En cours au Siège de l'ONU

AG/J/3448

Sixième Commission : les délégations poursuivent leur examen du rapport de la Commission du droit international

05/11/2012
Assemblée généraleAG/J/3448
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Sixième Commission

21e séance – matin


SIXIÈME COMMISSION: LES DÉLÉGATIONS POURSUIVENT LEUR EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


Elles mettent l’accent sur la nécessité de définir l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État


Poursuivant leur examen du rapport de la Commission du droit international (CDI), les délégations de la Sixième Commission (chargée des affaires juridiques) ont commenté, ce matin, les chapitres relatifs aux questions de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », de « l’application provisoire de traités », de « la formation et l’identification du droit international coutumier » et de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre ».


L’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est un sujet sensible et complexe, ont déclaré de nombreuses délégations.  C’est la relation entre deux domaines du droit international, à savoir le droit des immunités internationales et le droit international pénal.  Pour certaines délégations comme le Pérou et l’Allemagne, l’immunité ne peut donner lieu à l’impunité.  Les représentants de l’État ne doivent pas être dispensés de respecter la législation de l’État où ils se trouvent.  L’application de l’immunité rationae personae, c'est-à-dire en fonction de la personne, est l’une des questions essentielles soulevées par l’examen de ce thème.  Pour El Salvador, l’immunité peut uniquement se justifier pour assurer l’accomplissement d’importantes fonctions étatiques et non pas dans l’intérêt des personnes assumant la charge.  


Concernant l’application de l’immunité rationae materiae, en fonction de la chose, la délégation salvadorienne considère qu’il ne serait pas adéquat d’élaborer une liste précise de délits susceptibles de constituer une exception à l’immunité.  Il serait plus utile d’examiner en profondeur la portée de la notion d’actes officiels.  L’analyse de l’immunité de juridiction pénale étrangère contemporaine des représentants de l’État doit être basée sur la pratique des États et non pas sur des considérations abstraites, a estimé le délégué allemand.  La Roumanie attend d’examiner le projet d’articles qui sera présenté dans le prochain rapport de la CDI, tandis que le Bélarus a estimé que les positions très divergentes exprimées sur cette question par les États Membres font qu’il ne sera pas possible de régler rapidement l’ensemble de la problématique. 


S’agissant de l’application provisoire des traités, les différentes positions exprimées montrent que les normes fixées sont pertinentes et ne doivent pas être revues de façon radicale, ont estimé certaines délégations.  « Nous pensons que la présence de l’application provisoire apporte une stabilité juridique aux relations entre États », a estimé le délégué de la Suisse.  Pour celui de la Pologne, l’essence même de l’application provisoire des traités est sa flexibilité et c’est pourquoi il importe de la préserver.  Le représentant du Portugal s’est, quant à lui, demandé comment un traité peut être applicable s’il n’est pas encore entré en vigueur ou s’il n’a pas encore fait l’objet d’une loi d’application au niveau national?  Certains États peuvent décider de limiter la portée de l’application provisoire des traités.  Cela a déjà été fait pour des traités conclus avec la participation de l’Allemagne et peut être fait aussi par l’application d’un traité ou un accord entre États.  Enfin, il a été noté que si la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités s’est révélée très utile, son entrée en vigueur remonte à plus de 30 ans et, pour cette raison, il conviendrait d’examiner la Convention dans son ensemble pour revoir ses dispositions face à la pratique ultérieure.


Pour ce qui est dela formation et de l’identification du droit international coutumier, l’Irlande a estimé que c’est une question complexe et floue, tandis que des délégations ont souligné qu’il s’agit de faire la distinction entre les normes locales et générales.  L’Allemagne a noté que le droit international coutumier est un sujet trop large pour que tous ses aspects soient couverts de façon satisfaisante.  La représentante de l’Afrique du Sud s’est déclarée préoccupée par l’absence de cohérence qui est souvent associée à la formation du droit international coutumier.  Pour les États-Unis, qui sont partie à différentes conventions ayant trait à l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare), il s’agit d’une questionfondamentale pour empêcher que certains États ne deviennent des sanctuaires pour les terroristes.  La représentante de la Roumanie a, pour sa part, souligné que cette question avait une relation étroite avec la compétence universelle, mais cela ne devrait pas empêcher la Sixième Commission de l’examiner. 


Les travaux de la Sixième Commission reprendront demain mardi 6 novembre en séance plénière, à 10 heures.


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SES SOIXANTE-TROISIÈME ET SOIXANTE-QUATRIÈME SESSIONS (A/67/10)


Chapitres VI (immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État), VII (application provisoire des traités), VIII (formation et identification du droit international coutumier), IX (obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare)), X (traités dans le temps), et XI (clause de la nation la plus favorisée (NPF))


Déclarations


M. MARTIN HUTH (Allemagne) a déclaré qu’en ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, son pays est ouvert à toute conclusion de l’étude de cette question, que ce soit un projet de convention, des directives ou un cadre de principes.  Cependant, il s’est déclaré convaincu que le point de départ doit être une solide analyse des pratiques des États.  L’analyse de l’immunité de juridiction pénale étrangère contemporaine des représentants de l’État doit de même être basée sur la pratique des États et non pas sur des considérations abstraites.  En ce qui concerne la relation entre les règles d’immunité et les règles pour combattre l’immunité, l’Allemagne réitère que l’immunité ne doit pas systématiquement mener à l’impunité.  Il a conclu en soulignant qu’il suivrait de près cette question et plaidera pour une approche basée sur les pratiques pertinentes actuelles et passées.


Concernant la formation et l’identification du droit international coutumier, le représentant a souligné que ce droit jouait un rôle significatif dans le système juridique international.  Par exemple, l’article 25 de la Constitution allemande stipule que le droit international coutumier devrait être partie intégrale de la loi fédérale.  Cependant, « nous estimons que le droit international coutumier est un sujet trop large pour que tous ses aspects soient couverts de façon satisfaisante » a-t-il déclaré.  « Nous suivrons cette question de près et nous sommes prêts à soutenir le travail de la CDI en fournissant des informations sur la pratique allemande pertinente en relation avec le droit international coutumier à d’autres États ou organisations ».  Passant ensuite à la question de l’application provisoire des traités, le représentant a estimé que cela signifie que les règles établies par un traité vont être mises en pratique de manière effective et régiront les relations entre les États parties aux négociations.  Certains États peuvent décider de limiter la portée de l’application provisoire des traités.  Cela a déjà été fait pour des traités conclus avec la participation de l’Allemagne et peut aussi être fait pour l’application d’un traité ou un accord entre États, a-t-il conclu.


M. GONZALO BONIFAZ (Pérou) a formulé une réflexion de nature méthodologique, en soulignant que l’analyse du thème devrait partir de la définition des éléments de base de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  C’est seulement dans un deuxième temps, une fois ces éléments décantés, que les aspects opérationnels de sa mise en œuvre peuvent être envisagés.  S’agissant par conséquent de la méthode de travail présentée par la Rapporteure spéciale, Mme Concepcion Escobar Hernandez, la délégation péruvienne est d’accord avec son approche consistant à taiter séparément les quatre ensembles qu’elle propose.  Le Pérou réitère que le thème de l’immunité doit être abordé aussi bien dans une perspective de lex lata que de lex ferenda.  La séparation de ces deux notions peut en effet provoquer des incohérences systémiques, compte tenu de l’évolution spécifique de la matière et son lien étroit avec différents domaines du droit international, a expliqué le représentant.


Il a attiré par ailleurs l’attention sur le terme même de « fonctionnaire » ou de «représentant de l’État », en soulignant que l’étendue de celui-ci pouvait varier, selon les États.  Il s’est dit d’accord avec la Rapporteure spéciale pour que ce terme soit délimité de la meilleure façon possible par la Commission.  Enfin, la délégation péruvienne considère que le traitement de la thématique de l’immunité ne peut autoriser l’impunité, comme le souligné la Cour internationale de Justice dans l’affaire Yerodia.  Il est indispensable d’y insister à l’heure où se présentent devant la Commission les crimes les plus graves qui se puissent commettre du point de vue de la communauté internationale.


Mme SUJIN MAENG (République de Corée) a rappelé que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État était liée aux grandes questions juridiques du droit international que la communauté internationale doit traiter, à savoir le renforcement de l’état de droit et la lutte contre l’impunité.  L’harmonisation entre la lex lata et la lex feranda est essentielle, a-t-elle souligné.  Malgré la différence qui existe entre immunité rationae personae et immunité rationae materiae, il est toutefois difficile d’établir une distinction claire entre les bénéficiaires de l’immunité ratione materiae et ceux de l’immunité ratione personae.  S’agissant de la question des bénéficiaires de l’immunité rationae personae, il serait nécessaire de définir des critères et directives clairs pour identifier les « autres responsables de haut rang ».  Concernant l’immunité ratione materiae, il est important de définir un « acte officiel », a-t-elle estimé.  Pour ce qui est de la portée des exceptions à l’immunité d’un représentant de l’État, la priorité doit être accordée à l’identification de la législation actuelle en analysant la pratique des États et la jurisprudence aux niveaux national et international, a-t-elle fait valoir.  Compte tenu des divergences d’opinion sur la question des exceptions à l’immunité, la déléguée a demandé à la CDI d’être prudente sur la question.


Intervenant ensuite sur le thème de l’application provisoire des traités, la déléguée a jugé nécessaire de préciser la signification de l’« application provisoire » contenue dans l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  La question de la formation et l’identification du droit international coutumier est importante et nécessaire compte tenu du rôle du droit international coutumier au XXIème siècle, a-t-elle poursuivi.  Il est approprié de demander au Secrétariat d’élaborer une étude sur la question.  Pour ce qui est de la forme du résultat final des travaux de la Commission, la République de Corée privilégie un ensemble de conclusions assorties de commentaires qui pourraient aider les non-spécialistes du droit international public à identifier si une règle spécifique constitue une norme de droit international coutumier.  Passant enfin à la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, la représentante a estimé qu’il était probablement temps de s’interroger à nouveau sur la pertinence du sujet dans les travaux de la CDI, à savoir le développement progressif du droit international.  Il n’est pas efficace d’harmoniser chaque clause relative à l’obligation d’extrader ou de poursuivre dans les multiples traités multilatéraux, et ce à cause du doute qui plane sur l’existence d’une pratique uniforme des États vis-à-vis d’une telle obligation, a-t-elle ajouté.


M. YURY NIKOLAICHIK (Bélarus) a estimé que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est un sujet sensible.  L’une des questions est de savoir s’il y a une transformation de l’immunité absolue après que la personne ait quitté ses fonctions.  « Si c’est le cas, alors la personne peut être poursuivie au pénal. »  La Commission doit se baser sur les positions et pratiques des États ainsi que les normes mises en place par les coutumes.  Toutes les questions doivent se baser sur le respect de la souveraineté de l’État.


En ce qui concerne l’application provisoire des traités, les différentes positions exprimées montrent que les normes fixées sont pertinentes et ne doivent pas être revues de façon radicale.  « Nous pensons que la présence de l’application provisoire apporte une stabilité juridique aux relations entre États. »  L’un des aspects qui pourrait être discuté au sein de la Commission du droit international est celui de la question des coutumes internationales suite à l’application de longue durée.  Conformément à la loi sur les traités internationaux, ceux-ci doivent être mis en œuvre au niveau national.  En vertu du droit interne du Bélarus, les traités ratifiés s’appliquent pleinement, a-t-il assuré.


Concernant la formation et l’identification du droit international coutumier, le représentant a estimé qu’il serait utile d’étudier la question du changement des normes actuelles, notamment concernant la pratique des traités internationaux.  Il s’agit de faire la distinction entre les normes locales et générales.  L’objectif principal doit être d’aider les États à avoir une meilleure pratique du droit international, a-t-il conclu.


M. NIKOLAS STURCHLER (Suisse) a indiqué que les tribunaux suisses ont eu à se prononcer sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, mais essentiellement sur la portée de l’immunité des membres des missions diplomatiques et missions consulaires, des fonctionnaires des organisations internationales.  Le Tribunal pénal fédéral a rendu un arrêt le 25 juillet 2012 qui a conclu que certaines exceptions à l’immunité rationae materiae pouvaient être admises.  Le représentant a déclaré que la Suisse fournirait par écrit les détails de l’argumentation du Tribunal pénal fédéral.  Il a toutefois estimé que les positions très divergentes exprimées sur cette question par les États Membres démontrent qu’il ne sera pas possible de régler rapidement l’ensemble de la problématique.  Il a suggéré que la Commission considère la question par thèmes et non pas comme un tout. 


« Nous proposons d’aborder en premier lieu la situation des représentants des États en exercice en laissant de côté leur situation après la fin de leurs fonctions.  Une fois que l’on a déterminé qui peut être considéré comme un représentant de l’État, il pourrait être utile d’opérer une distinction entre les voyages officiels et les voyages privés ».  Lorsque ces deux notions seront déterminées, la discussion pourra alors porter sur l’étendue des immunités.  Il a en outre estimé que les hauts fonctionnaires doivent bénéficier d’une immunité de juridiction large.  « Nous sommes d’avis que la notion de haut fonctionnaire ne couvre pas seulement le chef de l’État, le chef du gouvernement et le Ministre des affaires étrangères, mais couvre aussi d’autres membres du gouvernement ».  En conclusion, il a souligné que la semaine du droit international offre une excellente opportunité d’entretenir le dialogue entre la Commission du droit international et la Sixième Commission.  « Le droit international et son développement doivent être promus non seulement depuis le Siège de l’ONU à New York, mais aussi depuis celui de l’ONU à Genève. »


M. TREVOR REDMOND (Irlande) a concentré son intervention sur le thème de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, thème qu’il a jugé prioritaire.  Au niveau national, l’Irlande n’a pas promulgué des lois spécifiques sur l’immunité de juridiction des représentants de l’État étranger, a-t-il fait savoir.  Ce sont plutôt les tribunaux qui appliquent les règles du droit international coutumier dans le domaine de l’immunité de l’État. Le représentant de l’Irlande a fait observer que la question de l’immunité des représentants de l’État étranger est uniquement procédurale, et non une question de fond.  Autrement dit, les représentants de l’État ne doivent pas être déchargés de respecter la législation de l’État où ils se trouvent.  L’Irlande considère que l’immunité ratione personae s’applique à la triade du chef de l’État, du chef de gouvernement et du ministre des affaires étrangères, a ajouté M. Redmond.  Il importe que la Commission du droit international clarifie la portée de l’application d’une telle immunité à d’autres personnes.  S’agissant de l’immunité d’autres représentants de l’État, il serait utile de s’entendre sur une définition internationalement reconnue de « représentant de l’État » dans l’objectif d’appliquer la législation relative à l’immunité.  Concernant les considérations méthodologiques, l’Irlande estime qu’il est important de garantir la transparence tout au long des travaux en distinguant clairement les propositions qui soutiennent une codification de celles en faveur du développement progressif du droit.


Pour ce qui est de la question de la formation et de l’identification du droit international coutumier, M. Redmond a appuyé la suggestion du Rapporteur spécial selon laquelle le sujet devrait à la fois couvrir la méthode d’identification de l’existence d’une règle de droit international coutumier ainsi que les sources possibles de cette information.  Il a également appuyé la suggestion de ne pas inclure le jus cogens à ce stade de l’étude du sujet, dans la mesure où, selon lui, il s’agit d’une question distincte.  Le résultat ultime des travaux de la Commission du droit international sur ce sujet doit avoir un caractère pratique, a-t-il ajouté avant de plaider en faveur d’un ensemble de conclusions accompagnées de commentaires sur la forme finale des travaux de la Commission sur le sujet.


M. MARCEL VAN DEN BOGAARD (Pays-Bas) a estimé qu’un des éléments clefs concernant la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est la relation entre deux domaines du droit international, à savoir, le droit des immunités internationales et le droit international pénal.  Il a proposé que la Commission du droit international (CDI) adopte une approche à l’égard de ce sujet qui prenne en compte ce qui a déjà été réalisé par le passé, mais aussi plus récemment, pour s’assurer de la cohérence et de la compatibilité avec le droit international, tant pour les questions que pour la terminologie.  « L’une des questions fondamentales que la CDI doit résoudre est de savoir si les crimes internationaux commis par des fonctionnaires doivent être jugés par les tribunaux nationaux d’un autre État, en tenant pour responsables ces représentants de l’État parce que les crimes internationaux ne devraient pas rester impunis, ou bien si ces représentants de l’État devraient bénéficier de l’immunité, qui est essentielle pour leur permettre de s’acquitter de leurs fonctions de représentant d’État étranger. »  Sur cette question, les avis divergent grandement entre les États et même entre les tribunaux de ces mêmes États, a-t-il fait remarquer.


Le représentant a encouragé la CDI à montrer le plus de clarté que possible dans la lex lata, c'est-à-dire, la loi telle qu’elle existe, et d’être courageuse pour développer la lex feranda, en harmonie avec les lois existantes et les principes pertinents du droit international.  Concernant le chapitre VIII du rapport de la CDI, relatif à la formation et à l’identification du droit international coutumier, c’est une question complexe et floue et, même si c’est une question qui a un intérêt théorique, il n’y a rien qui presse pour la CDI, a-t-il rappelé.  Cependant, c’est une question fondamentale du droit international qui mérite d’être traitée.  La question est de savoir si l’on peut dépendre du droit international devant les tribunaux nationaux.  « Nous avons donc quelques hésitations sur le fait que la réflexion de la CDI puisse dépendre de la position de juges nationaux ».  Par ailleurs,  il a fait observer que la pratique des organisations internationales a évolué, et que la question de leur rôle dans la formation du droit international coutumier se pose.


M. ERNEST TCHILOEMBA TCHITEMBO (République du Congo) a déclaré que sa délégation soutenait le point de vue selon lequel l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État constituait la norme: c’est, selon elle, l’existence des exceptions possibles à cette immunité qui devrait être recherchée et prouvée.  Le Congo appuiera tous les efforts de la Rapporteure spéciale et des membres de la Commission du droit international visant à construire un consensus fort autour de l’équilibre à préserver et à conforter nécessairement entre, d’une part, les « valeurs de la communauté internationale » et, d’autre part, les principes déjà établis en droit international régissant divers aspects des immunités.


En ce qui concerne l’obligation d’extrader ou de poursuivre, la délégation congolaise est d’avis que les sources premières de celle-ci résident dans les traités multilatéraux.  « À l’instar de nombreuses autres délégations », elle constate cependant la difficulté de prouver l’existence de l’obligation d’extrader ou de poursuivre en droit coutumier international. Il est absolument primordial, selon elle, que la Commission établisse des principes généraux et des règles claires.  Ceux-ci devront constituer le régime juridique de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, ainsi que les délits graves pour lesquels il pourrait y avoir extradition sans affaiblir le droit de chaque pays à déterminer, dans la législation nationale, les délits qui devraient faire l’objet d’une extradition.


Mme MARGARITA ESCOBAR (El Salvador) a déclaré que l’immunité basée sur l’idée selon laquelle un fonctionnaire, en raison de sa dignité et du respect de sa personne, ne pouvait être mis en accusation par un tribunal étranger, avait évolué vers une notion de caractère fonctionnel.  Autrement dit, l’immunité peut uniquement se justifier pour assurer l’accomplissement d’importantes fonctions étatiques et non pas dans l’intérêt des personnes assumant la charge.  C’est, en l’espèce, la position adoptée par l’Institut du droit international et par la Commission idoine dans les commentaires à son projet sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, a-t-elle rappelé.  La représentante s’est dit surprise par le fait que l’on ait considéré pendant le débat que la question centrale tournait autour de la question de savoir s’il convenait de relever la valeur de l’immunité ou s’il fallait, à l’inverse, promouvoir la valeur de la lutte contre l’impunité.


Pour El Salvador, cette conception de l’immunité en tant que valeur n’est pas acceptable.  Sa délégation considère essentiel que la Commission du droit international ait une position équilibrée face à la notion d’immunité pénale, par laquelle est assuré le bon fonctionnement des États et des relations internationales, sans affecter la responsabilité individuelle découlant de la commission de crimes graves au niveau international.  La délégation salvadorienne considère qu’il ne serait pas adéquat d’élaborer une liste précise de délits susceptible de constituer une exception à l’immunité.  Selon elle, il serait plus utile, en revanche, d’examiner en profondeur la portée de la notion d’ « actes officiels » afin de déterminer des critères généraux.


M. LI LINLIN (Chine) a commencé par souligner l’extrême sensibilité et la complexité de la question de l’immunité des représentants de l’État devant les juridictions pénales étrangères au regard du droit international et des relations internationales.  Même si une codification s’avérait nécessaire, elle devrait se baser sur les travaux actuellement en cours et reprendre les pratiques et règles du droit international coutumier en la matière.  Les discussions devraient en outre se confiner à la question de l’immunité des représentants de l’État devant les juridictions pénales étrangères et ne pas se pencher sur la question de l’immunité de ces officiels devant les juridictions pénales internationales, a ajouté le représentant. 


Concernant la question des exceptions à l’immunité, le représentant a rappelé que le droit international coutumier n’a jamais exclu l’immunité des représentants de l’État devant les juridictions étrangères ni reconnu d’exceptions à cette immunité.  Par ailleurs, l’immunité des représentants de l’État ne les dispense pas des fonctions qu’ils doivent assumer, a encore dit le représentant en soulignant toutefois que l’immunité est levée pour les crimes internationaux et ne garantit pas l’impunité.  Par ailleurs, l’immunité dont bénéficient les chefs d’État le temps de leur mandat devrait être aussi accordée aux représentants d’État de haut rang, comme le président du parlement, les vice-premier ministres et autres ministres du gouvernement, étant donné leur implication progressive dans les instances internationales en tant que représentants d’État, a souhaité le représentant en conclusion. 


M. MIGUEL DE SERPA SOARES (Portugal) est principalement intervenu sur le thème de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Contrairement à certains points de vue exprimés, le Portugal ne considère pas que la question couvre uniquement les représentants de l’État et ses fonctionnaires.  Les droits des individus doivent également être pris en compte, a-t-il souligné.  Servir les intérêts de la communauté internationale signifie, dans ce cas, garantir un équilibre entre la souveraineté de l’État, les droits des individus et la nécessité d’éviter l’impunité pour les crimes les plus graves relevant du droit international.  M. de Serpa Soares a également noté la tendance générale qui confère une certaine limite aux immunités devant les juridictions nationales, en faisant à cet égard référence à l’affaire relative aux immunités juridictionnelles de l’État.  Les immunités doivent prendre en compte la dignité humaine en tant que valeur commune de la communauté internationale, a-t-il estimé.  S’agissant de la portée de l’immunité ratione personae, l’objectif général, est, selon le représentant du Portugal, de préserver la stabilité des relations internationales dans les cas où un représentant est largement reconnu.  Pour le Portugal, les représentants concernés par cette immunité sont les chefs d’État et de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, a indiqué le délégué.  La question des exceptions à l’immunité mérite d’être examinée, a-t-il estimé.  Pour sa délégation, l’immunité ratione personae n’est pas absolue, l’immunité ratione materia peut être levée automatiquement dans certains cas, et les crimes les plus graves commis au niveau international devraient constituer une exception.  C’est pourquoi M. De Serpa Soares a encouragé la CDI à examiner cette question en tenant compte de la nature du droit actuel.


Abordant ensuite la question de l’application provisoire des traités, M. de Serpa Soares a estimé que les grandes questions de 1969 restaient d’actualité.  Comment un traité peut-il être applicable s’il n’est pas encore entré en vigueur ou si aucun décret d’application n’a été promulgué au niveau national?  Le Portugal n’est lié par un traité qu’une fois approuvé au niveau national et publié sur le journal officiel et qu’une fois le traité entré en vigueur au niveau international.  L’application provisoire d’un traité ne peut ainsi être acceptée par le Portugal, a-t-il fait remarquer.  S’exprimant, avant de conclure, sur le thème de la formation et de l’identification du droit international coutumier, M. de Serpa Soares a reconnu qu’il pouvait être difficile d’identifier des normes coutumières internationales et leur processus de formation et a encouragé la CDI à se pencher sur la question.  La Commission devrait également prendre en compte  la « coutume sauvage », a-t-il suggéré, avant de juger difficile de ne pas inclure le jus cogens dans l’examen de la question.


M. TED BUCHWALD (États-Unis) a estimé que les rapports présentés par la Commission du droit international (CDI) portent sur des questions très importantes.  Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il faut garantir la protection appropriée aux représentants des États, a-t-il déclaré.  Il s’agit de savoir quelle est la distinction et quelles sont les conséquences entre les immunités rationae materiae et rationae personae « Selon nous, seule la troïka, c'est-à-dire, le chef d’État, le chef du gouvernement et le ministre des affaires étrangères peuvent bénéficier de l’immunité des représentants de l’État. » 


S’agissant de la question de l’application provisoire des traités, le représentant a estimé qu’une décision sur la forme définitive du résultat des travaux de la CDI devrait être prise ultérieurement.  S’agissant du thème « L’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) », le délégué a suggéré que la CDI s’inspire de la pratique des États.  Il est important que les résultats de la Commission ne soient pas restrictifs.  « Les États-Unis sont partie à différentes conventions en la matière, car l’obligation d’extrader ou de poursuivre est fondamentale pour empêcher que certains États ne deviennent des sanctuaires pour les terroristes. »  Pour ce qui est de la question des « Traités dans le temps », il y a encore beaucoup de travail à faire, a-t-il fait remarquer.


M. ZLADYSLAW CZAPLINSKI (Pologne) a souligné l’importance du thème de l’application provisoire des traités.  L’essence même de l’application provisoire des traités est sa flexibilité et il importe de la préserver, a-t-il insisté.  Si la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités s’est révélée très utile, son entrée en vigueur remonte à plus de 30 ans et, pour cette raison, il conviendrait d’examiner la Convention dans son ensemble pour revoir ses dispositions face à la pratique ultérieure, a estimé le représentant.


S’agissant du thème de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, les travaux de la CDI sur ce thème sont pertinents et nécessaires, a souligné le représentant, a fortiori pour lutter contre l’impunité ayant trait aux crimes les plus graves du droit international.  L’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est une question classique du droit international qui doit être examinée à la lumière de faits nouveaux et de nouveaux défis, a-t-il poursuivi.


La question de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) doit être inscrite dans un cadre normatif plus large, a poursuivi M. Czaplinski.  La Pologne est convaincue que les projets de directives auront une valeur pratique, compte tenu de l’absence actuelle de cohérence de la jurisprudence sur cette question.  Le délégué a ensuite appuyé l’inclusion de la question de la formation et de l’identification du droit international coutumier dans le programme de travail de long terme de la CDI, en soulignant le rôle du droit international dans la pratique judiciaire aux niveaux national et international.  Le travail de la Commission devrait prendre la forme d’une série de directives et non d’un projet de convention, a-t-il ajouté.  Toutes les normes juridiques internationales doivent faire l’objet d’un même examen, a-t-il insisté.  Une fragmentation du droit international saperait l’ordre juridique et serait contraire aux intérêts de la communauté internationale, a-t-il conclu.


Mme SIMONA MIRELA MICULESCU (Roumanie) a déclaré que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est une question complexe et sensible qui devrait tenir compte de la codification et de la protection des droits de l’homme.  « Il faut éviter l’impunité », a-t-elle déclaré.  « Nous attendons d’examiner le projet d’articles qui sera présenté dans le prochain rapport », a-t-elle ajouté.  Concernant la question de l’application provisoire des traités, la représentante a souligné que la base du travail doit être la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  « Nous estimons aussi que la forme que prendra le résultat final des travaux de la Commission du droit international (CDI) doit être décidée plus tard. »


S’agissant du thème de la formation et l’identification du droit international coutumier, nous pensons qu’en dépit de la complexité du sujet, les conclusions qui seront rendues doivent être élaborées en gardant à l’esprit qu’elles doivent se baser sur les pratiques des États et c’est pourquoi les règles pertinentes doivent s’inspirer des arrêts de la Cour internationale de Justice (CIJ), a-t-elle déclaré.


En ce qui concerne l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare), la représentante a souligné que cette question a une relation étroite avec la compétence universelle, mais cela ne devrait pas empêcher l’analyse de cette question au sein de la Sixième Commission.  Pour ce qui est de l’application des traités dans le temps, la représentante a estimé que la CDI devrait se concentrer sur l’application des traités conformément à la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  Enfin, à propos de la clause de la nation la plus favorisée (NPF), la représentante a émis l’espoir que la CDI pourra progresser encore pour obtenir un droit des investissements mieux protégé.  Selon la représentante, les travaux de la CDI devraient être présentés dans un cadre large du droit général international.


Mme YOLANDE DWARIKA (Afrique du Sud) a rappelé que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État avait des fondements classiques et historiques forts en droit international.  S’il s’agit d’un élément essentiel du principe de souveraineté des États, on ne peut ignorer le fait que le contexte des relations entre États évolue, a-t-elle fait observer.  La portée des immunités doit être examinée davantage, de même que la définition de l’« acte officiel » et celle des exceptions, a-t-elle indiqué.


S’agissant de l’application provisoire des traités, la représentante a estimé que les États qui appliquent de manière provisoire un traité doivent appliquer les dispositions pertinentes de ce traité de la même manière que si le traité était entré en vigueur.  La question de l’application provisoire des traités et son interaction avec le droit national reste une question importante, a-t-elle dit.  Les directives de la CDI nous aideront à déterminer la portée des obligations pour les traités qui sont appliqués à titre provisoire.


Intervenant ensuite sur la question de la formation du droit international coutumier, Mme Dwarika a estimé que le résultat des travaux de la Commission devrait prendre la forme d’un ensemble de conclusions assorties de commentaires et que ces conclusions se révèleront très utiles.  Nous sommes préoccupés par l’absence de cohérence qui est souvent associée à la formation du droit international coutumier, a-t-elle déclaré.  Sa délégation reste tout de même convaincue que les bases du droit international coutumier sont utiles. 


S’agissant de la clause de la nation la plus favorisée (NPF), la représentante a souligné qu’il était important de prévenir une fragmentation du droit international.  Mme Dwarika a préconisé de garantir une plus grande cohérence dans les décisions d’arbitrage prises en matière d’investissement.  Sa délégation, qui est préoccupée par l’interprétation divergente de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) par les tribunaux d’arbitrage, espère que le travail de la Commission du droit international permettra d’éclaircir la question, a-t-elle dit en conclusion.


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