En cours au Siège de l'ONU

Soixante-neuvième session
3e séance – après-midi
CPSD/555

Quatrième Commission: début des auditions de pétitionnaires sur Gibraltar, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et le Sahara occidental

La Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission) a entamé, cet après-midi, les auditions de représentants de territoires non autonomes et de pétitionnaires.  Elle a ainsi entendu, concernant la situation de Gibraltar, le Représentant permanent de l’Espagne auprès des Nations Unies, le Ministre principal de Gibraltar et un pétitionnaire de ce territoire non autonome.  La Commission a également entendu la Chef du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, avant de commencer l’audition des pétitionnaires qui avaient demandé à prendre la parole sur la question de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et du Sahara occidental.

Dans son allocution, le représentant de l’Espagne a affirmé, comme par le passé, que le principe de l’autodétermination ne s’appliquait pas à Gibraltar.  Ce droit s’applique à des peuples dont le territoire a été colonisé, pas aux colons imposés par une Puissance occupante au détriment des habitants d’origine, a-t-il souligné, affirmant que Gibraltar avait été occupé par le Royaume-Uni au nom d’une tierce partie et artificiellement peuplé par des vagues migratoires de diverses provenances.  Il a rappelé que l’Espagne n’avait pas concédé ses eaux territoriales à la suite de l’occupation britannique et ce que le Royaume-Uni considérait comme des incursions illégales dans les eaux britanniques n’étaient en réalité que des simples activités de routine de navires espagnols dans les eaux espagnoles.  En dépit de ces provocations, a-t-il rappelé, l’Espagne avait renouvelé son appel à la réouverture d’un dialogue avec Londres sur la coopération régionale, auquel les autorités locales de Gibraltar seraient également invitées à participer.

Répondant à cette intervention, le Ministre principal de Gibraltar a réaffirmé que les eaux autour de Gibraltar étaient toujours britanniques et a regretté que l’Espagne refuse de traiter cette question devant le Tribunal international du droit de la mer où « elle sait qu’elle n’aurait pas gain de cause ».  Pour le Ministre principal, la juridiction d’UNCLOS fait foi et il revient à l’ONU de définir le droit de souveraineté sur ces eaux.  Il a rejeté le principe des pourparlers bilatéraux auxquels les autorités de Gibraltar ne pourraient pas participer à part entière, affirmant que toute négociation devrait passer par le Forum tripartite.

Pour la Présidente du nouveau Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en dépit des Accords de Matignon et de Nouméa pour engager l’ensemble des participants sur la voie du dialogue et de la réconciliation, rien n’est acquis et les équilibres restent fragiles.  Sur le plan politique, a-t-elle indiqué, le territoire a vécu cette année un moment important avec la tenue des élections provinciales.

Au cours de l’audition de pétitionnaires sur la question du Sahara occidental, certains d’entre eux ont dénoncé les violations des droits de l’homme qui seraient commises dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf.  Le Front Polisario a même été accusé par certains « de transformer les réfugiés en otage » et l’un des pétitionnaires a regretté qu’il n’y ait jamais eu de débat ouvert dans les camps sur la proposition d’autonomie élargie proposée par le Maroc au peuple sahraoui. 

D’autres pétitionnaires ont exhorté la communauté internationale à renforcer le mandat de la MINURSO en le dotant notamment d’outils juridiques pour superviser les violations des droits de l’homme dans le territoire occupé par le Maroc.  

En fin de séance, le Royaume-Uni et l’Espagne ont exercé leur droit de réponse.

La Quatrième Commission poursuivra les auditions de pétitionnaires sur la question du Sahara occidental, demain, jeudi 9 octobre, à partir de 15 heures.

Suite du débat général sur la décolonisation

M. JOSÉ JAVIER GUTIÉRREZ BLANCO NAVARRETE (Espagne) a déclaré que sa délégation avait toujours apporté son soutien aux processus de décolonisation.  Toutefois, cela ne signifie en aucun cas l’acceptation par l’Espagne du droit à l’autodétermination dans le cas particulier de Gibraltar, a-t-il précisé.  Ce droit, a expliqué le représentant, s’appliquait en effet à des peuples dont le territoire a été colonisé, pas aux colons imposés par une Puissance occupante au détriment des habitants d’origine.  Gibraltar a été occupé par le Royaume-Uni au nom d’une tierce partie et artificiellement peuplée par des vagues migratoires de diverses provenances, a souligné le représentant.  Il a également accusé la puissance britannique d’avoir illégalement saisi d’autres territoires espagnols qui n’ont jamais été cédés en vertu du Traité d’Utrecht de 1713 qui a mis fin à la Guerre de succession espagnole.  En ce qui le concerne, mon pays n’a pas cédé ses eaux territoriales, a rappelé le délégué.  Ce que le Royaume-Uni considère comme des incursions illégales dans les eaux britanniques ne sont en réalité que des simples activités de routine de navires espagnols dans les eaux espagnoles, a-t-il dit.

M. Gutierrez a rappelé que l’Assemblée générale a passé elle-même plus d’une quarantaine d’années à demander au Royaume-Uni, qualifié de « puissance occupante », et à l’Espagne, de régler leur différend sur une base bilatérale.  Mais depuis deux ans, a indiqué le représentant, les tensions se sont intensifiées, après que les autorités locales aient décidé de mettre fin à l’accord informel conclu en 1999 avec les associations de pêcheurs espagnols.  Plus grave, a-t-il poursuivi, la Puissance administrante fait preuve d’une coopération insuffisante dans la lutte contre les trafics sur le rocher.  Ainsi, l’Office européen de lutte antifraude a conclu tout récemment que des activités de contrebande et de blanchiment d’argent se déroulaient à Gibraltar.  En dépit de ces provocations, l’Espagne a renouvelé son appel à la réouverture d’un dialogue bilatéral avec Londres, auquel les autorités locales de Gibraltar seraient également invitées à participer, a conclu l’intervenant.

M. ROBERT GUBA AISI (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a regretté qu’il y ait toujours près de deux millions de personnes vivant dans les territoires non autonomes sous le joug du colonialisme d’une façon ou d’une autre.  « Nous ne pouvons pas les laisser sur au bord de la route alors même que nous travaillons au programme de développement pour l’après-2015 », a-t-il prévenu.  En tant que membre du Comité de la décolonisation, le représentant a appelé à renforcer les efforts pour accélérer le processus de décolonisation.

Concernant le processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie, il s’est associé à la Déclaration du Président du C-24 et à ses recommandations formulées à la suite d’une récente visite du Comité sur place.  Il a apporté son soutien au processus d’autodétermination en cours dans ce territoire et a souhaité qu’il soit inclusif.

Le représentant a souligné par ailleurs que la priorité du nouveau Gouvernement territorial était le développement social.  Il a salué les visites de haut niveau de la Puissance administrante dans le territoire, lesquelles auguraient bien, à son avis, du processus d’autodétermination.  Le représentant a également indiqué que l’une des préoccupations majeures des habitants de la Nouvelle-Calédonie était la complexité du processus électoral, notamment l’organisation d’un référendum qui doit être le fruit d’un dialogue pacifique entre toutes les parties concernées.  En particulier, le processus d’inscription sur la liste restreinte doit être fait dans la plus grande transparence, a conclu le représentant.

Audition de pétitionnaires

Gibraltar

M. FABIAN PICARDO, Ministre principal de Gibraltar, a fait état d’incursions répétées dans les eaux territoriales de Gibraltar par des bateaux espagnols, qualifiées cette année par la Commission européenne « d’injustifiées et de disproportionnées ».  Il a en outre souligné que la Commission s’était prononcée en faveur de Gibraltar à la suite de nombreuses plaintes portées contre ce territoire par l’Espagne sur des questions environnementales.  Au cours des deux derniers mois, a-t-il précisé, il y a eu plus de 245 incursions illégales espagnoles dans les eaux territoriales, qui ont fait l’objet d’une réaction soit en mer soit par des notes verbales diplomatiques.  Les eaux autour de Gibraltar sont toujours britanniques, a rappelé M. Picardo, et l’Espagne refuse de traiter cette question devant le Tribunal international du droit de la mer parce qu’elle sait qu’elle n’aurait pas gain de cause.  « Réglons cette question comme il se doit au XXIe siècle et en tant que Gouvernements responsables », a-t-il demandé.

Le Ministre principal a indiqué que la position du Gouvernement du territoire était que la juridiction de UNCLOS faisait foi et qu’il revenait à l’ONU de définir le droit de souveraineté sur ces eaux.  Il a ajouté qu’en essayant d’assumer la souveraineté de Gibraltar, le Gouvernement espagnol ne tenait pas compte de la volonté de ses habitants.  Les habitants de Gibraltar s’opposent aux pourparlers bilatéraux entre l’Espagne et le Royaume-Uni, a-t-il précisé, estimant que cette approche était irrespectueuse du principe du droit à l’autodétermination.

Toutefois, M. Picardo a réaffirmé son engagement en faveur d’un dialogue trilatéral et s’est dit disposé à établir un dialogue avec le Gouvernement espagnol en dépit de l’hostilité dont celui-ci fait preuve par les mots et les faits.  En tant que partisan de la diplomatie et du dialogue, le Ministre principal a affirmé vouloir tendre une main amicale pour un partenariat économique et une réconciliation politique, rappelant que, conjointement avec le Royaume-Uni, le territoire avait proposé l’ouverture de pourparlers ad hoc techniques menés parallèlement au Forum trilatéral, en vue de lancer un tel dialogue.

M. RICHARD BUTTIGIEG, Président du Groupe pour l’autodétermination de Gibraltar, a prévenu que le peuple de Gibraltar, « résolu et tenace », n’abandonnerait jamais son aspiration à exercer pleinement ses droits.  Nous ne sommes pas sécessionnistes et, après bien des batailles, nous avons trouvé un terrain d’entente avec le Royaume-Uni fondé sur le respect et la reconnaissance de notre droit à décider de notre avenir, a-t-il souligné.  « Mais l’Espagne continue de nous opprimer d’une manière inacceptable de la part d’un pays qui revendique un siège non permanent au Conseil de sécurité », a regretté l’orateur.  Tout ce que nous demandons c’est d’être reconnu en tant que peuple disposant du droit de décider lui-même de son propre avenir, a-t-il conclu.  

Nouvelle-Calédonie

Mme CYNTHIA LIGEARD, Présidente du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a déclaré qu’en dépit des Accords de Matignon et de Nouméa pour engager l’ensemble des participants sur la voie du dialogue et de la réconciliation, rien n’est acquis et les équilibres restent fragiles.  Nous sommes convaincus, a-t-elle dit, que la Nouvelle-Calédonie ne se construira pas sans une administration représentative de toutes les composantes de la société calédonienne.  Sur le plan politique, a ajouté la représentante, le territoire a vécu cette année un moment important avec la tenue des élections provinciales.  Disposant de la majorité des voix, les composantes non indépendantistes ont mis en place une administration ouverte à la sensibilité indépendantiste, qui dirige 2 régions sur 3 et 25 communes sur 33, a fait valoir Mme Ligeard.  Toutefois, a-t-elle reconnu, la question du corps électoral continue de susciter des tensions.  « La citoyenneté calédonienne ne doit pas se construire en excluant une partie de ses habitants », a-t-elle conclu. 

M. DANIEL GOA, du Front de Libération nationale Kanak et socialiste (FNLKS), a rappelé que le 24 septembre dernier avait marqué le trentième anniversaire de cette organisation.  Il a dénoncé le fait que des dispositions fondamentales de l’Accord de Nouméa ne sont pas respectées à cause « de la politique de la Puissance de tutelle relayée localement par les non-indépendantistes sous couvert de la démocratie et du droit ».  Le pétitionnaire s’est également élevé contre le problème « scandaleux » des listes électorales, dans le but de poursuivre la « marginalisation du peuple kanak », ainsi que le pillage des ressources naturelles, qui se poursuit selon lui au nom des intérêts de la France.  En outre, a ajouté le pétitionnaire, l’absence d’anticipation de formations dans les compétences transférées et à transférer est une énième preuve tangible d’une volonté affichée de maintenir la Kanaky/Nouvelle-Calédonie sous tutelle française.

M. ROCH WAMYTAN, Président du Groupe UC-FLNKS et Nationaliste au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, signataire FLNKS de l’Accord de Nouméa, a accusé la « Puissance de tutelle » en Nouvelle-Calédonie, qui prétend « être neutre, équidistante et arbitre » de mener une politique qui est toujours et encore celle de « la ligne rouge de l’indépendance interdite ».  Il a réclamé le strict respect de l’Accord de Nouméa concernant l’établissement des listes du corps électoral spécial provincial et celui du référendum d’autodétermination prévu en 2018.

M. Wamytan a également estimé que le temps était venu de solliciter des Nations Unies une médiation officielle avec la France afin que le référendum se passe dans des conditions optimales de transparence et de sincérité.  « Cette médiation devrait pouvoir débuter dans les trois mois si rien n’est entrepris par la Puissance administrante pour régler le problème de corps électoral qui, dans toutes les luttes de décolonisation, constitue la mère des batailles. »

M. PHILIPPE DUNOYER, de Pour Calédonie Ensemble, a rappelé qu’en 1988, un processus de décolonisation avait été défini dans le cadre des Accords de Matignon, qui a permis de mettre en place une société progressivement plus juste.  Il nous faut traiter nos différends par le dialogue, a-t-il affirmé, et c’est la raison pour laquelle a été créé un « comité des signataires ».  Alors que ce dernier se réunissait vendredi dernier, la mouvance indépendantiste a refusé d’y participer et préféré exprimer ses positions à la tribune de l’ONU, a regretté le pétitionnaire, qui a encouragé la poursuite du dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes.

Polynésie française

M. OSCAR MANUTAHI TEMARU, Union pour la démocratie (UPLD), a rappelé que, un an exactement après la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes de la Quatrième Commission, le 17 mai 2014, des milliers de personnes sont descendues dans la rue de Tahiti pour commémorer cette date qui leur a permis de lancer leur processus d’autodétermination sous les auspices des Nations Unies.  Il a pris note du paragraphe opérationnel du projet de résolution L.9 du Comité des 24 de juin 2014 qui reconnaît le droit inaliénable du peuple à l’autodétermination et à l’exploitation de ses ressources naturelles.

M. Temaru a affirmé attendre de la part de la Puissance administrante de respecter le droit internationalement reconnu à l’exploitation des ressources naturelles par les habitants des territoires non autonomes dans le contexte du processus d’autodétermination.  « La technologie pour exploiter ces fonds marins est déjà sur place et la France a créé un comité spécial sur des minerais stratégiques (COMES) dans lequel les habitants de la Polynésie française n’ont à nouveau pas droit au chapitre », a-t-il toutefois souligné, affirmant que « sans véritable reconnaissance de notre propriété de ces ressources, et sans réel contrôle sur l’immigration nous sommes en passe de devenir des spectateurs impuissants d’un nouveau pillage, comme cela a été le cas pendant les 30 dernières années avec l’exploitation, par la France, du phosphate des îles de Makatea et Tuamotu ».

Le pétitionnaire a par ailleurs déclaré craindre une arrivée massive de ressortissants français à la recherche d’emplois.  Cette situation pose à son avis deux problèmes dont devraient se saisir les Nations Unies: le contrôle de l’immigration, actuellement assuré par la Puissance administrante, et la définition claire de l’éligibilité des électeurs dans le contexte de l’autodétermination.

M. MOETAI BROTHERSON, Polynésie, a indiqué qu’il attendait de la France qu’elle s’acquitte en Polynésie des obligations découlant du processus de décolonisation dans le cadre du Chapitre 11 de la Charte des Nations Unies.  « Il est regrettable que la Puissance administrante n’ait pas transmis les informations sur notre territoire conformément à l’Article 73 de la Charte », a-t-il dit, avant d’inviter la France à le faire.  En conclusion, il a insisté sur la nécessité de visites de l’ONU en Polynésie française, étant donné le caractère partial que peuvent revêtir les informations transmises par la Puissance administrante sur le territoire à décoloniser.

M. RICHARD ARIIHAU TUHEIAVA, de Tavini Huiraatira No Te Ao Ma’ohi-F.L.P, s’est déclaré déçu par le rapport dont est saisie la Quatrième Commission, dans la mesure où il ne reflète pas à son avis les opinions du peuple de la Polynésie française.  À l’inverse, le rapport indépendant publié en janvier 2014 par un groupe de scientifiques présente, a-t-il souligné, une analyse rigoureuse de l’impact des essais nucléaires sur les peuples de l’archipel, demandant qu’il soit versé à la documentation officielle des Nations Unies. 

Sahara occidental

M. ERIC CAMERON, World Action For Refugees, a accusé le Front Polisario d’être responsable de l’impasse actuelle dans laquelle se trouvent les réfugiés sahraouis qui ne jouissent pas de la liberté de choisir, de se réunir ou de débattre dans les camps.  Il regrette qu’il n’y ait pas eu de débat large et libre sur l’initiative d’autonomie proposée par le Maroc dans les camps.  De ce fait, le Front Polisario transforme la population des camps en otage, a dénoncé M. Cameron, qui ne dit pas pour autant que le Maroc est sans faute.  Il constate toutefois une différence frappante entre les deux parties et demande à ce que l’initiative marocaine ne soit pas abandonnée et qu’il soit permis aux représentants marocains de la défendre dans les camps, compte tenu du fait que le principal souci du Front Polisario devrait être le bien-être de la population sahraouie.

M. ANDREW M. ROSEMARINE, de International Law Chambers of A. Rosemarine, a estimé que la proposition d’autonomie faite par le Maroc, telle que présentée par le Secrétaire général de l’ONU M. Ban Ki-moon en 2007, constituait la base d’un règlement juste du différend autour du Sahara occidental.  Nous pouvons faire confiance au Maroc, a assuré le pétitionnaire.  À titre d’exemple, il a cité les leçons apprises du référendum sur l’indépendance de l’Écosse, qui a montré qu’il était « dangereux, dans le monde moderne, de se séparer d’un pays stable et établi, pour embrasser les incertitudes de l’indépendance ». 

M. ANDREA MARGELETTI, Centro Studi Internazionali, a remarqué que, deux ans après la crise au Mali, de nombreuses tendances qui avaient caractérisé la révolte Touareg se sont établies et touchent désormais les pays limitrophes.  Les aspirations à la territorialisation, la radicalisation idéologique religieuse, le sous-développement économique et des processus de démocratisation fragiles sont un terrain fertile pour la prolifération de mouvements extrémistes terroristes dans la région, a-t-il indiqué.

À son avis, la guerre au Mali et l’émergence de l’EILL ont deux points communs: l’exploitation de l’insatisfaction et de la marginalisation socioéconomique et leur transformation instrumentale en Jihad, et le soutien tribal apporté à ces groupes extrémistes.  Ces tribus que leurs propres gouvernements ne reconnaissent pas trouvent dans l’extrémisme une dernière chance de faire entendre leur voix, a-t-il affirmé.

L’Afrique du Nord et le Sahel sont caractérisés par le fait que la direction de ces régions n’est plus représentative de ses peuples, a-t-il souligné, estimant que la défense du principe de subsidiarité et la protection des gouvernements locaux, ainsi que l’édification de systèmes de santé et d’éducation fiables étaient les principaux outils dont disposait la communauté internationale pour lutter contre ce phénomène. 

La représentante de Teach The Children International, Mme NANCY HUFF, a appuyé l’idée marocaine de renforcer l’autonomie du Sahara occidental par le biais d’une régionalisation avancée.  Selon elle, cette autonomisation serait la meilleure base à une résolution du différend.  En outre, elle a jugé que tant que le Front Polisario se posera en victime demandant l’élargissement du mandat de la MINURSO à la protection des droits de l’homme, aucun progrès réel sur la voie d’un règlement pacifique du différend ne pourra être obtenu par les parties.

M. SMAIL DEBECHE, Professeur à l’Université Alger III et membre du Comité national algérien de solidarité avec le peuple du Sahara occidental, a rappelé qu’aucun État Membre de l’ONU ne reconnaissait l’occupation marocaine du Sahara occidental, y compris les pays comme la France, qui, selon le Maroc, la reconnaîtrait.  Il a accusé le Maroc d’entraver tout progrès en vue de la tenue d’un référendum libre, impartial et transparent.  « Le Maroc est une puissance coloniale et d’occupation », a-t-il dit, concluant que l’on perdait du temps en différant la tenue d’un référendum.

Mme GALE SHERRILL, de Common Ground Ministries Inc, a plaidé pour le retour du peuple sahraoui au Maroc, estimant que le sud de ce pays offrait un environnement bien plus accueillant que le désert dans lequel vivent ces réfugiés depuis 40 ans.  Une option raisonnable est sur la table depuis un certain temps déjà, a-t-elle estimé, invitant les États Membres à user de leur influence considérable pour concrétiser cette solution.

Mme DONNA SAMS, d’Antioch Community Church, de retour des camps de réfugiés de Tindouf, a constaté la souffrance des enfants et le déclin des services éducatifs.  Elle s’est demandée ce que faisaient les Nations Unies pour que les enfants sur place ne reçoivent pas l’éducation qui leur est nécessaire, sous peine de devenir des adultes analphabètes.  La pétitionnaire a donc encouragé l’Organisation à envisager des mesures permettant l’ouverture d’écoles dans les camps et leur accès à tous les enfants.

Le Président de la Fondation algérienne des études stratégiques et sécuritaires, M. MHAND BERKOUK (Algérie), a indiqué qu’en tant qu’organisme international de recherche, la fondation qu’il dirige considère que la politique marocaine, « répressive et irrespectueuse de la communauté internationale », risque de pousser la jeunesse sahraouie vers la résistance armée.  Il a exhorté la communauté internationale à renforcer le mandat de la MINURSO en le dotant notamment d’outils juridiques pour superviser les violations des droits de l’homme dans le territoire occupé.  Selon lui, le Conseil de sécurité devrait également adopter une résolution exhortant le Maroc à se montrer plus proactif dans ses négociations avec le Front Polisario.

Mme JEANNETTE HOORN, Professeur à l’Université de Melbourne en Australie, a souligné l’insécurité croissante dans la région du Sahel.  Elle a indiqué que des groupes terroristes continuaient de trouver refuge au nord du Mali malgré l’intervention française et que l’Algérie était confrontée à de nombreuses difficultés dans la surveillance de ses frontières.  La région du Sahel est devenue un havre de paix pour les réseaux terroristes, les groupes séparatistes et les trafiquants de stupéfiants, a-t-elle poursuivi.  La pétitionnaire a souligné la nécessité de mettre en place une plateforme régionale de coopération pour la région du Sahel, soulignant les efforts du Maroc visant à favoriser une telle coopération et à combattre les menaces sécuritaires qui pèsent sur la région.

M. ALI SAHEL (Algérie), Président de l’Association nationale des échanges entre jeunes, a déclaré que la jeunesse sahraouie traversait la période la plus difficile de son histoire.  Ajoutant qu’elle luttait avec des moyens pacifiques pour exprimer l’injustice et l’indifférence du « colonisateur marocain », il a condamné la torture, les disparitions forcées et l’élimination physique dont la jeunesse sahraouie serait victime.  Après avoir rappelé que le chômage frappait 70% des jeunes sahraouis, il a noté que « l’occupation marocaine » risquait de finir par convaincre les jeunes de « l’inéluctabilité d’un recours à la lutte armée ».  Il a demandé à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité d’imposer l’application des résolutions de l’ONU afin que soit trouvée une solution durable garantissant la liberté, l’indépendance, la paix et la stabilité au peuple sahraoui.

Mme HASSIBA BOULMERKA a dénoncé l’oppression dont le peuple du Sahara occidental serait à son avis victime de la part de la Puissance marocaine.  Elle a dit espérer qu’un référendum serait organisé pour permettre aux Sahraouis d’exercer leur droit à l’autodétermination et de pouvoir vivre une vie normale.  Elle en a appelé au « sens de l’équité et de la justice » des membres de la Quatrième Commission, en décrivant le désespoir qui règne dans les camps de réfugiés.

Le Président du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui, M. SAÏD AYACHI, après avoir énuméré les exactions commises par le Maroc contre les Sahraouis et les organisations ayant condamné ces crimes, dont les Nations Unies, Amnesty International et Human Rights Watch, a demandé que le mandat de la MINURSO soit élargi à la protection et au respect des droits de l’homme.  Il a également rappelé que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU recommandaient depuis des années la tenue, sous supervision des Nations Unies, d’un référendum d’autodétermination qui « seul » permettra au peuple sahraoui de choisir librement son destin.

M. BABACAR DIALLO, a déclaré que l’instrumentalisation du Front Polisario par une puissance étrangère constituait à son avis un facteur d’instabilité pour les régions du Maghreb et du Sahel, « d’autant que des informations font état d’une implication de ce groupe dans des trafics maffieux et de la symbiose de certains des membres du Front Polisario avec les groupes terroristes notamment AQMI ».  Aucune organisation, à l’exception de l’Union africaine, n’a reconnu l’existence et la légitimité de cette « prétendue » République arabe sahraouie démocratique, proclamée par le Front Polisario, a-t-il souligné.  Le pétitionnaire a en conclusion apporté son soutien au Maroc, qu’il considère comme un « acteur régional responsable et fiable ».

M. AMY KARIMI, Pacis Group, a indiqué que des jeunes femmes et mères étaient emprisonnées dans les camps de Tindouf pour avoir eu des relations sexuelles extra-maritales.  Certaines d’entre elles sont détenues avec leurs enfants, a-t-elle dit, avant de souhaiter une dépénalisation des relations sexuelles hors mariage.  Elle a également déploré que les mariages forcés de femmes et de filles mineures, notamment avec des responsables du Front Polisario, soient devenus la norme dans les camps de Tindouf.  Sous couvert de mariage, les responsables du Front Polisario violent systématiquement les droits des femmes sahraouies, a-t-elle affirmé, précisant que « des filles qui n’ont pas plus de 13 ans sont contraintes de se marier afin d’assurer au mouvement une descendance dévouée à sa cause ».  Elle a également exprimé sa préoccupation au sujet des allégations de grossesse forcée dans les camps de Tindouf, exhortant la communauté internationale à tout faire pour remédier au traitement inhumain des femmes sahraouies.

M. ABDELHAKIM BETTACHE, Président de la commune d’Alger, a réaffirmé avec force la position de l’Algérie sur la question du Sahara occidental, « une position de principe qui appelle à l’application de la légalité internationale à une question de décolonisation reconnue et qualifiée comme telle par la communauté internationale ».  Il a déploré que la population civile sahraouie vivant dans les territoires du Sahara occidental continue de faire l’objet d’une répression féroce de la part des Forces armées d’occupation marocaine.  M. Bettache a exhorté le Conseil de sécurité d’agir rapidement pour que soit mis un terme aux violations des droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc.  Il est nécessaire de mettre sur pied un mécanisme onusien de protection des droits de l’homme, a-t-il conclu.

Droits de réponse

Le représentant du Royaume-Uni, en réponse à l’intervention de l’Espagne, a rappelé la souveraineté de son gouvernement, reconnue par les Nations Unies, sur Gibraltar et ses eaux territoriales.  Le peuple de Gibraltar jouit du droit à l’autodétermination, a-t-il affirmé, et la relation entre le Royaume-Uni et le Gouvernement de Gibraltar ne constitue en rien une relation fondée sur le colonialisme.  Le représentant a affirmé que le Royaume-Uni ne prendrait aucune disposition qui permettrait au peuple de Gibraltar de passer sous une autre souveraineté sans son accord explicite et a rappelé que le Forum tripartite restait l’enceinte appropriée pour tous pourparlers sur cette question, regrettant que l’Espagne s’en soit retirée en 2011.  Il a proposé des pourparlers ad hoc sur des questions représentant un intérêt mutuel pour l’Espagne, Gibraltar et le Royaume-Uni, rejetant l’accusation selon laquelle son pays aurait occupé illégalement Gibraltar et ses eaux.

Le représentant de l’Espagne a déclaré qu’en ce qui concerne les eaux territoriales, la position de sa délégation se fondait sur le Traité d’Utrecht de 1713.  L’occupation britannique de Gibraltar ne remet pas en cause la souveraineté territoriale de l’Espagne sur ses propres eaux, où elle continuera de mener ses activités comme bon lui semble, a assuré le représentant.  En ce qui concerne le dépôt de 70 blocs de béton dans des eaux que l’Espagne considère comme les siennes, ce geste des autorités locales de Gibraltar n’avait pour objectif que de gêner les pêcheurs espagnols, a-t-il déploré.  Il a néanmoins réaffirmé la volonté de son pays de participer à des mécanismes de coopération économique avec Gibraltar.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.