditions » de la force de protection régionale et lancé un dialogue national ouvert à toutes les parties prenantes qui a été rejeté par M. Riek Machar. 

« Même si les tensions ethniques étaient au paroxysme, pourquoi conclure qu’elles sont le fait d’une initiative planifiée du Gouvernement? » s’est demandé le représentant de la Fédération de Russie.  Comment se fait-il que le Secrétaire général dit craindre une offensive militaire alors que le Gouvernement sud-soudanais a affirmé qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une rotation routinière de ses troupes?  Le représentant russe a dit avoir l’impression que certains veulent se débarrasser du Président Salva Kiir, en s’attaquant à ses proches et en agitant la menace des sanctions.

L’embargo sur les armes, s’est défendu son homologue de la France, n’est ni une mesure punitive ni un levier pour obtenir des gains politiques.  « C’est une mesure de bon sens. »  Comment peut-on prétendre que l’afflux d’armes pourrait être positif, s’est indignée la représentante des États-Unis.  « La situation s’aggrave et nous restons les bras croisés », alors que 3 millions de Sud-Soudanais sont déplacés ou réfugiés, que la moitié du pays fait face à une insécurité alimentaire et que les violations des droits de l’homme sont devenues monnaie courante.  « L’une des définitions de la folie est de faire toujours la même chose en s’attendant à un résultat différent », a-t-elle diagnostiqué, devant « le risque de génocide ».

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Déclarations

M. BAN-KI MOON, Secrétaire général de l’ONU, a dit que la détérioration de la situation du Soudan du Sud en faisait une des crises les plus urgentes au monde.  Après une vague d’optimisme, la plus jeune nation du monde se retrouve plongée dans une nouvelle guerre civile: des dizaines de milliers de civils ont été tués, l’économie du pays est en ruine et des millions de personnes sont déplacées et font face à la faim et à la pauvreté.  La responsabilité de cette crise repose sur les épaules des dirigeants du Soudan du Sud qui ont trahi la confiance du peuple et qui ont fait preuve de « perversité » en tentant de se maintenir au pouvoir à tout prix.

Selon des informations, s’est alarmé le Secrétaire général, le Président Salva Kiir et ses loyalistes préparent une nouvelle offensive militaire, dans les prochains jours, contre le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition.  Il semble tout aussi clair que M. Riek Machar et d’autres groupes d’opposition poursuivent leur escalade militaire.

Face à ce constat, le Secrétaire général a jugé le moment venu de mettre la population du Soudan du Sud, et non leurs dirigeants, au centre de toute stratégie.  Il a réitéré son appel à un embargo sur les armes qui permettrait de réduire la capacité de nuisance de toutes les parties au conflit.

Rappelant que l’instabilité au Soudan du Sud représente aussi une menace à la paix régionale, le Secrétaire général a appelé les pays de la région à appuyer l’idée de l’embargo et à coopérer pour sa mise en œuvre.  Le besoin le plus urgent est d’empêcher les parties de lancer une nouvelle opération militaire à la veille de la saison sèche, a insisté le Secrétaire général

Il a exhorté le Conseil de sécurité, les dirigeants régionaux et la communauté internationale à faire comprendre au Président Kiir et M. Riek Machar que toute initiative militaire aura de sérieuses conséquences.  M. Ban a appelé au lancement d’un processus politique inclusif et crédible aux yeux du peuple sud-soudanais et de la communauté internationale.  Le dialogue national peut être une étape positive si toutes les parties prenantes y participent en toute liberté et en toute sécurité.  Dans ce contexte, il a salué le travail de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de l’Union africaine, avant d’appeler le Conseil de sécurité à compléter ces efforts.

Je suis fermement convaincu, a insisté le Secrétaire général, que l’embargo sur les armes est le meilleur moyen de progresser car il serait de nature à renforcer et non à miner le processus politique.  S’inquiétant de la dimension ethnique du conflit, M. Ban a regretté les discours de haine et rappelé que son Représentant spécial pour la prévention du génocide vient de prévenir le Conseil de sécurité que le génocide n’est pas un événement mais un processus.  Le Secrétaire général a appelé le Conseil de sécurité à prendre toutes les mesures nécessaires pour bloquer les flux d’armes vers le Soudan du Sud et à envoyer un signal clair sur le fait que tous les discours de haine et les incitations à la violence doivent cesser et que les auteurs d’atrocités de masse et autres crimes auront à rendre des comptes.

« Après deux enquêtes indépendantes, je dois prendre des décisions difficiles sur la performance de nos troupes au Soudan du Sud », a aussi ajouté M. Ban.  La MINUSS continue de faire face à de sérieuses restrictions à sa liberté de mouvement, ce qui est une violation flagrante de l’Accord sur le statut des forces.  Le Secrétaire général a regretté que tous les rapports listant ces restrictions ne se soient traduits par aucune action du Conseil de sécurité.  

Il a exhorté le Gouvernement du Soudan du Sud à accepter le déploiement de la force régionale de protection qu’il a traduite comme l’engagement collectif de la région en faveur de la paix.  Il a remercié le Kenya pour son engagement sans faille à la cause de la paix au Soudan du Sud et sa collaboration avec les Nations Unies.  « Si nous échouons, a prévenu le Secrétaire général, le Soudan du Sud prendra la direction des atrocités de masse. »  Il a donc exhorté le Conseil de sécurité à « agir maintenant », conformément à sa responsabilité et pour soutenir les efforts régionaux en cours.

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, M. STEPHEN O’BRIEN, a relevé que six mois après son dernier exposé sur la situation au Soudan du Sud, la situation s’est encore détériorée de manière dramatique.  Les attaques violentes contre les civils se sont poursuivies, des centaines de milliers de gens ont été forcés de fuir et la famine s’est aggravée, a-t-il indiqué, en ajoutant qu’il y a de nombreux cas de violence à caractère sexiste et sexuel, et que les auteurs ne sont pas inquiétés.  Alors que le conflit en est à sa quatrième année, les besoins d’assistance et de protection appellent à une attention et à une action urgente de la part de la communauté internationale.  Pour cette année, quelque 6,1 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire, soit la moitié de la population de cette jeune nation.  Ce nombre devrait même augmenter de 20 à 30% en 2017, du fait de la violence sur le terrain, des déplacements forcés, de l’insécurité alimentaire, du déclin économique et de la détérioration des services sociaux de base. 

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a relevé que 3,1 millions de Sud-Soudanais ont été forcés de fuir, 1,3 million d’entre eux ont quitté le pays et plus de 1,8 million sont déplacés dans le pays.  Depuis juin de cette année, plus de 383 000 personnes ont fui vers l’Ouganda alors que d’autres sont partis en Éthiopie, au Soudan, en République centrafricaine (RCA) et en République démocratique du Congo (RDC).  Les enfants représentent environ la moitié des déplacés, et près de 9 000 sont non accompagnés, séparés ou perdus.  Plus de 17 000 enfants semblent avoir été recrutés comme combattants par les acteurs armés depuis le début du conflit.  Une école sur quatre est fermée, notamment du fait de l’insécurité, et la scolarité a été perturbée par les déplacements des enseignants et des écoliers. 

Le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU a en outre déclaré que les niveaux de la famine et de la malnutrition sont très élevés, et cela inclut des communautés qui vivent dans des endroits qui étaient considérés comme relativement à l’abri de la faim, il y a moins d’un an.  En conséquence, plus d’un million d’enfants de moins de 5 ans sont maintenant considérés comme malnutris.  Au milieu de la saison de soudure en 2016, quelque 4,8 millions de gens, soit plus du tiers de la population, étaient considérés comme vivant dans une insécurité alimentaire sévère et ce nombre va augmenter en 2017 parce que le conflit continue, l’économie décline et l’agriculture s’affaiblit.  D’un autre côté, la moitié à peine des services de santé du pays fonctionnent, et même quand ils sont opérationnels, ils ne peuvent qu’assurer le service minimum par manque de médicaments.

M. O’Brien a par ailleurs indiqué que les femmes et les filles continuent de faire face à des risques élevés de violence sexuelle, particulièrement de la part d’acteurs armés qui font du viol une arme de guerre.  Il a cité des cas spécifiques de viols collectifs dans certaines localités du pays cette année, notamment dans l’État de l’Équatoria.  Ces attaques ont généralement lieu à des points de contrôle et certaines d’entre elles, quand les femmes et les filles quittent les sites de protection de l’ONU, à la recherche du bois de chauffe et de nourriture.  Il a rappelé que le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a indiqué, la semaine dernière, qu’il manquait de mots pour décrire l’horreur des viols collectifs.

M. O’Brien a noté que 67 agents humanitaires ont perdu la vie au Soudan du Sud, dont 12 depuis le mois de juillet dernier.  Il a ajouté que la communauté humanitaire est également ciblée par la violence sexiste et sexuelle.  D’un autre côté, les organisations humanitaires font également face à des obstructions bureaucratiques et à des intimidations, notamment de la part du Gouvernement du Soudan du Sud, mais également du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l'opposition (M/APLS dans l’opposition).  Il a parlé du cas d’une ONG qui a vu ses bureaux à Djouba fermés par les autorités sans aucune explication.  Il a salué le travail des agents humanitaires, se félicitant qu’ils aient apporté de l’aide à quelque 4,7 millions de personnes au cours de cette année.  Il a dénoncé les obstacles à l’accès humanitaire, expliquant que la multiplication récente des groupes armés a rendu encore plus complexes les négociations sur l’accès aux populations, tout en aggravant les risques qu’encourent les travailleurs humanitaires.  Il a rappelé l’importance pour les acteurs humanitaires d’avoir un accès libre, sûr et sans entrave à tous ceux qui sont dans le besoin, où qu’ils soient. 

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a ensuite averti que si une solution politique n’est pas trouvée pour mettre fin aux violences au Soudan du Sud, la crise humanitaire ne pourra que s’aggraver à un rythme que personne ne pourrait contrôler, même pas le Conseil de sécurité.  Il a également appelé à des actions pour faciliter l’accès sans entrave à tous ceux qui ont besoin d’assistance.  Il a demandé un réel engament à protéger les agents humanitaires.  Que ceux qui tuent, attaquent et violent les humanitaires soient poursuivis en justice et répondent de leurs actes, et que l’impunité de ceux attaquant les civils prenne fin, a-t-il dit.  Il a rappelé que le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide avait mis en garde sur les risques imminents de voir les violences à caractère ethnique prendre de l’ampleur, avec un risque de génocide.  Il a rappelé que le Conseil de sécurité avait déclaré « plus jamais ça » après les évènements malheureux de Srebrenica et du Rwanda.  « De quels autres éléments le Conseil a-t-il besoin pour prendre des actions préventives? » s’est-il impatienté, avant d’ajouter « combien de vies, combien de femmes, d’hommes et d’enfants pourrions-nous sauver si le Conseil et ceux qui ont de l’influence sur les parties agissent de manière décisive aujourd’hui? »

Mme SAMANTA POWER (États-Unis) a jugé urgent que le Conseil de sécurité retrouve  son unité sur la question du Soudan du Sud.  Citant les violations des droits de l’homme, elle a raconté l’histoire d’une femme qui a assisté à l’exécution de son mari et de deux femmes violées avant d’être battues par ses enfants utilisés comme massues.  « La situation s’aggrave et nous restons les bras croisés », s’est inquiétée Mme Power, alors que 3 millions de Sud-Soudanais sont déplacés ou réfugiés, que la moitié du pays fait face à une insécurité alimentaire et que les violations des droits de l’homme sont devenues monnaie courante.  La représentante a dénoncé les obstructions à la liberté de mouvement auquel se livre le Gouvernement du Soudan du Sud qui continue d’entraver les patrouilles de la MINUSS malgré ses engagements.  Elle a accusé le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition de rendre encore plus difficile l’accès humanitaire, en imposant des préavis et le paiement d’une taxe. 

« L’une des définitions de la folie est le fait de faire toujours la même chose en s’attendant à un résultat différent », a souligné Mme Power, avant d’ajouter que les « alarmes sonnent de partout devant le risque de génocide ».  En septembre dernier, nous avons vu des Casques bleus bloqués et en décembre, rien n’a bougé et la force régionale de protection n’est toujours pas déployée, s’est-elle impatientée.  Appuyant l’idée de l’embargo sur les armes, Mme Power s’est même demandé comment on peut prétendre que l’afflux d’armes pourrait être positif.  Elle a espéré que la résolution présentée aujourd’hui, « qui est une question de vie ou de mort », sera adoptée.  

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a fait part de sa profonde préoccupation face à la situation au Soudan du Sud.  Il s’est dit inquiet des violations des droits de l’homme, notamment des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes de violence sexuelle, des détentions arbitraires et des attaques contre les civils, les infrastructures médicales et les agents humanitaires.  Certaines de ces violations ont en outre un caractère ethnique, a-t-il ajouté, mettant en garde contre le risque d’atrocités de masse.

Le représentant a estimé que la situation humanitaire, en constante dégradation, était d’autant plus alarmante que, selon les chiffres des Nations Unies, les réfugiés se chiffrent désormais à plus d’un million, les déplacés à plus de 1,6 million et les personnes souffrant d’insécurité alimentaire à environ 5 millions.  Dans ces conditions, a-t-il dit, l’Uruguay lance un appel à toutes les parties au conflit et à la communauté internationale pour qu’il soit mis fin aux souffrances de la population civile et rappelle que le Gouvernement du Soudan du Sud a pour principale responsabilité de protéger ses citoyens, quelles que soient leur origine ethnique et leur position politique.

Jugeant encourageant le discours du Président Salva Kiir annonçant, le 14 décembre dernier, le lancement d’un processus de dialogue national, le délégué a également souhaité que la MINUSS puisse s’acquitter de son mandat et a exhorté le Gouvernement sud-soudanais à collaborer pleinement à la mise en œuvre de la résolution 2327, y compris au déploiement de la Force de protection régionale.

M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a cité des points positifs et des avancées dans la situation au Soudan du Sud.  Il a relevé que de nombreux incidents sécuritaires sont dus à des questions de commandement, à un manque de discipline parmi les troupes et à des groupes qui échappent à tout contrôle, ce qui vient exacerber les tensions interethniques.  Le représentant n’a pas caché ses doutes devant les informations qui veulent faire croire à une mobilisation du Gouvernement sud-soudanais dans l’État de l’Équatoria pour lancer une vaste offensive au début de la saison des pluies.  Comment se fait-il, a-t-il demandé, que le Secrétariat de l’ONU tire de telles annonces alors que le Gouvernement sud-soudanais a affirmé qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de rotation routinière des troupes.  Le représentant a aussi remis en doute les informations qui font état de génocide, n’y voyant aucune justification.  « Même si les tensions ethniques étaient au paroxysme, pourquoi conclure qu’elles sont le fait d’une initiative planifiée du Gouvernement? » s’est-il interrogé.

Il a d’emblée averti que le déploiement d’une force de police de 4 000 hommes, prévu par la dernière résolution sur la prorogation du mandat de la MINUSS, ne permettra pas d’améliorer la situation sécuritaire.  L’embellie ne dépend que de la volonté des acteurs nationaux, a-t-il asséné, confiant ne pas voir comment de nouvelles sanctions ciblées conduiraient à une paix durable ou à la stabilité.  Cet avis est d’ailleurs partagé par l’Union africaine, a-t-il affirmé.  Les partisans de la thèse de l’embargo, a-t-il déploré, refusent de tenir compte de l’avis des Africains et ne les écoutent que quand le point de vue africain épouse leurs propres intérêts.  Le représentant a cité le cas de la République centrafricaine où « les sanctions ciblées n’ont pas eu l’effet escompté ».  Il a relevé que le Soudan du Sud regorge d’armes, dans des caches secrètes et dans des camps de réfugiés, ce qui pourrait justifier la volonté des autorités nationales de fermer les camps à Djouba.  Il faut plutôt démobiliser et désarmer la population civile, a-t-il suggéré.  Or, nous avons l’impression que certains veulent se débarrasser du Président Salva Kiir, en s’attaquant à ses proches les plus fidèles et en proposant des sanctions ciblées, a soupçonné le délégué.

M. ALEXIS LAMEK (France) a dit que la gravité de la situation au Soudan du Sud requiert une action et une mobilisation collectives de l’ensemble des acteurs concernés.  Dans ce contexte, il a salué le travail de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de l’Union africaine.  Citant six axes sur lesquels il « faut agir vite », le représentant a d’abord dit l’urgence d’un embargo sur les armes.  Une telle mesure n’est pas de nature punitive, ni un levier pour obtenir des gains politiques mais une mesure de bon sens.  Il a ensuite indiqué que les initiatives régionales en faveur d’un processus politique se traduisent dans la réalité.  Il a aussi mis l’accent sur la « question centrale de la protection des civils » en regrettant que les choses trainent, s’agissant du déploiement décidé en août de la force régionale de protection.  Par ailleurs, s’agissant de la mise en œuvre du mandat de la MINUSS, le représentant a demandé qu’elle dispose enfin de sa pleine liberté de mouvement et qu’elle n’ait plus à subir des entraves.  Il a jugé impérative une coopération pleine et entière pour permettre à la communauté humanitaire de faire son travail et accéder aux populations dans le besoin.  Pour ce qui est de l’établissement des responsabilités et de la lutte contre l’impunité, le représentant a souligné l’importance de mettre en place une cour hybride.  Il faut tout faire, a-t-il conclu, pour enrayer la spirale de la violence.     

M. JOSEPH MOUM MAJAK N. MALOK (Soudan du Sud) a souligné la volonté politique de son pays qui s’est engagé à mettre en œuvre pleinement l’Accord de paix.  Mon gouvernement, a-t-il affirmé, a accepté le déploiement « sans conditions » de la force de protection régionale et lancé un dialogue national ouvert à toutes les parties prenantes mais rejeté par M. Riek Machar.  Le représentant a rejeté l’évaluation du Conseil spécial pour la prévention du génocide qui estime que le conflit pourrait se transformer en guerre ethnique totale, voire en génocide.  Cette description est « très exagérée », a commenté le représentant, estimant qu’elle ne reflète pas ce qui se passe sur le terrain où il n’y a pas d’affrontement entre les masses populaires.  Si des rebelles ont tué des civils à cause de l’appartenance ethnique, le Gouvernement n’a fait aucun projet ni n’a lancé de campagne contre telle ou telle ethnie ou contre telle ou telle communauté, a affirmé le représentant, en assurant que son gouvernement n’a aucune intention de le faire.

Tout en reconnaissant l’importance de la protection des civils et de l’accès humanitaire, il a espéré que la MINUSS accorderait tout autant d’importance au renforcement des capacités des institutions publiques qui doivent jouer un rôle important dans la période de transition.  Il a ainsi souhaité que la Mission soutienne les activités de la Commission de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) du Soudan du Sud, du Comité national des amendements constitutionnels et de la Commission électorale, en apportant aussi une expertise technique sur la réforme du secteur de la sécurité.  En d’autres termes, la MINUSS doit respecter son mandat de « soutien à la mise en œuvre de l’Accord ».  Pour le représentant, l’idée de l’embargo sur les armes et les menaces de sanctions contre toutes les parties impliquées dans le conflit est un autre exemple de l’absence de distinction entre un gouvernement élu légitimement et une rébellion armée qui tente de renverser le Gouvernement.  Nier au Gouvernement les moyens nécessaires d’assumer ses responsabilités revient à saper sa souveraineté, « ce qui est totalement inacceptable », a prévenu le représentant. 

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