Comité des droits des Palestiniens: Dix ans après l’avis de la CIJ, « le dispositif de mur et de barrières est intact et la vie des Palestiniens se dégrade à une vitesse alarmante »
En présence du Ministre palestinien de l’agriculture, des affaires sociales et de la question des prisonniers, M. Shawki Al-Aissa, le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a commémoré aujourd’hui le dixième anniversaire de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé. Dix ans après, a constaté le Président du Comité, M. Abdou Salam Diallo, du Sénégal, « le dispositif de mur et de barrières est tout à fait intact et la vie de la majorité des Palestiniens continue de se dégrader à une vitesse alarmante ».
Dans la Déclaration qu’il a adoptée à l’issue de sa cérémonie commémorative, le Comité précise qu’il s’agit d’un mur de séparation physique qui aura une longueur de 712 kilomètres, soit plus du double de celle de la Ligne verte. Environ 443 kilomètres de murs en béton, clôtures, fossés, barbelés, chemins de sable et systèmes de surveillance électronique ont déjà été installés et 72 kilomètres sont en train de l’être.
Le message de la CIJ, consacré dans la résolution ES-10/15 que l’Assemblée générale a adoptée le 9 juillet 2004 à une écrasante majorité, comme l’a rappelé le Vice-Président de l’Assemblée, M. Hussein Haniff, est très clair: « l’édification du mur dans le Territoire palestinien occupé et le régime qui y est associé vont à l’encontre des règles applicables du droit international. Israël est dans l’obligation de mettre un terme à ses violations du droit international, d’arrêter la construction du mur et de démanteler la structure déjà édifiée. Israël doit également réparer tous les préjudices causés par la construction du mur. Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, ont été implantées en violation du droit international ».
La CIJ, a encore rappelé le Président du Comité, a également jugé que tous les États étaient tenus de ne pas reconnaître la situation illégale. Les États parties à la quatrième Convention de Genève sont aussi obligés d’assurer le respect par Israël du droit international humanitaire, conformément à l’article 1 de la Convention.
Dix ans après, dit le Comité dans sa Déclaration, la situation ne s’est pas améliorée. Israël continue de fouler aux pieds l’avis consultatif de la CIJ et la construction du mur se poursuit, occasionnant la confiscation d’un nombre toujours plus important de terres et biens palestiniens, le déplacement de milliers de civils, la fragmentation excessive de la continuité du territoire palestinien et l’isolement de Jérusalem-Est occupée, ainsi que d’autres villes et localités palestiniennes.
Le mur, affirme la Déclaration, n’est qu’un élément de tout un ensemble de restrictions draconiennes à la liberté de circulation qu’Israël impose à la population civile palestinienne de Cisjordanie. On compte actuellement plus de 600 barrages et le réseau routier construit par Israël en rapport avec le mur et les colonies est de plus en plus ségrégé. L’impact du mur sur les conditions de vie des Palestiniens a été décrit par le spécialiste de la question au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. Ray Dolphin, et par le Chercheur principal sur Israël et la Palestine de l’ONG « Human Rights Watch ».
Israël invoque des raisons de sécurité mais, contre-attaque la Déclaration du Comité, la Cour signale que le tracé du mur ne se justifie pas par des impératifs de sécurité. Bien au contraire, ce tracé a été pensé pour englober la plupart des colonies israéliennes, lesquelles sont contraires au droit international. Le mur contribue donc à consolider un état de fait illicite.
La récente escalade de la violence constitue juste un autre effet des politiques menées par Israël, a tranché le Président du Comité, pour qui Israël doit répondre de ses politiques et de ses actes. L’Histoire prouve que l’inaction du Conseil de sécurité est trop coûteuse, a-t-il prévenu. Le moment est venu de prendre des mesures fermes, a conclu le Président. Cette réunion a lieu dans le contexte d’une situation de plus en plus précaire sur le terrain, a dit le Secrétaire général dans un message lu par son Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Oscar Fernandez-Taranco.
Après avoir rappelé qu’il a vivement condamné les meurtres des adolescents israéliens et palestiniens, le Secrétaire général rappelle que conformément à la demande que l’Assemblée générale a faite après l’avis consultatif de la CIJ, il a créé le Bureau d’enregistrement de l’ONU concernant les dommages causés par la construction du mur, lequel est devenu opérationnel en 2008. Le Bureau a reçu à ce jour 42 000 plaintes et plus d’1,1 million de documents en appui à ces plaintes. Le Secrétaire général a espéré que le Bureau pourra finir le processus lié aux dépôts des plaintes d’ici à 2015.
L’adhésion à l’avis consultatif de la CIJ, a-t-il conclu, est une mesure essentielle pour mettre fin à une occupation entamée en 1967 et pour laisser la place à un État palestinien indépendant, souverain, viable et prospère, vivant côte à côte et en paix avec Israël dans des frontières sûres et reconnues. L’adhésion à l’avis de la CIJ est essentielle pour une paix juste, durable et globale au Moye
En effet, dit la Déclaration du Comité, le fait qu’Israël continue de violer l’avis consultatif de la CIJ sape le reste de la confiance qui pouvait exister entre lui et les Palestiniens. Tout acte préjugeant du résultat des négociations liées au statut final doit être évité, prévient le Secrétaire général dans son message, en jugeant essentiel qu’avec l’aide de la communauté internationale, les leaderships israélien et palestinien fassent tout leur possible pour retourner à la table des négociations.
Mais, a fait observer le Ministre palestinien de l’agriculture, des affaires sociales et des questions liées aux prisonniers, malgré quelques mesures, les États européens et les autres signataires de la Convention de Genève n’ont pas exercé assez de pression pour qu’Israël mette fin à ses colonies de peuplement et autres politiques visant à anéantir toute chance de créer deux États vivant côte à côte.
Si le droit international, dont l’avis consultatif de la CIJ et les résolutions du Conseil de sécurité, avait été respecté, la situation actuelle n’existerait pas, a commenté M. Abdul Koroma, juge titulaire à la CIJ au moment où l’avis a été rendu.
Le Ministre palestinien a demandé une enquête indépendante sur les crimes commis dont le meurtre de l’adolescent israélien. Il a invoqué le droit de son État de devenir membre de tous les organes internationaux, dont la CIJ, pour pouvoir porter plainte contre Israël pour crime d’apartheid. La Palestine pourrait très bien traîner Israël devant la justice si elle adhérait au Statut de la Cour pénale internationale (CPI), a fait remarquer la Directrice exécutive de la Division du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord de l’ONG « Human Rights Watch ». Mme Sarah Whitson a accusé l’Autorité palestinienne d’avoir cédé aux pressions des États-Unis, d’Israël et autres pays qui ont multiplié les alertes sur la menace au processus de paix.
Des appels au respect de l’avis consultatif de la CIJ ont aussi été lancés par les représentants de l’Égypte, du Pakistan, de la Tunisie, du Nicaragua, de Cuba, de l’Indonésie, de la Turquie et du Maroc.
Déclaration du Comité à l’occasion du dixième anniversaire de l’avis consultatif de la CIJ sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé
Le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien se réunit aujourd’hui pour célébrer l’avis consultatif historique de la Cour internationale de Justice sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, qui a été rendu le 9 juillet 2004.
Le Comité réaffirme les conclusions de l’avis consultatif, dans lequel la Cour a notamment statué que le mur qu’Israël, Puissance occupante, a commencé à construire en 2003 dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et alentour, et le régime qui lui est associé sont contraires au droit international et qu’Israël est tenu de se mettre en conformité avec le droit international, d’interrompre la construction du mur et de démanteler la structure existante. Israël est également tenu de réparer tout préjudice causé par la construction du mur, comme l’Assemblée générale l’a réaffirmé dans sa résolution ES-10/17 du 15 décembre 2006 portant création du Registre de l’Organisation des Nations Unies concernant les dommages causés par la construction du mur dans le Territoire palestinien occupé. La Cour a également jugé que l’installation de colonies israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, était contraire au droit international.
En outre, le Comité réaffirme la décision de la Cour faisant interdiction aux États de reconnaître la situation illicite résultant de la construction du mur et de prêter aide ou assistance en vue de maintenir la situation créée par ladite construction, et rappelant aux États parties à la quatrième Convention de Genève qu’ils sont en outre tenus de veiller à ce qu’Israël se conforme au droit international humanitaire. Il se fait l’écho de l’appel lancé par la Cour à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité pour leur demander de définir les mesures à prendre pour mettre fin à la situation illégale résultant de la construction du mur par Israël et du régime qui y est associé.
Le Comité précise que cette décision de la Cour fait autorité et définit le cadre juridique international applicable à l’occupation israélienne des terres palestiniennes, met au jour le lien qui existe entre la construction du mur et la politique de colonisation illégale poursuivie par Israël, et exhorte les autorités concernées à respecter les obligations que leur imposent les règles et dispositions du droit international.
Le Gouvernement israélien soutient que le mur n’est qu’une mesure de sécurité temporaire. La Cour signale cependant que le tracé choisi par Israël ne se justifiait pas par des impératifs de sécurité et que la construction du mur constituait dès lors « une violation par Israël de diverses obligations qui lui incomb[ai]ent en vertu des instruments applicables de droit international humanitaire et des droits de l’homme ». La quasi-totalité du mur (86 %) se situe en Cisjordanie au lieu de suivre la ligne de démarcation de l’armistice de 1949 (Ligne verte ou frontière d’avant-1967). La Cour a fait observer que le tracé avait été pensé pour englober la plupart des colonies israéliennes en Territoire palestinien occupé; or, ces colonies étant contraires au droit international, le mur contribue à consolider un état de fait illicite.
Dix ans après, la situation ne s’est pas améliorée. Israël continue de fouler aux pieds l’avis consultatif de la Cour et la construction du mur se poursuit, occasionnant la confiscation d’un nombre toujours plus important de terres et biens palestiniens, le déplacement de milliers de civils palestiniens, la fragmentation excessive de la continuité du Territoire palestinien et l’isolement de Jérusalem-Est occupée, ainsi que d’autres villes et localités palestiniennes. Israël prévoit que le mur aura une longueur totale de 712 kilomètres, soit plus du double de celle de la Ligne verte. Environ 443 kilomètres de murs en béton, clôtures, fossés, barbelés, chemins de sable et systèmes de surveillance électronique ont déjà été installés et 72 kilomètres sont en train de l’être.
Le mur n’est qu’un élément de tout un ensemble de restrictions draconiennes à la liberté de circulation qu’Israël, Puissance occupante, impose à la population civile palestinienne de Cisjordanie. On compte actuellement plus de 600 barrages faisant obstacle à la circulation des Palestiniens en Cisjordanie. En outre, le réseau routier construit par Israël en rapport avec le mur et les colonies est de plus en plus ségrégué: alors que les Israéliens peuvent librement emprunter des centaines de kilomètres de routes en Cisjordanie, les Palestiniens n’y ont accès que sous certaines conditions, quand cet accès ne leur est pas purement et simplement refusé. Les Palestiniens ne peuvent se rendre dans près d’un tiers de la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est occupée, sans permis spécial délivré par l’armée israélienne.
Si ces restrictions draconiennes violent le droit à la liberté de circulation des résidents palestiniens, elles les empêchent également d’exercer tout un ensemble d’autres droits fondamentaux que sont le droit au travail, à la santé, à l’éducation, à des conditions de vie acceptables et au développement. Les paysans ne peuvent cultiver leurs champs et donc exercer leur droit à gagner leur vie. Les enfants ne peuvent aller à l’école et les étudiants ne peuvent librement choisir leur université. Les malades se voient interdire l’accès aux hôpitaux et ne peuvent donc exercer leur droit à jouir durablement du meilleur état de santé possible. Les familles palestiniennes, en particulier les familles de réfugiés bédouins, continuent d’être évincées de force de leur domicile et de leurs terres pour faire place à la construction du mur, et la Puissance occupante saisit leurs terres et leurs biens. S’ajoute à cela que les Palestiniens n’ont actuellement aucun réel moyen d’obtenir réparation, que ce soit par des voies judiciaires ou autres.
Le Comité adresse ses remerciements aux entités des Nations Unies sur le terrain qui suivent l’évolution de la situation dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, fournissent une assistance au peuple palestinien et rassemblent des informations sur les répercussions extrêmement néfastes du mur, des colonies et des politiques israéliennes restrictives qui y sont associées. Elle apprécie à cet égard l’action menée par le Bureau d’enregistrement des dommages et lui demande de s’acquitter de son mandat avec célérité.
Le Comité condamne de nouveau toutes les politiques et mesures illégales prises par Israël, Puissance occupante, y compris la poursuite de la construction du mur, l’extension des colonies, les incursions militaires dans des zones civiles et l’emploi d’une force excessive contre les manifestants palestiniens, les coups de filet, l’arrestation et la détention de Palestiniens et les exactions commises à l’encontre de prisonniers et de détenus, ainsi que le maintien du blocus qui étouffe Gaza. En ce qui concerne le mur, il demande au Gouvernement israélien de donner immédiatement et intégralement effet à la décision de la Cour en démantelant le système de murs, clôtures et barrières érigé en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, et d’indemniser tous les Palestiniens auxquels la construction du mur a porté préjudice. Le fait qu’Israël continue d’ignorer l’avis consultatif de la Cour 10 ans après qu’il eut été rendu et viole systématiquement et délibérément le droit international sape le reste de confiance qui pouvait exister entre Israéliens et Palestiniens. Il empêche tout progrès en vue d’un règlement global, juste et durable de la question de Palestine reposant sur l’existence de deux États – un État palestinien d’un seul tenant, indépendant, démocratique et viable ayant Jérusalem-Est comme capitale, qui vive dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël sur la base des frontières de 1967.
Le Comité regrette profondément que le Conseil de sécurité ne se soit pas prononcé sur la question essentielle de la construction du mur israélien et n’ait, au cours des dernières années, ni condamné les violations incessantes du droit international commises par Israël, en particulier en lien avec la construction du mur et de nouvelles colonies, ni fait quoi que ce soit pour y mettre fin. Il demande au Conseil d’agir rapidement et fermement pour obliger Israël à se mettre en conformité avec le droit international. En outre, il en appelle à la communauté internationale pour qu’elle tienne Israël responsable de ses actes et force la Puissance occupante à cesser ses violations et emprunter la voie de la paix. Comme la Cour l’a rappelé, les États parties à la quatrième Convention de Genève sont tenus de veiller à ce qu’Israël applique le droit international humanitaire. Des mesures concrètes doivent être prises aux niveaux politique, diplomatique et économique. Reconnaître l’État de Palestine et soutenir l’adhésion de la Palestine aux traités internationaux sont essentiels pour permettre au peuple palestinien de jouir de son droit à l’autodétermination. S’assurer que les commerces et entreprises n’entretiennent pas de liens avec des sociétés participant à l’occupation et en tirant profit, y compris la construction de colonies et du mur, contribuerait grandement à faire respecter le droit international. Le Comité accueille avec satisfaction à cet égard les directives de l’Union européenne interdisant le financement des colonies et toutes les autres mesures prises par les États pour tenir Israël responsable des violations qu’il commet à cet égard.
La communauté internationale, les gouvernements, les organisations internationales, les parlements et la société civile doivent faire davantage pour sauver la solution reposant sur l’existence de deux États en application des résolutions des Nations Unies pertinentes, des Principes de Madrid et de l’Initiative de paix arabe, et pour aider le peuple palestinien à jouir de ses droits inaliénables, la justice, la liberté et la paix.