7834e séance – après-midi    
CS/12624

Le Secrétaire général appelle à mettre fin au carnage dans la partie est d’Alep, en passe d’être controlée par le Gouvernement

Réuni en urgence à la demande de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis, le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, lancer un appel pour que les civils soient évacués et l’aide humanitaire acheminée dans la partie est de la ville d’Alep, laquelle est sur le point de passer sous le contrôle des autorités syriennes.

« Alors que la bataille à Alep touche à sa fin, j’appelle les autorités syriennes et leurs alliés, la Russie et l’Iran, à honorer leurs obligations, à savoir permettre aux civils qui s’y trouvent encore de fuir la zone et autoriser l’accès de tous les acteurs humanitaires et l’acheminement d’une aide humanitaire critique », a affirmé M. Ban, appuyé par la plupart des délégués, dont celui de la Fédération de Russie.  Celui-ci a indiqué que les combats avaient cessé à Alep et que le Gouvernement syrien avait « libéré » la partie est de la ville.

« Au cours des 48 dernières heures, nous avons vu le quasi-effondrement des positions tenues par l’opposition armée, celle-ci ne détenant plus que 5% du territoire qu’elle détenait auparavant », a affirmé le Secrétaire général à l’entame de son intervention.  Il a indiqué que le rythme auquel les civils sont tués ou blessés est toujours aussi brutal, soit en raison des bombardements, soit en raison des exécutions sommaires commises par les forces progouvernementales.

Malgré le manque de données, le Secrétaire général a estimé à plusieurs milliers le nombre de civils restés dans les poches sous contrôle de l’opposition dans l’est d’Alep.  Il a indiqué qu’un accord sur des évacuations, facilité par la Fédération de Russie et la Turquie et appuyé par l’ONU, était « imminent ».  Il a également demandé que les personnes qui se sont rendues soient traitées de manière humaine.  Les lois de la guerre doivent être respectées, a-t-il déclaré.

Ces recommandations ont été appuyées par les trois délégations ayant exigé cette réunion d’urgence, à commencer par celle de la France, qui a estimé que « le scénario du pire était en train de se produire à Alep », avec des violations dans le droit fil des « méthodes macabres du régime de Bashar Al-Assad ».  « Nous sommes tous parfaitement conscients de ce qui pourrait advenir dans les prochaines heures des 120 000 personnes qui se trouvent encore dans l’est d’Alep », a mis en garde le représentant français.

De son côté, son homologue des États-Unis a estimé que le régime d’Assad, la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran étaient responsables de « l’effondrement total de l’humanité » à Alep.  « N’avez-vous honte de rien? », leur a-t-elle lancé.  Une accusation que le représentant de la Fédération de Russie a réfutée dans les termes les plus vifs, trouvant « étrange » la déclaration de la déléguée des États-Unis, « qui a parlé comme si elle était Mère Teresa ».

Évoquant les informations faisant état de violations du droit international humanitaire, le délégué russe a assuré que son pays avait constaté qu’il n’y avait « pas d’incidents établis » de cette nature.  Il a appelé le Secrétaire général à « faire preuve d’objectivité » et à « ne pas rejeter toute la responsabilité sur la Syrie et ceux qui la soutiennent, dont la Russie ».  Cela ferait « le jeu des terroristes », a-t-il martelé.  Même son de cloche du côté du représentant syrien, qui a estimé que son gouvernement n’avait fait que son « devoir » à Alep, dans le respect du droit international.

L’avenir à plus long terme de la Syrie a été également évoqué par de nombreux intervenants, dont le Secrétaire général qui a mis en garde contre « une approche déshumanisante en Syrie qui ne ferait qu’accélérer la radicalisation et faire le lit des futurs Daech et Al-Qaida ».  L’idéologie de Daech ne sera pas vaincue après la libération de Raqqa et de Mossoul, a-t-il dit, ajoutant que cette approche relevait de la « pensée magique ».  Il a affirmé qu’Alep devait représenter « la fin de la quête d’une victoire militaire et non le début d’une campagne militaire plus vaste »

« La guerre ne prendra pas fin avec la chute d’Alep », a appuyé le délégué britannique, notant qu’Assad « ne pourra pas contrôler l’esprit de ceux qui luttent pour la liberté ». 

À l’instar du délégué de la Nouvelle-Zélande, il a dénoncé l’usage fait par la Fédération de Russie de son droit de veto pour empêcher l’adoption de projets de résolution sur la Syrie.  Le représentant de la France a d’ailleurs profité de ce débat pour rappeler la proposition de son pays et du Mexique visant à suspendre le droit de veto pour les crimes de masse.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’ONU, a parlé de la situation tragique à Alep.  Depuis fin novembre, les forces syriennes et leurs alliés ont saisi de larges portions du territoire dans l’est d’Alep, a-t-il dit.  « Au cours des 48 dernières heures, nous avons vu le quasi-effondrement des positions tenues par l’opposition armée, celle-ci ne détenant plus que 5% du territoire qu’elle détenait auparavant. »

Il a déclaré que cette situation survenait à la suite de bombardements décrits par de nombreux témoins comme étant « sans précédent ».  Il a indiqué que le rythme auquel les civils sont tués ou blessés est toujours aussi brutal, soit en raison des bombardements, soit en raison des exécutions sommaires commises par les forces progouvernementales.  « Alors que les lignes de front ont changé, les civils fuient le long de routes dangereuses, n’emportant quasiment rien avec eux », a-t-il dit, estimant que des milliers de civils se seraient d’ores et déjà réfugiés dans l’ouest d’Alep.

Il a souligné le manque de données s’agissant du nombre de civils demeurant dans les poches sous contrôle de l’opposition dans l’est d’Alep, en raison notamment de l’obstruction des autorités syriennes.  « Nous pensons qu’il y a des milliers de civils », a-t-il noté.

Le Secrétaire général a rappelé que le Ministère de la défense russe avait indiqué, hier, avoir aidé plus de 100 000 civils à quitter l’est d’Alep, y compris 40 000 enfants.  Selon ce ministère, 2 215 combattants auraient déposé leurs armes et quitté l’est d’Alep, a précisé M. Ban.  Il a ajouté que ce ministère a observé que le chiffre de 25 000 civils pris au piège était surestimé.

Des négociations seraient en cours entre les parties pour un accord sur des évacuations, facilité par la Fédération de Russie et la Turquie, a-t-il dit, avant d’appuyer ces efforts.  Il a précisé que cet accord serait imminent.  Il a appelé toutes les parties à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, à donner la priorité au libre passage des civils fuyant l’est d’Alep et à faire en sorte que les personnes qui se sont rendues soient traitées de manière humaine.

Soulignant l’abondance de signaux d’alerte sur la situation à Alep, le Secrétaire général a rappelé les mesures avancées par son Envoyé spécial pour remédier à la menace posée par le Front el-Nosra sans occasionner d’autres pertes en vies humaines et d’autres destructions.  « Nous avons tous abandonné le peuple syrien », a-t-il martelé, ajoutant que le Conseil n’avait pas assumé ses responsabilités.  Il a déclaré que le Conseil avait échoué à trois reprises à s’accorder sur une trêve humanitaire à Alep.  « L’Histoire ne nous absoudra pas aisément. »

Le Secrétaire général a affirmé que la tâche immédiate était de tout faire pour stopper le carnage.  « Alors que la bataille à Alep touche à sa fin, j’appelle les autorités syriennes et leurs alliés, la Russie et l’Iran, à honorer leurs obligations, à savoir permettre aux civils de fuir la zone et autoriser l’accès de tous les acteurs humanitaires et l’acheminement de l’aide », a-t-il dit.  Il a demandé le respect des lois de la guerre et des droits de l’homme.

M. Ban a noté les efforts du Gouvernement syrien et de ses alliés pour aboutir à une victoire militaire, totale et irrévocable.  Sans sous-estimer l’importance de la lutte contre le terrorisme et contre la présence attestée du Front el-Nosra à l’est d’Alep, il a demandé si le sort de moins de 1 000 combattants devait déterminer le sort de dizaines, voire de milliers, de civils à Alep.  « Le contexte est important », a-t-il dit, ajoutant que personne ne contestait que les combattants du Front el-Nosra fussent présents à l’est d’Alep.  « Mais ils sont présents ailleurs en Syrie. »

Il a déclaré que le conflit syrien ne s’achèvera pas après la fin de ce qui se passe sur les champs de bataille dans les semaines à venir.  L’idéologie de Daech ne sera pas vaincue après la libération de Raqqa et de Mossoul, a-t-il dit.  « Cela est de la pensée magique. »  Il a mis en garde contre les conséquences d’une approche déshumanisante en Syrie qui ne ferait qu’accélérer la radicalisation et faire le lit des futurs Daech et Al-Qaida.  Il est crucial que le Conseil agisse pour aboutir à un processus politique inclusif en Syrie.  « Alep doit représenter la fin de la quête d’une victoire militaire et non le début d’une campagne militaire plus vaste dans un pays d’ores et déjà ravagé par cinq années de guerre », a-t-il dit.  En conclusion, le Secrétaire général a appelé les parties à mettre immédiatement fin à la violence et à permettre un accès humanitaire sans conditions préalables par le biais d’un engagement authentique, dans le cadre de la résolution 2254 (2015).

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a remercié la présidence espagnole pour ces consultations immédiates demandées par la France et le Royaume-Uni.  Au moment où nous parlons, a-t-il dit, « le scénario du pire est en train de se produire à Alep ».  Des massacres de civils sont en train d’être commis sous les yeux de la communauté internationale, des exécutions sommaires ont lieu dans l’est d’Alep, des civils sont assassinés et des corps jonchent les rues.

Pourtant, a souligné le représentant, cette abomination était prévisible.  Nous connaissons tous les méthodes macabres du régime de Bashar Al-Assad.  Nous sommes donc tous parfaitement conscients de ce qui pourrait advenir dans les prochaines heures des 120 000 personnes qui se trouvent encore dans l’est d’Alep, a-t-il prévenu.

À ses yeux, « l’urgence absolue » est de mettre un terme aux massacres, de permettre une évacuation des civils et d’autoriser l’accès libre et sans entrave de l’aide humanitaire.  C’est le message que la France appuie et que l’Assemblée générale « a passé au monde il y a quelques jours », a rappelé l’Ambassadeur.

En conséquence, la France en appelle une nouvelle fois à ceux qui ont les moyens d’agir, notamment la Fédération de Russie, pour qu’ils permettent de faire cesser sans délai ce bain de sang et de répondre à cette urgence humanitaire. 

Pour M. Delattre, le drame d’Alep n’est pas le « chemin douloureux » par lequel il faudrait passer pour reconstruire la Syrie.  Au bout de cette horreur, il y a « la promesse d’un conflit sans fin », a-t-il souligné, relevant que cette tragédie « nourrit la radicalisation et donc le terrorisme ».  Il a ajouté que la comparaison avec le Guernica de la guerre d’Espagne apparaissait plus pertinent que jamais, « un trou noir qui aspire et détruit toutes les valeurs des Nations Unies ».

Relevant que cette tragédie n’était pas le fruit du hasard, il a estimé qu’il faudrait « démonter les mécanismes qui ont rendu possible cette descente vers les abîmes.  Il y a eu, selon lui, « beaucoup de lâcheté et d’indifférence » mais aussi l’impuissance de la communauté internationale et de l’ONU pour empêcher cet échec collectif « qui met en cause gravement la crédibilité du Conseil de sécurité ». 

C’est pourquoi, a-t-il rappelé, la France et le Mexique ont proposé la suspension du droit de veto pour les crimes de masse.  Dans ces heures terribles pour Alep, la France lance à nouveau un appel à l’action et à l’unité « sur le principe commun d’humanité ».  Des dizaines de milliers de vie dépendent de nous », a-t-il conclu, « alors sachons agir ».

En cette « journée sombre pour Alep », M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a constaté que les forces de Bashar Al-Assad et de ses alliés russes et iraniens « ont redéfini l’horreur » en passant du siège au massacre.  « Nous avons eu des indications d’atrocités contre des femmes et des enfants, de disparitions de centaines d’hommes fuyant Alep », a dit le représentant.  « Lorsque cela se produisait auparavant, nous disions « plus jamais », a-t-il rappelé.  « Or cela se reproduit. »

Appelant à une protection des civils, il a exhorté le régime syrien et ses alliés à respecter les règles du droit international.  À ses yeux, le Conseil de sécurité a échoué sur le dossier syrien car la Fédération de Russie a « usé et abusé de son droit de veto à plusieurs reprises ».  À ceux qui appuient le régime de Bashar Al-Assad, nous demandons: « Comment pouvez-vous défendre ces abus à la Charte de l’ONU? » a-t-il lancé, les invitant à « redéfinir leur dignité avant qu’il ne soit trop tard ».

Il faut que les attaques et les tueries prennent fin, a-t-il poursuivi, soulignant que les Nations Unies restaient prêtes à aider à faire sortir les civils de la ville martyre.  Pour que cela soit possible, a-t-il insisté, il faut que ceux qui contrôlent la situation placent l’humanité au premier plan.

Dans ce contexte, a poursuivi l’Ambassadeur, il est impératif qu’il soit permis à l’ONU d’accéder à l’est d’Alep pour venir en aide aux civils, faire tenir pour responsable toute personne ayant commis des crimes de guerre et encourager une solution politique.  Si cela ne se fait pas, « Alep deviendra une ville morte », a-t-il averti.

Dans les prochains jours, des centaines de personnes seront tuées sans que l’on connaisse leur sort, a encore prévenu le représentant.  Ce ne sera pas une « victoire » pour Assad car il aura « tué pour préserver son pouvoir mais ne pourra rassembler un pays qu’il a divisé ».  La guerre ne prendra pas fin avec la chute d’Alep, a-t-il ajouté, notant qu’Assad « ne pourra pas contrôler l’esprit de ceux qui luttent pour la liberté ».

L’ironie, a-t-il observé, est qu’alors qu’il y a ces attaques barbares, ce sont les terroristes qui sont les véritables vainqueurs; en attestent les informations concernant la ville de Palmyre.  « Plutôt que de lutter contre eux, Assad leur a facilité la tâche en s’en prenant à son peuple », a constaté le délégué, appelant le Conseil de sécurité à ne pas « détourner le regard » de cette lutte contre le terrorisme et à ne pas permettre l’impunité.  « Nous le devons au peuple d’Alep », a-t-il conclu.

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a cité les témoignages de détresse d’habitants de l’est d’Alep, avant de relever les difficultés pour obtenir des informations.  Elle a déclaré que le régime de Bashar Al-Assad et ses alliés avaient tout fait pour isoler la ville et cacher ce qui s’y passe véritablement, notamment les attaques brutales qu’ils conduisent.  Il n’y a plus personne pour ramasser les corps calcinés dans les rues d’Alep, de peur des bombardements, a-t-elle poursuivi.

Elle a estimé que le régime d’Assad, la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran étaient responsables de « l’effondrement total de l’humanité » à Alep.  Elle a joint la voix de son pays à l’appel lancé par le Secrétaire général pour que ces acteurs mettent fin à leurs attaques à Alep et autorisent la conduite d’évacuations en toute sécurité.  Notre humanité commune exige que les règles de la guerre les plus élémentaires soient respectées, a-t-elle déclaré.

Mme Power a affirmé que le régime syrien, la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran étaient responsables des atrocités commises à Alep, en rejetant les efforts d’évacuation, encourageant, ce faisant, les milices à continuer leurs massacres. 

« Le jour où nous ferons le décompte des horreurs commises à Alep, vous ne pourrez pas dire que vous ne le saviez pas, parce que nous savons tous que vous y avez participé », a-t-elle affirmé.  « N’avez-vous honte de rien? », leur a-t-elle lancé.  Enfin, Mme Power a indiqué qu’Alep s’ajouterait à la liste des atrocités qui définissent le mal, aux côtés de Srebrenica et du Rwanda.

M. VITALY I. CHURKIN (Fédération de Russie) a d’emblée dénoncé « la propagande, la désinformation et la guerre psychologique » qui, selon lui, prévalent aujourd’hui sur la situation à Alep.  Toutefois, a-t-il constaté, « ce n’est pas nouveau ».  Ce qui l’est, c’est le fait de « répandre délibérément de fausses nouvelles ».  À ce sujet, a-t-il ajouté, la Fédération de Russie ne voudrait pas que le Secrétaire général soit « l’instrument de ce jeu cynique ». 

Il a rappelé à cet égard le rôle qu’a joué la Troïka dans l’émergence de Daech en Syrie et a trouvé « étrange » la déclaration de la représentante des États-Unis, « qui a parlé comme si elle était Mère Teresa ».  « Souvenez-vous de ce qu’a fait votre pays dans la région », a-t-il lancé à son homologue américain, assurant que « l’Histoire jugera ».

Faisant un point de la situation, il a indiqué qu’hier soir, les autorités syriennes contrôlaient 90% de l’est d’Alep, les éléments rebelles étant retranchés dans trois kilomètres carrés.  Avec l’aide de la Fédération de Russie, plusieurs dizaines de milliers de civils ont été exfiltrés. 

Dans le même temps, a-t-il poursuivi, de nombreux combattants ont déposé les armes, tandis que des milliers de civils ont pu retrouver leurs habitations.  En outre, a-t-il poursuivi, des livraisons humanitaires ont pu avoir lieu dans différents quartiers de la ville.  Enfin, les sapeurs russes ont neutralisé au cours des dernières 24 heures plus de 200 explosifs posés par les rebelles et déminé près de 16 hectares de terrain. 

Selon les toutes dernières informations en sa possession, l’armée syrienne est « en train de conclure la libération d’Alep », a indiqué le représentant, dénonçant l’attitude des « radicaux » qui ont plusieurs fois refusé de capituler, bombardé des maisons d’habitation dans l’ouest d’Alep, tuant des femmes et des enfants, et empêché des civils de quitter les quartiers sous leur contrôle. 

Il a en revanche assuré ne pas avoir d’information s’agissant des présumées arrestations de masse effectuées par le régime syrien.  Ces rumeurs ont été démenties par le Consul russe à Damas, a-t-il affirmé.  D’après lui, des regroupements sont opérés seulement si les combattants ont participé à des crimes.  Cela se justifie car nous avons affaire à des éléments du Front el-Nosra, a-t-il dit, ajoutant que la « grande majorité » des combattants rebelles avaient déjà bénéficié d’une amnistie.

Évoquant les informations faisant état de violations du droit international humanitaire, le délégué a assuré que son pays avait mené une enquête et constaté qu’il n’y avait « pas d’incidents établis » de cette nature.  Dans ce contexte, il a appelé le Secrétaire général de l’ONU à « faire preuve d’objectivité » et à « ne pas rejeter toute la responsabilité sur la Syrie et ceux qui la soutiennent, dont la Russie ».  Cela ferait « le jeu des terroristes », a-t-il martelé.

Il a enfin rappelé que le Conseil de sécurité a adopté l’importante résolution 2258 (2015), observant que « ce n’est pas de la faute de la Russie si certains pensent que l’on peut renverser Assad par la force ».

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a établi un parallèle entre la situation actuelle en Syrie et le génocide rwandais.  « Je crois le Secrétaire général lorsqu’il fait état d’informations selon lesquelles des atrocités sont commises à Alep.  Je crois le Secrétaire général lorsqu’il dit que le défi majeur n’est pas le terrorisme mais la barbarie », a dit le délégué.

Il a également pleinement partagé les critiques du Secrétaire général vis-à-vis de l’inaction du Conseil en Syrie.  Un membre permanent de ce Conseil a empêché le Conseil d’agir pour remédier à la situation humanitaire à Alep, contrevenant, ce faisant, aux principes de la Charte des Nations Unies, a-t-il dit, en dénonçant l’utilisation « cynique » du droit de veto par ce pays.

M. van Bohemen a exhorté la Syrie, la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran à travailler avec l’ONU « pour sauver des vies ».  « Nous savons tous que la paix et la stabilité ne pourront que découler d’une solution politique en Syrie », a conclu le représentant de la Nouvelle-Zélande.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a estimé que les signalements de crimes de masse perpétrés par la Syrie et ses alliés à Alep étaient absolument « affligeants ».  Alors que les forces syriennes poursuivent leur assaut sur l’est de la ville, des milliers de personnes s’entassent sur six kilomètres carrés pour fuir le carnage et les civils locaux préfèrent souvent « braver les bombes plutôt que d’accepter les secours proposés par le Gouvernement ».

Le pire, a relevé le représentant, est que « nous avions vu venir cette situation, c’était clair dès le début ».  En effet, a-t-il rappelé, « nous savions ce que voulaient faire le régime et ses milices contre les rebelles ».  Malheureusement, tous les efforts déployés par la communauté internationale ont été « vains et balayés par la position irresponsable de l’un des membres de ce Conseil », a-t-il constaté dans une allusion à la Fédération de Russie.

En dépit des souffrances qu’endurent les personnes qui se trouvent encore dans l’est d’Alep ou qui fuient la ville assiégée, nous ne devons pas oublier les informations inquiétantes sur Palmyre, où les forces de l’État islamique d’Iraq et du Levant font reparler d’elles, a-t-il ajouté.  À ce sujet, le délégué s’est interrogé sur « les vraies priorités de Damas et de ses alliés russes et iraniens ».  « Quand se lanceront-ils dans la bataille contre Daech avec autant d’ardeur que pour écraser Alep? » a-t-il demandé.

Accusant la Fédération de Russie et le régime syrien de recourir à la « tactique de la terre brûlée », il a souhaité qu’ils aient prochainement à répondre de leurs crimes.  À ses yeux, l’ampleur des crimes commis est « indicible » mais les auteurs « seront jugés pour tout ce qu’ils ont fait ».  Avant cela, a-t-il déclaré avant de conclure, nous devons d’abord nous efforcer d’imposer une cessation des combats à Alep afin de permette une protection des civils et l’acheminement d’une aide humanitaire d’urgence.  

« Nous sommes à la fin de la bataille d’Alep, mais à quel prix », a déclaré M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay).  Il a insisté sur les atrocités commises à Alep, en particulier par les tireurs embusqués visant des civils, avant de rappeler que « l’immensité de ceux qui ont perdu la vie à Alep n’étaient pas des terroristes ». 

Le délégué de l’Uruguay s’est ensuite dit vivement préoccupé par la reprise de la ville de Palmyre par Daech.  Il a demandé un cessez-le-feu à Alep et dans toute la Syrie, ainsi que la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015).  L’arrogance et le triomphalisme ne doivent pas l’emporter en Syrie, a estimé le délégué de l’Uruguay, en soulignant la nécessité « d’écouter » l’Envoyé spécial.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a estimé qu’au-delà de l’horreur suscitée par la situation humanitaire dans l’est d’Alep, des interrogations « d’ordre moral » se posent sur le conflit en Syrie, qui entre dans sa sixième année.  « On se demande ce que peut faire la communauté internationale pour que les responsables d’un tel conflit aient des comptes à rendre », a-t-il notamment relevé.

Le représentant a cependant affirmé qu’aux yeux de son pays, la population syrienne est victime d’un conflit armé « nourri par les interventions étrangères et alimenté par le terrorisme », fléau qu’il a qualifié de « principale cause » de ce conflit.  L’alliance entre l’opposition modérée et les terroristes du Front el-Nosra a ainsi conduit à ce que les civils se voient retirer la possibilité de fuir le siège d’Alep, a-t-il ajouté. 

Pour le délégué, l’accord du 29 septembre entre la Fédération de Russie et les États-Unis aurait pu être appliqué et cela aurait permis une situation « plus encourageante ».  Cette tentative a échoué faute de faire une distinction entre les opérations de l’opposition modérée et celles des éléments terroristes, a-t-il poursuivi. 

Dans ce contexte, le Venezuela est convaincu que la Syrie a le droit de protéger son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale pour lutter contre le fléau du terrorisme à l’intérieur de ses frontières.  Reprendre les zones prises par Daech et le Front el-Nosra serait, d’après lui, une façon de mettre fin au conflit.

Revenant à la catastrophe humanitaire que vit la Syrie, conséquence selon lui de cinq ans d’une guerre alimentée par l’étranger, il a souhaité que cette question bénéficie d’un traitement urgent et impartial.  L’ONU doit travailler avec ses partenaires humanitaires afin d’apporter davantage d’aide à la population, a-t-il plaidé, exhortant le Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS) à poursuivre son action sur les plans humanitaire et politique.

Il a enfin assuré que la solution politique est « la seule voie pour parvenir à la paix », réitérant le ferme appui de son pays aux efforts déployés à cette fin par l’Envoyé spécial de l’ONU, M. Staffan de Mistura.

Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a dénoncé les exécutions d’enfants commises dans la partie est d’Alep, certaines d’entre elles ayant eu lieu dans les foyers de ces enfants.  L’est d’Alep au bord du gouffre, a-t-elle déclaré.  Elle a demandé un accord de cessez-le-feu de toute urgence afin de remédier à la situation désespérée des milliers de civils pris au piège dans l’est d’Alep.

Enfin, la représentante de la Malaisie a souligné la nécessité de prendre en compte les griefs légitimes exprimés par l’opposition à Damas, dans le cadre des efforts visant à la recherche d’une solution en Syrie.

Affirmant que son pays restait « profondément inquiet » par la situation en Syrie, et tout particulièrement par les événements d’Alep, M. WU HAITAO (Chine) a souhaité adresser les condoléances de sa délégation « à la population syrienne qui souffre de ce conflit ».  Pour le représentant, la crise syrienne et ses derniers développements sont le résultat de « plusieurs facteurs » qu’il faudra examiner pour en comprendre les causes profondes.

Dans l’immédiat, a-t-il dit, la communauté doit réfléchir aux « facteurs sous-jacents » et adopter une « stratégie intégrée » afin de pouvoir « maintenir le cap », à savoir parvenir à une solution politique et faire cesser les hostilités « une bonne fois pour toutes ».  À cette fin, les négociations de Genève doivent reprendre sans attendre dans le but de favoriser un dialogue intersyrien. 

Enfin, a-t-il encore professé, la lutte contre le terrorisme doit être maintenue et la communauté internationale doit en faire « sa priorité absolue » pour combattre efficacement les groupes désignés comme terroristes par le Conseil de sécurité.

M. KORO BESSHO (Japon) a partagé l’inquiétude de la communauté internationale au sujet de l’aggravation de la situation humanitaire à Alep, et a appelé à une réponse urgente, d’autant qu’avec le froid extrême et les fortes pluies, plus de 80 000 déplacés à l’intérieur vivent dans des conditions dramatiques.  Il a exhorté le Conseil à ne pas se contenter d’exprimer ses préoccupations sans résoudre ses différends. 

Il a rappelé que le 8 décembre, le Conseil avait donné la priorité à « l’humanité d’abord » et à la nécessité de faire progresser le processus politique sur la base de la résolution 2254 (2015).  En tombant d’accord pour la première fois sur la situation en Syrie depuis bien longtemps, le Conseil transmettait un message clef selon lequel il n’existe pas de solution militaire à la crise syrienne. 

En effet, a-t-il précisé, ce conflit qui dure a profondément marqué la population syrienne, du point de vue physique et psychologique, ajoutant que la haine faisait le lit de l’extrémisme, qui n’est dans l’intérêt de personne.

M. Bessho a en conséquence invité le Conseil à penser avant tout au peuple syrien.  Il a exhorté à une prompte cessation des hostilités, ainsi qu’à la fourniture d’une assistance humanitaire et à une évolution positive du processus politique.  « Il nous faut montrer non par des paroles mais par des actes que la communauté internationale n’abandonnera pas le peuple syrien même dans ces heures sombres », a-t-il déclaré.

M. IHAB MOUSTAFA AWAD MOUSTAFA (Égypte) a exprimé son agacement de voir tant de réunions stériles du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale sur la crise syrienne alors que le peuple syrien, lui, pâtit de ce conflit sanguinaire inhumain.  Le représentant égyptien a indiqué que le Conseil disposait néanmoins de textes sans équivoque sur les voies et moyens d’arrêter le bain de sang, notamment par le biais de l’application de ses résolutions 2254 (2015) et 2268 (2016).

Il a mis en exergue le rôle de médiateur de l’Égypte entre les différentes parties au conflit, en particulier auprès de l’opposition syrienne, ainsi qu’à l’occasion des consultations au sein du Conseil.  De tous ces efforts, il ressort que le peuple syrien -enfants, mères, personnes âgées et hommes confondus- a vécu au cours des six dernières années ce qu’aucun être humain ne supporterait en termes de massacres, destruction et errance. 

Rien, a-t-il soutenu, ni la recherche de la démocratie ni la lutte contre le terrorisme, ne peut justifier de faire voler en éclats une société tout entière et de tuer des enfants.

Le représentant de l’Égypte a également affirmé que le terrorisme en Syrie n’était pas un fantasme ou une exagération: des dizaines de milliers de terroristes et de mercenaires, de même que des idéologies extrémistes, y prolifèrent avec un appui de l’étranger. 

Il a ensuite jugé que le moment était venu que les ingérences étrangères cessent et que les Syriens récupèrent leur droit de décider de leur propre destin et réalisent leurs aspirations dans une nation démocratique, unie et stable. 

Pour ce faire, il a exhorté les parties syriennes à « reprendre les rênes » et à assumer leurs responsabilités vis-à-vis du peuple syrien.  À défaut de cela, a-t-il prévenu, « il n’y aura ni gagnant ni perdant en Syrie.  Tous seront perdants. » 

Il a ainsi demandé au Secrétaire général de charger son Envoyé spécial pour la Syrie de lancer des négociations entre le Gouvernement et l’opposition la plus large possible, dans le plein respect de l’indépendance de la Syrie, conformément à la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève, en vue d’amorcer une étape de transition.  Il a en outre encouragé le Secrétaire général à résister contre toute pression à cet égard.

M. GORGUI CISS (Sénégal) a dit sa préoccupation devant l’intensification des activités militaires à Alep et lancé un appel en vue de la cessation des combats et l’observation d’une trêve humanitaire.  Il a rappelé les obligations qui incombent en vertu du droit international humanitaire aux parties, en particulier au Gouvernement syrien.

Il a invité les coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie à poursuivre leurs efforts en vue d’aboutir à une trêve humanitaire et de relancer le processus politique.  Le Conseil doit assumer ses responsabilités face à la détérioration continue de la situation sur le terrain, a-t-il déclaré. 

En conclusion, le délégué du Sénégal a estimé qu’une « approche holistique et globale » était plus nécessaire que jamais sur le dossier syrien. 

M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) s’est déclaré « solidaire » des efforts déployés par le Secrétaire général pour éviter que la population civile paie un plus lourd tribut à la guerre qui fait rage en Syrie, et tout particulièrement dans le siège de la ville d’Alep.  « Nous avons tous la responsabilité de faire en sorte que toutes les parties au conflit s’abstiennent de viser des civils et respectent le droit international humanitaire et les droits de l’homme », a-t-il déclaré à l’adresse des membres du Conseil de sécurité.

Il a toutefois estimé que, dans ce contexte dramatique, le Gouvernement syrien avait « une tâche difficile à abattre pour sauver les civils pris au piège ».  La participation de toutes les parties à cet effort humanitaire est, selon lui, la seule façon de mettre un terme au carnage et de se diriger vers une solution politique.

« Pourquoi avons-nous échoué à évacuer les civils pris au piège à Alep? », a demandé M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne).  Il a souscrit à l’appel lancé par le Secrétaire général et exhorté les parties à faciliter les évacuations en urgence des civils et à permettre l’accès de l’aide humanitaire et médicale à Alep.

Il n’est pas nécessaire que de nouvelles pages sombres de l’histoire d’Alep s’écrivent, a-t-il dit.  Enfin, il a promis que son pays continuerait d’œuvrer, aux côtés de la Nouvelle-Zélande et de l’Égypte, pour remédier à la situation humanitaire à Alep.

Le délégué de la Fédération de Russie a repris la parole pour dire que les accords pour la fin des combats à Alep avaient été obtenus et étaient, d’ores et déjà, mis en œuvre.  « Selon les dernières informations à notre disposition, les opérations militaires dans l’est d’Alep ont pris fin », a-t-il dit, ajoutant que le Gouvernement syrien en avait désormais le contrôle.  Ce n’est pas la peine de parler de cessez-le-feu, a-t-il estimé.

Il a jugé qu’il fallait désormais s’atteler aux évacuations de civils, à l’acheminement d’une aide humanitaire d’ampleur et à une reprise des pourparlers en vue d’une solution en Syrie.  Les combats ont cessé et cette page de l’histoire d’Alep est tournée, a-t-il conclu.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a fait remarquer que des membres du Conseil avaient pris l’habitude, depuis le début du conflit imposé à son pays, de soumettre des projets de résolution et de convoquer des réunions d’urgence sur la base d’informations tronquées et de faux témoignages chaque fois que l’armée syrienne et ses alliés enregistraient des progrès dans le combat contre les groupes terroristes armés appuyés par ces pays mêmes.  « Il s’agit de groupes terroristes et non de civils », a-t-il martelé.

La situation n’a pas changé aujourd’hui, a poursuivi le Représentant permanent syrien, en notant que le « fonctionnaire le plus haut placé de cette Organisation », qui arrive à la fin de son mandat, s’est empressé de produire un rapport sur la situation dans la ville d’Alep, également fondé sur des informations non confirmées, comme le Secrétaire général le reconnaît lui-même.

Il a ensuite soutenu qu’à Alep et dans d’autres villes syriennes, le Gouvernement syrien, avec l’appui de ses alliés, ne fait que son devoir constitutionnel, conformément à ses obligations en tant que gouvernement chargé de la protection de ses citoyens du terrorisme, dans le respect du droit international et du droit humanitaire. 

Il a réfuté, en vrac et de façon catégorique, toutes les allégations préfabriquées, selon lui, faites par les représentants des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, notamment sur le fait que le Gouvernement syrien cible la population d’Alep.  M. Ja’afari a rappelé, qu’au contraire, son gouvernement avait ouvert des couloirs humanitaires sûrs, y compris pour les éléments armés, depuis le début des opérations à Alep, comme il a établi des refuges, proclamé une amnistie et fourni toutes sortes d’aide alimentaire et médicale.

Après avoir exhibé des photographies montrant un soldat syrien aidant une femme à descendre d’une voiture à Alep, ou d’un autre portant sur ses épaules une civile pour la protéger, le représentant syrien s’est dit étonné que l’on reproche à son gouvernement de vérifier l’identité d’individus présumés terroristes. 

Il a signalé que certains terroristes avaient été arrêtés alors qu’ils portaient des vêtements féminins pour se dissimuler.  Il s’est demandé comment une personne sensée pourrait-elle croire, ne serait-ce qu’un instant, que des terroristes qui ont sévi en Syrie depuis des années aient été en mesure d’agir sans un appui de leurs sponsors.

M. Ja’afari a jugé tout aussi surprenant que son homologue britannique nie la présence de terroristes à Alep alors que le Conseil a adopté huit résolutions sur le terrorisme auxquelles le Royaume-Uni a souscrit.  Il a enfin estimé qu’il ne s’agissait pas de la « chute d’Alep » mais de « la libération d’Alep », qui a fini par « retourner dans son giron initial ».

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