CD/3423

Après les blocages de l’Iran, de la RPDC et de la Syrie, la Conférence finale pour un traité sur le commerce des armes rate son objectif

28/03/2013
Assemblée généraleCD/3423
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conférence finale des Nations Unies

pour un traité sur le commerce des armes

17e séance – après-midi                                    


APRÈS LES BLOCAGES DE L’IRAN, DE LA RPDC ET DE LA SYRIE, LA CONFÉRENCE FINALE

POUR UN TRAITÉ SUR LE COMMERCE DES ARMES RATE SON OBJECTIF


« Le résultat des travaux est décevant pour la Conférence et pour la faculté des Nations Unies à dégager un consensus sur une question de cette importance », a souligné, tard dans la soirée de jeudi, le Président de la Conférence finale des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes, M. Peter Woolcott de l’Australie qui présentera, le 2 avril prochain, son rapport à l’Assemblée générale. 


« Le traité sur le commerce des armes n’est pas né de ce processus mais il arrive », a-t-il prévenu, alors que la République arabe syrienne, la République islamique d’Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ont rejeté le projet de texte visant à établir des normes internationales communes pour réglementer le commerce international des armes classiques.


Parvenues au dernier jour des travaux, entamés le 18 mars dernier, les délégations devaient se prononcer sur la version finale du futur traité* soumis par son Président.  Le traité, dont le processus a été lancé en 2006, aurait pu, selon le projet déposé, être ouvert à la signature dès le 3 juin si les 193 États Membres l’avaient accepté.  


Or, dans l’après-midi, l’Iran, la RPDC et la Syrie ont, d’emblée, annoncé qu’elles s’opposaient à l’adoption du texte, éloignant tout espoir de consensus.  Elles ont dénoncé « les lacunes et les failles » d’un projet qui ne tient pas compte, ont-ils argué, des transferts d’armes à des groupes armés ou aux acteurs non étatiques.  « La Syrie est aujourd’hui victime de ce type de livraisons d’armes », a fait remarquer son représentant. 


La France a regretté une décision « lamentable ».  Une fois de plus, ce sont les États sous sanctions qui viennent se mettre au ban de la communauté internationale.  Ces trois pays, a-t-il accusé, importent dans cette enceinte même les conséquences de leurs propres violations du droit international.


Après deux heures d’interruption, le Président de la Conférence a demandé aux trois délégations d’exprimer « très clairement leur position ».  « Bloquent-elles le consensus ou se dissocient-elles de la décision »?  « Il n’y a pas de consensus », ont répété ces délégations.


« Aux Nations Unies, il n’y a pas de définition de la notion de ‘consensus’ », a fait remarquer le Mexique qui a donc suggéré que les préoccupations des trois États soient consignées dans le rapport final de la Conférence et que l’on procède tout de suite à l’adoption du texte. 


Le Kenya a, quant à lui, suggéré qu’une lettre soit envoyée au Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, lui demandant de soumettre le projet de traité à l’Assemblée générale « en vue d’une adoption le plus rapidement possible ».


De nombreuses délégations ont appuyé ces deux pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni.  Mais pour la Fédération de Russie, cette proposition est « inacceptable » car toute manipulation de la notion du consensus pourrait porter préjudice.  En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine a lancé un appel solennel à toutes les parties pour qu’elles évitent les affrontements, la violation des procédures et les précédents regrettables.  Avec de la souplesse, de l’amitié et du compromis, tout le monde pourra adhérer au consensus.


L’Inde, le Pakistan et le Groupe des États arabes ont également concédé que le texte reste muet sur des préoccupations comme les transferts d’armes aux acteurs non étatiques, le droit des peuples sous occupation à leur autodétermination et le droit des États à la légitime défense, lequel est menacé, en particulier, compte tenu du pouvoir accordé aux pays exportateurs au détriment des pays importateurs.


La Conférence finale des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes était l’aboutissement de nombreuses années d’efforts déployés par l’ONU, les États Membres, les ONG et la société civile.


En 2006, et pour la première fois, un projet de résolution intitulé «  Vers un traité sur le commerce des armes: établissement de normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques » avait été présenté par le Royaume-Uni et reçu l’appui de 145 États.


Le processus visant à réguler le commerce des armes avait ensuite été lancé avec l’adoption, en décembre dernier, par l’Assemblée générale de la résolution 61/89 relative à un futur « instrument global et juridiquement contraignant établissant les normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques (TCA) ».


L’Assemblée générale avait décidé d’organiser, en juillet 2012, une première Conférence.  Mais après quatre semaines de négociations, les délégations étaient parties bredouille. 


Ce jeudi, la Conférence finale a adopté son projet de rapport**, tel qu’amendé oralement.  Elle précise qu’en l’absence de consensus, le texte déposé par son Président n’a pas été adopté.


*A/CONF.217/2013/L.3

**A/CONF.217/2013/L.2


EXAMEN ET ADOPTION DU DOCUMENT FINAL ET DU RAPPORT


Motions d’ordre


M. MOHAMMAD KHAZAEE (République islamique d’Iran) a déclaré que son pays avait participé à la Conférence « plein d’attentes », afin de parvenir à un traité robuste, équilibré, exhaustif et non discriminatoire pour apaiser les souffrances humaines découlant du commerce illicite des armes classiques.  Toutefois, il a dénoncé les lacunes et les failles figurant dans le texte qui ne tient, notamment, pas compte des demandes légitimes visant à interdire le transfert d’armes à ceux qui commettent « des actes d’agression ». 


En outre, a-t-il poursuivi, les droits des individus de posséder une arme ont été conservés « pour répondre aux préoccupations constitutionnelles d’un seul État ».  Malgré les demandes répétées de plusieurs États, le droit des États à la légitime défense n’a pas non plus été abordé.  Le représentant a condamné le transfert d’armes par les pays en dehors de leur territoire.  Le droit des États exportateurs est protégé alors que celui des États importateurs relève du pouvoir discrétionnaire et d’une évaluation effectuée par les États exportateurs.  En bref, le texte risque d’être politisé.  Déplorant que le processus des négociations n’ait pas été transparent, l’Iran entend s’opposer à l’adoption du projet de décision.


M. RI TONG II (République populaire démocratique de Corée) a expliqué que sa délégation souhaitait s’opposer à l’adoption du projet de traité, en estimant qu’il n’existait pas d’équilibre entre les dispositions du texte.  Il a fait remarquer qu’un traité sur le commerce des armes était « un texte sensible », qui implique les intérêts de sécurité de tous les États.  Le texte présenté par le Président de la Conférence semble privilégier les intérêts de certains États au détriment d’autres, a-t-il estimé.  Certains intérêts ont été reflétés de manière symbolique tandis que d’autres intérêts ont tout simplement été ignorés ». 


Le représentant a considéré que le projet de texte faisait l’objet « d’abus politiques » de la part de grands exportateurs d’armes.  Il a cité, à cet égard, les articles faisant référence aux embargos sur les armes décrétés en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, ainsi que la question des droits de l’homme comme critère pour l’interdiction.  « En vertu des articles tels qu’ils sont formulés dans le présent texte, les grands exportateurs s’attribuent le privilège d’imposer des restrictions sur le commerce des armes aux importateurs, et ce, dans des domaines où de nombreux pays ont le droit de se défendre », a-t-il ajouté. 


M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a affirmé que son pays s’efforçait de réglementer le commerce des armes car la Syrie, a-t-il rappelé, « a été particulièrement victime des souffrances résultant de ces armes, qui ont été utilisées contre sa propre population ».  Il a regretté que les efforts visant à faire de ce texte un document « plus équilibré » n’aient pas abouti.  C’est pourquoi, a-t-il dit, sa délégation se voit contrainte de s’opposer au projet de décision contenant le texte en question.


Le projet de traité présenté par le Président de la Conférence, a-t-il expliqué, ne tient pas compte de la proposition visant à faire référence aux peuples sous occupation étrangère et au droit de ces peuples à l’autodétermination.  Par ailleurs, le « caractère sélectif » de certaines mesures de transparence nuit à son objectif, a-t-il estimé.  Le texte ne contient pas non plus de libellé explicite faisant référence au transfert de ces armes aux groupes armés et aux groupes non étatiques.  « Il s’agit là d’une lacune de taille car, a-t-il fait remarquer, mon pays est précisément victime de ces livraisons d’armes ».  Dans ce contexte, « nous ne pouvons pas accepter que certains principes consacrés par la Charte de l’ONU ne soient pas respectés dans le futur traité », a-t-il ajouté.


Le représentant a également regretté que le projet de traité ne tienne pas compte des propositions visant à inclure dans le texte des définitions des termes utilisés.  « Pour ceux qui adopteront ce texte, cela reviendra à nager sans avoir appris à nager », a-t-il dit.  Le représentant syrien a aussi fait remarquer que « le crime d’agression » ne figurait pas dans le texte du traité sur le commerce des armes.  Pour toutes les raisons citées, la Syrie souhaite disposer de davantage de temps afin de parvenir à un traité « juste et équilibré », qui s’efforcerait de maintenir la paix et la sécurité « sans que cela se fasse au détriment de certains États », a-t-il déclaré.


Commentaires


Le représentant de la République islamique d’Iran a répété que pour les raisons invoquées dans sa motion d’ordre, il avait clairement une objection à l’adoption du projet de décision.  Il n’y a pas de consensus, a-t-il tranché.  Son homologue de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a confirmé son objection à l’adoption du projet de traité, bloquant ainsi toute décision.  En anglais « pour plus de clarté », le représentant de la Syrie a rappelé que son gouvernement ne pouvait pas non plus accepter le projet de traité.  « Nos intérêts nationaux n’ont pas été pris en considération », s’est-il expliqué.  La Syrie ne peut faire partie d’un « consensus artificiel », a-t-il insisté, avant de donner le sens du mot « consensus » et la pratique suivie en la matière.


« Aux Nations Unies, il n’y a pas de définition de ce qu’on entend par ‘consensus’ », a commenté le représentant du Mexique qui a suggéré que les préoccupations des trois États soient consignés dans le rapport final de la Conférence et que l’on procède à l’adoption du texte.  Une majorité d’États représentés à la Conférence est en mesure de le faire, a-t-il souligné, soutenu par ses homologues du Nigéria, du Japon, du Costa Rica, du Chili et de la Colombie


Nous parlons d’un travail inlassable d’un an et il est juste, au nom de l’objectif que poursuit ce traité, de procéder à son adoption, s’est impatienté le représentant du Costa Rica, avant que son homologue du Chili ne juge « difficile » que ce travail soit bloqué par trois délégations.


Il faut savoir s’écouter et chercher le compromis nécessaire, a conseillé le représentant de la Fédération de Russie.  « En aucun cas, nous ne devons minimiser la volonté de trouver un compromis.  Il y avait cette volonté de compromis dans la salle.  Nous aurions pu, a-t-il concédé, introduire certaines rectifications.  Le représentant a ensuite dénoncé les choses « inacceptables » qui ont été prononcées au mépris du règlement intérieur de la Conférence ou des règles de la diplomatie multilatérale.  « Toute manipulation de la notion du consensus pourrait porter préjudice », c’est la raison pour laquelle la Fédération de Russie s’oppose à la solution qui consiste à adopter le texte sans l’accord des trois États réticents.


Reprenant la parole, le représentant de l’Iran a exigé le respect des règles du jeu adoptées « clairement » par consensus.  La nouvelle proposition du Mexique devrait être rejetée, a-t-il dit, en dénonçant ainsi ces délégations qui insistent « pour aller contre l’esprit des Nations Unies ».  La proposition mexicaine a été aussi approuvée par le représentant du l’Espagne.


La grande majorité des États a travaillé sur la base du consensus pendant sept ans pour adopter ce texte aujourd’hui, s’est impatienté, à son tour, le représentant du Kenya.  Une lettre, a-t-il annoncé, sera envoyée pour demander à l’Assemblée générale d’adopter ce texte aussi tôt que possible.  « Nous avons un texte robuste; nous aurions pu l’adopter aujourd’hui.  C’est maintenant qu’il faut avoir un traité sur le commerce des armes », a-t-il martelé, avant que son homologue de la Côte d’Ivoire ne rappelle l’engagement des 15 États de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en faveur du premier traité sur le commerce des armes, « une étape décisive ».   


La CEDEAO appuie fermement le projet, même s’il ne reflète pas certaines de ses préoccupations, en particulier un champ d’application le plus large possible, incluant notamment les munitions, et même s’il existe certaines ambigüités sur les accords de coopération.  Le traité fixe les critères à l’aune desquels doivent être évaluées les exportations d’armes classiques, s’est-il réjoui.


Il ne fait aucun doute que ce texte n’est pas idéal mais il reflète un dénominateur commun, a commenté le représentant du Pérou, en appuyant, lui aussi, les propositions du Mexique et du Kenya.  « Vous avez fait tout ce qui est nécessaire », a-t-il lancé au Président de la Conférence.


Le Président a aussi reçu les félicitations du représentant du Soudan du Sud pour les améliorations apportées au document.  Il a appuyé, dans le même élan les propositions du Mexique et du Kenya.  « Nous devons adopter ce traité et toute préoccupation d’un État donné peut être prise en compte par la suite », a-t-il tranché.


Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), son homologue de Trinité-et-Tobago a émis l’espoir que les trois délégations concernées feraient preuve de souplesse lorsque le projet sera examiné à l’Assemblée générale.  Tenant à rappeler les conséquences humaines du commerce des armes en Amérique centrale, le représentant d’El Salvador a appuyé la proposition du Mexique.


Le représentant de la Papouasie-Nouvelle Guinée a aussi cédé à la tentation de féliciter le Président de la Conférence pour ses efforts visant à parvenir à un consensus, avant que le Kenya ne reçoive un autre soutien, celui des Pays-Bas


Le projet final de traité ne répond pas aux attentes de mon pays qui attendait un texte clair, équilibré, applicable et susceptible d’être universellement ratifié, a pourtant déclaré le représentant de l’Inde.  Il a manifesté son mécontentement face aux dispositions relatives au terrorisme et aux acteurs non étatiques qui, a-t-il relevé, ne sont mentionnés dans les interdictions.  Le représentant a, à son tour, reproché au projet de texte de servir les pays exportateurs qui peuvent ainsi prendre des mesures unilatérales contre les pays importateurs, sans que cela n’entraîne de conséquences. 


Ce sont ces derniers qui portent tout le fardeau des obligations, a-t-il analysé, avant de promettre que son pays fera tout pour que le futur traité n’affecte pas la stabilité et la prévisibilité des accords de coopération et des contrats conclus, au titre de la défense.  Le représentant a rappelé le droit de tout État à la légitime défense et a dit ne voir aucun conflit entre l’objectif national de sécurité et la nécessité d’un traité sur le commerce des armes qui soit fort, équilibré et efficace.  Le projet actuel, a-t-il encore déploré, porte la marque des intérêts exclusifs et négociés « dans les couloirs » d’un petit nombre d’États.  C’est la raison pour laquelle le texte ne dit rien ni sur les acteurs non étatiques ni sur les dons et prêts d’armes, diminuant par là, même la valeur d’un traité multilatéral négocié à l’ONU.  


L’Uruguay aurait souhaité un texte plus ambitieux mais il reconnaît toutefois que le projet est « politiquement possible », a dit son représentant qui a espéré une adoption rapide, en appuyant, à son tour, la proposition du Kenya de renvoyer le texte à l’Assemblée générale. 


Un traité fort a été bloqué par trois pays certes mais c’est la voix des peuples qu’il faut écouter, a rappelé la représentante du Royaume-Uni.  Ce n’est pas un échec, c’est un succès différé de très peu », a-t-elle affirmé, car ce traité arrive et il arrive très vite.  Elle a rappelé que le texte introduit les premiers engagements internationaux à contrôler les exportations d’armes, incluant à la fois les armes légères et de petit calibre et sept autres catégories d’armes classiques.  Le texte, s’est-elle réjouie, prévoit des dispositions qui permettent sa mise à jour et son adaptation à un monde en mutation.  « Une écrasante majorité d’États a saisi cette chance et a négocié ce traité », a-t-elle souligné, saluant « des négociations rigoureuses qui ont permis de produire un texte d’excellente facture ».


Le représentant du Maroc s’est dit déçu qu’un consensus n’ait pas pu être dégagé sur le projet qui reflète des progrès concrets.  En dépit de certaines faiblesses, et après avoir tenté d’équilibrer au maximum le texte et d’éviter toute ambigüité, le Maroc était prêt à s’associer au consensus souhaité par le Président.  Le représentant a espéré que le projet serait adopté sans vote à l’Assemblée générale.  Son homologue du Guatemala a voulu manifester son appui au Mexique et au Kenya.


L’adoption du texte reste la priorité absolue, a prévenu le représentant de la Suède qui s’est dit confiant que les efforts porteront leurs fruits à l’Assemblée générale.  Son homologue du Pakistan a dit que la Conférence représentait « un pas significatif vers un traité fort ».  Mais, a-t-il rappelé, durant les négociations, mon pays a fait part d’autres préoccupations et souligné les intérêts légitimes des pays importateurs.  Certaines préoccupations ont malgré été ignorées malgré l’appui de nombreuses délégations.  Le texte que nous avons sous les yeux, en a-t-il conclu, peut donc être considéré comme « le fruit des pays exportateurs ».  Il comporte des omissions telles que l’absence de définitions.  Il y manque aussi une mention de la responsabilité des exportateurs » ainsi qu’un mécanisme clair de reddition de comptes.  Enfin, les articles 6 et 7 pourraient porter un coup à la viabilité du traité.


Nos populations ont besoin d’un traité international pour mettre fin aux souffrances infligées par la prolifération des armes classiques, a déclaré le représentant du Soudan.  Il a, cependant, estimé qu’il fallait tenir compte des préoccupations de tous les États et a regretté, par exemple, que le texte ne fasse nullement mention des transferts d’armes aux groupes armés, aux groupes non étatiques ou à des rebelles qui menacent la stabilité des pays.  Dans ce contexte, il a appuyé la déclaration de la Fédération de Russie, estimant que davantage de souplesse aurait pu permettre d’établir « les bases d’un traité international efficace et concret qui n’aurait été imposé à aucun État Membre ».


Ces propos n’ont pas empêché le représentant de l’Italie d’appuyer la proposition du Kenya et d’espérer une adoption rapide.  Au nom du Groupe des États arabes, son homologue du Koweït est tout de même revenu sur le fait que les préoccupations de certains États n’aient pas été prises en compte.  Il a insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme de règlement des différends liés à la mise en œuvre du futur traité et un fond d’assistance technique, lequel devrait être alimenté par des contributions obligatoires. 


Appuyant à son tour le Kenya, le représentant de l’Union européenne a émis l’espoir que le « grand élan » lancé au sein de la Conférence finale sera saisie à l’Assemblée générale.  Le traité deviendra rapidement une réalité, a assuré son homologue des États-Unis.


La volonté d’un compromis a fait défaut mais ne parlons pas d’échec, a dit le représentant de la Fédération de Russie en paraphrasant ainsi son homologue du Royaume-Uni.  Il a tout de même tenu à dire que le texte n’a pas réussi à éliminer « des manquements considérables », notamment en n’incluant pas la question des transferts aux acteurs non étatiques, malgré l’appui de plusieurs États.  « C’est là une grave lacune et un risque que les armes ne tombent entre les mains de terroristes ».


Où sont les dispositions « claires » sur les questions humanitaires? a-t-il aussi demandé.  Ne laissons pas la voie à des interprétations diverses, a-t-il dit, en épinglant l’article 6.3 du traité aux termes duquel un État exportateur doit renoncer à un transfert d’armes s’il a connaissance du fait que ces armes pourraient être utilisées pour commettre un génocide, des crimes de guerre ou des violations graves des Convention de Genève de 1940.  Le terme « connaissance » dans le langage juridique anglais est bien plus large et pourquoi laisser aux pays exportateurs le pouvoir d’évaluer cette connaissance?


Son homologue de la France a regretté la décision « lamentable » de trois pays.  Une fois de plus, a-t-il dit, ce sont les États sous sanctions qui viennent se mettre au ban de la communauté internationale.  Ces pays, a-t-il accusé, importent dans cette enceinte même les conséquences de leurs propres violations du droit international.  Notant que tous les autres États ont adhéré au consensus sur le texte robuste, le représentant a affirmé que la communauté internationale se dotera d’un traité qui constituera « une avancée historique ».


Pour la France, ce traité est un élément de sécurité internationale.  Les négociations ont été conduites de manière inclusive et ont couvert de nombreux défis liés, entre autres, au champ d’application du texte, aux questions de transparence, aux risques de détournement.  « L’équilibre entre exportateurs et importateurs a été préservé », a-t-il dit.  


Étant parmi ceux qui ont adhéré au consensus, le représentant de la Chine s’est dit « troublé » de voir que l’atmosphère n’est pas à la positivité alors qu’on est à un moment critique.  En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine lance un appel solennel à toutes les parties pour qu’elles évitent les affrontements, le viol des procédures et les précédents regrettables.  Avec de la souplesse, des consultations amicales et le sens du compromis, tout le monde pourra adhérer au consensus, a-t-il conseillé.


Au nom des peuples et des pays de la région des Grands Lacs où des milliers de vies ont été perdues à cause des guerres, le représentant de la République-Unie de Tanzanie a exprimé sa gratitude au Président de la Conférence.  Mon pays, a renchéri son homologue du Danemark souscrit à la proposition du Kenya et aux propos du Royaume-Uni.


Le Kenya a aussi reçu l’appui du représentant de l’Irlande compte tenu de l’urgence qu’il a à atténuer les souffrances causées par le commerce des armes.  Pourquoi rentrer les mains vides? s’est étonné son homologue du Botswana.  Certes, le texte est imparfait à certains égards, mais il faut le soutenir, a-t-il dit, en appuyant le Kenya et le Mexique et en promettant son vote positif à l’Assemblée générale.


Dès qu’il sera adopté, ce texte bénéficiera aux générations futures, a souligné le représentant de l’Allemagne.  Nous avons un très bon texte qui inclut des interdictions, des critères d’évaluation et des dispositions visant à prévenir les risques de détournement.  Ce texte créerait un droit international robuste, a-t-il estimé, en déclarant à son tour, qu’il ne s’agit d’une occasion manquée.  Nous devons poursuivre notre travail pour présenter ce texte à l’Assemblée générale, a-t-il encouragé.


La dernière version que nous avons reçue le 27 mars était un « texte plus objectif et plus équilibré », a commenté le représentant du Brésil.  Les dispositions interdisant les transferts d’armes classiques en cas de soupçons d’actes de génocides, de crimes de guerre et d’attaques contre la population civile sont des dispositions importantes pour mon pays, a acquiescé le représentant du Nigéria.   


Mon pays, a confié le représentant du Bélarus, a tout tenté pour faire adopter le traité malgré ses lacunes liées, entre autres, aux acteurs non étatiques et à l’absence d’assurances sur les exportations d’armes.  Maintenons notre élan, a encouragé son homologue de Chypre, en appuyant à son tour, la proposition du Kenya.


Nous avons fait en vain des suggestions pour parvenir au consensus, a confié, a son tour, le représentant de l’Arménie qui s’est dit en effet préoccupé par certains passages du préambule concernant la légitime défense et le principe d’autodétermination.  Il a maintenu ses réserves quant au contrôle international des armes.  Son homologue de la République tchèque s’est, lui aussi, refusé à parler d’échec.


Le représentant de l’Algérie a rendu hommage à « la sagesse » du Président de la Conférence qui a permis, a-t-il dit, de ne pas créer « un dangereux précédent en matière de consensus, lequel aurait eu des conséquences dans d’autres forums onusiens ».  Il a déploré, dans le texte proposé, l’absence de dispositions relatives au droit des peuples à l’autodétermination.  Il a plaidé pour un traité plus équilibré, plus rigoureux et plus efficace.


Tout texte peut être revu et amendé au fil du temps, s’est impatienté son homologue du Libéria.  Mais il a reconnu que pour aller de l’avant, il faut parfois faire marche arrière ».  Le recul d’aujourd’hui doit nous propulser, « sans tristesse ou dans l’action ».  Le peuple malgache a besoin de ce traité car des vies se perdent, chaque jour, à cause des armes classiques, a dit la représentante de Madagascar.  Elle a joint sa voix à la majorité des délégations qui ont fixé rendez-vous à l’Assemblée générale.  « Nous ne pouvons pas retourner bredouille au pays », a-t-elle prévenu.


Mon pays a toujours su que l’on ne pouvait parvenir à un bon texte, a avoué le représentant de Cuba.  Soyons réalistes: le projet final n’était pas à la hauteur des attentes.  De nombreuses ambigüités subsistent et les précisions juridiques font défaut.  C’est un texte qui est clairement en faveur des pays exportateurs et qui foule au pied les intérêts des autres pays, y compris dans le domaine de la sécurité nationale.  Arrêtons d’imposer des délais artificiels lorsqu’il s’agit d’adopter des textes, s’est insurgé le représentant du Venezuela, en voyant les causes de l’échec.  Sous sa forme actuelle, le projet manque d’équilibre et ignore les propositions faites sur la surproduction des armes classiques et leur stockage, et le droit de tous les États de produire et d’exporter des armes.  Aujourd’hui, s’est opposé le représentant du Paraguay, nous avons un document proche des aspirations de tous.  Il s’est associé aux propositions du Mexique et du Kenya.


Mais le texte ne reflète ni les propositions de mon pays ni ses intérêts légitimes, en vertu du droit international, a souligné le représentant de l’Indonésie.  Nous voyons aussi, a renchéri son homologue de la Bolivie, un déséquilibre entre pays exportateurs et pays importateurs et cette incohérence nous empêche de parvenir à l’objectif pour lequel cette Conférence a été convoquée.  Où sont les dispositions aux acteurs et au contrôle de la production d’armes?  La voie est ouverte, désormais, a estimé le représentant du Rwanda, en voyant en une version finale qui permettra de réglementer le commerce des armes et d’éviter leur détournement.


Refusant de démordre, son homologue de la Syrie a estimé que « quelque chose ne va pas ici », tant sur la forme que sur le fond.  Nous nous écartons du règlement intérieur et nous ignorons un avis juridique responsable et en vigueur aux Nations Unies depuis des décennies, à savoir la définition juridique du terme « consensus ».


L’opposition d’une délégation, même si elle est seule, à un projet de décision ou de texte veut dire qu’il n’y a pas de consensus, a-t-il martelé, en paraphrasant le Conseiller juridique de l’ONU.  « Cela a d’ailleurs toujours été votre position », a-t-il rappelé au Président de la Conférence.


Il a fustigé le « manque de maturité et d’équilibre » d’un texte qui affecte les intérêts nationaux, évidemment, s’est-il emporté, puisque nous nous retrouvons plongés dans des manières de procéder qui méprisent le principe d’égalité souveraine.  Pourquoi diffamer les délégations qui se sont opposées au texte.


Nous ne sommes pas, a-t-il précisé, contre la conclusion d’un traité.  Nous nous opposons tout simplement à un texte incomplet, déséquilibré et sourd aux intérêts d’un certain nombre d’États.  Un bon traité, a-t-il dit, ce serait un acquis considérable mais il faut qu’il soit digne de ce nom, que nous ne le regretterions pas après et qu’il ne serve pas des tactiques politiciennes, a-t-il conclu.


L’absence de toute référence aux acteurs non étatiques pose problème, a estimé, à son tour, le représentant de Nicaragua.  Où sont, par ailleurs, les dispositions « claires » sur la responsabilité des États.  À son tour, il a dénoncé le déséquilibre en faveur des pays exportateurs d’armes au détriment des autres pays qui se sentent ainsi menacés pour leur propre sécurité nationale.


Le Kenya est brièvement intervenu pour préciser que sa proposition vise à demander au Secrétaire général de porter ce texte à l’Assemblée générale.


Clôture de la Conférence


Vers 21 heures, le Président a invité les délégations à se prononcer sur le projet de rapport de la Conférence finale des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes.


Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a demandé que ce document mentionne les pays qui ont bloqué le texte.  Avant d’adopter ce rapport, qu’est-il advenu de la décision de fond qui n’a pas été adoptée par consensus? a demandé le représentant de la République islamique d’Iran.  Le texte n’a pas été adopté par consensus, a-t-il répété.


Non, le projet de décision n’a pas été adopté et ce qui est écrit dans le rapport est très clair à ce jour, a précisé le Président.  Le règlement intérieur mentionne que les décisions de fond doivent être adoptées par consensus, a insisté l’Iran, avant que le Président ne propose alors de faire modification orale précisant que la décision n’a pas été adoptée par consensus.  La proposition de la RPDC est acceptable mais pas celle de l’Iran, a prévenu le représentant du Mexique.


Après une ultime suspension de séance, le Président a proposé, peu après 22 heures, d’inclure dans le paragraphe 13 du rapport, la mention « absence de consensus », ce qui a permis l’adoption du rapport par consensus.


Dans ses remarques de clôture, le Président a estimé que le résultat des travaux a été « décevant pour la Conférence » et la faculté de l’ONU à dégager un consensus sur une question de cette importance.  Il fera rapport des travaux, le 2 avril, à l’Assemblée générale.  « Mon rôle sera bientôt fini.  Le traité n’est pas né de ce processus mais le traité arrive », a-t-il conclu.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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