En cours au Siège de l'ONU

7833e séance – matin
CS/12623

La Procureure de la CPI regrette l’« inaction » du Conseil de sécurité devant la « non-coopération » des États Membres avec la Cour

Alors que les cinq individus visés par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes graves commis au Darfour n’ont toujours pas été appréhendés, la Procureure de la Cour, Mme Fatou Bensouda a invité, ce matin, le Conseil de sécurité à se poser des questions « honnêtes, mais difficiles ».

« Comment pouvons-nous maintenir la confiance des victimes en la justice internationale alors que M. Omar Al-Bashir et les autres suspects continuent de voyager dans le monde en toute impunité? » a-t-elle déclaré, en faisant référence au Président du Soudan qui, depuis mars 2009, a traversé, sans jamais être inquiété, les frontières à 131 reprises, dont 14 fois pour se rendre dans des États, parties au Statut de la Cour (plus connu sous le nom de « Statut de Rome »).

Venue présenter au Conseil son dernier rapport en date, la Procureure a rappelé qu’outre le Chef d’État soudanais, MM. Abdel Hussein et Ahmad Harun continuent d’occuper des postes de haut niveau au sein du Gouvernement soudanais, tandis que M. Ali Kushayb joue un rôle actif dans les milices opérant au Darfour et qu’Abdallah Banda est toujours en liberté au Soudan.

« Le temps n’effacera pas le fait que ces cinq hommes sont accusés de multiples crimes contre l’humanité et de crime de guerre, et dans le cas de M. Al-Bashir, de génocide », a assuré Mme Bensouda, qui a insisté sur la responsabilité des États parties au Statut de Rome.

Elle a ainsi annoncé qu’une audience publique se tiendra le 7 avril 2017 afin d’examiner l’éventuel non-respect du Statut de Rome par l’Afrique du Sud, où le Président soudanais s’est rendu en juin 2015.  « Cela permettra à l’ONU de soumettre sa position sur les cas de non-coopération dans le cadre des situations déférées par le Conseil à la Cour », a-t-elle expliqué.

Déplorant son « inaction », la Procureure a insisté sur le rôle « critique » que doit jouer, selon elle, le Conseil dans les cas de non-coopération, qui ont fait l’objet de 13 décisions de la part de la Chambre préliminaire de la CPI.  « Au minimum, le Conseil pourrait considérer qu’il fera référence à ces décisions dans une résolution séparée, comme cela a été fait dans la résolution 2213 (2015) concernant la situation en Libye », a-t-elle suggéré.

Mme Bensouda, rejointe sur ce point par l’Uruguay, a également soutenu la proposition faite par la Nouvelle-Zélande le 9 juin dernier, selon laquelle le Conseil devrait répondre à une notification de non-coopération « soit par un projet de résolution ou de déclaration, soit par une réunion avec le pays concerné ».  De manière plus générale, l’Espagne a reconnu la nécessité pour l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales de renforcer son interaction avec la CPI.

Au-delà des crimes passés dont sont suspectés les responsables suscités, la Procureure a souligné que de nouveaux crimes visés par le Statut de Rome continueraient d’être commis au Darfour, « ce qui n’est pas étonnant compte tenu de l’incapacité à arrêter les suspects ».  Elle a ainsi fait état des allégations avancées par Amnesty International, selon lesquelles le Gouvernement soudanais, en 2016, aurait usé d’armes chimiques à plusieurs reprises contre des civils du Djebel Marra, au Darfour.  Des allégations catégoriquement rejetées par le Soudan et la Fédération de Russie.

Pour le représentant du Soudan, le rapport de la Procureure contient de nombreuses contradictions et incohérences.  Il a accusé la CPI de s’être transformée en une « mission de contrôle à des fins politiques au Darfour », contrairement à son mandat d’instance judiciaire.  « Mme Bensouda a fait du Soudan et du Gouvernement soudanais des ennemis, ce qui est complètement indigne de la part d’une institution autoproclamée de ce calibre. »

Rappelant que le Soudan n’est pas partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et que cette institution judiciaire n’est pas, selon lui, un organe des Nations Unies, le représentant a souhaité soumettre au Conseil deux documents, l’un portant sur l’accessibilité de toutes les zones du Darfour relatif aux « accusations fallacieuses » de génocide auxquelles font face les autorités du Soudan, sur la base de témoignages internationaux; l’autre portant sur l’accessibilité de toutes les zones du Darfour.

Plusieurs membres du Conseil ont toutefois fait observer que des restrictions, voire des « blocages », s’appliquent aux déplacements de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) dans la région, une conclusion reprise à son compte par le rapport de la Procureure.  « Il est essentiel que la MINUAD ait accès à la totalité du territoire du Darfour pour faciliter les enquêtes sur les crimes commis et rompre ainsi le cycle de l’impunité », ont fait observer les États-Unis, suivies en ce sens par la France et le Sénégal.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Déclarations

Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a constaté, de nouveau, avec « immense regret », que les cinq personnes visées par un mandat d’arrêt de la CPI n’avaient toujours pas été appréhendées.  Omar Al-Bashir, Abdel Hussein et Ahmad Harun continuent d’occuper des postes de haut niveau au sein du Gouvernement soudanais, tandis qu’Ali Kushayb joue un rôle actif dans les milices opérant au Darfour et qu’Abdallah Banda est toujours en liberté au Soudan, a-t-elle indiqué.

Le temps n’effacera pas le fait que ces cinq hommes sont accusés de multiples crimes contre l’humanité et de crime de guerre, et dans le cas de M. Al-Bashir, de génocide, a fait remarquer Mme Bensouda.  Il est nécessaire, a-t-elle souligné, de ne pas oublier l’obligation qui s’attache à juger les responsables des crimes les plus odieux.

Rappelant la gravité des crimes commis au Darfour, elle a estimé que ses deux exposés semestriels devant le Conseil ne devraient pas être considérés comme une routine mais, au contraire, l’occasion d’un échange de vues entre la Cour et le Conseil pour accélérer la mise en œuvre de la résolution 1593 (2005).

La Procureure a déclaré qu’en vertu de cette résolution, son Bureau avait été chargé d’établir la vérité et de rendre justice aux victimes au Darfour.  Alors que le temps passe, les fugitifs continuent de franchir les frontières internationales, bénéficiant de l’incapacité du Soudan et de certains États parties d’exécuter les mandats d’arrêt, a-t-elle déploré.

L’inaction du Conseil, a-t-elle dit, est un facteur aggravant.  Il n’est pas surprenant que les victimes, lentement mais sûrement, soient en train de perdre confiance en la justice internationale au Darfour, a affirmé la Procureure, avant d’inviter le Conseil à se poser des questions honnêtes mais difficiles.  « Comment pouvons-nous maintenir la confiance des victimes en la justice lorsqu’elles constatent que M. Al-Bashir et les autres suspects continuent de voyager dans le monde en toute impunité? »

Mme Bensouda a précisé que depuis mars 2009, M. Al-Bashir avait traversé les frontières 131 fois, dont 14 fois pour se rendre dans des États parties au Statut de Rome.  M. Al-Bashir aurait pu être arrêté depuis longtemps, si seulement la volonté politique existait entre les États et au sein de ce Conseil, a-t-elle noté, en ajoutant que l’inaction du Conseil ne faisait qu’encourager les États à accueillir M. Al-Bashir.  La Procureure a déclaré que cette preuve d’impunité faisait obstacle à l’application de la résolution précitée et la crédibilité de ce Conseil.

La Procureure de la CPI a insisté sur la « clarté » de l’obligation pour les États parties d’arrêter M. Al-Bashir.  Rappelant que l’Afrique du Sud n’avait pas arrêté M. Al-Bashir lors de sa visite dans ce pays en juin 2015, elle a indiqué qu’une audience publique se tiendra le 7 avril 2017 afin d’examiner l’éventuel non-respect du Statut de Rome par l’Afrique du Sud.  Cela permettra à l’ONU de soumettre sa position sur les cas de non-coopération dans le cadre des situations déférées par le Conseil à la Cour, a-t-elle indiqué.  Faisant également observer que Djibouti et l’Ouganda n’avaient pas arrêté M. Al-Bashir lors de ses visites dans ces pays en juillet de cette année, Mme Bensouda a insisté sur le rôle critique du Conseil de sécurité dans ces cas de non-coopération.  « Je ne peux que souligner la nécessité pour ce Conseil de prendre des mesures rapides et concrètes pour exécuter les mandats d’arrêt délivrés par la Cour, a-t-elle dit.

La Chambre préliminaire, a-t-elle précisé, a adopté 13 décisions relatives à de tels cas de non-coopération.  « Au minimum, le Conseil pourrait considérer de se référer à ces décisions dans une résolution séparée comme cela a été fait concernant la situation en Libye dans la résolution 2213 (2015) », a-t-elle estimé.  Mme Bensouda a souhaité qu’une pleine attention soit portée à la proposition de la Nouvelle-Zélande, formulée le 9 juin 2016, selon laquelle le Conseil devrait répondre à une notification de non-coopération soit par un projet de résolution ou de déclaration ou par une réunion avec le pays concerné.  « J’appelle tous les États à pleinement coopérer avec la Cour pour appréhender les personnes visées par un mandat d’arrêt délivré par la CPI. »

La Procureure a indiqué que de nouveaux crimes visés par le Statut de Rome continueraient d’être commis au Darfour, « ce qui n’est pas étonnant au vu de l’incapacité à arrêter les suspects ».  Elle a mentionné les allégations avancées par Amnesty International, selon lesquelles le Gouvernement soudanais aurait usé d’armes chimiques à plusieurs reprises contre des civils à Djebel Marra au Darfour en 2016.  Le Soudan a empêché le Bureau du Procureur d’accéder à cette zone pour enquêter sur ces faits, réaffirmant ainsi sa politique de non-coopération avec la Cour, a-t-elle regretté.

Mme Bensouda a ensuite insisté sur la nécessité pour le Bureau du Procureur de disposer de ressources financières additionnelles lui permettant de conduire ses enquêtes au Darfour.  « Aussi longtemps que le Conseil ne prendra pas d’action directe pour obliger le Soudan et les autres États à exécuter les mandats d’arrêt, il est probable que je vienne à nouveau devant le Conseil en juin prochain pour délivrer le même message », a-t-elle prévenu.  « Le manque de progrès devrait peser de tout son poids sur notre conscience collective. »

En conclusion, Mme Bensouda a exhorté le Conseil à insuffler un nouveau souffle à la résolution 1593 (2005), « votre résolution », en fournissant à son Bureau l’appui dont il a besoin pour mener à bien ses enquêtes et poursuites s’agissant de la situation au Darfour.  « Le monde aspire à voir ce Conseil faire preuve de son autorité avec confiance et conviction dans le plein appui de la justice pénale internationale », a conclu la Procureure.

Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni) a déclaré qu’elle appuie la CPI et son travail essentiel de lutte contre l’impunité s’agissant des crimes les plus graves, notamment ceux qui sont perpétrés au Darfour.  Elle a demandé à toutes les parties de mettre fin aux violences contre les civils et aux violations des droits humains, en particulier au Djebel Marra.  Les déplacements de populations ont connu cette année un pic dans cette région, où la communauté humanitaire se heurte à des difficultés pour prêter assistance à la population la plus affectée, s’est alarmée la déléguée britannique. 

La représentante a également plaidé pour la levée des entraves au Bureau du Procureur pour qu’il puisse mener ses enquêtes, en vertu des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Elle a constaté que les mandats d’arrêt émis à l’encontre de plusieurs individus, et notamment du Président soudanais, n’ont toujours pas été exécutés.  « La non-coopération avec la Cour affaiblit le système de justice internationale », a-t-elle prévenu, avant de demander à tous les États parties de coopérer avec la CPI au titre de leurs obligations en vertu du Statut de Rome.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a rappelé, à son tour, la position de l’Union africaine, réaffirmée dans plusieurs de ses décisions, et relative à la manière dont la Cour pénale internationale traite certaines des affaires concernant l’Afrique.  Il a souligné qu’au moment même où le continent est engagé dans le combat contre l’impunité, conformément à la Charte de l’Union africaine, il faudrait mettre fin à la procédure de la CPI à l’encontre du Président soudanais, M. Omar Al-Bashir.

De même, dans plusieurs décisions prises lors de différents sommets de l’Union africaine au cours des années écoulées, le Conseil de sécurité était encouragé à ne pas porter la situation au Darfour devant la CPI.  Le représentant de l’Égypte a demandé à la CPI, compte tenu des réserves des pays africains au Statut de Rome, de s’abstenir de prendre toute mesure portant atteinte à la paix, la sécurité, la stabilité, la dignité et la souveraineté nationale des pays africains.  Il a aussi insisté sur le respect du droit international par cette même Cour s’agissant de l’immunité des dirigeants et autres hauts dignitaires pendant l’exercice de leur fonction.

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a souligné que la capacité du Conseil de sécurité de référer des situations à la CPI jouait un rôle vital.  En même temps, a-t-il mis en garde, le Conseil de sécurité doit faire en sorte que les renvois à la Cour ne soient pas perçus comme « un outil politique », surtout au milieu d’un conflit.  De telles actions risquent en effet de politiser la Cour et de prolonger les conflits et le processus de responsabilisation.  De plus, tout renvoi à la CPI devrait être accompagné d’engagements clairs pour fournir à la Cour l’appui, la coopération et les ressources dont elle a besoin afin de remplir son mandat.

S’agissant du Darfour, M. van Bohemen s’est inquiété du manque de progrès.  Il a constaté que les cinq ressortissants faisant l’objet de mandats d’arrêts par la CPI restaient en fuite et que les civils continuaient de souffrir des conséquences dévastatrices du conflit.  Le Gouvernement du Soudan et les États Membres de l’ONU ignorent leur obligation de coopérer avec la CPI conformément à la résolution 1593, ce qui sape la crédibilité du Conseil de sécurité.  Le représentant a demandé au Conseil d’adopter une approche plus structurée quand il constate un manque de coopération.  Il a également espéré que le Conseil trouvera un moyen de résoudre l’impasse dans ses relations avec les autorités à Khartoum.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) s’est déclaré profondément préoccupé des violations graves du droit international humanitaire commises au Darfour, y compris des violences sexuelles et sexistes mentionnées dans le rapport dont est saisi aujourd’hui le Conseil de sécurité.  Il a regretté que les mandats d’arrêt émis par la Cour n’aient toujours pas été exécutés à ce jour, en soulignant que même les chefs d’État ne sont pas à l’abri de poursuites en vertu du Statut de Rome.  Tous les États Membres doivent coopérer avec la CPI, au risque d’agir en violation de la Charte des Nations Unies, a souligné le représentant de l’Ukraine, qui a assuré de l’appui de sa délégation aux activités de la CPI et au Bureau du Procureur.

M. SHEN BO (Chine) a plaidé pour une solution politique au Darfour en notant que des progrès avaient récemment été faits en ce sens.  La communauté internationale doit appuyer la recherche d’une telle solution, a estimé le délégué, en insistant sur la nécessité d’établir un cessez-le-feu et d’assurer le bon acheminement de l’aide humanitaire au Darfour.  Il a appelé la communauté internationale à adopter une position équilibrée axée sur le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale du Soudan.  La position de la Chine concernant l’action de la CPI relative à la situation au Darfour reste inchangée, a-t-il réaffirmé.  Les préoccupations de l’Union africaine et du Soudan vis-à-vis de la CPI, a-t-il estimé, devraient être dûment prises en compte.

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à devenir parties au Statut de Rome de la CPI.  Il a regretté que l’état d’avancement des enquêtes au Darfour soit au même niveau qu’en juin dernier, lors du dernier examen en date de cette question.  Blâmant le manque de coopération avec la Cour, le représentant a souligné la responsabilité commune des États Membres.  Le représentant a déclaré qu’il faudrait agir face à l’absence de coopération, y compris dans l’exécution des mandats d’arrêt internationaux émis par la Cour.  À cet égard, il a remercié la Nouvelle-Zélande pour les propositions faites aujourd’hui. 

M. ALEXIS LAMEK (France) a déploré que les mandats d’arrêt délivrés par la CPI demeurent inexécutés.  Les entorses faites à la coopération avec la Cour doivent être répertoriées, « ce qui n’exclut pas qu’un dialogue s’engage avec les États concernés afin de les mettre face à leurs obligations », a-t-il déclaré.  Il a ainsi regretté la décision de retrait de l’Afrique du Sud et l’a invitée à reconsidérer sa position.

Sans une action résolue du Conseil de sécurité, a averti M. Lamek, les populations civiles demeureront les premières victimes au Darfour.  En premier lieu, a-t-il rappelé, il ne peut exister de solution militaire à ce conflit.  Il a regretté l’absence de réels progrès dans la mise en place d’un processus inclusif permettant de travailler à une paix durable. Il a ensuite soutenu les efforts déployés par le panel de haut niveau de l’Union africaine pour avancer vers une solution politique globale.

En deuxième lieu, a poursuivi le représentant, la protection des civils doit être pleinement assurée.  Il a regretté que le rapport du Procureur répertorie à nouveau des restrictions d’accès à l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) ainsi que des blocages dans son fonctionnement et son approvisionnement.  En troisième lieu, l’accès humanitaire sûr, immédiat et sans entrave aux populations civiles et aux déplacés doit être facilité et garanti.  En quatrième et dernier lieu, a-t-il insisté, il demeure essentiel que les auteurs des crimes commis soient poursuivis et que la justice puisse être rendue.

M. Lamek a réitéré l’importance de l’obligation de coopération de tous les États parties à la CPI et de tous les États Membres des Nations Unies avec la Cour, en conformité avec les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, « coopération sans laquelle la poursuite des crimes les plus graves par la CPI restera lettre morte ».  Si cette obligation incombe en premier lieu au Soudan, « il appartient à ce Conseil de répondre aux cas de non-coopération avec la Cour », a-t-il conclu.

Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) s’est dite profondément préoccupée par la poursuite du conflit au Darfour.  Elle a exhorté les parties au Darfour à respecter le droit international humanitaire et à s’abstenir de cibler les civils et les travailleurs humanitaires.  Elle s’est félicitée de la signature de la feuille de route par le Gouvernement soudanais et certains groupes armés de l’opposition, qui constitue un pas en avant important sur la voie de la paix au Darfour.  Elle a exhorté les parties à parvenir à un compromis pour un cessez-le-feu, un règlement politique et un bon acheminement de l’aide humanitaire au Darfour, avant d’encourager les parties qui n’ont pas encore signé ladite feuille de route à le faire.  Enfin, elle a rappelé qu’il était important pour le Gouvernement soudanais de créer un climat de confiance propice à la recherche d’une solution politique au Darfour.  À cette fin, le Gouvernement soudanais doit appliquer toutes les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, a conclu la déléguée de la Malaisie.

La résolution 1593 du Conseil de sécurité demande la pleine coopération du Gouvernement du Soudan et de toutes les parties, a rappelé M. TAKESHI AKAHORI (Japon).  Dans la mesure où la non-application continue de ce texte saperait la crédibilité du Conseil, a-t-il estimé, « un suivi s’impose pour manquement aux obligations ».  C’est dans cet esprit que le Japon, en coopération avec l’Australie, le Pérou, le Sénégal et la Tchéquie, a préparé un guide pratique pour aider les États parties au Statut de Rome à engager des actions lorsque des incidents de non-coopération se produisent.

M. Akahori a jugé que le processus politique devrait progresser pour apporter la stabilité au Darfour et la justice aux victimes.  Il a espéré que le Gouvernement du Soudan et les groupes d’opposition armés entameront rapidement des négociations et estimé que le cessez-le-feu devrait être surveillé de près.  Si le niveau de violence semble avoir décru, l’ampleur des attaques contre les civils et les allégations d’usage d’armes chimiques au Djebel Marra, requièrent encore l’attention de la CPI, a-t-il considéré. 

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a déclaré que sa délégation appuyait les efforts déployés pour lutter contre l’impunité.  Il a estimé que des progrès ont été accomplis, grâce à la mise en œuvre de dispositions importantes de l’Accord sur l’adoption du Document de Doha et grâce à la médiation de l’ancien Président sud-africain, Tabo Mbeki.  Le représentant s’est dit toutefois préoccupé par les hostilités au Darfour.  Sa délégation est favorable à un dialogue entre la CPI et l’Union africaine afin que des mesures appropriées soient prises dans la région.  D’une manière générale, le Venezuela a apporté son soutien au travail des organisations régionales, compte tenu de la mise en cause de la légitimité de la Cour et du Bureau du Procureur par plusieurs pays africains.  Le Venezuela s’est ensuite élevé contre les tentatives de politisation de la CPI par certaines factions, en considérant que le mandat d’arrêt émis à l’encontre d’Omar Al-Bashir ne respecte pas l’immunité accordée aux chefs d’État, ni les prérogatives des États qui ne sont pas parties au Statut de Rome.

Mme ISOBEL COLEMAN (États-Unis) a salué la détermination de la Procureure de la Cour pénale internationale, laquelle fait face à des obstacles politiques de taille.  Le conflit au Darfour, a-t-elle dit, échappe souvent à l’attention des médias.  « Nous passons plus de temps à critiquer la CPI plutôt qu’à rendre justice aux victimes des crimes commis au Darfour », a-t-elle fait remarquer.  Elle s’est dite vivement préoccupée par le fait que certains pays continuent d’accueillir M. Al-Bashir, avant de féliciter ceux qui s’y refusent.  La déléguée des États-Unis a plaidé pour une solution politique globale au Darfour, avant de noter avec satisfaction la réduction de la violence au Darfour.  Il est essentiel que la MINUAD ait accès à la totalité du territoire du Darfour pour faciliter les enquêtes sur les crimes commis et rompre ainsi le cycle de l’impunité.  Le temps est venu pour nous tous de nous engager de nouveau en faveur de la justice au Darfour, a souligné la représentante.

M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a regretté que tout un chapitre du rapport du Procureur de la CPI repose sur des allégations non vérifiées par le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) ni par le Gouvernement soudanais.  Cela remet en cause la crédibilité de ce document, a-t-il déclaré.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) s’est dit perplexe devant les exigences formulées ce matin au Conseil de sécurité, qu’il a qualifiées « d’inappropriées ».  Il n’y a pas d’unité du Conseil sur les mesures à prendre s’agissant des cas de non-coopération, a-t-il dit, avant de rappeler les préoccupations de certains pays africains vis-à-vis de l’action de la Cour.  La Fédération de Russie, a-t-il dit, comprend ces préoccupations.  La décision de certains pays de se retirer du Statut de Rome, a-t-il estimé, n’est pas étonnante.  Il est important que leurs arguments soient entendus, a-t-il souligné, avant d’insister sur la validité des critiques adressées à la Cour.  Le délégué russe a affirmé que les acteurs à l’origine du renvoi de la situation au Darfour à la CPI auraient dû prévoir les coûts afférents à cette démarche.

Le représentant a ensuite insisté sur la réduction de la violence au Darfour, grâce aux efforts des autorités soudanaises, à l’exception du Djebel Marra, au centre du Darfour, où les affrontements se poursuivent.  Les experts du Comité des sanctions concernant le Soudan ont confirmé les violations du droit international humanitaire commises  par les groupes rebelles au Darfour, a-t-il déclaré.  Le représentant s’est interrogé sur la véracité des allégations selon lesquelles des armes chimiques auraient été utilisées contre des civils au Darfour.  Ces allégations sont basées sur des témoignages qui n’ont pas pu être vérifiés, a-t-il affirmé, en précisant que la MINUAD ne les avait pas confirmées.  Si ces armes chimiques avaient été utilisées à une telle échelle, il aurait été difficile de le masquer, a-t-il fait observer.  Le représentant russe a insisté sur l’importance de parvenir à un équilibre entre la recherche de la justice et le besoin de stabilité.

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a appelé le Gouvernement du Soudan à respecter ses obligations et les États parties à coopérer avec la Cour.  La poursuite des violences, notamment au Djebel Marra, et des violations des droits de l’homme sont préoccupantes pour ma délégation, a-t-il dit en déplorant le climat persistant d’impunité.  Le représentant a rappelé aux autorités à Khartoum d’assumer leurs responsabilité de protéger leur propre population, avant de réaffirmer qu’il ne peut y avoir de paix durable au Darfour sans justice.  M. Oyarzun Marchesi a réaffirmé qu’il souhaitait que le Conseil de sécurité établisse, à l’avenir, un dialogue régulier avec la CPI.  Il a également  rappelé la nécessité pour le Conseil de réfléchir à des moyens d’y parvenir, afin de reprendre la voie de la coopération et redonner espoir aux victimes.

M. GORGUI CISS (Sénégal) a invité à travailler à satisfaire les demandes de justice et de réparation des victimes du Darfour tout en aspirant à la paix par le dialogue. Dans ce contexte et, à l’instar de l’Union africaine, le représentant a appelé au rétablissement de la paix et de la justice au Darfour.  Commentant le rapport du Procureur de la CPI, qui fait état d’attaques contre les civils, y compris de crimes sexuels et à caractère sexiste, dans des proportions alarmantes, il a condamné tout acte de violence entres les populations civiles et appelé toutes les parties prenantes à prendre les mesures nécessaires pour que les acteurs de tels actes soient punis.  Il s’est dit également très préoccupé par les restrictions que connaît l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) dans l’exécution de son mandat.

Le Bureau du Procureur pourra difficilement remplir son mandat sans un budget adéquat, a fait remarquer le représentant, avant d’assurer que le Sénégal continuera d’œuvrer pour que l’Assemblée des États parties au Statut de Rome le dote des moyens nécessaires à ses poursuites.  Il a également rappelé qu’il était du devoir du Conseil de sécurité de s’assurer de la contribution financière des Nations Unies aux affaires qu’il a déférées devant la Cour.  De l’avis du Sénégal, le règlement définitif de la crise au Darfour passera nécessairement par les parties soudanaises elles-mêmes qui sont appelées à créer les conditions d’une stabilisation durable, dans le cadre d’un dialogue franc et global impliquant toutes les composantes de la société.  Il a enfin souligné le rôle et la place de la justice car, selon lui, le sentiment d’injustice est la source principale d’instabilité.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a tout d’abord regretté qu’une résolution du Conseil de sécurité contraigne la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) à présenter deux rapports par an, ce qui oblige, selon lui, la Procureure et la CPI à répéter un « monologue dénué de sens » sur la détérioration de la situation au Darfour et à proférer des « mensonges flagrants » pour obtenir le soutien du Conseil sur une question qui avait été réglée par la résolution 2003, adoptée le 20 juillet 2011.

Rappelant que le Soudan n’est pas partie au Statut de Rome de la CPI et que cette Cour n’est pas un organe des Nations Unies, « en dépit de la description qu’en ont faite certaines parties lors des réunions des principales commissions de l’Assemblée générale », le représentant a souhaité soumettre au Conseil deux documents, l’un sur l’accessibilité de toutes les zones du Darfour, l’autre consacré aux « accusations fallacieuses » de génocide auxquelles font face les autorités du Soudan, sur la base de témoignages internationaux.

Selon le délégué, les rapports du Procureur de la CPI ont fait apparaître, depuis 2005, une tendance à présenter le Président de la République du Soudan « d’une manière inappropriée et dérogatoire », qui est à la fois inacceptable et déplorable au regard de la dignité nationale et humaine de l’État soudanais.  Il est clair, a-t-il poursuivi, que cette Cour est minée par l’échec institutionnel et la corruption.  « Elle a fait du Soudan et du Gouvernement soudanais des ennemis, ce qui est complètement indigne de la part d’une institution autoproclamée de ce calibre ».  L’inconstance sur laquelle se fonde la CPI explique, à ses yeux, que « de plus en plus de nations et de pays s’en retirent ».

Notant que la Constitution intérimaire du Soudan de 2005 est un accord de paix adopté par consensus, suite à la proclamation de l’Accord de paix global signé cette même année avec le Soudan du Sud, le représentant a estimé que le Document de Doha pour la paix au Darfour rassemble des principes universellement reconnus concernant le retour volontaire des réfugiés et des déplacés, la mise en œuvre d’une justice de transition et de mesures de compensation pour les victimes ainsi que la poursuite des auteurs de violations des droits de l’homme.  C’est guidé par ces principes que le Gouvernement du Soudan a établi un tribunal spécial pour les crimes commis au Darfour, a-t-il ajouté, en précisant que des statistiques sur les travaux de cette instance ont été fournies au Conseil de sécurité.

Le délégué s’est étonné qu’en dépit de la référence, dans le rapport du Procureur de la CPI, à la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité qui renvoie la situation au Darfour devant la Cour, il n’est pas fait mention délibérément du paragraphe 6 de cette même résolution, lequel « souligne qu’il importe de promouvoir l’apaisement et la réconciliation et, à cet égard, encourage la création d’institutions auxquelles soient associées toutes les composantes de la société soudanaise, par exemple des commissions vérité et réconciliation, qui serviraient de complément à l’action de la justice, et renforceraient ainsi les efforts visant à rétablir une paix durable, avec le concours de l’Union africaine et de la communauté internationale si nécessaire ».

Pour le représentant du Soudan, le rapport du Procureur contient de nombreuses contradictions et incohérences.  Il a ainsi relevé que la Cour s’est transformée en une mission de contrôle à des fins politiques au Darfour, contrairement à son mandat d’instance judiciaire.  Le paragraphe 25 du rapport précise à cet égard que « le Bureau du Procureur poursuit son contrôle et ses enquêtes sur les crimes qui seraient actuellement commis au Darfour », a-t-il précisé.

Par ailleurs, a-t-il noté, la CPI a refusé de transmettre à l’Assemblée des États parties le cas de son premier Procureur, M. Luis Moreno Ocampo, accusé d’un viol commis en 2006, allant jusqu’à demander la destruction de preuves à charge; que son rapport, dans ses paragraphes 18 à 35, « tire des larmes » sur les « victimes », sachant pertinemment qu’il est prévu de rendre justice aux victimes dans le Document de Doha pour la paix au Darfour; et qu’en dépit d’un rapport d’Amnesty International cité par la CPI et accusant le Soudan d’avoir fait usage d’armes chimiques à Djebel Marra, au Darfour, entre janvier et septembre 2016, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a salué le rapport du Gouvernement du Soudan et renouvelé pour deux ans son mandat au sein du Conseil exécutif de l’Organisation.

Dans ces conditions, a-t-il poursuivi, le Soudan ne peut confier à la CPI « l’importante et noble mission de combattre l’impunité », les textes du Statut consolidant l’inégalité entre ceux qui sont soumis à sa juridiction « parce qu’ils opèrent une différenciation en fonction de leur nationalité et non des preuves présentées contre eux ».  De plus, a-t-il pointé, la moitié du budget de la Cour provient de contributions volontaires d’États et d’ONG qui exercent un contrôle sur elle.  Il a conclu son propos en rappelant que l’Union africaine attendait depuis 2009 une réponse à la question de savoir si le Statut de Rome annule l’immunité dont jouissent les hauts responsables en vertu du droit international.  

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