En cours au Siège de l'ONU

AG/EF/3386

La Deuxième Commission débat de la crise économique et financière mondiale et des moyens de restaurer la confiance et la croissance économique

13/11/2013
Assemblée généraleAG/EF/3386
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Deuxième Commission                                        

34e séance – après-midi


LA DEUXIÈME COMMISSION DÉBAT DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE MONDIALE ET DES MOYENS

DE RESTAURER LA CONFIANCE ET LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE


La Commission économique et financière (Deuxième Commission) a tenu, cet après-midi, une séance de travail sur le thème: « La crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement et sur les perspectives de restauration de la confiance et de la croissance économique ».


Le débat de cet après-midi a permis aux délégations présentes de constater que la relance de l’économie mondiale passe par la réforme de l’architecture financière internationale.  Ce besoin d’éliminer les dysfonctionnements du système financier mondial avait déjà été évoqué au cours de la Conférence sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement, qui a eu lieu du 24 au 26 juin 2009, au Siège des Nations Unies à New York.


Abondant dans le même sens, le Président de la Deuxième Commission, M. Abdou Salam Diallo, a invité la communauté internationale à prendre des mesures supplémentaires pour renforcer la règlementation et le contrôle des politiques et des transactions monétaires, ainsi que pour améliorer et renforcer la participation des pays en développement au fonctionnement des organes de gestion et de règlementation de la finance internationale.  Il faut également mettre l’accent sur l’importance de l’aide publique au développement (APD) et la restaurer au niveau convenu, a-t-il estimé.


M. Axel Bertusch-Samuels, Représentant spécial du Fonds monétaire international (FMI), a estimé que la question centrale, qui doit être posée et analysée au cours des débats, doit être celle de « comment empêcher les crises? ».  Il a rappelé que le système financier, notamment celui en œuvre dans les pays industrialisés, était à la base du déclenchement de la crise financière et économique de 2008.  Il a donc jugé absolument nécessaire que la réforme du système financier international, notamment celle des institutions et du système issus de Bretton Woods, soit menée à son terme, comme le demandent les États depuis plusieurs années.  M. Bertusch-Samuels a également précisé que le FMI n’est pas un organe de réglementation, mais « un partenaire technique des pays en développement qui les accompagne » vers leur essor économique.


M. José Antonio Ocampo, Professeur à l’Université Columbia et Président du Comité des politiques de développement, a noté que les pays en développement et certains pays européens ont besoin, d’urgence, d’une restructuration de leur dette.  Il a aussi déploré le fait que, depuis le début de la crise économique, on note une baisse des flux de capitaux allant vers les pays les moins avancés (PMA), alors que, paradoxalement, ils sont ceux qui ont le plus besoin de fonds pour faire face aux effets de la crise et relancer leurs économies. 


Au cours du débat interactif qui a suivi les exposés des panélistes, le représentant du Venezuela a regretté que les experts n’aient pas parlé des impacts qu’ont les paradis fiscaux sur l’économie mondiale.  Il a par ailleurs précisé que le problème posé par la baisse de l’aide publique au développement (APD) n’est pas dû à un manque de capitaux dans les pays développés. 


La prochaine réunion de la Deuxième Commission aura lieu demain, jeudi 14 novembre 2013.  La Commission tiendra une séance de travail ouverte, à 10 heures, pour écouter la présentation de projets de texte, et elle se prononcera, dans l’après-midi, sur six projets de résolution dont elle a déjà été saisie.


SÉANCE SUR LE THÈME « LA CRISE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE MONDIALE ET SON INCIDENCE SUR LE DÉVELOPPEMENT ET SUR LES PERSPECTIVES DE RESTAURATION DE LA CONFIANCE ET DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE »


Discours liminaires


M. ABDOU SALAM DIALLO (Sénégal), Président de la Deuxième Commission, a rappelé que la Conférence sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement de 2009 avait recommandé de créer les conditions propices à une relance de l’économie mondiale qui profite à tous, d’endiguer les effets de la crise, et d’améliorer la capacité de récupération mondiale dans le futur.  Il avait aussi été recommandé de renforcer la réglementation et le contrôle, ainsi que d’entamer la réforme du système financier et économique mondial, a rappelé M. Diallo.  Cinq années après, ces objectifs sont encore loin d’être atteints, a-t-il remarqué, tout en notant quelques améliorations récentes sur les marchés financiers mondiaux.  Il a notamment proposé de faire face à la crise de l’emploi en adoptant des politiques macroéconomiques audacieuses et coordonnées, assorties de politiques d’aide sociale et à l’emploi.


M. Diallo a aussi conseillé que soit renforcée la coopération, en vue d’atténuer les incidences de la crise sur les pays en développement.  Il faut également mettre l’accent sur l’importance de l’aide publique au développement (APD), a-t-il estimé avant d’inviter la communauté internationale à prendre des mesures supplémentaires pour renforcer la réglementation et le contrôle, et pour faire participer les pays en développement aux organes de réglementation de la finance internationale.  Enfin, il a demandé de poursuivre la réforme de l’architecture du système financier mondial, en gardant à l’esprit les déséquilibres qui persistent au niveau mondial.  Des mesures devront être prises pour répondre à la volatilité des flux de capitaux transfrontaliers, ainsi qu’aux risques de faillite des États, a-t-il ajouté.  Enfin, il a recommandé d’adopter un cadre de gouvernance internationale renforcé.


M. JOSÉ ANTONIO OCAMPO, Professeur de pratique professionnelle des affaires internationales et publiques à l’École des affaires internationales et publiques de l’Université Columbia et Président du Comité des politiques de développement, a relevé que l’instabilité financière internationale concerne notamment la réglementation du fonctionnement des institutions financières internationales, afin qu’elles n’accumulent pas trop de risques, et afin d’empêcher que ces activités à risque ne se disséminent, au risque d’affecter le reste de la communauté internationale.  Il a rappelé que le G-20 a mis sur pied un système de coordination financière dénommé Conseil de stabilité financière, qui a été créé lors de la réunion du G-20 de Londres, en Grande Bretagne, en avril 2009.  M. Ocampo a déploré le fait que le fonctionnement de ce mécanisme ait eu des résultats décevants, car il semble totalement inefficace, au vu des différences qui existent entre les pays de la zone euro par exemple, où un pays comme l’Allemagne a un excédent de capitaux, alors que certains de ses voisins souffrent d’un déficit accru.  Concernant la gouvernance financière internationale, il a rappelé que la réforme des institutions de Bretton Woods avait été adoptée en l’an 2000, afin de respecter les mutations de l’économie mondiale.  Ces réformes ont été bloquées, a-t-il indiqué, ajoutant que les États-Unis ne les ont pas approuvées et s’y sont opposés en usant de leur pouvoir de veto, qui découle du fait que ce pays est détenteur de 50% des capitaux de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). 


M. Ocampo a ensuite noté que les financements anticycliques, prévus après le début de la crise financière et économique de 2008, n’ont pu se matérialiser pleinement parce que les banques de développement qui étaient censées les mettre en place n’ont pas reçu les fonds nécessaires de la part de la Banque mondiale.  Il a expliqué que le Congrès américain a rejeté le déblocage de ces fonds, et a précisé que les décisions des institutions de Bretton Woods ne peuvent être adoptées que si elles ont l’aval de 85% des voix des membres.  Les États-Unis, détenteurs de 16,75% de ces voix, peuvent bloquer toute décision.  M. Ocampo a déploré, par ailleurs, que depuis le début de la crise économique, on note une baisse des flux de capitaux en faveur des pays les moins avancés (PMA), alors que, paradoxalement, ils sont ceux qui ont le plus besoin de fonds pour faire face aux effets de la crise et relancer leurs économies.  Il a, en outre, rappelé que les droits de tirage spéciaux (DTS) avaient été fixés à 250 milliards de dollars au début de la crise économique, et que les DTS devaient s’appuyer sur une devise internationale autre que le dollar américain, ce qui serait une mesure de prudence guidée par les faiblesses que connaît à l’heure actuelle l’économie américaine.  M. Ocampo a aussi noté que les pays en développement et certains pays européens ont besoin, d’urgence, d’une restructuration de leur dette.  Le système actuel de la dette est inéquitable entre créanciers, ce qui fait que certains sont traités mieux que d’autres.


Exposés


M. AXEL BERTUSCH-SAMUELS, Représentant spécial du Fonds monétaire international (FMI) auprès de l’ONU et Directeur adjoint du Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI, a assuré que beaucoup avait été fait au cours des cinq dernières années pour éviter le pire.  Il a notamment parlé de la facilité de caisse préventive accordée par le FMI à des pays comme la Pologne et le Mexique.  « Les grandes économies ont entamé une reprise », a-t-il constaté tout en soulignant la nécessité d’une relance au plan mondial.  Il a expliqué qu’il fallait arriver à normaliser les politiques financières mondiales.  Il faut aussi achever la réforme du système financier international, a-t-il ajouté.  Le FMI doit proposer des programmes politiques permettant une relance équilibrée et assortie de la création d’emplois, a-t-il dit, précisant que le Fonds travaillait en lien avec l’Organisation internationale du Travail (OIT).


Rappelant que le système financier était à la base de la crise, M. Bertusch-Samuels a jugé nécessaire d’achever les réformes y afférent.  Il a plaidé en faveur de la mise en œuvre rapide de l’Accord de Bâle, et de l’adoption, suivie de la mise en œuvre de régimes nationaux et internationaux visant à résoudre les déséquilibres du système bancaire actuel.  Il a estimé qu’il fallait tenir compte des liens existant entre macroéconomie et finance.  C’est dans ce contexte que le FMI a mis au point de nouveaux instruments et prévu l’instauration de mécanismes de surveillance intégrés afin d’examiner les politiques sous un angle multilatéral.  Le FMI n’est pas un organe de réglementation, a-t-il rappelé, mais il fournit une aide technique aux pays en développement pour y introduire de nouvelles réglementations.


M. Bertusch-Samuels a ensuite plaidé en faveur d’un FMI crédible et fort, afin que le Fonds puisse honorer ses engagements vis-à-vis de ses membres et s’adapter aux réalités mondiales.  Il a estimé qu’il fallait doubler les quotas de vote de la gouvernance du Fonds, pour modifier à la hausse la part des pays en développement et pays émergents dans la structure du Fonds.  Du côté des ressources, le représentant du FMI a indiqué qu’une décision avait été prise pour que les profits de la vente d’or soient utilisés pour réduire la pauvreté dans les pays en développement.  Chaque pays doit donner son accord indiquant qu’il renonce à sa part des recettes provenant de la vente des stocks d’or détenus par le Fonds, a-t-il cependant précisé. 


M. JAMES ZHAN, Directeur de la Division de l’investissement et des entreprises de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a parlé des investissements dans le monde dans le contexte de la crise économique actuelle.  Il a indiqué que l’investissement étranger direct (IED) est une source très importante de devises pour les pays en développement.  Il a relevé que ces investissements ont diminué en 2012 par rapport à l’année 2011 et que, dans le même temps, les économies des pays en développement ont attiré 52% des IED, tandis que les pays développés en ont reçu 42%, le reste étant destiné aux pays en transition.  M. Zhan a aussi noté que les flux d’IED en direction des PMA, des petits États insulaires en développement (PEID) et des pays en développement sans littoral ont globalement augmenté au cours des ces trois dernières années.  Il a en outre souligné que pour la première moitié de l’année en cours, les flux d’IED en direction des États-Unis et de l’Allemagne ont baissé, au contraire du Royaume-Uni, qui est le premier destinataire mondial de l’IED, suivi de la Chine et des États-Unis.  Il a ajouté que les prévisions économiques laissent présager une augmentation des IED en 2013 et en 2014.


M. Zhan a ensuite fait le constat du renforcement de la réglementation en matière de politiques d’investissement, et celui des liens de plus en plus étroits existant entre les politiques d’IED et les politiques industrielles.  Il a souligné que certains pays se dotent de mesures visant à encourager les multinationales locales à ramener leurs investissements dans les pays où elles ont leurs sièges.  Il a ainsi cité l’exemple de la France, de la Grèce, de la République de Corée et des États-Unis qui ont mis en place de telles mesures.  Il a, par ailleurs, relevé que le monde compte pas moins de 3 500 traités d’investissement bilatéraux, et que depuis la fin des années 90 et le début des années 2000, on a noté la multiplication de traités régionaux, et d’accords impliquant plus de deux pays.  Il a également relevé que le concept de développement durable est de plus en plus intégré dans les nouveaux traités.  Il a par ailleurs relevé que les pays en développement et ceux en transition sont parfois victimes de la dépréciation de leur monnaie.  M. Zhan a expliqué que ce phénomène entraîne parfois une baisse des flux d’IED, car les investisseurs recevant les recettes en monnaie locale vont généralement se tourner vers des marchés ou des pays où la monnaie est plus stable.


Débat interactif


À l’issue des exposés faits par les panélistes, ces derniers ont eu un échange avec les délégations présentes sur un certain nombre de questions, comme celles des paradis fiscaux, du fonctionnement des banques, de la lutte contre la crise, de la prévention des crises et du manque de financement pour les programmes destinés à promouvoir le développement. 


Le représentant du Venezuela a regretté que les experts n’aient pas parlé des impacts qu’ont les paradis fiscaux sur l’économie mondiale.  Il a par ailleurs précisé que le problème posé par la baisse de l’aide publique au développement (APD) ne venait pas d’un manque de capitaux dans les pays développés.  Il a aussi souligné le glissement observé dans le fonctionnement des banques ces dernières années.  Autrefois, de simples intermédiaires entre les dépôts de fonds et l’économie réelle, les banques dirigent aujourd’hui les fonds mis à leur disposition vers la spéculation, ce qui a un lourd impact sur les pays en développement, a-t-il remarqué.


Le représentant du Kazakhstan a souligné que les marchés émergents étaient à la fois des moteurs de la croissance économique et les dépositaires des innovations en matière de technologies.  Le produit intérieur brut (PIB) de la totalité des pays en développement sera plus élevé en 2016 que celui de l’ensemble des pays développés, d’où la nécessité de revoir les principes régissant la gouvernance mondiale, a estimé le représentant.  Il a, à cet égard, rappelé les conclusions de la première Conférence mondiale contre la crise, qui a rassemblé en mai 2013, à Astana, capitale du Kazakhstan, 104 États Membres.  Le projet de plan de lutte contre la crise élaboré à cette occasion devrait être adopté lors de la deuxième Conférence anticrise qui aura lieu le 20 mai 2014, a-t-il indiqué.


Pour sa part, le représentant du Sénégal a expliqué que le ralentissement de la croissance dans les différents pays avait conduit à une baisse des fonds alloués au développement.  La crise économique et financière a montré à quel point les pays en développement sont vulnérables aux chocs commerciaux, a-t-il souligné.  Il a notamment proposé d’améliorer la règlementation des marchés financiers.


Répondant à ces remarques, M. OCAMPO a jugé essentiel de réglementer les flux de capitaux.  Il a expliqué que le FMI avait prévu à cet égard des règles positives, tout en estimant que le régime appliqué pourrait être encore plus rigoureux.  Il a souscrit aux observations du représentant du Venezuela concernant la question des paradis fiscaux.  Les Nations Unies ont un groupe d’experts sur la coopération fiscale, a-t-il noté à ce propos.  C’est un domaine où il y a beaucoup à faire, a-t-il ajouté, avant de proposer que ce groupe devienne un organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC).  Le FMI a fait un travail utile sur cette question mais n’a pas de responsabilité spécifique dans ce domaine, a précisé M. Ocampo.  Il a aussi noté que le cycle, ayant mené à des prix élevés dans le secteur des denrées et biens de consommation de base, comme le pétrole et les produits agricoles, touchait à sa fin.  Cela pourrait avoir un impact négatif sur les pays en développement producteurs de ces biens, a-t-il prédit.


Le Représentant spécial du Fonds monétaire international auprès des Nations Unies, a relevé la question qui se trouvait au cœur des trois interventions des délégations, à savoir « comment mieux gérer la crise? ».  Il y a une question encore plus importante, a-t-il estimé: « comment empêcher les crises? ».  Au niveau international, il faut établir un mécanisme pour aider les pays qui ne peuvent plus faire face à un choc externe, a-t-il recommandé.  Rappelant que le FMI était une institution dont le fonctionnement et la prise de décisions sont basés sur des quotas de vote, il a estimé que leur augmentation permettrait au Fonds d’avoir plus de pouvoirs, et de pouvoir aller, en termes de politiques, au-delà des prêts concédés par les pays riches.  Pour ce qui est de la coordination, il a conseillé de mettre en place des instances efficaces permettant à la communauté internationale de réagir quand les crises surviennent.  En ce qui concerne la situation et le rôle des banques, il a expliqué que les choses sont plus complexes qu’elles ne paraissent à première vue.  On a beaucoup discuté des produits dérivés introduits sur les marchés par les banques, et les avis sont partagés sur leur nécessité et leur rôle spéculatif, a-t-il noté, avant de recommander de  « ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ».  Le problème le plus grave est celui posé par l’absence d’accès de la population pauvre au système bancaire, a-t-il souligné.


Enfin, le représentant de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ( CNUCED) a donné des précisions sur les paradis fiscaux, dont la composition comprend deux types de mécanismes financiers off shore.  Il a aussi parlé des sociétés situées dans des pays, européens notamment, qui proposent un faible taux d’imposition et des avantages fiscaux, et dont les investissements étrangers directs (IED) s’élèvent à 600 milliards de dollars par an.  Ces mesures sont jugées comme une concurrence déloyale par les pays voisins, a relevé M. Zhan.  Par ailleurs, il a constaté qu’il y avait d’une part, une nette hausse de la demande de financement au profit du développement durable et, de l’autre, une diminution des ressources de l’APD.  Il y a aussi des milliards de dollars de liquidités, en fonds de pension notamment, qui pourraient être mobilisés pour l’aide au développement, a-t-il relevé.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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