Cinquième Commission: le Secrétaire général propose un budget 2016-2017 de 5,57 milliards de dollars
La Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires est entrée aujourd’hui dans le vif du sujet avec la présentation, par le Secrétaire général de l’ONU, du projet de budget 2016-2017. Des délégations se sont félicitées des coupes budgétaires alors que d’autres se sont montrées préoccupées.
M. Ban Ki-moon a présenté un projet de budget de 5,57 milliards de dollars pour couvrir les dépenses du Secrétariat de l’ONU et de ses 10 198 postes en 2016 et en 2017. Le Secrétaire général s’est enorgueilli d’une réduction de 1,6% ou 91 millions de dollars par rapport à l’esquisse budgétaire de décembre 2013. Il propose, entre autres, la suppression de 82 postes, le gel provisoire du renouvellement de 81 autres postes et le report de la création de 62 autres postes initialement prévue en 2015.
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, la représentante de l’Afrique du Sud s’est dite préoccupée par « l’interprétation créative » que fait le Secrétariat de l’ONU de la résolution 69/264 pour imposer une série de « coupes budgétaires arbitraires ». Cette résolution présente deux questions très importantes que le « Secrétariat semble avoir ignoré »: l’esquisse budgétaire est une estimation préalable des ressources et la proposition budgétaire devrait refléter le niveau des ressources pour exécuter de manière efficace et effective les mandats votés. La représentante s’est déclarée consternée par le gel d’un grand nombre de postes, au nom de « l’efficacité » et de prétendus bénéfices attendus du Progiciel de gestion intégré Umoja ».
Son homologue de la Suisse s’est également montré dubitatif devant les arguments utilisés pour justifier le gel des postes. Les gains d’efficacité invoqués sont essentiels à tout moment, indépendamment de la mise en place d’Umoja, a-t-il tranché. Il a qualifié de « faiblesse notable » dans le processus budgétaire actuel le manque de lien entre la répartition des ressources et l’analyse des dernières performances. « Au lieu de viser des résultats clairs et guider l’orientation stratégique de l’Organisation en connaissance de cause, les États se perdent dans la micro-gestion de l’affectation des ressources, jusqu’à autoriser la création ou la suppression de postes individuels. »
La représentante des États-Unis a en effet vu dans la suppression proposée des postes « une sorte d’acompte » pour des réformes plus approfondies. Elle a insisté sur le fait que la discipline budgétaire, les coûts unitaires, les enveloppes budgétaires et la gestion prévisionnelle du personnel sont nécessaires à une gestion stratégique et efficace. Craignant déjà la pratique de l’actualisation des coûts, elle a tenu à souligner qu’un budget approuvé est un plafond qui n’est pas destiné à être dépassé, sauf circonstances extraordinaires. La réévaluation préliminaire du budget 2016-2017 est déjà estimée à 125 millions de dollars, s’est alarmé le représentant du Japon. Le Président du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB)*, a précisé qu’après la prise en compte de l’inflation et des fluctuations des taux de change, le projet de budget passerait de 5,57 à 5,70 milliards, soit une augmentation de 0,6% par rapport à l’exercice 2014-2015.
La représentante de la Communauté des pays d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) a jugé que l’actualisation des coûts est une étape normale du processus budgétaire. Elle a plutôt fustigé l’explosion du budget des missions politiques spéciales depuis 10 ans, qui atteint 1,2 milliard de dollars, sans engager la responsabilité particulière des membres permanents du Conseil de sécurité. Quand les États Membres décident d’adopter des résolutions qui ont des incidences budgétaires, l’accent doit être mis sur la réaffectation des ressources et la redéfinition des priorités, a suggéré le représentant de l’Union européenne, pour rester dans les limites du budget initial. Il a insisté sur le fait que les Ministres européens des affaires étrangères ont déclaré le 22 juin 2015, que l’Union européenne fait d’une bonne gestion des ressources financières de l’ONU sa priorité.
Le problème est qu’on voit un déséquilibre grandissant entre contributions statutaires et contributions volontaires dans tous les domaines, avec une pression croissante sur les premières, a contré la représentante de l’Afrique du Sud, au nom du Groupe des 77 et de la Chine. La réalité vient contredire le principe du « faire plus avec moins », a-t-elle taclé voyant une Organisation face à une crise de gouvernance, avec deux types de mandats: les mandats privilégiés, qui bénéficient d’un flux constant de ressources que ce soit les contributions statutaires ou volontaires, et les mandats négligés, constamment sous-financés et quémandant des miettes.
Invoquant son expérience d’ancien Ministre des finances du Danemark, le Président de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft, s’est dit conscient des difficultés et de la complexité de la tâche liée à l’adoption du budget. « Ce qui nous divise nous affaiblit et ce qui nous unit nous rend plus fort », a-t-il dit après avoir appelé les délégations à faire preuve de sagesse et à exploiter au mieux le temps imparti pour parvenir à un consensus qui traduise l’intérêt commun.
M. Gérard Biraud, Inspecteur du Corps commun d’inspection (CCI), a présenté les six recommandations sur la gestion des archives** aux Nations Unies.
La Cinquième Commission poursuivra demain mardi 13 octobre à partir de 1 heures son débat sur le projet de budget biennal 2016-2017 avant de s’attaquer aux activités du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) et du Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit (CCIQA).
*A/70/86; **A/70/280 et A/70/280/Add.1
PROJET DE BUDGET-PROGRAMME POUR L’EXERCICE BIENNAL 2016-2017
Déclarations
Dans une déclaration liminaire M. MOGENS LYKKETOFT, Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, a souligné l’importance d’une session à l’issue de laquelle la Cinquième Commission doit adopter le prochain budget-biennal 2016-2017, le barème des quotes-parts de contribution triennal 2016-2018 et la mise en œuvre du système mondial de prestations centralisées. Il a rappelé que la Commission devra aussi examiner les possibles incidences financières du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
« En tant qu’ancien Ministre des finances du Danemark, je suis tout à fait conscient des difficultés et de la complexité du travail », a dit M. Lykketoft avant de préciser qu’il s’est entretenu des défis du budget-programme avec de nombreux ministres, en marge du débat général de l’Assemblée générale, le mois dernier. Notant que les sessions des mois de mars et de mai de la Commission se sont déroulées dans un excellent esprit, il a invité les États à préserver cet « excellent climat » pour parvenir à un consensus dans un cadre inclusif et transparent. « Ce qui nous divise nous affaiblit et ce qui nous unit nous rend plus fort », a-t-il encouragé après avoir appelé les délégations à faire preuve de sagesse et à exploiter au mieux le temps imparti pour parvenir à un consensus qui traduise l’intérêt commun.
Présentant le projet de budget 2016-2017 qui doit appuyer la mise en œuvre des priorités déterminées par l’Assemblée générale dans sa résolution 69/264, M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’ONU, a réitéré son attachement à la discipline budgétaire et à la bonne gestion financière des ressources de l’ONU. Il s’est particulièrement félicité des progrès réalisés dans la mise en œuvre d’Umoja alors que 71 entités supplémentaires, dont le Siège de l’ONU à New York, viendront parachever l’empreinte mondiale d’Umoja en novembre 2015. « En formulant le projet de budget, j’ai continué d’exhorter mes hauts responsables à trouver de meilleures façons d’exécuter les mandats de façon plus efficiente et en trouvant des nouvelles synergies innovantes », a précisé le Secrétaire général.
Il a expliqué que conformément à une demande de l’Assemblée générale, le projet de budget 2016-2017 a été limité à 5,57 milliards de dollars avant actualisation des coûts, soit 1,6% ou 91 millions de dollars de moins que les crédits ouverts pour l’exercice biennal 2014-2015, avant actualisation des coûts. Il faut prévoir les ressources à la fois pour les nouveaux mandats, les mandats prorogés, les activités d’information dans le respect de l’égalité des six langues officielles mais aussi pour les coûts afférents aux constructions dont la rénovation de l’Africa Hall, de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) et l’appui à Habitat III. La part du financement des missions politiques spéciales s’établit à 1,12 milliard de dollars, soit une réduction de 120 millions par rapport à la proposition initiale de décembre 2013. Le Secrétaire général a ajouté qu’il faudra faire face aux impératifs liés à la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, sans oublier les résultats de la future Conférence internationale sur le climat prévue en décembre à Paris. Le budget 2016-2017 devra se traduire par un nouveau pacte tenant compte des objectifs de croissance économique, de la dignité humaine et de la préservation de l’environnement. Le Secrétaire général n’a pas manqué de souligner que la gestion de la moitié du budget reviendra à son successeur.
M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Président du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), a indiqué que son Comité a recommandé une réduction de 54,8 millions de dollars sur la construction de l’Africa Hall de la Commission économique pour l’Afrique.
Le CCQAB a pris bonne note de l’intention du Secrétaire général de concrétiser les économies promises par Umoja. Tout en comprenant la proposition de geler 81 postes permanents pour une durée de 5 à 24 mois, le CCQAB a rappelé que c’est à l’Assemblée générale que reviennent les décisions sur l’effectif total de 10 198 proposé pour 2016-2017. Par ailleurs, il a estimé qu’il n’y avait pas de lien entre les gains d’efficacité annoncés pour Umoja et les postes qu’il est proposé de geler. Le CCQAB n’est pas en mesure de recommander l’approbation de la proposition du Secrétaire général concernant la contribution du Secrétariat à l’appui du système des Coordonnateurs résidents. Il recommande donc une réduction de 13 millions de dollars.
Quant à la proposition sur la restructuration régionale du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, le Président du CCQAB a souhaité plus de précision sur la couverture géographique proposée. S’il a salué la volonté du Secrétaire général de renforcer la présence du Bureau sur le terrain, il a toutefois estimé nécessaire d’élaborer une proposition claire et détaillée qui serait examinée par l’Assemblée générale.
Sur le front de la budgétisation par reconduction, M. Massieu a avoué que son Comité regrette que les dépenses soient reconduites de façon automatique sans être dûment justifiées. Il a demandé la fin de cette pratique et estimé que l’Assemblée générale devrait être invitée à analyser les écarts entre les dépenses prévues et les dépenses effectives dans tous les chapitres du budget. Le Comité réaffirme à cet égard qu’il ne faut pas se contenter d’une budgétisation par reconduction mais évaluer la totalité des ressources nécessaires à l’exécution des programmes et des activités prévus par l’Assemblée générale et les autres organes.
Présentant les conclusions du rapport sur la gestion des archives aux Nations Unies, M. GERARD BIRAUD, Inspecteur du Corps Commun d’inspection (CCI), a rappelé que la gestion des archives est une composante essentielle de la bonne gouvernance et de la responsabilité redditionnelle parce que les paroles doivent rester des références crédibles. Pour l’ONU, a-t-il expliqué, il est impossible de prendre les meilleures décisions sans tenir compte des leçons et expériences passées. L’Inspecteur a dressé un « triste diagnostic », arguant que les conditions d’une gestion correcte sont loin d’être remplies. L’ONU fait face à une dégénérescence de sa mémoire institutionnelle et elle n’est pas la seule: ces nombreuses agences font face à la même situation.
« L’information est le sang d’une organisation » à l’heure où l’augmentation des flux d’informations brut est en train de remettre en doute la crédibilité des documents. Le recueil et le tri de ce qui doit être détruit sans crainte de perdre la substance est précisément l’essence de la gestion des dossiers et des archives, a martelé l’Inspecteur, devant une réglementation de la gestion des archives obsolètes. Les trois piliers du succès sont une délégation correcte des pouvoirs; l’exemple des cadres supérieurs; et un personnel compétent.
Sur six recommandations du CCI quatre sont adressées au Secrétaire général et aux chefs des entités relevant de son autorité, a précisé le représentant du CCI. La cinquième recommandation invite le Secrétaire général, en sa qualité de Président du Conseil des chefs de secrétariat pour la coordination, à créer une équipe spéciale interorganisations présidée par un expert chevronné et réunissant les entités les plus intéressées par l’adoption d’une démarche commune en matière de conservation à long terme ou permanente des enregistrements numériques. L’Inspecteur a mis l’accent sur la dernière proposition qui s’adresse aux États Membres qui ont la responsabilité première de préserver un système d’archives et de gestion des documents cohérents. Cette proposition les invite eux et les chefs des organismes de l’ONU à présenter une proposition individuelle ou commune visant à améliorer la gestion des dossiers et des archives de manière cohérente au sein de leur entité.
L’Inspecteur a insisté sur le fait que la conservation numérique est un défi à relever rapidement et a jugé nécessaire qu’Umoja devienne une composante aussi forte qu’obligatoire. Il appartient aux États Membres de donner un mandat solide au Secrétaire général et aux chefs des organismes des Nations Unies. Au nom du Conseil des chefs de Secrétariat des Nations Unies (CCS), M. KENNETH HERMAN, Conseil principal, a dit avoir pris bonne note de ces recommandations.
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme KAREN LINGENFELDER (Afrique du Sud) a déclaré que le document budgétaire n’est pas seulement un outil financier et comptable, mais aussi une déclaration qui fait autorité et qui devrait refléter la vision stratégique du Secrétaire général pour exécuter les mandats et priorités sur lesquels les États Membres se sont mis d’accord. Elle a réitéré la demande de son Groupe visant à ce qu’aucun changement ne soit apporté à la méthodologie budgétaire ou aux règles financières sans examen préalable et approbation de l’Assemblée générale.
Étant donné l’importance et l’ampleur du projet de budget, le Groupe des 77 souhaite suffisamment de temps pour les consultations informelles, a dit la représentante qui s’est dite préoccupée par « l’interprétation créative » que fait le Secrétariat de la résolution 69/264 pour imposer une série de « coupes budgétaires arbitraires ». Cette résolution présente deux questions très importantes que le « Secrétariat semble avoir ignoré »: l’esquisse budgétaire est une estimation préalable des ressources et la proposition budgétaire devrait refléter les niveaux de ressources pour exécuter de manière efficace et effective les mandats votés.
La représentante a estimé que les soi-disant « mesures d’efficacité » sont proposées sur une base volontaire et que le Secrétaire général n’est pas obligé de les mettre en place. Elle s’est tout de même déclarée consternée par le gel d’un grand nombre de postes, au nom de « l’efficacité » alors qu’ils avaient été créés pour exécuter les mandats. Ces gels sont tout simplement « injustifiables ». En effet, les bénéfices attendus d’Umoja sont à mettre en doute. S’il prétend réduire les coûts de l’Organisation, le système n’a fait jusqu’ici que réclamer une rallonge budgétaire de 14 millions de dollars. Des informations spécifiques sur ces bénéfices doivent être présentées aux États Membres, s’est impatientée la représentante. Elle a rappelé la promesse faite par le Secrétaire général il y a plus de 10 ans que les économies réalisées seraient réaffectées au Compte du développement.
La représentante a insisté sur l’importance d’affecter les fonds requis à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, émettant déjà de sérieux doutes quant à la réalisation de cet « ambitieux » programme avec le budget proposé. En ce qui concerne la coopération internationale au développement, elle a demandé qu’une attention particulière soit accordée aux pays les moins avancés (PMA), aux pays en développement sans littoral et aux petits États insulaires en développement.
La représentante a relevé le déséquilibre grandissant entre contributions mises en recouvrement et contributions volontaires dans tous les domaines, y compris la paix et la sécurité, le développement et les droits humains, avec une pression croissante sur les premières. La réalité vient contredire le principe du « faire plus avec moins », a-t-elle taclé voyant une Organisation face à une crise de gouvernance, avec deux types de mandats: les mandats privilégiés, qui bénéficient d’un flux constant de ressources que ce soit les contributions statutaires ou volontaires, et les mandats négligés, constamment sous-financés et quémandant des miettes.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. JUSTIN KISOKA (République-Unie de Tanzanie) a demandé des détails sur la manière dont le budget permettra de réaliser les objectifs de développement durable et l’engagement mondial pour le développement de l’Afrique. Il s’est dit très préoccupé par la réduction « injustifiable » des ressources et des postes, qui peut mettre en danger l’exécution de certains mandats, en particulier ceux qui sont liés au développement de l’Afrique, à la paix à la sécurité, à une coordination efficace de l’assistance humanitaire, au désarmement, au contrôle des drogues, et à la prévention du crime et au terrorisme. Nous voulons des éclaircissements sur la manière dont ces mandats vont être mis en œuvre, a martelé le représentant.
Mon Groupe, a-t-il prévenu, examinera attentivement, avec l’aide des instances de supervision, tous les chapitres du budget-programme afin de s’assurer que les ressources adéquates sont affectées à la mise en œuvre des mandats. Après avoir identifié les gaspillages, il proposera de réaffecter des ressources au développement et autres priorités telles que les affaires politiques; la coopération internationale au développement, la coopération régionale au développement économique et social.
Reconnaissant l’importance du personnel de l’Organisation, le Groupe examinera avec attention, a ajouté le représentant, toutes les propositions visant à changer ou supprimer des postes. Le Secrétaire général, a-t-il insisté, doit expliquer les retards dans le recrutement du chef du Bureau des Nations Unies auprès de l’Union africaine. En conclusion, le représentant a appelé le Secrétaire général à se conformer au processus budgétaire et à la méthodologie convenus, en n’avalisant aucun changement sans l’approbation de l’Assemblée générale.
Au nom du Groupe de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme AMÉRICA LOURDES PEREIRA SOTOMAYOR (Équateur) a jugé capital de trouver un équilibre entre les piliers de l’Organisation. Dans ce contexte, elle a demandé que les activités de paix et de sécurité, des droits de l’homme et de développement aient des ressources suffisantes. Elle s’est inquiétée des diminutions proposées au chapitre du projet de budget relatif aux droits de l’homme. « Toute réduction de budget au nom d’une prétendue efficacité doit être analysée au cas par cas pour éviter un impact négatif sur l’efficacité des programmes et sur la capacité de l’ONU de s’acquitter de ses mandats substantiels », a-t-elle insisté.
Abordant ce qu’elle a nommé « des questions et problèmes spécifiques », la représentante a jugé essentiel que le pilier développement soit suffisamment financé. Elle s’est particulièrement inquiétée que le budget de la Commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CELAC) subisse une réduction pour le troisième exercice consécutif. Elle a rappelé que cette Commission régionale est un piler et une source fiable d’orientation et de connaissances pour les États de la région. Les pays de la région sollicitent en effet la CELAC de plus en plus souvent pour être guidés dans la lutte contre la pauvreté et pour la parité entre les sexes, sans compter la promotion des droits des peuples autochtones. La représentante a donc jugé « injuste et discriminatoire » la diminution de 1,7% proposé au budget de la CEPALC alors que de nombreux Départements de l’ONU ont su préserver leur budget.
Elle s’est dite particulièrement inquiète que le budget des missions politiques spéciales ait grossi de « façon spectaculaire » au cours des 10 dernières années sans tenir compte de la responsabilité spéciale des membres permanents du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Répondant aux délégations qui ont fustigé la pratique de l’actualisation des coûts, la représentante a fait valoir que cette pratique fait partie intégrante du processus budgétaire et constitue le meilleur moyen de faire en sorte que les activités agréées ne soient pas compromises par l’inflation et autres fluctuations.
Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Mme SHORNA-KAY RICHARDS (Jamaïque) a souligné la nécessité de réaffirmer le rôle de l’Assemblée générale pour assurer une analyse poussée de l’affectation et de la réaffectation des ressources dans tous les chapitres du budget-programme. Si elle a salué la prise en compte des priorités de développement, y compris Action 21 et le Programme de développement durable à l’horizon 2030, la représentante s’est interrogée sur les suppressions de postes et la baisse des ressources allouées aux programmes directement concernés. « Il ne peut y avoir de coupes budgétaires par souci d’efficacité », a-t-elle taclé. Soulignant que ce budget-programme a été élaboré avant la conclusion de certains processus importants, tels que le Programme d’action d’Addis-Abeba et l’Accord sur les changements climatiques, elle en a conclu qu’il ne reflétait pas les questions émergentes.
Prenant note des ressources extrabudgétaires accordées aux petits États insulaires en développement, elle a estimé qu’il est de la responsabilité collective de tous les États Membres de fournir aux organisations régionales des ressources adéquates sans recourir à des ressources extrabudgétaires. La CARICOM, a-t-elle martelé, est un acteur essentiel du développement socioéconomique de l’Amérique latine et des Caraïbes, et en particulier de la mise en place du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il faut donc s’alarmer de l’impact d’une éventuelle baisse des ressources, a conclu la représentante.
M. THOMAS MAYR-HARTING, Union européenne, a exhorté le Secrétaire général et les hauts responsables de l’ONU à respecter autant que possible l’objectif et le niveau budgétaire de 5,53 milliards de dollars convenus dans l’esquisse budgétaire de décembre 2013. Tout en reconnaissant que les nouveaux mandats adoptés par les États Membres viennent s’ajouter, le représentant a estimé qu’il est tout de même possible de rester dans le cadre de l’esquisse budgétaire « à condition de travailler mieux et plus intelligemment ».
Il ne suffit pas de cibler le montant de l’esquisse budgétaire. Il faut aller plus loin encore si nous voulons promouvoir la viabilité du budget, a prévenu le représentant. Il a présenté les cinq priorités de l’Union européenne pour garantir un avenir financier à l’Organisation. Il a d’abord fait sienne la proposition du CCQAB d’aller au-delà d’un processus budgétaire par simple reconduction. Il a ensuite dénoncé le caractère morcelé du budget de l’ONU tout en reconnaissant les efforts réalisés. Quand les États Membres décident d’adopter des résolutions qui ont des incidences budgétaires, l’accent doit être mis sur la réaffectation des ressources et la redéfinition des priorités, a-t-il suggéré pour rester dans les limites du budget initial. Il faut repenser la gouvernance de la gestion en s’appuyant sur le potentiel des technologies de l’information et des communications (TIC), d’Umoja et de la gestion globale des prestations centralisée.
Le représentant a aussi dénoncé l’actualisation des coûts, rappelant que la résolution 67/246 de l’Assemblée générale appelle à une solution pour contrôler les niveaux et l’impact de l’inflation et autres fluctuations monétaires. L’Union européenne, a-t-il prévenu, examinera le projet de budget à la lumière des ressources limitées et en accordant une attention particulière aux moyens sollicités pour les constructions et le financement des tribunaux. Les Ministres européens des affaires étrangères ont déclaré, dans une décision du 22 juin 2015, que l’Union européenne fait d’une bonne gestion des ressources financières de l’ONU sa priorité, a conclu le représentant.
S’exprimant aussi au nom du Liechtenstein, M. JÜRG LAUBER (Suisse) a déclaré qu’il incombait aux États Membres de fournir des ressources suffisantes à l’ONU, laquelle doit les utiliser de la manière la plus efficiente possible. Il a qualifié de « faiblesse notable » dans le processus budgétaire actuel le manque de lien entre la répartition des ressources et l’analyse des dernières performances. « Au lieu de viser des résultats clairs et guider l’orientation stratégique de l’Organisation en connaissance de cause, les États se perdent dans la micro-gestion de l’affectation des ressources, jusqu’à autoriser la création ou la suppression de postes individuels. » S’il a salué les efforts d’économies pour stabiliser le budget, le délégué s’est montré dubitatif devant les arguments utilisés pour justifier le gel des postes. Les gains d’efficacité invoqués sont essentiels à tout moment, indépendamment de la mise en place du système Umoja, a-t-il tranché.
La Cinquième Commission a tendance à sous-estimer les budgets dans certains domaines, comme celui des missions politiques spéciales, « avec pour seul but de maintenir le budget initial au niveau le plus bas possible », a dénoncé le représentant, voyant là « ce qui n’est pas une bonne gestion financière ». Le maintien de la paix continuant d’absorber la majeure partie des contributions statutaires, le représentant a rappelé que la meilleure façon de traiter un conflit est de le prévenir. Il a en effet regretté la part insuffisante des ressources allouées à la prévention des conflits mais aussi à la promotion des droits de l’homme et à la médiation, invitant le Secrétaire général à rééquilibrer dans ce sens ses futures propositions budgétaires.
M. HIROSHI MINAMI (Japon) a d’emblée rappelé que le Japon, deuxième plus gros contributeur des Nations Unies depuis trois décennies, attachait une grande importance au budget. Dans ce contexte, il a soutenu l’initiative visant à geler 81 postes grâce au projet Umoja et a prié le Secrétaire général de trouver d’autres postes qui pourraient être supprimés sans compromettre la capacité de l’Organisation d’exécuter ses mandats.
Il a relevé les efforts du Secrétariat pour rester dans les limites de l’esquisse budgétaire mais s’est inquiété des réévaluations et des postes extrabudgétaires. La réévaluation préliminaire du budget 2016-2017 est déjà estimée à 125 millions de dollars, s’est-il alarmé. S’il a appuyé le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, le représentant a considéré que des efforts devraient être faits pour absorber autant que possible les coûts supplémentaires.
Mme ISOBEL COLEMAN (États-Unis) a regretté que la Cinquième Commission continue de n’examiner que les changements d’un exercice biennal à l’autre, sans priorité stratégique et en empêchant l’estimation d’impact attendue. « Nous ne pouvons revenir au temps des hausses budgétaires non viables », a déclaré la représentante, plaidant pour le maintien de la discipline budgétaire. Elle a donc salué la mise en place d’Umoja à la fin de l’année, qui permettra d’analyser l’efficacité et d’hiérarchiser l’affectation des ressources de l’Organisation. Elle s’est également félicitée de la proposition de geler l’équivalent de 68 postes, qu’elle a néanmoins considéré comme « une sorte d’acompte » pour des réformes plus approfondies.
La représentante a salué les efforts visant à améliorer la présentation du budget avec des indicateurs de performance, gage de transparence, mais elle a regretté qu’il est toujours difficile d’en avoir une vision holistique. Comme le budget n’est pas définitif, elle s’est inquiétée d’emblée des coûts inconnus et des réajustements potentiels à la hausse. La résolution 41/213 stipule que les demandes de ressources additionnelles doivent être fournies par un fonds de réserve ou en redéfinissant les priorités, faute de quoi elles doivent être reportées au prochain exercice, les exceptions n’existant que pour les dépenses extraordinaires. La représentante a donc demandé que la nature essentielle d’un budget approuvé soit réaffirmée: il s’agit d’un plafond qui n’est pas destiné à être dépassé, sauf circonstances extraordinaires. Elle a pris pour exemple le Sommet récent sur les objectifs de développement durable et plaidé pour un examen attentif de toutes les demandes budgétaires afin d’éviter les doublons.
La représentante a prévenu que si aucune prévision n’est parfaite, la pratique de l’actualisation des coûts sape le principe de la discipline budgétaire. Elle a insisté sur trois améliorations possibles devant être apportées en synergie. Elle a d’abord parlé de la capacité d’Umoja d’améliorer les performances, ce qui donnerait aux cadres une vision des indicateurs de productivité leur permettant de s’adapter en conséquence. En deuxième lieu, elle a considéré que plutôt que de multiplier les postes pour exécuter un mandat, on devrait être forcé à rester dans les limites d’une enveloppe budgétaire préalablement agréée. En troisième lieu, la gestion prévisionnelle des besoins en personnel devrait franchir une étape pour être réellement efficace. La discipline budgétaire, les coûts unitaires, les enveloppes budgétaires, la gestion prévisionnelle du personnel sont nécessaires à une gestion stratégique et efficace, a-t-elle martelé.