Cinquième Commission: Le système d’administration de la justice interne témoigne des mauvaises relations entre les employés et les cadres de l’ONU
La Cinquième Commission, chargée des questions administratives, a examiné ce matin l’évolution du système d’administration de la justice interne qui témoigne, selon les délégations, des mauvaises relations entre les employés et les cadres de l’ONU. Institué en 2009, le système comprend les Tribunaux du contentieux administratif et d’appel, pour la partie formelle, et le Bureau de l’ombudsman, pour la partie informelle.
À l’ONU, la plupart des plaintes ne dépassent pas le Bureau de l’Ombudsman. En 2014, le Bureau a ouvert 2 236 dossiers, soit 7% de plus qu’en 2013, et a été saisi de 145 requêtes introduites par des non-fonctionnaires à savoir des consultants et des stagiaires, soit une augmentation de 20% par rapport à l’année précédente. Le Groupe des 77 et la Chine a vu dans ces chiffres des problèmes de gestion et de mauvaises relations entre le personnel et l’administration de l’ONU. Maintenant que le Secrétariat de l’Organisation est en train de mettre en place des projets à grande échelle comme le progiciel de gestion intégrée (Umoja) et la mobilité du personnel, il faut, a suggéré le Groupe des 77 et la Chine, consulter tous les acteurs pertinents afin de promouvoir une culture du dialogue et prévenir les conflits.
Les délégations ont d’ailleurs appuyé les recommandations du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB)*, présentées par le Vice-Président, M. Babou Sene, jugeant indispensable que le Bureau de l’ombudsman continue de participer au développement des politiques de gestion des ressources humaines. Les délégations ont rappelé le Secrétaire général à son obligation de finaliser, conformément à la demande de l’Assemblée générale, le mandat du Bureau de l’ombudsman. Elles ont espéré que la circulaire serait publiée au plus tard en février 2016.
Du point de vue formel, le système d’administration de la justice interne dispose qu’un personnel peut contester une décision en demandant un contrôle hiérarchique. S’il n’est pas satisfait des conclusions de ce contrôle, il peut introduire une requête auprès du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies et saisir par la suite le Tribunal d’appel. En 2014, 30% des saisines portaient sur l’emploi et la carrière, 23% sur les rapports hiérarchiques et 13% sur les rémunérations et prestations.
Le Groupe des États d’Afrique a certes salué « le climat de confiance » que le système actuel garantit même si devant les chiffres, il a dit voir aussi « le signe indicateur » d’une gestion déficiente des relations entre personnel et administration. Le représentant des États-Unis a exhorté le Secrétaire général à renforcer la sensibilisation et la formation à la gestion des ressources humaines afin que les employés et les cadres comprennent bien leurs droits et obligations.
Son homologue de la Suisse a espéré que l’évaluation indépendante intermédiaire du système d’administration de la justice qui a commencé en mai 2015 se traduira par de nouvelles recommandations d’ici fin 2016. Avec ses homologues, il a souhaité des mesures pour garantir aux non-fonctionnaires un recours judiciaire effectif. Il a aussi insisté sur la protection des lanceurs d’alerte.
Les délégations ont également dit attendre avec impatience les propositions du Secrétaire général sur le mécanisme compétent pour connaître des plaintes dirigées contre les juges des Tribunaux pour manquement aux règles déontologiques ainsi que sur la question de l’harmonisation des privilèges et immunités des juges.
La Cinquième Commission reprendra ses travaux demain mercredi 21 octobre à 10 heures pour examiner la planification des conférences.
* A/70/420
ADMINISTRATION DE LA JUSTICE À L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (A/70/187, A/70/188, A/70/189, A/70/151 et A/70/420)
Au nom, du Groupe des 77 et de la Chine, Mme KAREN LINGENFELDER (Afrique du Sud) a salué les efforts faits par le système d’administration de la justice pour s’attaquer aux affaires en souffrance et faire face aux nouvelles plaintes. Cependant, elle a estimé qu’il faut encore des progrès en prenant garde de ne pas diminuer les capacités des tribunaux. Le règlement informel des différends est essentiel, a-t-elle souligné. Elle s’est en effet déclaré « très inquiète » de l’augmentation du nombre de saisines qui selon elle, témoigne des problèmes de gestion et des mauvaises relations entre le personnel et l’administration. Alors que le Secrétariat mène des projets de grande ampleur comme Umoja et la promotion de la mobilité du personnel, la représentante a jugé important de consulter tous les acteurs pertinents sur ces questions, afin de promouvoir une culture du dialogue et prévenir les conflits.
Mme Lingenfelder a dit attendre avec impatience d’examiner, l’automne prochain, les recommandations du Groupe d’experts indépendants chargés de mener une évaluation indépendante intermédiaire du système d’administration de la justice. Elle s’est félicitée d’emblée de la coopération entre les systèmes formel et informel du système de justice. Elle a néanmoins regretté que le Secrétaire général n’ait toujours pas été en mesure, contrairement à la demande de l’Assemblée générale, d’achever la mise au point du mandat du Bureau des services d’ombudsman et de médiation.
Mon groupe, a-t-elle prévenu, examinera avec la plus grande attention les propositions du Secrétaire général relatives au Mécanisme compétent pour connaître des plaintes dirigées contre les juges du Tribunal du contentieux administratif et du Tribunal d’appel pour manquement aux règles déontologiques et sur la question de l’harmonisation des privilèges et immunités des juges.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. JUSTIN KISOKA (République-Unie de Tanzanie) a salué le climat de confiance garanti par le système d’administration de la justice. À son tour, il a estimé que l’augmentation du nombre de saisines du Tribunal du contentieux administratif et du Tribunal d’appel pourrait pointer le doigt sur une gestion déficiente des relations entre le personnel et l’administration. S’agissant des catégories de problèmes soulevés dans les dossiers ouverts en 2014, liés à l’emploi et à la carrière, aux rapports hiérarchiques et aux rémunérations et prestations, sans compter les comportements abusifs et l’incivilité sur le lieu de travail et la situation des fonctionnaires en poste dans des régions dangereuses, il a voulu connaître les mesures proposées pour faire face à ces situations.
Le représentant s’est inquiété de l’augmentation de 20% en 2014 du nombre d’affaires portées par des non-fonctionnaires, avant de demander des éclaircissements sur les moyens de résoudre cette question. Tout en saluant les efforts de mise en œuvre de la résolution A/69/203, M. Kisoka a regretté que le Secrétaire général n’ait pas encore publié une version révisée du mandat du Bureau des services d’ombudsman et de médiation.
Intervenant aussi au nom du Liechtenstein, M. MATTHIAS DETTLING (Suisse) a dit attendre avec impatience les vues de la Sixième Commission chargée des questions juridiques, sur les questions examinées. Il a espéré que l’évaluation indépendante intermédiaire du système d’administration de la justice qui a commencé en mai 2015 se traduira par de nouvelles recommandations fin 2016. Il s’est dit convaincu que ces recommandations seront exhaustives et couvriront les aspects importants du système de justice interne, notamment son champ d’application et en particulier l’accès du personnel non fonctionnaire, y compris les stagiaires, à un recours judiciaire effectif. Le représentant a aussi mis l’accent sur la protection des lanceurs d’alerte. Tout en respectant pleinement la décision du Tribunal d’appel des Nations Unies en la matière, il a souscrit à l’opinion exprimée par le Conseil de Justice interne, qui suggère que les décisions rendues par le Bureau de la déontologie soient soumises à une certaine forme de contrôle judiciaire.
Le représentant a rappelé qu’une étape cruciale a été franchie, il y a deux ans, lors de la mise en place, à titre expérimental, d’un mécanisme financé par le personnel pour appuyer les ressources du Bureau de l’aide juridique au personnel. Il a appuyé la proposition du Secrétaire général de prolonger d’un an la phase expérimentale de ce mécanisme en attendant les recommandations qui doivent découler de l’évaluation indépendante en cours. En outre, il a félicité le Bureau de l’Ombudsman et de la médiation pour l’excellent travail accompli au cours de l’année 2014.
M. BRIAN CONROY (États-Unis) a dit l’importance d’un système d’administration de la justice interne transparent, impartial, efficace et capable de trancher les doléances et litiges concernant les fonctionnaires y compris les cas de sanctions. Il a voulu que le nouveau système ait les ressources qu’il faut pour exiger des comptes aussi bien aux gestionnaires qu’aux fonctionnaires. Il a noté le travail important du Bureau de l’Ombudsman et s’est dit préoccupé par le nombre de plaintes sur des problèmes de gestion. Dans ce contexte, il a exhorté le Secrétaire général à renforcer la sensibilisation et la formation en matière de bonne gestion afin que les gestionnaires et fonctionnaires comprennent bien leurs droits et obligations. Le représentant a aussi dit l’importance de développer une jurisprudence claire et de rappeler le rôle de l’Assemblée générale en tant qu’organe délibérant et celui des juges qui doivent rester indépendants.
M. KEISUKE FUKUDA (Japon) a estimé qu’il faut régler les différends le plus tôt possible par le biais d’une coopération accrue entre les éléments informel et formel de l’administration de la justice. Il s’est dit préoccupé par l’augmentation du nombre des affaires en suspens devant le Tribunal du contentieux. Il a appuyé la proposition du Secrétaire général de reconduire les contrats des trois juges ad litem, en espérant que le Tribunal en fera une bonne utilisation. Le représentant s’est félicité de la mise en place du Groupe d’experts indépendants chargés de l’évaluation indépendante intérimaire du système d’administration de la justice. Il a dit attendre des recommandations exhaustives, y compris en ce qui concerne le financement volontaire du Bureau d’aide juridique au personnel.