La Deuxième Commission et l’ECOSOC réfléchissent aux moyens de lutter contre les flux financiers illicites qui entravent le développement de l’Afrique
La Commission chargée des questions économiques et sociales (Deuxième Commission) a tenu, ce matin, une séance conjointe avec le Conseil économique et social (ECOSOC) pour discuter, avec plusieurs experts, des « Flux financiers illicites et du financement du développement en Afrique ». Plusieurs pistes ont ainsi été envisagées pour répondre à un problème qui entraîne, chaque année, 50 milliards de dollars de pertes pour ce continent et entrave considérablement son développement.
La discussion s’est basée sur les conclusions et recommandations du rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, établi à la demande de la Conférence conjointe Union africaine/Commission économique pour l’Afrique (UA/CEA) et publié en début d’année. Ce rapport est le fruit des travaux de 10 experts dont l’ancien Président sud-africain, M. Thabo Mbeki, qui préside ce groupe.
Il est évident, a fait remarquer le Président de la Deuxième Commission, que la gouvernance mondiale et l’architecture financière ne sont pas actuellement bien équipées pour gérer le problème des flux financiers illicites (FFI). De l’avis du Président de l’ECOSOC, cette réunion tombe à point nommé parce que les pays africains ont devant eux une énorme tâche, celle de transformer leurs économies pour atteindre les multiples objectifs économiques et sociaux prévus dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Les ressources nationales que devront mobiliser l’ensemble des pays en développement au cours des 15 prochaines années se chiffrent à 1 000 milliards de dollars par an, a précisé M. Oh Joon. C’est exactement la somme que les pays d’Afrique ont perdu, au cours de ces 50 dernières années, en raison des flux financiers illicites, selon les estimations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est aussi, précise le rapport conjoint UA/CEA, l’équivalent de l’ensemble de l’aide publique au développement (APD) reçue par l’Afrique pendant la même période.
Après ces constations préoccupantes, les experts présents à cette réunion ont conseillé aux pays africains de mettre en place des processus budgétaires transparents, ainsi que les réformes fiscales nécessaires pour éviter la pratique de prix illégaux et pour élargir l’assiette fiscale. On a aussi recommandé à ces pays de créer des centres de lutte contre la corruption et des unités FFI au sein de leurs autorités fiscales et douanières. Avant tout, les intervenants ont insisté pour que les pays d’Afrique règlent leurs problèmes de gouvernance qui est à l’origine de la fuite des capitaux.
Les discussions ont, en même temps, montré que ces pays n’étaient pas seuls dans cette lutte et l’on a invoqué tant la responsabilité du continent africain que celle de la communauté internationale en général. De nombreux appels ont été lancés en faveur d’une coopération internationale à cet effet.
Cette coopération est particulièrement nécessaire lorsqu’il s’agit de geler et de rapatrier les avoirs illicites. Le représentant du Royaume-Uni a donné l’exemple de ce que fait son pays dans ce domaine, grâce à ses unités spéciales créées au sein des forces de police. Celles-ci, a-t-il précisé, ont déjà rapatrié 180 millions de livres sterling et procédé à l’arrestation de 27 personnes.
Son homologue du Lesotho s’est toutefois montré sceptique quant à la volonté des pays développés de coopérer sur le plan judiciaire en posant la question suivante: le monde développé est-t-il prêt à extrader les personnes responsables de FFI pour qu’elles soient jugées au Lesotho et y purgent leur peine?
Au niveau des institutions internationales, le Commissaire chargé des affaires économiques à l’Union africaine a proposé que l’ONU mette sur pied un cadre international pour lutter contre ce fléau. C’est une question complexe qui est encore loin d’être résolue, a fait remarquer la représentante du Département des affaires économiques et sociales (DAES) en expliquant que la notion de FFI n’a pas encore été clairement définie au niveau international.
Dans l’après-midi, la Deuxième Commission a tenu une séance informelle pour dialoguer, comme elle le fait chaque année, avec les Secrétaires exécutifs des commissions régionales, afin d’examiner le rôle de ces commissions dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté il y a tout juste quatre semaines.
La Deuxième Commission reprendra ses travaux lundi 26 octobre à 10 heures. Elle examinera les points de son ordre du jour relatifs à la Palestine et aux questions de politique macroéconomique.
SÉANCE CONJOINTE SUR LE THÈME « FLUX FINANCIERS ILLICITES ET FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE »
Observations liminaires
M. ANDREJ LOGAR, Président de la Deuxième Commission, a rappelé la tenue en 2011 de la quatrième session de la Commission des ministres des finances, de la planification et du développement économique de l’Union africaine. Les ministres des financees avaient demandé à la Commission économique pour l’Afrique d’établir un rapport sur les flux financiers illicites (FFI) en Afrique, sous la présidence de M. Thabo Mbeki, ancien Président de l’Afrique du Sud. Après une enquête rigoureuse, ce rapport présente les graves conséquences de ces flux en Afrique et conclut que la lutte contre les FFI n’était plus une option mais un impératif. Ce rapport a recommandé à l’Union africaine de travailler avec ses partenaires pour créer un cadre mondial de gouvernance afin de déterminer « les conditions dans lesquelles les avoirs sont gelés, gérés et rapatriés ».
Il est évident, a poursuivi le Président de la Deuxième Commission, que la gouvernance mondiale et l’architecture financière ne sont pas actuellement bien équipées pour gérer la question des FFI. Il a souligné qu’il était nécessaire de mener des réformes pour promouvoir la coopération au niveau mondial et en finir avec ces flux. Il a proposé trois axes de réflexion aux experts, présents aujourd’hui, et aux délégations. Comment les Nations Unies peuvent assister les pays africains à gérer les FFI aux niveaux national et régional? Il faudrait aussi, a-t-il dit, réfléchir à la manière dont l’ONU pourrait stimuler une meilleure coopération entre les entités impliquées dans la lutte contre les FFI, étant donné les nombreuses initiatives en la matière. Enfin, il a demandé de prévoir les mesures que l’ONU peut prendre pour promouvoir une gouvernance mondiale et une architecture financière capables de traiter le problème des FFI.
M. OH JOON, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a estimé que la réunion d’aujourd’hui sur les flux financiers illicites en Afrique tombait à point nommé. Cette réunion est nécessaire, a-t-il expliqué, parce que les pays africains ont devant eux une énorme tâche, celle de transformer leurs économies pour atteindre les multiples objectifs économiques et sociaux. Il s’agit de créer des emplois, réduire la pauvreté, lutter contre les inégalités, autonomiser les femmes et parvenir au développement durable, en équilibrant les besoins économiques avec la durabilité sociale et environnementale. Le Président de l’ECOSOC a souligné qu’après la troisième Conférence sur le financement du développement d’Addis-Abeba et l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 il y a quelques semaines, l’ONU et ses États Membres s’étaient engagés à réfléchir de façon innovante sur les moyens de financer la mise en œuvre des objectifs de développement durable.
Les pays africains, a rappelé M. Oh, doivent financer une série d’investissements pour traduire ces objectifs en pratique. La question est de savoir quelle sera la source de ce financement. Il a ainsi cité le rapport mondial sur l’investissement 2014 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et d’autres sources qui soulignent la nécessité d’investir 1 000 milliards de dollars par an pendant les 15 prochaines années dans les pays en développement pour qu’ils atteignent les principaux objectifs de développement durable. Les pays africains sont les pays en développement qui vont avoir besoin de la plus grande aide, a-t-il fait remarquer, en appelant à utiliser les ressources au sein même du continent. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) estime que les FFI représentent 50 milliards de dollars de pertes par an, ce qui se traduit en pertes de réserves de devises et en manque d’investissements dans le domaine des ressources naturelles.
M. JAMES ZHAN, Directeur de la Division de l’investissement et des entreprises à la CNUCED, qui s’exprimait par vidéoconférence depuis Genève, a souligné que les conséquences directes et indirectes des flux financiers illicites entravaient le développement structurel de l’Afrique. Le problème est grave, a-t-il prévenu en souhaitant que la CNUCED et d’autres institutions aident à le résoudre. Il a recommandé de mettre en place les réformes fiscales nécessaires pour éviter la pratique de prix illégaux et pour élargir l’assiette fiscale. Il faudrait, avant tout, régler les problèmes de gouvernance en Afrique, a-t-il insisté, en précisant qu’à ce jour, les flux financiers illicites atteignent 5% du PIB en Afrique.
Parmi les causes de ce phénomène, M. Zhan a mentionné l’inadaptation des structures de gouvernance. Il a donc recommandé aux pays africains de renforcer la transparence par des processus budgétaires transparents et en permettant à la société civile d’exercer un contrôle. Il faudrait notamment créer des centres de lutte contre la corruption et des unités FFI au sein des autorités fiscales et douanières, a-t-il recommandé en faisant remarquer que de telles institutions n’existent pas en Afrique. Il a souligné non seulement la grande responsabilité du continent africain, mais aussi celle de la communauté internationale en général, en plaidant en faveur d’une coopération internationale à cet effet. Il faudrait parvenir au gel des avoirs illicites et à leur rapatriement, a-t-il ajouté avant de conseiller également de gérer les problèmes des entreprises qui ne payent pas leurs impôts et celles qui ont des pratiques illégales. Tels sont des domaines où la CNUCED aide les pays, a-t-il dit en concluant son intervention.
Déclarations
M. MOTHAE MARUPING, Commissaire chargé des affaires économiques à l’Union africaine, a estimé que la question des FFI était cruciale pour le développement de l’Afrique dans la mesure où l’aide publique au développement (APD) et les investissements directs étrangers (IDE) ne cessent de baisser. C’est une situation à laquelle il faudrait remédier au niveau international. Il a ensuite indiqué que la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 exigeait un ensemble de réformes structurelles et d’investissements en Afrique, une réalité qui devrait donc inciter les pays africains à s’occuper de la question des FFI.
Dans le contexte de la mise en œuvre du nouveau programme de développement international, M. Maruping a souligné que l’APD demeurait une source importante de financement. Il a cependant déploré le fait que les multiples engagements des donateurs à cet effet sont toujours restés lettre morte, ce qui explique que l’APD ne cesse de diminuer. L’une des sources de financement du développement dont disposent les pays africains reste l’assiette fiscale nationale, a-t-il dit. M. Maruping a ainsi estimé que les FFI apparaissent, dans ce contexte, comme un obstacle majeur à la mobilisation des fonds pour le développement durable. Le travail pour éradiquer les FFI sera probablement long, et l’Afrique ne peut régler ce problème seul, a-t-il noté en soulignant que ces flux concernaient le monde entier. Il a proposé que l’ONU mette sur pied un cadre international pour lutter contre ce fléau, en souhaitant aussi que la question des FFI reste au centre des discussions à la fois du Conseil économique et social et à la Deuxième Commission.
M. AMR NOUR, Directeur du Bureau des Commissions régionales à New York, a indiqué que les FFI en provenance de l’Afrique étaient moins importants par rapport à ceux provenant d’autres continents, tout en estimant que cela ne modifiait en rien la gravité du problème pour le continent. Globalement, les FFI représentent près de 6% du produit intérieur brut des pays du continent, a-t-il fait comprendre, en ajoutant que les pays les plus touchés sont ceux dont l’économie s’appuie surtout sur les activités des industries extractives. Compte tenu de la nature même des FFI, qui sont des fonds découlant d’activités illégales, a-t-il fait remarquer, il n’est donc pas facile d’évaluer leur montant avec exactitude. Il a tout de même noté que le continent perdait, chaque année, 50 milliards de dollars en raison des FFI.
Il a en outre rappelé que le rapport sur les FFI en Afrique, conjointement initié par l’Union africaine et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), préparé par le Groupe des personnalités de haut niveau présidé par l’ancien Président Sud-africain, M. Thabo Mbeki, et publié en février dernier, avait fait un certain nombre de recommandations pour venir à bout du fléau. L’une de ces recommandations prône l’élaboration de lois claires pour lutter contre le phénomène de la falsification des prix. Une autre recommandation note que face à l’érosion de l’assiette fiscale, il faudrait renforcer la coopération internationale en matière fiscale. M. Nour a aussi rappelé l’importance de la création ou du renforcement des agences nationales de lutte contre les FFI. Il a ainsi cité l’exemple de la Bolivie où les revenus des industries extractives sont établis à 287 millions de dollars en 2004. Après la renégociation des contrats par le Gouvernement bolivien, ce montant a quadruplé, passant à 1,6 milliard de dollars en 2008. Cet exemple laisse croire, a-t-il indiqué, que les choses peuvent changer si la volonté politique y est favorable. M. Nour a aussi prôné le renforcement de la coopération interrégionale, notamment entre les Commissions économiques régionales des Nations Unies, tout en souhaitant un renforcement de la dynamique internationale contre les FFI, sous l’égide des Nations Unies.
M. JAMES BOYCE, Professeur au département d’économie de l’Université du Massachusetts à Amherst, a expliqué que la fuite des capitaux était une catégorie de flux financiers illicites. La fuite de capital, a-t-il précisé, c’est « l’acquisition, le transfert ou la détention de fonds de façon clandestine ». Elle est motivée par le souhait de cacher l’origine de fonds acquis de manière illicite ou par un objectif d’évasion fiscale. Les capitaux acquis de manière illicite sont obtenus par détournement de fonds, pots de vins, extorsion, évasion fiscale, ou autre activité criminelle. Les capitaux transférés de manière illicite sont des transferts non déclarés comme revenus aux autorités nationales, comme des virements bancaires ou des billets de banque. La détention illicite de capitaux, c’est-à-dire des avoirs non déclarés comme revenus aux autorités nationales, est motivée par la volonté d’éviter des poursuites judiciaires à cause de l’acquisition illicite des fonds.
M. Boyce a fait le lien entre fuite de capitaux et dette extérieure, notant que les pays en développement font souvent l’expérience des deux en même temps. Il a cité des analyses économétriques selon lesquelles pour chaque dollar de dette extérieure d’un pays africain, 60 centimes sortent de l’Afrique dans la fuite des capitaux la même année. M. Boyce a ensuite parlé des politiques qui ont réussi à rapatrier les avoirs volés, en citant l’exemple des 700 millions de dollars détenus par un ancien chef militaire nigérian et récupérés dans les banques suisses. Il a rappelé que la Convention des Nations Unies contre la corruption comprenait des dispositions sur le recouvrement des avoirs et l’assistance juridique entre pays. Enfin, il a plaidé en faveur de réformes règlementaires en invitant à améliorer la transparence. Il a rappelé que les centres financiers off shore ne sont pas seulement établis dans des îles éloignées mais aussi dans des villes comme Londres ou New York. Il a salué les pratiques d’échange automatique d’information qui sont devenues la nouvelle norme dans le secteur bancaire.
Mme ERIKA DAYLE SIU, consultante spécialiste de l’impôt et du développement, a parlé de ce que fait la Commission indépendante pour la réforme de l’impôt international sur les sociétés, présidée par l’ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies, M. Jose Antonio Ocampo, et dont fait notamment partie Mme Eva Joly. Elle a expliqué le problème de l’érosion de l’assiette fiscale dans les pays en développement causé par l’évasion fiscale, un phénomène qui coûte, selon la CNUCED, 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement et, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 100 à 240 milliards de dollars par an pour l’ensemble des pays. Dans le même temps, a-t-elle signalé, nous constatons une baisse des taux d’imposition des entreprises au cours de ces 30 dernières années. Un autre facteur à prendre en compte est la grande dépendance des pays en développement par rapport aux impôts sur les sociétés, a-t-elle ajouté.
Mme Dayle Siu a fait remarquer que le système d’imposition en cours avait été créé dans un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Actuellement, a-t-elle souligné, 63% du PIB mondial proviennent des services. Elle a aussi prévenu qu’il y avait de plus en plus de litiges entre partenaires commerciaux à cause de la falsification des prix. Soulignant le manque de coopération au plan international, elle a appelé à travailler de manière plus coordonnée pour faire face aux problèmes d’abus fiscal. La Commission indépendante pour la réforme de l’impôt international sur les sociétés a proposé cinq réformes, la première étant de taxer les multinationales comme des entreprises uniques. En outre, la Commission encourage les pays développés à imposer les sociétés au minimum et à éliminer les mesures qui facilitent l’évasion fiscale en coordonnant leurs efforts au niveau régional. Les compétences des autorités fiscales doivent aussi être renforcées, a-t-elle recommandé avant de prôner aussi la publication des informations fiscales. Enfin, elle a appelé à renforcer l’inclusivité en matière de coopération en matière fiscale.
M. JUNIOR ROY DAVIS, économiste à la Division de l’Afrique, des pays les moins avancés et des programmes spéciaux de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a regretté que des flux financiers licites soient également visibles en provenance du continent africain. Il a par exemple expliqué que 56% des avoirs des banques commerciales africaines sont déposés en dehors du continent, un fait qui n’est pas favorable aux investissements locaux. Il a aussi déploré le fait qu’en Afrique, les cadres juridiques et règlementaires pour lutter contre les FFI manquent de coordination. Il a ainsi invité les pays d’Afrique à mieux s’équipper pour lutter contre les FFI, en assurant que la CNUCED apportait son appui technique dans cette optique.
M. Davis a en outre indiqué que la réduction des FFI en Afrique permettrait, par exemple, d’augmenter le budget de la santé, un secteur qui exige des réformes énormes sur le continent. La volonté politique est essentielle pour engager des changements sur le continent, a-t-il dit. M. Davis a aussi plaidé pour le renforcement de la coopération internationale, en arguant que le problème n’est pas limité à l’Afrique. Dans une perspective plus large, il a suggéré que les pays africains optent davantage pour la diversification de leur économie, en faisant valoir qu’une trop grande dépendance au secteur extractif leur était préjudiciable. Le secteur des services, a-t-il ajouté, mérite de gagner en importance pour réduire l’impact éventuel des FFI.
Mme SHARI SPIEGEL, Chef du Service de l’analyse et de l’élaboration des politiques au Bureau du financement du développement du Département des affaires économiques et sociales (DAES), a fait valoir que la lutte contre les FFI était d’autant plus complexe et compliquée qu’il n’existe pas une définition claire de la notion qui serait acceptée par tous au niveau international. Les organismes qui mènent des études sur la question utilisent chacun une méthodologie distincte, ce qui conduit à des résultats qui varient en fonction des références utilisées, a-t-elle fait remarquer. Mme Spiegel a souligné que les FFI faisaient référence, entre autres, à des falsifications des prix, aux fausses factures, aux fraudes fiscales, ou encore à l’établissement de faux contrats. Mme Spiegel a proposé de renforcer les synergies au niveau international pour mieux harmoniser la lutte contre les FFI.
Dialogue interactif
Au cours de l’échange qui a suivi, les délégations, surtout celles des pays africains, ont présenté plusieurs moyens visant à lutter contre les flux financiers illicites, tant sur le plan juridique que sur le plan économique. Elles ont toutes souligné la nécessité de renforcer la coopération internationale dans ce domaine, en mettant l’accent sur le caractère global du problème.
On demande aux pays victimes des FFI de procéder à des changements structurels dans leur gouvernance, mais on ne parle pas de ce que doivent faire les pays en développement où arrivent pourtant les fonds, a fait remarquer le représentant du Lesotho avant de poser plusieurs questions aux pays développés. Des actions sont-elles prises pour agir contre les multinationales à qui bénéficient ces fonds? Le monde développé est-t-il prêt à extrader les personnes responsables de FFI pour qu’elles soient jugées au Lesotho et pour qu’elles y purgent leur peine?
Le Professeur au département d’économie de l’Université du Massachusetts à Amherst a confirmé la responsabilité des pays où se trouve la source des FFI comme celle des pays de destination. Faisant écho à ces propos, le représentant du Libéria a invité les pays qui reçoivent les flux financiers illicites à jouer leur rôle dans le recouvrement, leur demandant d’aider les pays en développement à récupérer les fonds détournés.
C’est précisément ce que fait le Royaume-Uni qui a créé des unités spéciales au sein des forces de police pour rapatrier les fonds qui ont atterri illégalement dans le pays, comme l’a indiqué le représentant. Ainsi, 50 affaires ont été traitées et ont abouti au rapatriement de 180 millions de livres sterling et à l’arrestation de 27 personnes. En outre, il existe un centre qui gère les cas complexes de recouvrement, comme il y en a eu après le « Printemps arabe ». Plaidant par ailleurs en faveur d’une approche plus coordonnée au plan international pour le recouvrement des avoirs, le représentant du Royaume-Uni a suggéré de mettre en place une instance capable de coordonner les actions internationales dans ce domaine.
Le représentant de l’Union africaine a souligné, à cet égard, la coopération étroite sur ces questions entre la Commission de l’Union africaine, l’ONU, la Commission économique pour l’Afrique, la Banque africaine de développement et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).
Parmi toutes les initiatives prises dans ce domaine, le représentant des États-Unis a cité un partenariat sur le financement illicite qui tiendra, le mois prochain, une réunion technique à Dakar. Auparavant, il a voulu faire la distinction entre les activités illégales à l’origine des FFI, d’une part, et la volonté des multinationales de réduire le poids de l’impôt en profitant des failles juridiques, d’autre part. Les premières doivent être traitées sur le plan judiciaire, tandis que la deuxième doit être gérée par des politiques et des lois. Il a donc conseillé d’améliorer l’efficacité des cadres prévus pour prévenir ces crimes, en adoptant de bonnes lois et en garantissant la mise en œuvre de celles-ci.
Toujours sur le plan de la prévention, le représentant de l’Éthiopie a souligné l’importance de la croissance économique car celle-ci permet d’élargir l’assiette fiscale. Il a établi un lien direct entre les FFI et l’aide publique au développement (APD), car celle-ci peut aider les pays en développement à mobiliser davantage de ressources nationales. Le Directeur du Bureau des Commissions régionales à New York a également recommandé de renforcer les compétences techniques, notamment pour le contrôle fiscal, des pays en développement.
La question des paradis fiscaux a particulièrement intéressé le représentant de la République-Unie de Tanzanie, qui a lancé un appel à prendre des initiatives audacieuses dans ce domaine. Il faudrait prendre toutes les mesures possibles pour traiter la question des FFI et en finir avec les paradis fiscaux, a renchéri la représentante du Soudan.
L’ECOSOC a l’intention de jouer son rôle pour mettre en œuvre le Programme d’action d’Addis-Abeba qui souligne l’importance de la mobilisation des ressources nationales, a assuré le Président de l’ECOSOC en concluant la séance.