ECOSOC/6629

Les panélistes d’une table ronde de l’ECOSOC préconisent d’adopter des stratégies nationales de gestion des catastrophes et de mieux coordonner le travail des acteurs humanitaires sur le terrain

24/6/2014
Conseil économique et socialECOSOC/6629
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil économique et social

Session de 2014

27e séance – matin


LES PANÉLISTES D’UNE TABLE RONDE DE L’ECOSOC PRÉCONISENT D’ADOPTER DES STRATÉGIES NATIONALES DE GESTION

DES CATASTROPHES ET DE MIEUX COORDONNER LE TRAVAIL DES ACTEURS HUMANITAIRES SUR LE TERRAIN


Il est important d’assurer une « aide humanitaire efficace », ont insisté les panélistes et délégations d’États Membres qui ont participé, ce matin, au deuxième jour du débat annuel du Conseil économique et social (ECOSOC) consacré aux questions humanitaires.


Pour atteindre cet objectif, ont-ils souligné, il faudrait mettre en place des systèmes nationaux de gestion des catastrophes, envisager une coordination régionale, encourager la synergie des efforts de toutes les catégories d’acteurs humanitaires et tenir compte des contextes nationaux en évitant d’appliquer des solutions toutes prêtes.


« D’ici à 2030, 47% de la population mondiale vivront dans des zones exposées à la montée du niveau des eaux », a prévenu la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, Mme Valerie Amos, en faisant remarquer que la réaction aux catastrophes deviendra de plus en plus difficile.


C’est dans ce contexte que « de plus en plus de pays se dotent d’un système de gestion des catastrophes », a indiqué le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Ibrahim Dabbashi (Libye).  Ainsi, la Turquie dispose d’une stratégie de gestion des catastrophes déclinée en trois plans et axée sur l’atténuation, le redressement et l’intervention internationale, a indiqué le Chef du Département turc de l’élaboration des stratégies, M. Halil Afsarata.


Au Nigéria, l’Agence nationale de gestion des catastrophes a établi divers instruments et mécanismes, comme le plan d’évacuation épidémique, les séminaires de formation, la constitution de stocks d’urgence et la collecte d’informations sur les catastrophes, a signalé son Directeur général M. Mouhammad Sani-Sidi.


Au-delà des efforts d’efficacité et de préparation entrepris par les États, les intervenants ont souligné qu’il était nécessaire d’améliorer la coordination des acteurs humanitaires, aussi nombreux que divers, qui interviennent sur le terrain en dehors du système des Nations Unies.  Cette coordination est d’autant plus importante que « ces intervenants multiples ont souvent des priorités différentes, ce qui peut être une source de difficultés », a expliqué Mme Amos.


M. Dabbashi a également estimé qu’il était nécessaire, pour tous les acteurs humanitaires, de mieux comprendre les différentes conditions dans lesquelles ils interviennent.  « L’imposition d’un seul modèle ne peut suffire, et c’est pourquoi les outils employés doivent tenir compte des conditions et de la culture locales », a-t-il souligné.


Il a invité à prendre en compte les capacités de réaction des pays touchés, une idée qu’a développée le Coordonnateur régional des secours humanitaires des Nations Unies pour la Syrie, M. Nigel Fisher.  En Haïti, a expliqué par exemple M. Fisher, les institutions nationales qui étaient capables d’offrir de bons services en matière de santé ont décidé de fermer leurs portes après l’arrivée d’organisations caritatives fournissant les mêmes services.


Deux intervenantes, qui s’exprimaient par visioconférence depuis les Philippines, ont témoigné de la résilience de la population locale qui s’est avérée essentielle lors du passage du typhon Haiyan –connu également sous le nom de typhon Yolanda- en 2013.  Elles ont toutes deux insisté sur l’importance d’une préparation à ce type de catastrophes qui permet de mieux réagir pour assurer les secours d’urgence.  Il est, de même, important de renforcer les capacités de réaction, en particulier au niveau local.


La Commissaire européenne chargée de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises, Mme Kristalina Georgieva, a reconnu que les communautés touchées aux Philippines, où elle s’était rendue une semaine après le passage du typhon, avaient fait preuve d’une résilience remarquable.


C’est en mettant l’accent sur la prévention des conflits que l’on pourra mettre un terme à l’augmentation des besoins humanitaires de la planète, a-t-elle souligné, en évoquant les obstacles auxquels se heurte l’aide humanitaire dans les pays en conflit, notamment en Syrie ou dans des pays de la région du Sahel.


À ce sujet, le panéliste de la Turquie a attiré l’attention sur le lourd fardeau financier que représente l’afflux de réfugiés syriens dans son pays, en précisant que le Gouvernement turc avait déboursé, à ce jour, 3,15 milliards de dollars pour leur venir en aide, alors que la communauté internationale n’a contribué qu’à hauteur de 200 millions de dollars.


Les délégations et panélistes ont relevé, par ailleurs, les retombées positives des politiques de versement direct de liquidités aux communautés affectées, comme le pratique la Turquie en faveur des réfugiés.  Ils ont également souligné la nécessité d’assurer la scolarisation des enfants touchés, en évoquant les initiatives prises pour que les enfants syriens retournent à l’école le plus tôt possible et pour éviter ainsi que leur pays ne perde toute une génération.


Le Conseil économique et social achèvera demain, mercredi 25 juin, son débat annuel consacré aux questions humanitaires.  Il tiendra, à 10 heures, une table ronde intitulée « La réponse aux besoins des personnes émergeant de situations d’urgence complexes ».


DÉBAT CONSACRÉ AUX AFFAIRES HUMANITAIRES


Table ronde « Aide humanitaire efficace »


Remarques d’introduction


Lançant la discussion, M. IBRAHIM O. DABBASHI, Vice-Présidentdu Conseil économique et social (ECOSOC), a constaté que les ressources financières répondaient de moins en moins aux exigences de l’action humanitaire.  Il a insisté sur la nécessité d’explorer des moyens novateurs pour qu’elle fonctionne de manière efficace.  M. Dabbashi a ensuite fait observer que de plus en plus de pays se dotaient d’un système de gestion des catastrophes.  Il est également plus fréquent, a-t-il noté, de verser directement les fonds aux personnes touchées par les catastrophes.  Grâce aux avancées scientifiques et techniques, il est plus aisé aujourd’hui d’améliorer la réponse humanitaire.  Le Vice-Président de l’ECOSOC a aussi estimé qu’il était nécessaire de mieux comprendre les différentes conditions dans lesquelles le personnel humanitaire intervient.  L’imposition d’un seul modèle ne peut suffire, et c’est pourquoi, les outils employés doivent tenir compte des conditions et de la culture locale, a-t-il souligné.  En outre, il convient aussi de prendre en compte les capacités de réaction des pays touchés.


Mme VALERIE AMOS, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, a indiqué que d’ici à 2030, 47% de la population mondiale vivront dans des zones exposées à la montée du niveau des eaux et qu’en 2025, 2 milliards de personnes vivront dans seulement 600 villes.  Elle a averti que la réaction aux catastrophes deviendra encore plus difficile.  Mme Amos a ensuite indiqué que la prolifération, en dehors du système des Nations Unies, d’acteurs disposant de nombreuses ressources les placeront certainement en meilleure position pour répondre à des situations humanitaires.  Cela signifie que les organisations humanitaires internationales devront sans doute leur céder la place, a-t-elle ajouté.  La Secrétaire générale adjointe a ensuite fait observer que dans les pays à revenus intermédiaires, les gouvernements sont capables de conduire les interventions humanitaires et que le secteur privé est de plus en plus impliqué.  Cependant, ces intervenants multiples ont souvent des priorités différentes, ce qui peut être une source de difficulté, a-t-elle signalé, d’où l’importance d’une meilleure coordination.  Évoquant par ailleurs le prochain sommet mondial sur l’action humanitaire, Mme Amos a souligné qu’il était nécessaire de réfléchir aux capacités de réaction existantes et à la meilleure façon de passer d’une démarche de réaction à une politique de renforcement de capacités.


Intervenant par visioconférence en direct des Philippines, Mme BARBETTE BADOCDOC, Administratrice en charge des médias et des réseaux, Initiatives for Dialogue and Empowerment through Alternative Lawyering Services (IDEALS), a rappelé l’expérience qu’elle avait vécue lors du passage du typhon Haiyan –connu également sous le nom de typhon Yolanda- en 2013 et comment elle avait pu s’en sortir grâce à l’aide de sa famille qui était mieux préparée à ce genre d’évènement.  « Mon compagnon et moi, a-t-elle dit, n’avions jamais pensé qu’un typhon pourrait être aussi destructeur. »  Elle a rendu hommage aux organisations humanitaires qui ont apporté leur aide sur le terrain, en matière d’alimentation, d’abris, d’assainissement et d’eau potable.  Les différentes organisations humanitaires ont chacune apporté du matériel, notamment des trousses pour faciliter l’allaitement maternel, a-t-elle précisé.  Mme Badocdoc a indiqué qu’elle avait également contribué à ces efforts du mieux qu’elle pouvait.  Des groupes de jeunes ont également assuré la sécurité en effectuant des tours de garde la nuit.  Elle a ensuite parlé de l’aide qui avait été ensuite apportée pour retrouver les documents d’identité, fournir une aide juridique aux personnes sinistrées en vue d’obtenir une indemnisation pour le préjudice subi pendant cette catastrophe et, de manière générale, pour reprendre le cours de la vie après les deuils que les familles ont vécus.


S’exprimant aussi en direct des Philippines, Mme INDAY PIZON, Directrice exécutive, Regional Development Incorporated, National Coalition of Rural Women/PKKK, a mis l’accent sur l’importance du rôle des dirigeants locaux, en citant notamment un programme d’aide aux communautés établi en 2008.  « Ayant reçu une formation aux secours d’urgence, j’ai pu répéter les étapes à suivre en cas de catastrophe naturelle ou de crise », a-t-elle fait valoir.  Mme Pizon a indiqué que, trois jours après le passage du typhon Yolanda, les bénévoles locaux avaient assisté son équipe à participer plus efficacement à l’évaluation des dommages.  Cette équipe, a-t-elle précisé, est constituée à 80% de femmes. 


Elle a aussi mentionné les groupes de réaction qui ont été formés dans les villages et les hameaux, tandis que des chauffeurs ont été embauchés pour distribuer le carburant.  Son équipe a collaboré avec OCHA et des partenaires comme le PKKK, coalition des femmes rurales, en bénéficiant également de l’aide des donateurs.  Elle a aussi mentionné l’aide d’organisations chrétiennes à l’intention des familles et des chômeurs pour qu’ils trouvent un emploi.  Pour Mme Pizon, il est donc important que le mécanisme de coordination fonctionne au niveau local.  « Certains de nos dirigeants locaux ont joué un rôle important dans la fourniture des services d’urgence », s’est-elle félicitée, en soulignant qu’il était nécessaire de renforcer les capacités de résilience et de réaction au niveau local.


Mme KRISTALINA GEORGIEVA, Commissaire européenne chargée de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises, a indiqué qu’elle s’était rendue aux Philippines une semaine après le passage du typhon Hayian/Yolanda, et plus récemment, il y a à peine deux semaines.  Au cours de ses visites, a-t-elle dit, elle avait été frappée par la résilience de communautés touchées.  Elle a souligné que la résilience du tissu social des communautés frappées par une catastrophe est un facteur qu’on ne saurait surestimer.  Mme Georgieva a ensuite indiqué que les conflits représentaient, actuellement, le plus grand défi à l’action humanitaire car, s’est-elle expliquée, les problèmes de sécurité en particulier font souvent obstacle à l’intervention des acteurs humanitaires.  Elle a aussi constaté qu’à la suite d’une catastrophe, de trop nombreuses équipes d’évaluation se rendaient sur le terrain.  Une seule équipe est nécessaire à condition qu’elle soit bien préparée et coordonnée, a-t-elle préconisé.  Mme Georgieva a aussi indiqué que même si le secteur privé avait beaucoup de capacités à offrir et dont il faut tirer parti, les gouvernements doivent également adopter des politiques appropriées.


Dans le passé, le Commissaire européen à l’aide humanitaire axait les efforts, dans sa réponse aux situations de crise, sur l’aide alimentaire.  La fourniture de vivres provenant de l’extérieur permettait certes de nourrir les populations, mais créait, par exemple, un impact négatif sur les agriculteurs locaux.  Ce type d’approche a désormais été abandonné, a-t-elle assuré.  Mme Georgieva a aussi indiqué que le versement d’argent liquide aux femmes et, en particulier, aux mères de familles, était une manière très efficace de répondre aux besoins des communautés vivant dans des zones en proie à des sécheresses ou à des inondations.  Mme Georgieva a aussi souligné qu’il était important de renforcer la capacité de résistance des communautés.  Les travailleurs humanitaires doivent, pour leur part, reconnaître que de nombreuses crises durent et qu’il importe de réfléchir au meilleur moyen de répondre aux besoins des personnes qui se trouvent dans une telle situation, à commencer par les enfants.  La panéliste s’est par ailleurs inquiétée de la prolifération d’acteurs non étatiques et du nombre croissant d’États qui n’aident pas leur population et qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire.  C’est en mettant l’accent sur la prévention des conflits que l’on pourra mettre à terme l’augmentation des besoins humanitaires de la planète, a-t-elle dit en concluant.


M. MUHAMMAD SANI-SIDI, Directeur général de l’Agence nationale de gestion des catastrophes du Nigéria, a parlé des outils et mécanismes mis en place par son Agence pour faire face aux catastrophes, comme les plans d’évacuation épidémique, de sauvetage et de réponse aux pandémies, qui sont en outre constamment revus et améliorés.  L’Agence organise aussi des séminaires de formation en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d’autres organisations internationales, a-t-il indiqué.  M. Sani-Sidi a ajouté que l’Agence accordait une grande importance à la mise en place d’installations très modernes et à la constitution de stocks d’urgence à Abuja et différents centres du pays.  La collecte d’information sur les catastrophes est une autre activité importante de l’Agence, a-t-il ajouté.  M. Sani-Sidi a aussi indiqué que l’Agence travaillait en coopération avec l’Organisation météorologique mondiale, afin de diffuser des messages d’alerte précoce visant à atténuer les effets des catastrophes, ainsi qu’avec diverses organisations privées.


Pour équilibrer les besoins entre les secours d’urgence et le renforcement des capacités à long terme, plusieurs départements ont été créés au sein de l’Agence pour couvrir tous les domaines (diffusion des informations, atténuation des risques, secours d’urgence).  M. Sani-Sidi a encouragé les pays qui n’ont pas encore mis en place une telle stratégie à le faire dès que possible, en ajoutant qu’il était nécessaire, pour ce faire, de se doter d’un organisme de coopération régionale.  Il a, par ailleurs, noté que les déplacements de population au Nigéria avaient davantage été causés par les conflits, dans le nord-est du Nigéria et dans la région du Sahel, que par des catastrophes naturelles.


M. HALIL AFSARATA, Chef du Département de l’élaboration des stratégies, Direction des situations d’urgence (AFAD) du Premier Ministre de la Turquie, a indiqué que son gouvernement avait décidé de regrouper les trois instances humanitaires existantes au sein d’une même structure et que cette initiative avait permis d’améliorer l’efficacité de son action dans ce domaine.  En 2012, a-t-il rappelé, la Turquie était le troisième contributeur à l’aide humanitaire internationale.  Le pays dispose aussi d’une stratégie de gestion des catastrophes, qui comprend trois plans qui portent sur l’atténuation, le redressement et l’intervention internationale.


M. Afsarata a ensuite indiqué que la crise en Syrie était la situation humanitaire qui préoccupe le plus son pays.  Si, en avril 2011, la Turquie n’accueillait que 250 Syriens qui avaient fui le conflit dans leur pays, elle en abrite aujourd’hui un million.  Ces réfugiés sont hébergés dans des centres de protection temporaire, dont 800 000 sont répartis dans les 22 centres créés à cet effet dans les 10 provinces du pays.  Le panéliste a précisé que six de ces centres avaient été construits avec des containers, les autres avec des tentes.


La Turquie a pris les mesures nécessaires pour répondre aux besoins essentiels de ces réfugiés, mais que cela reste insuffisant, a estimé le panéliste.  « Je vous laisse imaginer l’appui psychologique dont ces personnes ont besoin », a-t-il notamment commenté, avant d’évoquer les besoins des étudiants, des femmes ou encore des malades.  Le panéliste a aussi indiqué que l’afflux de réfugiés syriens représentait un important fardeau financier pour le Gouvernement turc.  Ce dernier, a-t-il précisé, a déboursé à ce jour 3,15 milliards de dollars pour leur venir en aide, alors que la communauté internationale n’a contribué qu’à hauteur de 200 millions de dollars.  M. Afsarata a par ailleurs indiqué que le Gouvernement turc avait organisé un système de distribution d’aide sur 11 points situés le long de la frontière avec la Syrie.  Il a aussi signalé que son pays devait aussi faire face aux répercussions de la crise qui vient d’éclater en Iraq.


M. NIGEL FISHER, Coordonnateur régional des secours humanitaires des Nations Unies pour la Syrie, a invité, tout d’abord, à examiner de manière approfondie les contextes dans lesquels les crises ont éclaté en vue d’en tirer des leçons et améliorer la réponse humanitaire.  L’évaluation des risques et des causes potentielles des crises est importante, a-t-il souligné, en préconisant d’intégrer ces activités à celles de développement.  Il vaut mieux s’informer sur les capacités des institutions nationales et des différents acteurs présents sur le terrain. 


En Haïti, par exemple, les institutions nationales qui offraient de bons services de santé ont dû fermer leurs portes après l’arrivée d’organisations caritatives qui fournissaient les mêmes services.  On doit aussi pouvoir identifier les dynamiques au sein de la société civile, a-t-il insisté.  M. Fisher a ainsi cité l’exemple de la situation dans l’est de la République démocratique du Congo où les églises offrent des soins de santé, gèrent des cliniques et accueillent les femmes violées, parce que le pouvoir central est extrêmement faible et ne peut l’assurer.  Au Liban, les organisations de la société civile locale se plaignent de ne pas être suffisamment soutenues.  « Nous devons donc sortir de notre démarche fragmentaire », a lancé M. Fisher.


Il faudrait promouvoir la solidarité, plutôt que d’encourager la charité, a recommandé M. Fisher.  Certains acteurs humanitaires arrivent sur le terrain pour distribuer des marchandises qui ne sont pas utiles à la population, a-t-il fait remarquer.  Au cours de son expérience, a-t-il dit, il a constaté que les populations touchées par une catastrophe préféraient en général travailler et demandaient à ce que leurs enfants aient accès à l’éducation. 


M. Fisher a conseillé que les acteurs humanitaires prennent les mesures nécessaires pour s’adapter aux nouvelles réalités, en prônant une plus grande transparence et une meilleure utilisation des fonds.  Il faudrait établir une meilleure coopération, en partageant l’information et en assurant une meilleure répartition des tâches, a-t-il ajouté.  Il a encore donné l’exemple d’Haïti où trop d’organisations caritatives internationales avaient fourni des abris aux personnes déplacées, alors qu’il aurait fallu diversifier l’aide.  En ce qui concerne la crise syrienne, il a estimé que l’aide humanitaire soit assurée parallèlement aux activités de développement.  Les crises qui durent exigent des mesures permettant d’assurer la prévisibilité des ressources, a-t-il observé avant de conclure. 


Échange de vues avec les délégations


Délégations et panélistes ont procédé à un échange de vues sur les moyens de mieux cibler l’aide humanitaire.  Les retombées positives des politiques axées sur le versement direct de liquidités aux communautés touchées ont été évoquées à plusieurs reprises, de même que la nécessité d’assurer la scolarisation des enfants dans les situations de crise.  Les intervenants ont cependant fait remarquer que la présence de nombreux acteurs humanitaires, mal coordonnée et peu efficace sur le terrain risquait de créer la confusion et d’aboutir à un échec.  Ils ont également abordé la question de l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie.


« Que signifie l’efficacité de l’aide humanitaire? » a lancé d’emblée la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires en lançant la discussion.


« La préparation est indispensable », a réagi le panéliste du Nigéria.  Pour que l’aide soit efficace, la population et les autorités locales doivent être impliquées.  Il a expliqué, à titre d’exemple, qu’à la suite de l’insurrection dans le nord-est du pays, le Gouvernement du Nigéria avait créé, sur le terrain, des cellules d’intervention permettant de mieux communiquer avec la population locale pour répondre plus efficacement à leurs besoins.  Il faudrait également bien comprendre les besoins de la population et les réelles capacités nationales, a ajouté le panéliste du Nigéria.  Pour qu’une stratégie humanitaire puisse réussir, il faudrait avant tout que le gouvernement national soit capable de la maîtriser.


Le panéliste de la Turquie a, de son côté, souligné l’efficacité d’un versement direct de liquidités aux réfugiés et du système d’enregistrement biométrique élaboré par le Gouvernement turc pour faire face à l’afflux de réfugiés syriens dans le pays.  Le Coordonnateur régional des secours humanitaires pour la Syrie a insisté, quant à lui, sur la nécessité de bien comprendre les situations humanitaires qui sont de plus en plus complexes et, surtout, la dimension sécuritaire, afin de mieux définir les priorités.


La Secrétaire générale adjointe a ensuite fait observer qu’à la suite du tremblement de terre en Haïti, de très nombreux acteurs humanitaires s’étaient rendus sur le terrain et que cette situation avait davantage compliqué les secours d’urgence.  Dans une telle situation, quelle place laisser au gouvernement? s’est-elle interrogée.


Le Coordonnateur régional des secours humanitaires pour la Syrie a estimé qu’il faudrait créer un système permettant l’enregistrement des ONG et l’évaluation de leur contribution.  La bonne volonté est certes un atout, mais sans efficacité et compétences, elle devient rapidement un obstacle aux efforts entrepris.  À titre d’exemple, il a indiqué qu’en Haïti, certains acteurs humanitaires avaient réagi aux besoins de la population sinistrée en matière de logement en construisant, en fait, des bidonvilles.


Lui emboîtant le pas, le représentant de la Suisse a fait observer qu’aucun permis n’était nécessaire pour devenir travailleur humanitaire.  Dès lors, comment réglementer la profession et certifier les intervenants?  Il serait utile de recenser les meilleures pratiques, d’éviter les doubles emplois et de faciliter le contrôle par les gouvernements nationaux, a suggéré, à son tour, le panéliste du Nigéria.  La représentante du Brésil a néanmoins estimé qu’il était important d’identifier les moyens de mettre en œuvre des initiatives individuelles qui pourraient toutefois avoir un impact positif sur le terrain.


À l’instar du représentant de la Norvège, de nombreuses délégations se sont dits préoccupés par la question de la scolarisation des enfants qui se trouvent dans une situation de crise humanitaire.  Le Coordonnateur régional des secours humanitaires pour la Syrie a souligné que l’éducation était une composante essentielle de l’action humanitaire.  Le retour rapide des enfants à l’école, a-t-il précisé, contribue à assurer une meilleure stabilité pour les réfugiés.  À cet égard, la Secrétaire générale adjointe a indiqué que des initiatives avaient d’ailleurs été prises pour que les enfants syriens dans les camps de déplacés ou de réfugiés soient scolarisés aussitôt que possible et éviter ainsi au pays qu’une génération soit perdue.


À son tour, la représentante de la Finlande a voulu que plus d’attention soit accordée à la question de l’environnement et que les personnes âgées soient davantage impliquées.  De son côté, le représentant du Royaume-Uni a proposé d’établir des systèmes d’assurance dans les pays touchés par une crise.  Il est désormais obligatoire dans son pays, a répondu le panéliste de la Turquie, de veiller à ce que les habitations soient construites en respectant les normes contre le risque d’un séisme.


La délégation de l’Espagne s’est par ailleurs inquiétée de la réticence de certaines organisations humanitaires à s’adapter aux changements. 


En réponse à une question posée via Twitter sur l’efficacité de l’aide humanitaire en Syrie, le Coordonnateur régional des secours humanitaires pour la Syrie a indiqué que la situation était mitigée et que les acteurs humanitaires font face à de nombreux obstacles, à commencer par la politisation, le manque de solidarité, et les revendications rivales de compétences.  Il s’est aussi inquiété du fait que les acteurs humanitaires sont souvent tenus responsables des échecs des gouvernements.  Il a plaidé en faveur d’une véritable action politique.


La crise humanitaire ne fera que s’aggraver du fait de l’absence de volonté de la communauté internationale, a averti la représentante de la Syrie.  La fourniture de l’aide humanitaire, a-t-elle fait remarquer, a causé des problèmes dans les zones agricoles du pays.  Le fait de parler de la crise en Syrie est en soi une politisation de la situation, comme l’a montré le panéliste de la Turquie, a-t-elle soutenu, avant de lui demander pourquoi la Turquie n’enregistrait pas les réfugiés syriens qui se trouvent le long de la frontière entre les deux pays.


Pour améliorer l’efficacité de l’aide humanitaire en Syrie, a répondu la Secrétaire générale adjointe, il faudrait alléger les procédures administratives et faciliter l’accès du personnel humanitaire pour qu’il puisse venir en aide aux communautés qui ont un besoin urgent de cette aide.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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