Pour sortir de son « silence assourdissant » et de sa « longue hibernation », le Comité de la décolonisation est invité à effectuer des visites à Gibraltar et au Sahara occidental
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Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Comité spécial chargé d’étudier la situation
en ce qui concerne l’application de la Déclaration
sur l’octroi de l’indépendance aux pays
et aux peuples coloniaux
Reprise de session
3e séance – matin
POUR SORTIR DE SON « SILENCE ASSOURDISSANT » ET DE SA « LONGUE HIBERNATION », LE COMITÉ DE LA DÉCOLONISATION
EST INVITÉ À EFFECTUER DES VISITES À GIBRALTAR ET AU SAHARA OCCIDENTAL
Le Comité spécial chargé de la décolonisation –Comité des 24- a été accusé aujourd’hui de garder un silence assourdissant et d’être entré dans « une longue hibernation » face à la situation à Gibraltar et au Sahara occidental. Le Comité des 24, qui a adopté trois projets de résolution, a été encouragé à effectuer des visites sur le terrain pour être plus proche de la réalité.
Les dirigeants gibraltariens s’adressent en vain depuis un demi-siècle au Comité des 24 pour qu’il protège le droit de leur peuple à l’autodétermination, s’est impatienté le Ministre principal de Gibraltar, en fustigeant le « silence assourdissant » du Comité, « un chant de sirène pour ceux qui veulent flouer les principes de la Charte des Nations Unies ».
M. Fabian Picardo a demandé au Comité « une visite à Gibraltar, une participation à notre symposium, l’organisation de l’un de vos séminaires dans notre territoire ou un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur notre droit à l’autodétermination ». « Aucun progrès n’a été réalisé sur la base de négociations bilatérales entre le Royaume-Uni et l’Espagne », s’est impatienté, à son tour, le Président du Groupe en faveur de l’autodétermination de Gibraltar, M. Denis Matthews.
« L’immense responsabilité de l’ONU et donc du Comité » a été pointée du doigt par M. Ahmed Boukhari du Front Polisario. Si l’ONU, a-t-il dit, a fini par convaincre le Maroc d’organiser un référendum et d’accepter les différentes options d’autodétermination, elle ne l’a pas empêché de proclamer unilatéralement le Sahara occidental comme partie intégrante de son territoire. Tout cela, a-t-il accusé, a été rendu possible par « une espèce d’abdication » des organes de l’ONU.
Le représentant du Front Polisario a prié le Conseil de sécurité d’assumer toute sa responsabilité et l’Union africaine de renouveler sa volonté d’œuvrer de concert avec l’ONU, pour que le Comité des 24 puisse sortir « de sa longue hibernation ». À son tour, il a invité ce dernier à dépêcher une mission sur le terrain.
Le Comité a précisément adopté un projet de résolution* recommandant à l’Assemblée générale de souligner la nécessité de dépêcher périodiquement des missions de visite dans les territoires non autonomes et d’engager les puissances administrantes à les faciliter. Ces puissances administrantes devraient aussi être priées** de communiquer régulièrement au Secrétaire général des renseignements statistiques et techniques relatifs à la situation économique et sociale et à l’éducation dans les territoires dont elles sont responsables, ainsi que des renseignements aussi complets que possible sur l’évolution politique et constitutionnelle.
S’agissant de Gibraltar, le représentant de l’Espagne a argué qu’une solution négociée s’impose et rappelé que l’Assemblée générale exhorte, depuis 40 ans, le Royaume-Uni et son pays à régler leurs différends. La solution passe par une restitution du territoire, celui couvert par le Traité d’Utrecht de 1723, y compris celui occupé par la suite et composé de l’isthme et des alentours, a-t-il asséné. Le manque de volonté de l’Espagne n’a d’égal que la faiblesse de ses arguments, a tranché le Président du Groupe en faveur de l’autodétermination de Gibraltar, accusant cette dernière d’essayer de contourner « notre droit clair et inaliénable à l’autodétermination » par l’argument non viable de l’intégrité territoriale.
Si Gibraltar revendique son statut d’autonomie au sein du Royaume-Uni, le Sahara occidental attend toujours l’organisation du référendum sur l’autodétermination. Le Comité des 24 est chargé de veiller à l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance du 14 décembre 1960 dans 17 territoires non autonomes: Anguilla, Bermudes, Îles Caïmans, Îles Falklands (Malvinas), Îles Turques et Caïques, Îles Vierges américaines, Îles Vierges britanniques, Montserrat, Sainte-Hélène, Gibraltar, Guam, Nouvelle-Calédonie, Pitcairn, Polynésie française, Samoa américaines et Tokélaou. Par la résolution du 23 août 2013***, l’Assemblée générale a ajouté la Polynésie française à la liste.
Les informations sur le travail du Comité sont diffusées par le Département de l’information de l’ONU (DPI). Aujourd’hui, le Comité a adopté un projet de résolution**** recommandant à l’Assemblée générale de prier le DPI et le Département des affaires politiques (DPA) d’élaborer des procédures pour rassembler, préparer et diffuser de la documentation de base; de chercher à s’assurer le plein concours des puissances administrantes; d’étudier plus avant l’idée de créer un programme de collaboration avec les points de contact des gouvernements des territoires; et d’encourager les ONG à participer à la diffusion d’informations sur la décolonisation.
Le Comité, dont les dernières réunions ont eu lieu le 20 février et 1er avril 2014 respectivement, poursuivra ses travaux lundi 23 juin à partir de 10 heures.
*A/AC/109/2014/L.5
**A/AC.109/2014/L.3
***A/RES/67/265
****A/AC/109/2014/L.4
QUESTION DE LA DIFFUSION D’INFORMATION SUR LA DÉCOLONISATION
Le rapport du Secrétaire général sur la diffusion d’informations sur la décolonisation pour la période avril 2013-mars 2014 ( A/AC.109/2014/18) a été présenté par Mme Margaret Novicki, Chef du Service des campagnes de communication, lequel relève de la Division de la communication stratégique du Département de l’information (DPI).
Déclaration
Mme LAURA VACCARI, Chef du Groupe de la décolonisation du Département des affaires politiques (DPA), a souligné que la diffusion d’informations est un élément essentiel du travail de l’Organisation pour la mise en œuvre de la troisième Décennie sur l’élimination du colonialisme. Elle a expliqué que les contributions des puissances administrantes sont mises à jour et que les documents de travail sont chaque fois plus concis. Les séminaires, comme le dernier organisé à Fidji, sont conçus de façon à permettre des discussions et des échanges approfondis entre les États, les puissances administrantes, la société civile et les représentants des entités du système de l’ONU. Parmi les nouveautés, elle a cité les vignettes d’informations publiées sur le site Internet et les informations sur la visite du Comité en Nouvelle-Calédonie au mois de mai dernier.
Le représentant de Cuba a mis l’accent sur le Séminaire de Fidji, en faisant part d’« une sorte de frustration collective » du fait que le colonialisme n’a pas encore été éradiqué. Il a voulu que l’on mette en œuvre toutes les activités prévues dans le cadre de la troisième Décennie sur l’élimination du colonialisme.
QUESTION DU SAHARA OCCIDENTAL
Pour l’examen de cette question, le Comité était saisi d’un document de travail établi par le Secrétariat (A/AC.109/2014/1) qui rappelle que le Secrétaire général a présenté à l’Assemblée, à sa soixante-huitième session, un rapport sur la question du Sahara occidental (A/68/330), couvrant la période allant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 et faisant le bilan des activités que le Secrétaire général a menées dans l’exercice de ses bons offices. Le 8 avril 2013, le Secrétaire général a également présenté au Conseil le rapport concernant le Sahara occidental (S/2013/220) qui rend compte de l’état et de l’avancement des négociations, ainsi que des difficultés auxquelles se heurtent les opérations de la Mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO).
Déclarations
Le représentant de Cuba a appelé à plus de volonté politique de la part des parties. Affirmant que le peuple sahraoui a besoin de l’assistance internationale pour répondre aux besoins humanitaires dans les camps de réfugiés, il a souligné que son pays a essayé d’apporter son aide, en particulier, dans les domaines de l’éducation et de la santé.
Le représentant de l’Équateur a regretté qu’en plein XXIe siècle, l’on doive encore traiter de « l’anachronisme qu’est le colonialisme ». Il a appuyé sans réserve les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Christopher Ross, le rétablissement du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et le travail de la MINURSO. Il a appelé à la mise en place d’un mécanisme de surveillance de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental.
M. AHMED BOUKHARI, Front Polisario, a souligné que le Sahara occidental est la dernière colonie africaine qui attend toujours sa décolonisation totale. C’est un affront pour l’Afrique, s’est-il impatienté, devant un « dossier colonial » qui se trouve sur un sol dont la lutte pour la liberté a inspiré, dans une large mesure, la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale portant création du Comité. Il a cité l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki qui a qualifié la situation au Sahara occidental de « source de honte pour nous les Africains ».
M. Boukhari a pointé du doigt « l’immense responsabilité de l’ONU et donc du Comité », brutalement paralysés par le coup de force perpétré en octobre 1975, à savoir l’invasion puis l’occupation militaire du Maroc, comme le reconnaissent les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale. Le Maroc, a-t-il accusé, a choisi de remplacer le colonisateur européen face à un peuple qui résiste et lutte pour son droit d’exister.
Si l’ONU a fini par convaincre le Maroc d’organiser un référendum et d’accepter avec le Front Polisario les différentes options d’autodétermination, les autorités marocaines n’ont pas hésité à proclamer unilatéralement le Sahara occidental comme partie intégrante de leur territoire. M. Boukhari a dénoncé l’obstruction du référendum, arguant que le statu quo est l’option préférée de la puissance occupante qui peut ainsi s’adonner à la répression brutale de la population sahraoui et à l’exploitation des ressources naturelles, en particulier la pêche et le phosphate. L’orateur a reproché au Maroc d’avoir lancé une exploration pétrolière sur les côtes sahraouies, ce qui complique les efforts de décolonisation de l’ONU.
Tout cela, a-t-il accusé, a été rendu possible par « une espèce d’abdication des organes de l’ONU impliqués dans le processus de décolonisation ». Le Front Polisario n’a cessé de coopérer pour en finir avec une situation qui entache la crédibilité de l’ONU, a-t-il affirmé, en priant le Conseil de sécurité d’assumer toute sa responsabilité et l’Union africaine de renouveler sa volonté d’œuvrer de concert avec l’ONU à la fin de « conflit colonial » sur la terre d’Afrique, ce qui permettra au Comité de sortir « de sa longue hibernation ».
« Ne rien faire c’est aller dans le sens des voix et des intérêts de ceux qui veulent liquider le Comité spécial », a-t-il prévenu, en invitant le Comité à dépêcher une mission sur le terrain. La paix et la stabilité dans la région ainsi que la crédibilité du Comité l’exigent, a-t-il conclu.
QUESTION DE GIBRALTAR
Document de travail établi par le Secrétariat A/AC.109/2014/12)
Le document rappelle que Gibraltar est un territoire non autonome administré par le Royaume-Uni; l’Espagne ayant transféré sa souveraineté, en vertu du Traité d’Utrecht de 1713, y compris pour ce qui concerne les eaux territoriales. Aujourd’hui, l’Espagne soutient que, conformément à l’article 10 du Traité, elle n’a cédé que la ville et le château de Gibraltar, son port, ainsi que ses défenses et ses forteresses.
En 2013, l’Assemblée générale a, une nouvelle fois, exhorté l’Espagne et le Royaume-Uni à, tout en tenant compte des intérêts et aspirations de Gibraltar qui sont légitimes au regard du droit international, apporter, dans l’esprit de la Déclaration de Bruxelles du 27 novembre 1984, une solution définitive à la question. En vertu de la Constitution de Gibraltar de 2006, le Gouverneur de Gibraltar, Sir James Benjamin Dutton, représente la Couronne britannique sur le territoire depuis décembre 2013.
S’agissant du statut futur du territoire, le Royaume-Uni argue que la Constitution de Gibraltar de 2006 établit une relation moderne et mature, non fondée sur le colonialisme. Il se refuse à conclure une entente aux termes de laquelle la population de Gibraltar passerait contre son gré sous l’autorité d’un autre État ni à entreprendre de négociations sur une souveraineté auxquelles elle s’opposerait.
Le Royaume-Uni souhaite continuer à prendre part au Forum tripartite de dialogue, qui est le moyen le plus crédible, le plus constructif et le plus pratique de consolider les relations entre lui-même, Gibraltar et l’Espagne. Il regrette donc que l’Espagne se soit retirée de ces pourparlers en 2011, mais à la suite d’une proposition présentée en avril 2012, l’Espagne semble s’être engagée à un passage constructif à des pourparlers spéciaux ayant pour but de renforcer la coopération.
Ayant obtenu l’autonomie sans aller jusqu’à l’indépendance, Gibraltar accuse l’Espagne de l’avoir soumis en 2013 à une pression sans précédent. Gibraltar maintient qu’il ne peut y avoir de transfert de souveraineté négocié en vertu du Processus de Bruxelles parce que la population de Gibraltar n’y consentirait jamais.
L’Espagne explique que la tension a empiré depuis 2012, quand les autorités de Gibraltar ont mis fin à l’accord informel de 1999 avec les associations de pêcheurs espagnols. Durant l’été 2013, des blocs en béton ont été placés dans les eaux que l’Espagne considère comme siennes et les travaux concernant un quai, situé du côté est du rocher -ce qui agrandit le territoire– se poursuivent. L’Espagne accuse les Britanniques de vouloir créer artificiellement une nouvelle réalité sur le terrain, ce que le Royaume-Uni nie.
L’Espagne appelle ce dernier au dialogue bilatéral et à la coopération régionale, dans le respect du principe de l’intégrité territoriale qui s’applique à la question de Gibraltar, ainsi que l’Assemblée générale l’a clairement indiqué dans ses résolutions pertinentes. L’Espagne refuse que Gibraltar, qui ne peut obtenir l’indépendance sans son consentement, soit partie aux pourparlers sur la souveraineté. Elle juge positive la proposition britannique concernant un dialogue spécial.
Déclarations
Le Ministre principal de Gibraltar, M. FABIAN PICARDO, a rappelé que les dirigeants gibraltariens s’adressent en vain depuis un demi-siècle au Comité des 24 pour qu’il protège le droit de leur peuple à l’autodétermination. Il a fustigé le « silence retentissant » du Comité des 24, espérant de sa part un « changement pour sortir de l’impasse ».
« Le son du silence de ce Comité résonne parmi des générations de Gibraltariens qui ont vu nier leur droit à sortir d’un colonialisme de jure », a-t-il déclaré, critiquant une organisation qui ne correspond plus à ses objectifs. Il s’est dit « très déçu » par ce « chant de sirène pour ceux qui veulent flouer les principes de la Charte des Nations Unies ».
Il s’est dit fermement engagé en faveur d’un processus de dialogue trilatéral. « Aidez-nous avec les moyens qui sont en votre pouvoir », a lancé M. Picardo demandant au Comité « une visite, une participation à notre symposium, l’organisation de l’un de vos séminaires dans notre territoire, ou un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur notre droit à l’autodétermination ».
Le Président du Comité a demandé à M. Picardo de ne pas se montrer aussi pessimiste et a appelé à œuvrer avec patience au règlement de ce dossier.
Le représentant de l’Espagne a mis l’accent sur la nécessité d’examiner au cas par cas les différents dossiers et ce, avec pragmatisme et respect pour la doctrine des Nations Unies et les résolutions pertinentes. Pour la décolonisation de Gibraltar, une solution négociée s’impose, a-t-il dit, rappelant que l’Assemblée générale exhorte, depuis 40 ans, la puissance administrante et l’Espagne à régler leurs différends. La solution passe par une restitution du territoire, celui couvert par le Traité d’Utrecht, y compris celui occupé par la suite et composé de l’isthme et des alentours.
Le Royaume-Uni occupe des espaces revendiqués par l’Espagne, a-t-il insisté, demandant la reprise du dialogue bilatéral avec ce pays. Le délégué a exprimé la bonne volonté. Toutes les divergences entre l’Espagne et la puissance administrante doivent être réglées de façon bilatérale, a-t-il insisté. Il a souligné l’importance accordée par son pays aux travaux du Comité spécial et la nécessité de respecter les procédures établies par les Nations Unies dans le domaine de la décolonisation.
Le Président du Groupe en faveur de l’autodétermination de Gibraltar, M. DENIS MATTHEWS, a, à son tour, dénoncé le silence et l’inaction du Comité spécial. Il doit être clair, a-t-il dit, qu’aucun progrès n’a été réalisé en faveur de la décolonisation de Gibraltar sur la base de négociations bilatérales entre le Royaume-Uni et l’Espagne.
Pour avancer, il faut appliquer le principe de l’autodétermination conformément à la doctrine des Nations Unies, a-t-il ajouté, notant que les principaux partis politiques au Royaume-Uni avaient expliqué dans les termes les plus clairs leur respect du droit du peuple gibraltarien à décider de son propre avenir et de l’avenir de sa terre. Ces partis ont reconnu que ce droit est inscrit dans la Constitution de Gibraltar.
Le Président a critiqué le manque de volonté de l’Espagne, qui n’a d’égal, a-t-il estimé, que la faiblesse de ses arguments. L’Espagne essaie de contourner « notre droit clair et inaliénable à l’autodétermination en faisant valoir l’argument de la souveraineté territoriale », lequel « n’est absolument pas viable ».
L’Espagne, qui compte 40 millions d’habitants, peut facilement harceler et maltraiter Gibraltar, qui n’a que 30 000 habitants, a-t-il poursuivi, précisant qu’il était également aisé pour l’Espagne d’utiliser Gibraltar pour détourner l’attention de son opinion publique chaque fois qu’elle subit, comme en ce moment, des problèmes internes.
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