La Sixième Commission achève l’examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-troisième session
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Sixième Commission AG/J/3428
28e séance – matin
LA SIXIÈME COMMISSION ACHÈVE L’EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TROISIÈME SESSION
« L’immunité des représentants de l’État ne signifie pas impunité » soutiennent les délégations
Les délégations de la Sixième Commission (chargée des questions juridiques), ont achevé, ce matin, l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa soixante-troisième session qu’ils avaient entamé, le 24 octobre. Les intervenants ont principalement commenté les travaux en cours de la Commission sur les questions de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », sur l’« obligation d’extrader ou de poursuivre », sur « la clause de la nation la plus favorisée », sur les « traités dans le temps », ainsi que sur les travaux futurs de la Commission.
L’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », ont dit la majorité des délégations, est cruciale pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que pour la préservation de bonnes relations entre les États. La Commission du droit international devrait davantage œuvrer à la codification qu’au développement progressif du droit international en la matière. Elle doit s’employer à remédier aux lacunes laissées par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans les règles de droit international existantes (de lege lata), en analysant la jurisprudence et la pratique aux niveaux national et international, a clairement souhaité le délégué du Japon. De son côté, le représentant de l’Algérie a indiqué que « cette thématique ne pouvait être examinée par la CDI, indépendamment de la question de la politisation de l’usage des poursuites et de leurs effets négatifs sur la stabilité des bonnes relations entre États ». Comme hier, des délégués sont revenus sur l’idée de voir d’autres représentants de l’État, autres que ceux formant la « troïka » –chef de l’État, chef de gouvernement et ministre des affaires étrangères-, bénéficier de l’immunité de juridiction pénale étrangère.
Par ailleurs, les délégations ont, à nouveau, souligné l’importance de l’obligation d’extrader ou de poursuivre dans la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes graves de droit international. Certaines d’entre elles, comme celle de la Roumanie, se sont aussi interrogées sur les catégories de crimes imposant aux États de s’acquitter de cette obligation aut dedere aut judicare. Quelques-unes ont fait observer, en outre, qu’il était difficile dans les circonstances actuelles de prouver l’existence d’une obligation coutumière générale d’extrader ou de poursuivre.
« En décidant de suspendre ses travaux sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre comme le souhaitent certaines délégations, la CDI risque de donner l’impression erronée que l’examen de cette question n’a pas été suffisamment approfondi en vue de codification », a averti le Rapporteur spécial chargé de ce thème, M. Zdzislaw Galicki (Pologne). En réalité, la Commission a accompli, en la matière, des avancées significatives, a-t-il souligné, dans ses remarques de clôture.
Les nouveaux sujets d’étude suggérés par la CDI ont également suscité les commentaires de certaines délégations comme celle de l’Irlande qui s’est dite favorable à la poursuite de réflexions sur les thèmes « l’application provisoire des traités » et de la « formation et identification du droit international coutumier ». Le représentant de l’Algérie, tout en se félicitant que ce sujet ait été retenu par la CDI, a fait observer que son examen ne devrait pas impliquer une codification figeant le processus de formation de la coutume, mais plutôt de constater, sans en donner une valeur normative, les tendances récentes dans ce domaine.
Cette année, la CDI a inscrit les cinq nouveaux sujets suivants à son programme de travail à long terme: « Formation et identification du droit international coutumier », « Protection de l’atmosphère », « Application provisoire des traités », « Norme du traitement juste et équitable en droit international de l’investissement » et « Protection de l’environnement et conflits armés ».
Les délégations de la Sixième Commission ont aussi entendu le Président du Groupe de travail chargé de la question des mesures visant à éliminer le terrorisme international, M. Rohan Perera (Sri Lanka), qui a fait le point sur l’état des discussions sur ce sujet.
La Sixième Commission se réunira, à nouveau, à une date qui sera annoncée dans le Journal des Nations Unies. Elle devrait, à cette occasion, procéder à l’adoption d’une série de projets de résolution.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TROISIÈME SESSION (A/66/10 ET A/66/10/ADD.1)
Déclarations
Mme LUCY MAXWELL (Australie), s’exprimant sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il serait judicieux que la Commission du droit international (CDI) puisse identifier ce que sont les règles internationales dans ce domaine et celles qui pourraient être développées et améliorées, à savoir l’équilibre entre la protection de l’immunité et la prévention de l’impunité pour les crimes graves, le lien entre la responsabilité de l’État et l’immunité et le renoncement implicite ou explicite à l’immunité. En conséquence, l’Australie se félicite de la création d’un groupe de travail de la Commission sur ce sujet. Le rapport de la CDI doit préciser la portée de cette obligation, en établissant clairement la relation entre l’obligation d’extrader ou de poursuivre et le domaine du droit pénal international. À cet égard, elle a émis des réserves sur l’utilité d’établir un projet de résolution qui reflèterait le droit international coutumier. La représentante a salué le travail de la Commission pour clarifier la pratique de la question des « traités dans le temps ». Elle a noté que la question des résolutions interprétatives a déjà été traitée dans un certain nombre de conventions. Par ailleurs, sa délégation reconnaît la difficulté de la tâche du Groupe de travail concernant l’examen de l’application de la « clause de la nation la plus favorisée », a-t-elle dit, en appuyant les conclusions de Groupe de travail, selon lesquelles la source du droit de la clause de la nation la plus favorisée est le traité de base, opposée à la partie tierce au traité.
Mme SARAH KHALILAH ABDUL RAHMAN (Malaisie), s’exprimant sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, a souligné que la Commission du droit international devrait déterminer la base d’une telle immunité, ainsi que son champ d’application, avant d’envisager de plus amples développements, en raison de l’incertitude du droit sur cette question. Elle a ensuite pris note des avis de certaines délégations, selon lesquelles une distinction devrait être faite entre les crimes ordinaires et les crimes graves, chaque fois que des considérations spéciales s’appliquent. Concernant l’obligation d’extrader ou de poursuivre, elle a estimé que toute tentative d’élaboration de projets d’articles serait prématurée en raison de l’incertitude entourant la base juridique d’une telle obligation. La distinction entre crimes graves et crimes ordinaires devrait également être précisée, a-t-elle souhaité.
La représentante a noté avec préoccupation qu’une interprétation évolutive des traités, si elle permettait une continuité dans l’application des traités, pouvait ouvrir la voie à une réinterprétation desdits traités au-delà de la volonté des parties. Elle a jugé « impératif » que le Groupe d’étude sur cette question élabore des directives susceptibles de guider les cours et tribunaux internationaux dans l’appréciation de la pratique ultérieure des traités. Passant ensuite au thème de la clause de la nation la plus favorisée, la représentante a indiqué que la reprise des discussions sur le sujet devrait être conduite au regard de l’objectif visant à l’élaboration d’une série de directives non contraignantes pour les États. Sa délégation, a-t-elle dit, estime qu’il n’est pas nécessaire d’envisager la rédaction de projets d’articles ou la révision des projets d’articles adoptés en 1978. La représentante a indiqué que les directives élaborées par le Groupe d’étude sur le sujet ne devraient aucunement limiter le droit des États de déterminer les domaines d’interprétation et d’application de la clause de la nation la plus favorisée.
M. SHEHZAD CHARANIA (Royaume-Uni) a souligné que le sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État était crucial dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le Royaume-Uni, a-t-il poursuivi, partage la position du Rapporteur spécial selon laquelle l’immunité rationae personae de certains représentants officiels de l’État « demeure absolue », tout au long de l’exercice de leurs responsabilités officielles, et même lorsqu’il s’agit de crimes graves en vertu du droit international. La Cour internationale de Justice (CIJ), qui a reconnu ce principe, a également établi que la liste des hauts responsables bénéficiaires de cette immunité pouvait aller au delà de la « troïka » classique constituée par le chef de l’État, le chef de gouvernement et le ministre des affaires étrangères, a-t-il soutenu. Pour leRoyaume-Uni, l’immunité rationae materiae concerne, avant tout, les actes officiels accomplis par un représentant officiel de l’État, qui lui sont personnellement attribuables ou directement à l’État, a ensuite expliqué M. Charania. Cependant, a-t-il tenu à rappeler, l’immunité n’est pas synonyme d’impunité. L’engagement du Royaume-Uni à lutter contre cette impunité reste profond. Dans le cadre de sa réflexion sur cette immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il est fondamental que la CDI garde à l’esprit la distinction entre son action de codification, à savoir de lege lata, et celle de développement progressif du droit international, de lege ferenda. Compte tenu de l’importance de cette question dans la pratique, la Commission, a souhaité le délégué, doit s’assurer que toute proposition relative à la de lege ferenda, telle que l’élaboration de projets d’articles en vue de l’adoption éventuelle d’une convention, soit menée de « façon rigoureuse ».
Par ailleurs, M. Charania a réaffirmé la position de son pays selon laquelle l’obligation d’extrader ou de poursuivre résulte d’une obligation conventionnelle et non du droit coutumier international. Insistant ensuite sur la clause de la nation la plus favorisée, il a salué la décision du Groupe de travail chargé de la question de ne pas procéder à la révision des articles adoptés par la CDI en 1978. Il a également soutenu la proposition du Groupe de travail selon laquelle la clause de la nation la plus favorisée (NPF), source du droit au traitement de la NPF, est avant tout le traité de base conclu entre les deux parties principales, et non le traité conclu avec la tierce partie. Le Royaume-Uni demeure prudent sur toute tentative d’élaborer des principes universels pour l’application de la clause de la nation la plus favorisée, tout comme pour leur interprétation, et estime que le travail de la CDI doit se limiter aux problèmes liés au domaine de l’investissement, a souhaité M. Charania.
Mme NUALA NI MHUIRCHEARTAIGH (Irlande) s’est d’abord félicitée de la décision prise par la Commission du droit international (CDI), à sa soixante-troisième session, de mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir sur ses méthodes de travail. Pour assurer son efficacité, la Commission du droit international devrait faire participer, outre les diplomates, des universitaires et des praticiens du droit. Il est également important de veiller à ce que les travaux de la CDI reflètent les différentes cultures et intègrent les divers systèmes juridiques qui existent dans le monde, a insisté la représentante. Il est également nécessaire pour la CDI de réexaminer, dans un souci d’efficacité et d’économie, l’organisation et la durée de ses sessions. « Si cela peut aider à réduire les coûts, l’on devrait, par exemple, envisager la possibilité d’organiser en alternance, entre New York et Genève, les sessions de travail de la CDI », a préconisé la déléguée. De même, la Sixième Commission doit également apporter des améliorations à son fonctionnement, en vue de contribuer à une meilleure interaction et coopération avec la CDI, a-t-elle ajouté. Sa délégation, a-t-elle conclu, est favorable à la poursuite de réflexions sur les thèmes proposés par la CDI que sont: la « formation et l’identification du droit international coutumier » et l’« application provisoire des traités ».
M. KEITH MORRILL (Canada) a limité sa déclaration à la deuxième partie du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI). Concernant la question des exceptions à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, et tout particulièrement pour les crimes internationaux graves, M. Morrill a estimé qu’il était nécessaire d’établir un équilibre entre la protection du principe de l’immunité de l’État et la prévention de l’impunité. Il a constaté qu’en droit international, une conception plus restrictive de l’immunité de l’État tendait à remplacer l’application traditionnelle de l’immunité absolue. Les enjeux sont importants et cela nécessite un examen plus approfondi par la Commission du droit international, a-t-il souligné. S’agissant de la clause de la nation la plus favorisée, il a salué l’approche du Groupe d’étude chargé de la question qui souhaite dégager des orientations pour aider concrètement ceux devant l’appliquer dans le domaine de l’investissement. Il a salué l’intention du Groupe d’étude de finaliser ce projet de texte dans les deux prochaines sessions de la Commission.
Mme ADY SCHONMANN (Israël) a soutenu l’ensemble du rapport du Rapporteur spécial sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. « La Commission devrait se concentrer sur la question du droit international coutumier, en tenant compte de son impact sur les relations interétatiques », a-t-elle estimé. La représentante s’est aussi déclarée en accord avec la position du Rapporteur spécial selon laquelle l’imposition de mesures restrictives des représentants de l’État étranger contredit l’immunité au regard du droit international. Enfin, compte tenu de la complexité du sujet, la représentante a encouragé la Commission à œuvrer à une meilleure identification de la pratique des États pour formuler des directives concernant le champ d’application de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.
Abordant ensuite l’obligation d’extrader ou de poursuivre, la représentante a estimé qu’il était difficile d’établir l’existence d’une obligation générale coutumière d’extrader ou de poursuivre. Elle a réaffirmé que la source juridique de cette obligation doit uniquement découler des traités. Elle a également estimé qu’il serait très ambitieux de penser qu’une règle existe du seul fait de la ratification, par certains États, de traités qui prévoient cette obligation d’extrader ou de poursuivre. Concernant le projet d’article 2 sur le devoir de coopérer, elle a indiqué qu’elle avait pris note des doutes exprimés par d’autres délégations sur la pertinence des projets d’articles et souhaitait plus de clarification sur la portée de l’obligation de coopérer. Faisant référence au projet d’article 4, la représentante a déclaré que sa délégation partageait la position exprimée par certains membres de la Commission selon laquelle la formulation n’est pas appuyée par l’analyse faite par, le Rapporteur spécial lui-même, qui a identifié l’absence de droit coutumier sur la question. Par conséquent, elle a estimé que ce projet d’article n’etait pas utile dans la mesure où il ne créait aucune obligation pour les États.
M. JAE-SEOP KIM (République de Corée) a déclaré que les progrès dans le domaine de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État ont été moins importants que ce qui était escompté et, c’est pourquoi, il a invité la Commission du droit international (CDI) à aboutir à des résultats tangibles en adoptant des projets d’articles équilibrés, à sa prochaine session. La CDI doit se concentrer sur la codification de la pratique des États et rester fidèle au droit international positif, a-t-il poursuivi, en ajoutant que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État devrait se conformer au droit existant, y compris le champ d’application de l’immunité diplomatique, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et les décisions pertinentes de la Cour internationale de Justice.
Concernant l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le représentant a souligné le caractère abstrait de deux des projets d’articles relatifs, respectivement à l’obligation de coopérer et au traité comme base de l’obligation d’extrader ou de poursuivre. Le projet d’article 4 sur la coutume internationale comme base d’une telle obligation pourrait créer la confusion parmi les États Membres, a-t-il poursuivi, en ajoutant que pour son gouvernement, cette obligation découlait bel et bien des traités. Enfin, il a plaidé pour une définition plus précise des normes impératives de droit international -jus cogens- dont découlerait, selon l’alinéa 3 du projet d’article 4, l’obligation d’extrader ou de poursuivre.
Pour Mme DAVINA AZIZ (Singapour), toute approche du sujet de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », fondée exclusivement sur de lege lata, serait difficilement pertinente, compte tenu de la multitude de questions que soulève ce domaine de droit international. L’étude de la question doit être envisagée inévitablement sous les perspectives de lege lata et de lege ferenda, a-telle maintenu. Cette immunité, a estimé Mme Aziz, devrait être étendue à d’autres représentants de l’État que ceux formant la « troïka ». Cela reflèterait l’évolution des relations internationales, a-t-elle dit, en insistant sur l’importance de préciser clairement les fonctions de cette catégorie de responsables. S’agissant de la nature des crimes, et donc de l’immunité rationae materiae, la délégation de Singapour a contesté la position du Rapporteur spécial selon laquelle « il n’existe aucune exception à une telle immunité ». Des sources de droit international actuel fournissent bien des exceptions à cette immunité, a fait remarquer la déléguée. « Il est cependant utile de veiller à ce que ces exceptions ne soient pas appliquées de façon globale et subjective », a-t-elle souligné. Poursuivant sa déclaration sur le thème de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, Mme Aziz a émis des doutes sur la méthodologie juridique qui sous-tend le projet d’article 4, élaboré par le Rapporteur spécial sur cette l’obligation. Singapour, a-t-elle déclaré, réaffirme l’existence de règles coutumières prohibant les crimes graves de droit international. « Nous ne sommes cependant pas d’accord sur la position selon laquelle le droit coutumier international, en sanctionnant une conduite spécifique, produirait une obligation d’extrader ou de poursuivre de droit coutumier international s’imposant aux États », a déclaré la représentante. Avant de conclure, elle a salué les avancées faites par les groupes de travail chargés respectivement des questions des « traités dans le temps » et de la « clause de la nation la plus favorisée ». Sur ce dernier point, Singapour a-t-elle dit, a déjà eu à appliquer la clause de la nation la plus favorisée dans des domaines autres que ceux du commerce et de l’investissement. « Nous sommes prêts à partager cette expérience avec la CDI », a assuré Mme Aziz.
M. MASAHIRO MIKAMI, Directeur des affaires juridiques internationales au Ministère des affaires étrangères du Japon, a commenté plusieurs chapitres du rapport annuel de la Commission du droit international. S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il a estimé que la Commission devrait s’employer à remédier aux lacunes laissées par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans les règles de droit international existantes (de lege lata), en analysant la jurisprudence et la pratique aux niveaux national et international. Elle devrait se concentrer sur la portée de l’immunité à l’égard de la « troïka » -chef d’État, chef de gouvernement et ministre des affaires étrangères-, ou à l’égard de la « troïka » et d’autres ministres ou hauts fonctionnaires. La Commission devrait également se concentrer sur les crimes les plus graves définis par le droit international. M. Mikami a noté que l’obligation de livrer un suspect ou un accusé à une juridiction pénale internationale était une obligation conventionnelle, distincte de l’obligation d’extrader.
En ce qui concerne les réserves aux traités, le Gouvernement japonais a entrepris une analyse approfondie des projets de directives, a indiqué le représentant. La réserve inadmissible, a-t-il fait observer, ne reflète pas nécessairement la pratique des États. Il est revenu sur la question des déclarations interprétatives qui n’ont pas d’application juridique, contrairement aux réserves. M. Mikami a ensuite appuyé l’idée de créer un mécanisme d’assistance ou un « observatoire » pour faciliter les échanges de vues entre l’État réservataire et l’État objectant ou d’autres États, ainsi qu’entre le mécanisme et l’État réservataire. Par ailleurs, M. Mikami a déclaré que la question de la responsabilité des organisations internationales revêtait une importance considérable pour la codification et le développement progressif du droit international. Les organisations internationales ont de plus en plus des mandats plus complexes et multidimensionnels. C’est la raison pour laquelle il faut se pencher sur les différences entre les États et les organisations internationales, et entre différents types d’organisations internationales, en raison de leur composition, de leurs activités et de leurs pouvoirs, a-t-il préconisé. Le représentant a estimé également que les défauts de certains projets d’articles adoptés par la Commission tiennent au fait qu’un parallélisme trop strict a été établi avec les projets d’articles sur la responsabilité des États. Sachant que la Commission a mis plus de 30 ans à achever ses projets d’articles sur la responsabilité des États, elle aurait mieux fait de consacrer davantage de temps à l’élaboration de règles spécifiques pour les organisations internationales, a-t-il dit avant de conclure.
Abordant le thème de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », M. FARID DAHMANE (Algérie) a partagé l’opinion du Rapporteur spécial selon laquelle cette immunité constitue une norme bien assise du droit international et l’hypothèse de l’existence d’exceptions à cette règle devrait être prouvée. Pour l’Algérie, l’immunité ne devrait d’ailleurs pas s’arrêter à la « troïka » qui inclut le chef de l’État, le chef de gouvernement et le ministre des affaires étrangères. Une telle interprétation restrictive n’est pas conforme à la norme internationale en vigueur, ou du moins à la pratique internationale répandue, qui est suivie dans les relations entre États. Un tel sujet, a ajouté M. Dahmane, ne pourrait être examiné par la CDI indépendamment de la question de la politisation de l’usage, souvent sélectif, de telles poursuites, ainsi que de leurs effets négatifs sur la stabilité des bonnes relations entre États. « La politisation a de tout temps eu, aussi bien dans l’ordre juridique interne que dans l’ordre juridique international, un impact négatif sur l’indépendance de la justice et sur les règles du procès équitables ».
« L’obligation d’extrader ou de poursuivre » a connu un développement important dans le droit des traités, mais également dans la pratique internationale des États, à la faveur de l’obligation de coopérer en droit pénal international et du combat contre l’impunité, a souligné M. Dahmane. Cette obligation d’extrader, a-t-il dit, a pu être établie de manière formelle, notamment pour les crimes de guerre et le génocide. Notant le projet d’article 4 intitulé « La coutume internationale comme source de l’obligation aut dedere aut judicare », présenté par le Rapporteur spécial sur le sujet, le délégué a souhaité que le « terrorisme » soit explicitement ajouté à l’énumération figurant dans cette disposition. Ce projet d’article doit être examiné de manière plus approfondie puisqu’il énonce une obligation qui reste en large partie à vérifier et à démontrer dans la grande majorité des situations, a estimé le représentant. Évoquant le thème de la clause de la nation la plus favorisée, il a estimé que le document de travail sur l’interprétation et l’application d’une telle clause dans les accords d’investissements, présenté par le Groupe de travail sur le sujet, « constitue un jalon important pour mieux cerner la question ». Par ailleurs, le représentant a souhaité que le Groupe de travail continue l’examen des différents aspects de la clause de la nation la plus favorisée, en relation avec le traitement juste et équitable et de la norme de traitement national, ainsi que sous l’angle des accords de services et d’investissements. Sur les nouveaux sujets proposés par la CDI, la délégation de l’Algérie s’est félicitée à nouveau de l’inscription du thème de la « formation et identification du droit international coutumier » à l’ordre du jour de la CDI, compte tenu de son importance dans l’œuvre même de la CDI, mais aussi dans la codification et le développement progressif de droit international.
M. MACHARIA KAMAU (Kenya) a rappelé que les États étaient souverains et que le principe de l’immunité fonctionnelle, conférée aux représentants des États, permettait à ceux-ci de représenter efficacement les gouvernements au niveau international. À cet égard, M. Kamau a indiqué que tout principe de droit international qui cherchait à établir une compétence pénale pour les représentants des États devrait reconnaître le rôle important de l’immunité dont jouissent les représentants des États dans la promotion des relations internationales. Le Kenya partage l’opinion du Rapporteur spécial sur le fait que l’immunité des représentants des États vis-à-vis des juridictions pénales étrangères doit rester la norme. Concernant la possibilité d’étendre l’immunité ratione personae à d’autres représentants de l’État que ceux de la « troïka » formée par le chef de l’État, le chef de gouvernement et le ministre des affaires étrangères, le délégué a noté que certains intervenants avaient suggéré que le ministre du commerce extérieur et les ministres de la défense qui effectuent des voyages officiels pour représenter leur gouvernement, dans des discussions ou négociations, devraient jouir d’une telle immunité. Le représentant a par ailleurs rappelé que le Rapporteur spécial n’avait observé aucune jurisprudence qui interdise l’extension d’un cercle de personnes bénéficiant de l’immunité ratione personae, et que la délégation du Kenya était ouverte à un débat sur le sujet. Pour le Kenya, la levée implicite d’une immunité par un État exerçant une juridiction pénale étrangère sur un représentant de l’État bénéficiant de l’immunité risque d’affaiblir sérieusement les relations internationales, a indiqué M. Kamau. Cette situation devrait cependant être distincte de celle où un État est partie à un traité international qui prévoit la levée de l’immunité en cas de crimes reconnus par ce traité. La nouvelle Constitution du Kenya, qui avait été adoptée en août 2010, prévoit la levée de l’immunité pour les crimes définis par tout traité auquel le Kenya est partie. Les dispositions contenues dans la Constitution du Kenya constituent, par conséquent, une partie de la pratique émergente de l’État dans ce domaine.
Mme CETA NOLAND (Pays-Bas) a indiqué que les juridictions néerlandaises, comme celles d’autres pays, sont de plus en plus confrontées à des cas d’immunité de représentants de l’État en relation avec des crimes internationaux. « C’est pourquoi nous avons demandé à un comité consultatif indépendant sur les questions de droit international de donner son opinion sur le dilemme entre l’impunité des crimes internationaux et l’immunité des représentants de l’État ». Ce rapport sera distribué aux membres de la Commission, a-t-elle assuré. Concernant l’immunité en raison de la personne, elle devrait se limiter à la « troïka » composée du chef d’État, chef de gouvernement et ministre des affaires étrangères. Elle a cependant considéré que l’immunité rationae materiae doit être absolue, et qu’elle ne devrait pas être garantie pour les crimes graves.
En ce qui concerne la question des traités dans le temps, la représentante a pris note de la demande d’informations adressée par la CDI aux États Membres et assuré que son gouvernement fournira des exemples de la pratique nationale pour assister la Commission dans cette tâche difficile. S’agissant des travaux futurs, la représentante des Pays-Bas a estimé que la question de l’application provisoire des traités était essentielle. La CDI ne devrait pas cependant entreprendre de travaux sur les deux sujets relatifs à l’environnement. La question de la protection de l’atmosphère est trop large et son examen devrait plutôt être confié à des spécialistes. La question de la protection de l’environnement en cas de conflit armé n’a pas recueilli de consensus, a-t-elle fait observer. Sa délégation considère par ailleurs que la question de la règle du traitement juste et équitable en droit de l’investissement international a un grand potentiel pour la pratique juridique.
Mme ANCA CRISTINA MEZDREA (Roumanie) a souligné que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est un sujet très important pour son pays, comme pour d’autres, car son application peut avoir d’énormes répercussions sur les relations internationales. L’examen de cette question doit reposer sur le principe de la souveraineté des États, a-t-elle estimé. « Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour les exceptions ». Pour lutter contre l’impunité pour les crimes internationaux graves, il faudrait établir des règles établissant les limites de son application. Il faut trouver un équilibre afin que l’immunité ne soit pas non plus invoquée pour échapper à la responsabilité.
En ce qui concerne la question des traités dans le temps, la représentante a estimé qu’il serait intéressant d’inclure la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne parmi les exemples choisis pour illustrer les différentes approches dans l’interprétation. S’agissant de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, Mme Mezdrea a estimé que c’est un sujet complexe. Tout en reconnaissant l’importance d’inclure dans les projets d’articles une référence à l’obligation de coopérer, la représentante a estimé que ces projets d’articles sont, au stade actuel, ambigus et vagues. Elle a suggéré d’affiner la formulation des deux projets d’articles intitulés « Le traité comme source de l’obligation d’extrader ou de poursuivre » et « La coutume internationale comme source de l’obligation aut dedere aut judicare ». Il faut notamment préciser les crimes qui imposent aux États de s’acquitter de leur obligation d’extrader ou de poursuivre, a-t-elle ajouté.
Intervenant à la fin du débat, M. ZDZISLAW GALICKI (Pologne), Rapporteur spécial sur le sujet de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, s’est félicité des discussions pertinentes menées au sein de la Sixième Commission sur ce thème. Il s’est dit préoccupé par le souhait exprimé par certaines délégations de voir la CDI suspendre ses travaux sur cette question. « En décidant d’une telle suspension, on risque de donner l’impression erronée que la réflexion sur ce thème n’est pas assez approfondie et qu’il est donc prématuré de s’engager dans un processus de codification », a-t-il indiqué, en affirmant que la CDI avait en réalité accompli des avancées significatives en la matière. Il a noté que certaines délégations avaient évoqué la relation qui existe entre l’obligation d’extrader ou de poursuivre et le principe de compétence universelle. Quelques États Membres ont d’ailleurs proposé une étude combinée de ces deux thèmes, a-t-il ajouté. En vérité, dans son premier rapport, le Rapporteur spécial sur ce thème avait déjà formulé cette suggestion, a rappelé M. Galicki, avant d’inviter la Sixième Commission à se prononcer clairement et rapidement sur cette possibilité. M. Galicki a également noté que les délégations avaient appuyé le projet d’article sur le « devoir de coopérer qui s’impose aux États dans le cadre de l’obligation d’extrader ou de poursuivre ». Il s’agit maintenant de déterminer si cette obligation doit figurer dans le préambule ou dans le dispositif du texte, a indiqué le Rapporteur spécial qui a estimé que la mention de « l’obligation de coopérer avec les Nations Unies » devrait aussi figurer dans les projets d’articles, de façon très explicite. Il a reconnu qu’il était difficile de prouver l’existence d’une obligation coutumière internationale d’extrader ou de poursuivre. La liste des crimes « pouvant justifier l’obligation aut dedere aut judicare », qu’il a présentée, n’est pas exhaustive et fera l’objet de débats ultérieurs, a indiqué M. Galicki.
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