Le Représentant spécial pour la Libye demande la pleine mise en œuvre de l’Accord politique libyen, sous peine de voir le pays sombrer dans le chaos
Le Représentant spécial pour la Libye, M. Martin Kobler, a déclaré ce matin, devant le Conseil de sécurité, que l’Accord politique libyen, conclu en décembre 2015, demeure le seul cadre viable pour le pays, même si sa mise en œuvre est aujourd’hui dans l’impasse. « La seule alternative à cet accord est le chaos », a affirmé M. Kobler. Il s’est dit confiant que la mise en œuvre de l’Accord politique libyen sera couronnée de succès.
Le délégué de la Libye a partagé l’analyse du Représentant spécial et demandé à l’ONU de poursuivre ses efforts visant à promouvoir la formation d’un gouvernement d’entente nationale. Le Président du Comité créé par la résolution 1970 (2011) et le délégué de l’Uruguay se sont également exprimés.
Venu présenter le dernier rapport* du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), qu’il dirige, M. Kobler a tout d’abord insisté sur les avancées enregistrées dans le pays, en précisant que la production de pétrole avait triplé depuis le mois d’août dernier. Il s’est félicité de la légitimité internationale dont bénéficient le Conseil de la présidence et l’Accord politique libyen.
Le Représentant spécial a souligné les progrès décisifs enregistrés dans la lutte contre Daech, qui ne contrôle plus que quelques poches à Syrte. « Bien que Daech continue de poser une menace, les jours où il contrôlait des territoires en Libye sont terminés », a assuré M. Kobler, avant d’ajouter que l’Armée nationale libyenne continuait son avancée à Benghazi.
Tout en jugeant ces développements encourageants, M. Kobler a attiré l’attention sur les graves défis qui subsistent en Libye. « Les institutions de l’Accord politique libyen n’ont pas, et de loin, répondu aux attentes », a-t-il reconnu. Le Représentant spécial a ainsi évoqué le rejet par la Chambre des représentants de la formation d’un nouveau gouvernement d’entente nationale et le manque de coopération entre les différentes institutions libyennes. « Le gouvernement intérimaire basé à Beïda continue d’exercer son autorité en parallèle », a-t-il dit.
M. Kobler a déclaré que la situation sécuritaire fragmentée permettait aux réseaux criminels et terroristes de prospérer. Ces derniers jours, Tripoli a été le théâtre des plus violents affrontements depuis 2014, en raison de la rivalité entre les différents groupes armés, a-t-il déclaré. À ce stade, le Représentant spécial a souhaité que l’embargo sur les armes reste en place, « jusqu’à ce que la Libye soit dotée d’un appareil sécuritaire cohérent et fiable »
Il a proposé plusieurs pistes pour que le pays aille de l’avant, en reconnaissant que « l’erreur a été d’abandonner la Libye à elle-même après 2011 ». « Nous devons travailler ensemble pour régler définitivement les questions sous-jacentes », a-t-il déclaré. La situation en Libye, a-t-il ajouté, exige « des antibiotiques et non pas de l’aspirine ».
M. Kobler a tout d’abord appelé la Chambre des représentants à approuver le gouvernement d’entente nationale tel que présenté par le Conseil de la présidence. Lorsque ce sera fait, a-t-il dit, la Chambre des représentants et le Conseil d’État pourront s’approprier l’Accord politique libyen. Il a précisé que les questions en suspens, y compris celle relative au commandement de l’Armée nationale libyenne, pourront être réglées dans le cadre de l’Accord politique.
M. Kobler a ensuite appuyé la création d’une garde présidentielle pour protéger les institutions de l’État et les ambassades. Le Conseil de la présidence et le gouvernement d’entente nationale ne doivent pas être protégés par les groupes armés, a-t-il prévenu, en précisant que cette garde pourrait bénéficier d’exemptions au titre de l’embargo sur les armes.
Enfin, le Représentant spécial a souligné l’importance d’un retour échelonné de la MANUL à Tripoli, une fois que les questions de sécurité auront été réglées de manière adéquate. « Nous serons beaucoup plus efficaces là-bas qu’à Tunis », a-t-il reconnu. C’est pourquoi, il a invité la communauté internationale à renoncer à son exil et à être présente sur le terrain pour œuvrer au mieux au retour de la stabilité dans le pays.
À l’instar de M. Kobler, le représentant de la Libye, M. Elmahdi S. Elmajerbi, a reconnu les difficultés de mise en œuvre de l’Accord politique libyen, qui résident « principalement dans le rejet, par la Chambre des représentants, de la proposition du Premier Ministre Faiez Mustafa Serraj de former un nouveau gouvernement d’entente nationale ».
Il a ainsi demandé à la MANUL de poursuivre ses efforts pour promouvoir la formation d’un tel gouvernement, avant de rappeler que l’Armée nationale libyenne ne dispose pas des moyens d’assurer correctement la sécurité dans le pays. Le délégué libyen a plaidé pour que la Mission se montre plus proactive dans ce domaine et aide le Conseil de la présidence à développer ses institutions sécuritaires, en particulier sa garde présidentielle, composée d’éléments des forces de police et de l’armée.
M. Elmajerbi a tenu à rappeler que la Libye n’est pas un pays de provenance pour les migrants, mais un pays de transit, réagissant ainsi aux propos du délégué de l’Uruguay, M. Luis Bermúdez, qui s’est inquiété de la situation humanitaire en Libye. Partageant cette préoccupation, M. Kobler a affirmé que le pays était devenu « une plaque tournante pour le trafic d’êtres humains ».
Dans sa déclaration, le représentant de l’Uruguay s’est par ailleurs félicité de l’annonce de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) qui a achevé l’élimination de l’arsenal chimique en Libye. De son côté, le Président du Comité créé par la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité, M. Dato’ Ramlan Ibrahim, de la Malaisie, a présenté les travaux du Comité pour la période allant du 15 septembre au 6 décembre 2016.
Il a rappelé les principaux points du rapport intérimaire que le Groupe d’experts a présenté au Conseil le 28 septembre, conformément à la résolution 2278 (2016), et dans lequel sont décrites les actions menées par des groupes armés et des acteurs politiques, tant à l’est que dans l’ouest de la Libye, qui ont retardé ou compliqué la transition politique.
Le Groupe d’experts, a souligné le Président, a également fait état d’activités militaires continues à Benghazi et à Derna. Il s’est inquiété de la présence accrue de groupes armés étrangers et de la fragmentation des institutions financières et pétrolières en Libye.
Dans le cadre de ses activités, le Comité a reçu, le 4 octobre dernier, un rapport d’inspection de l’opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED Opération SOPHIA). Le 21 novembre, le Comité a également demandé à la Libye des détails sur les tentatives d’exporter illégalement du pétrole brut, a indiqué le Président.