AG/J/3426

Sixième Commission: « immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’état », « obligation d’extrader » et « clause de la nation la plus favorisée » au centre des débats

01/11/2011
Assemblée généraleAG/J/3426
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Sixième Commission                                         

26e séance – matin                                         


SIXIÈME COMMISSION: « IMMUNITÉ DE JURIDICTION PÉNALE ÉTRANGÈRE DES REPRÉSENTANTS DE L’ÉTAT », « OBLIGATION D’EXTRADER »

ET « CLAUSE DE LA NATION LA PLUS FAVORISÉE » AU CENTRE DES DÉBATS


Poursuivant leur examen du rapport de la Commission de droit international (CDI), les délégations de la Sixième Commission (chargée des affaires juridiques) ont commenté, aujourd’hui, les progrès réalisés par la CDI sur les questions de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », de l’« obligation d’extrader ou de poursuivre », de « la clause de la nation la plus favorisée », ainsi que des « traités dans le temps ». 


S’agissant de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », des délégations, comme celle de la Belgique, ont souligné que le droit international conventionnel écartait clairement l’immunité pour des responsables du gouvernement ayant commis des crimes graves, tels que les crimes de guerre et le génocide.  « L’immunité n’implique pas l’exonération pénale de l’individu, quelle que soit sa fonction », a ainsi déclaré le représentant du Pérou.  La déléguée de la Grèce a souhaité, quant à elle, que dorénavant les normes de droit international qui répriment les crimes les plus graves, tels que le génocide ou les crimes de guerre, prévalent de manière explicite sur les privilèges et immunités, conformément à la volonté de la communauté internationale de lutter contre l’impunité.  Bien que satisfaites des avancées réalisées à ce jour sur le sujet, les délégations ont souhaité que la CDI approfondisse sa réflexion en la matière. 


Concernant l’« obligation d’extrader ou de poursuivre », des délégations ont reconnu les difficultés que posait ce sujet, en particulier, en raison de ses implications pour d’autres aspects du droit, notamment le pouvoir discrétionnaire du ministère public en matière de poursuite, les questions d’asile, le droit de l’extradition, l’immunité des représentants de l’État de la juridiction pénale, les normes impératives du droit international et la compétence universelle, ce qui pose des problèmes quant à la marche à suivre et au résultat escompté.  Le représentant de la Suisse a estimé qu’une analyse de cette obligation, qui ne tient pas compte de la question de la compétence universelle, ne peut mener à une compréhension complète et cohérente des enjeux que pose ce sujet. 


Évoquant la question de la « clause de la nation la plus favorisée », des délégations, dont celle du Mexique, ont exhorté la Commission du droit international à produire un rapport dans lequel elle présenterait les tendances actuelles dans l’application de cette clause.  Plus précis, la Suisse a pour sa part estimé opportun que la CDI examine les raisons pour lesquelles les tribunaux arbitraux n’ont, à ce jour, pas adopté d’approche systématique pour l’interprétation et l’application de la clause de la nation la plus favorisée. 


« Il faut clarifier le rôle de l’accord et de la pratique ultérieure concernant les traités, car un grand nombre de traités internationaux qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux ne peuvent pas être amendés facilement », a soutenu le représentant de l’Allemagne qui a formulé quelques commentaires sur le thème des « traités dans le temps ».  La Commission du droit international devrait examiner cette question de manière plus approfondie. 


La Sixième Commission a par ailleurs entendu le Directeur de la Division de la codification du Bureau des affaires juridiques de l’ONU, M. Václav Mikulka, qui a expliqué brièvement le processus d’assistance aux rapporteurs spéciaux de la CDI.  Elle a également entendu le Président du Groupe de travail sur l’administration de la justice aux Nations Unies qui a présenté l’état des négociations sur les deux projets de résolution que la Sixième Commission devrait adopter demain. 


La Sixième Commission poursuivra ses travaux, demain mercredi 2 novembre, à 10 heures. 


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TROISIÈME SESSION (A/66/10 ET A/66/10/ADD.1)


Déclarations


Mme MARGIT TVEITEN (Norvège), au nom des pays nordiques, a déclaré que le principe de souveraineté nationale est très lié à celui de l’égalité des États et c’est pourquoi aucun État ne peut demander la juridiction sur un autre État souverain.  Traditionnellement, ces notions étaient cristallisées, non seulement dans les relations internationales, mais aussi dans les obligations positives émanant du droit international coutumier, a-t-elle estimé.  La représentante a déclaré partager l’avis selon lequel le crime de génocide ne peut être considéré comme un acte officiel émanant d’un État.  L’immunité est une règle générale et l’absence d’immunité est une exception, a-t-elle souligné.  « Cependant, nous considérons que, parfois, une règle trop stricte a été appliquée concernant les exceptions aux immunités ».  La représentante a émis des réserves sur une approche constructiviste qui ne prendrait pas complètement en compte les développements du droit international.  Concernant le principe aut dedere aut judicare, les pays nordiques ont salué le rapport du Rapporteur spécial sur ce sujet complexe.  L’obligation d’extrader ou de poursuivre est la pierre angulaire pour lutter contre l’impunité, ce qui est un des objectifs de la politique nationale, a-t-elle déclaré.  Pour ce qui est de la proposition d’inclure le sujet de « la règle du traitement juste et équitable en droit de l’investissement international » parmi les nouveaux sujets de la CDI, la représentante a estimé que le travail sur ce sujet devrait être terminé avant que la Commission ne décide de l’inscrire à son ordre du jour. 


M. NICOLAS STÜRCHER (Suisse) a jugé importante la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, à la lumière des discussions en cours sur la question d’une compétence universelle des juridictions nationales.  La portée de l’immunité de juridiction doit être examinée de façon différenciée selon qu’il s’agit des poursuites engagées par une juridiction nationale ou qu’il s’agit de crimes relevant de la compétence d’une juridiction nationale, a dit le délégué.  Le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) se prononce explicitement sur les limites imposées à la possibilité d’invoquer les immunités découlant d’autres normes de droit international, a-t-il fait observer, en saluant le développement du droit en la matière.  Une telle limitation des immunités ne saurait toutefois, comme le Rapporteur spécial l’a relevé, être posée lorsqu’il s’agit d’une compétence d’une juridiction nationale, a insisté M. Stürcher.  Il a également souligné qu’un examen des normes relatives aux privilèges et immunités des représentants des États nécessite de prendre en compte, outre les traités multilatéraux et la jurisprudence nationale, les nombreux accords de siège conclus entre les États hôtes et les organisations qu’ils accueillent sur leurs territoires.  Ces accords de siège donnent en effet une image utile du cadre généralement admis des privilèges et immunités, notamment l’étendue personnelle et matérielle des privilèges et immunités des représentants des États.  Pour la Suisse, a-t-il poursuivi, l’élaboration de normes générales portant sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État ne doit pas aboutir à limiter la portée des textes conventionnels en vigueur ou à rendre leur interprétation complexe.  


Passant ensuite à la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le représentant s’est dit d’avis qu’une analyse de cette obligation, qui ne tienne compte de la question de la compétence universelle, ne peut mener à une compréhension complète et cohérente des enjeux soulevés par la thématique.  M. Stürcher s’est par ailleurs félicité de ce que les travaux de la CDI relatifs à la clause de la nation la plus favorisée (NPF) et à la règle du traitement juste et équitable contribuent à prévenir les risques de fragmentation du droit international.  Dans cet esprit, a-t-il soutenu, il paraît opportun que la CDI se concentre sur la contribution qu’elle peut apporter aux travaux d’autres acteurs dans cette réflexion, notamment la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui est à l’origine d’une récente analyse sur cette clause de la NPF.  La Suisse, qui est en faveur de l’approfondissement de l’étude sur les liens entre la clause de la NPF et le traitement juste et équitable, estime qu’il serait utile que la CDI examine les raisons pour lesquelles les tribunaux arbitraux n’ont, à ce jour, pas adopté d’approche systématique pour l’interprétation et l’application des clauses NPF. 


M. JOAQUIN ALEXANDER MAZA MARTELLI (El Salvador) a souligné que l’obligation d’extrader ou de poursuivre était une notion importante qui contribue à prévenir l’impunité pour les délits les plus graves qui affectent la totalité de la communauté internationale, tels que le génocide, la torture et les crimes de guerre.  Le représentant a reconnu, dans ce contexte, le rôle fondamental de l’obligation d’extrader ou de poursuivre en tant que principe de compétence universelle.  Il a fait remarquer que, dans son pays, l’obligation d’extrader était définie principalement par des traités bilatéraux ou multilatéraux.  Ainsi, le principe aut dedere aut judicare constitue une méthode de coopération judiciaire qui a une grande portée.  Le représentant s’est déclaré favorable à la reconnaissance des coutumes dans les traités en tant qu’obligation d’extrader ou de juger.  Il a proposé la suppression de la phrase « où et quand cela est possible », ce qui peut conduire à des interprétations discrétionnaires.  


Commentant ensuite les travaux de la CDI sur les « autres décisions et conclusions de la Commission », le représentant a fait siennes les recommandations présentées par la Commission sur ses méthodes de travail, visant à assurer une meilleure efficacité, tant au sein de ses groupes d’étude, du comité de rédaction, du groupe de planification ou encore dans la préparation des commentaires des projets d’articles, et de ses relations avec la Sixième Commission.  Toutefois, il serait souhaitable que la CDI présente des propositions qui permettent d’assurer une distribution rapide de son rapport annuel, a-t-il demandé.  


Mme PHANI DASCALOPOULOU-LIVADA (Grèce) a noté que la question de l’immunité des représentants de l’État n’était pas encore reflétée dans un texte normatif, alors que seules les immunités de catégories professionnelles spécifiques, comme le personnel diplomatique et consulaire, sont couvertes par les Conventions de Vienne.  La question la plus intéressante, mais qui représente aussi le plus grand défi, est celle des exceptions possibles à l’immunité, a-t-elle dit, en rappelant qu’il existait des limites à ce que la conscience humaine pouvait tolérer en matière d’impunité des représentants de l’État pour les crimes internationaux comme le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.  


Au cours de ces deux dernières décennies, le droit pénal international a évolué pour que ces crimes, quels qu’en soient les coupables, ne restent pas impunis, a-t-elle fait remarquer.  Il est intéressant de constater que dans le Statut de la Cour pénale internationale ou dans les conventions internationales sur le génocide ou sur la torture, aucune différentiation n’est faite entre les personnes bénéficiant d’une immunité personnelle, et celles bénéficiant d’une immunité de par leur fonction, a-t-elle ajouté, en estimant que la saisine de plus en plus fréquente de la CPI par le Conseil de sécurité était un élément supplémentaire qui montrait qu’une culture de responsabilité était en cours de conception.  Concernant la jurisprudence nationale et internationale, il y a également eu des développements qui vont dans la même direction que le droit pénal international, s’est félicitée la représentante.  Elle a enfin souhaité que les projets d’articles se concentrent sur la définition des crimes et les conditions où les procédures s’appliquent. 


M. MAURO POLITI (Italie) a estimé qu’il faudrait conserver une approche d’ensemble équilibrée en ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  La pratique des États et les juridictions pénales nationales et internationales fournissent des éléments qui devraient avoir un impact important sur le principe d’immunité tel qu’on le connaît et qu’il a été appliqué dans le passé, même si la question doit être examinée strictement d’un point de vue de lege lata.  Ces éléments devraient être considérés comme lex specialis derogat generali, en particulier, en ce qui concerne les crimes graves au regard du droit international commis par des chefs d’État, des chefs de gouvernement ou des ministres des affaires étrangères. 


S’agissant de l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare), M. Politi a indiqué qu’il était d’accord avec l’approche adoptée par le Rapporteur spécial consistant à aborder le sujet dans le cadre du devoir des États de coopérer dans la lutte contre l’impunité.  L’obligation d’extrader et de poursuivre est un mécanisme normatif qui vise à combler les lacunes qui permettraient aux auteurs de crimes graves d’échapper aux poursuites et aux peines.  Pour sa part, l’Italie partage l’avis des membres de la Commission qui ont émis des doutes sur le choix de formuler des articles distincts en fonction des sources du droit invoquées.  Une analyse plus détaillée de la pratique internationale est nécessaire pour mesurer dans quelle mesure le principeaut dedere aut judicare est inclus dans la législation internationale existante.  Par ailleurs, le représentant a déclaré que les questions relatives à la protection de l’environnement méritaient toute l’attention de la Commission. 


M. KRIANGSAK KITTICHAISAREE (Thaïlande) a estimé que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État a des ramifications politiques et un impact sur les relations internationales.  Dans ce contexte, le Thaïlande estime que la Commission du droit international devrait se confiner à étudier la question de l’immunité devant les juridictions criminelles, car les juridictions civiles soulèvent d’autres types de questions.  De même, la Commission devrait codifier le droit international existant et préciser les grandes tendances, en particulier, celles relatives à l’immunité et aux cas où l’immunité n’est pas reconnue, a-t-il ajouté.  L’immunité ne signifie pas que l’impunité et que l’immunité absolue des représentants de l’État est expressément rejetée dans plusieurs instruments internationaux, notamment les Statuts du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et de la Cour pénale internationale (CPI), a-t-il rappelé.  La question fondamentale pour la Commission, a-t-il ajouté, est de savoir comment trouver un juste équilibre.  Dans ce contexte, il a suggéré que la solution pourrait être trouvée dans les débats actuellement menés à la Sixième Commission concernant l’application de la juridiction universelle par la recherche de la certitude juridique et dans les articles 98 et 8 bis du Statut de Rome. 


M. Kittichaisaree a aussi souligné que tous les crimes ne sont pas sujets à l’obligation d’extrader ou de poursuivre.  En conséquence, la Thaïlande peut accepter le principe du projet de l’article 3 amendé, à l’exception de l’expression « avec les principes généraux du droit international », en raison de son caractère vague, a-t-il ajouté.  De même, la Thaïlande émet de fortes réserves concernant le projet de l’article 4 amendé.  Par ailleurs, le représentant a estimé que l’interprétation et l’application de la clause de la nation la plus favorisée étaient aujourd’hui un défi majeur pour la communauté internationale.  C’est pourquoi, a-t-il assuré, que la Thaïlande soutient les efforts de la Commission du droit international en vue de prévenir la fragmentation des accords internationaux en matière d’investissements et appuie les conclusions des paragraphes 361 et 362 du rapport.  


M.  JUAN MANUEL SÁNCHEZ (Mexique) a réaffirmé la conviction de sa délégation que l’étude présentée dans le rapport de la Commission du droit international sur « les traités dans le temps » était opportune.  Les traités sont des instruments fondamentaux pour les relations entre les États, a-t-il déclaré.  Les relations entre les États ne sont pas statiques et c’est pour cela, qu’il est nécessaire de déterminer comment les différents défis mondiaux influent sur les différents traités établis lors de la Convention de Vienne de 1969, a-t-il souligné.  Les conclusions préliminaires du Président du Groupe d’étude montrent que leur publication dans le rapport de la CDI serait positive pour tous.  Il s’est également déclaré prêt à appuyer les modifications des méthodes de travail, si cela est proposé. 


Pour ce qui est du travail réalisé par le Groupe d’étude sur la question de « la clause de la nation la plus favorisée », le représentant du Mexique a encouragé le Groupe d’étude pour qu’il termine ses travaux au cours des prochaines sessions.  « Nous considérons que le Groupe d’étude aide à mieux comprendre les divergences de vues qui existent dans la jurisprudence sur cette question ».  Il s’est par ailleurs déclaré favorable à ce que l’équilibre de la portée des clauses soit respecté.  Enfin, le représentant s’est estimé en accord avec la Commission du droit international sur le fait que le Groupe d’étude produise un rapport dans lequel il présente les tendances actuelles dans l’application de la clause de la nation la plus favorisée. 


M.  EDUARDO FERRERO COSTA (Pérou) a partagé divers aspects et réflexions contenus dans les rapports élaborés par le Rapporteur spécial sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Les conclusions auxquelles parviendra la CDI, à la fin de son étude sur ce thème, devront absolument trouver un appui en droit international contemporain, a souligné le représentant.  En vue d’une étude pertinente et complète de cette question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il est fondamental de veiller à la fois à garantir le respect des immunités et à renforcer la nécessité de lutter contre l’impunité, a-t-il dit.  Pour le Pérou, « l’immunité, n’implique pas l’exonération pénale de l’individu », a-t-il rappelé.  Il est utile, a-t-il ajouté, de distinguer la responsabilité de l’État et la responsabilité de l’individu.  Dans le cadre d’affaires impliquant des représentants de l’État, pour actes graves, la question de l’immunité doit être réglée au plus tôt, entre les États, par la voie diplomatique et toute renonciation expresse à l’immunité doit être irrévocable, a soutenu le délégué.  Le représentant s’est exprimé sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre, en soulignant la position péruvienne de voir utiliser le terme d’« obligation » à la place de « principe ».  Tout en reconnaissant l’intérêt des propositions d’articles du Rapporteur spécial, il a émis des doutes sur le contenu du projet d’article 2.1 relatif au « devoir de coopérer ».  Ce projet d’article semble restreindre « le devoir de coopérer bien établi dans divers domaines du droit international », a-t-il fait remarquer, avant d’appeler la CDI à examiner l’impact des normes du jus cogens sur le principe aut dedere aut judicare.  


M. JEAN-CÉDRIC JANSSENS DE BISTHOVEN (Belgique), s’exprimant tout d’abord sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, a déclaré que la Belgique était d’avis que la Commission du droit international devrait remplir son mandat statutaire de « promouvoir le développement progressif du droit international et sa codification ».  La Commission doit traiter la question de l’immunité de juridiction tant de lege lata que de lege ferenda, a-t-il précisé.  À cet égard, il conviendrait, dans un premier temps, que la Commission identifie les règles existantes du droit international, ce qui lui permettrait, par la suite, de se concentrer sur les points encore controversés de la matière pour dégager les lignes d’un développement progressif du droit.  Il a indiqué que ce développement progressif pourrait porter sur la question de l’étendue et des modalités de l’immunité ratione personae en droit international.  Il a rappelé que l’immunité de juridiction pénale est traditionnellement reconnue aux chefs d’État et de gouvernement ainsi qu’aux ministres des affaires étrangères.  Le représentant a considéré, s’agissant des immunités de juridiction à d’autres gouvernants et d’autres agents de l’État, que celles-ci ne devraient leur être reconnues que dans les conditions prévues par les conventions accordant des immunités aux représentants de l’État, à savoir les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et les relations consulaires de 1963, et pour les États parties à la Convention sur les missions spéciales de 1969. 


Le représentant a souligné que le droit international conventionnel écartait clairement l’immunité des gouvernants qui ont commis le crime de génocide, et que les statuts des juridictions pénales internationales écartaient toute immunité de juridiction pénale des gouvernants accusés de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre.  Il a également fait une observation sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre, rappelant que cette question était au cœur du différend qui oppose son pays au Sénégal et que ce différend est sub-judice (Cour internationale de Justice, « Questions concernant l’obligation de poursuivre ou de juger, Belgique c/ Sénégal »).  Il a déclaré que la Belgique, par déférence pour la Cour, s’abstiendra de répondre aux questions posées, tout en faisant référence aux réponses fournies à la Commission aux questions soulevées dans le rapport des travaux de la cinquante-neuvième session sur ce thème et qui portent sur la nature coutumière de l’obligation d’extrader ou de poursuivre. 


Mme EWA MALYS (Pologne) a d’abord indiqué que son pays partageait l’opinion exprimée par le Rapporteur spécial dans son second rapport sur la question de la portée de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, selon laquelle cette question relevait des relations mutuelles et des relations entre les institutions chargées de l’immunité des représentants de l’État, les juridictions à compétence universelle et l’obligation d’extrader ou de poursuivre.  « Nous sommes d’accord avec le Rapporteur spécial concernant l’interdépendance entre ces trois institutions, ainsi que les différences et les similitudes qui existent entre elles », a-t-elle déclaré. 


Revenant ensuite sur le thème de l’« obligation d’extrader ou de poursuivre », la représentante a salué le travail du Rapporteur spécial qui, pour la première fois cette année, a formulé de nouveaux éléments à travers des projets d’articles concernant le devoir de lutter contre l’impunité.  Elle a indiqué que la Pologne soutenait la position du Rapporteur spécial et d’une majorité d’États qui reconnaissent que les États ont effectivement cette obligation et que des dispositions sur le devoir de coopérer devraient être ajoutées aux projets d’articles sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre. Faisant référence au Statut de Rome, la représentante a souligné que les trois catégories des crimes définis dans l’article 5 et créant une obligation d’extradition ou de poursuite, pourraient être reconnues comme une bonne base pour les travaux de la CDI sur l’obligation de poursuivre ou d’extrader. 


Passant ensuite au thème des « traités dans le temps », la représentante a proposé que la Commission du droit international donne la priorité à la compilation des décisions des juridictions nationales, même si ce sujet ne sera traité qu’ultérieurement, après avoir examiné d’autres aspects de la question, comme la pratique des organisations internationales.  Les décisions des juridictions nationales peuvent être considérées comme faisant partie intégrante de la pratique des États, a-t-elle souligné, avant de conclure en appelant la Commission à demander aux États Membres de transmettre les informations sur les décisions de leurs juridictions liées aux accords et pratiques ultérieures dans le contexte de l’interprétation des traités. 


Mme CATHERINE QUIDENUS (Autriche) a souligné que sa délégation accordait une grande importance à la question de « l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », en faisant remarquer que les États étaient de plus en plus confrontés à des affaires dans lesquelles l’immunité était invoquée.  Le droit international actuel ne fournit pas de réponses complètes à ces questions.  Il est donc essentiel que la Commission du droit international examine cette question en priorité, a-t-elle déclaré.  La représentante a estimé que la Commission devrait tout d’abord se concentrer sur l’identification des règles existantes.  Elle pourrait ensuite proposer des règles de lege ferenda afin de tenir compte de l’évolution du droit international.  Il faudrait aussi déterminer les représentants des États qui peuvent bénéficier de l’immunité absolue.  « Nous partageons la position exprimée par la Cour internationale de Justice en 2002, selon laquelle les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres de affaires étrangères bénéficient d’une immunité absolue ».  La représentante a déclaré que la troisième question est de savoir quels sont les crimes exclus d’immunité.  À cet égard, la représentante de l’Autriche a fait sienne la solution proposée par l’Institut de droit international dans la résolution qu’elle avait adoptée à Vancouver en 2001 et qui reconnaît l’immunité tout en proposant qu’elle soit levée lorsque les chefs d’État sont susceptibles d’avoir commis des crimes graves.  S’agissant des travaux de la CDI sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre, la déléguée a rappelé la pratique en vigueur dans son pays.  « Pour nous, cette obligation n’existe pas en droit coutumier international, cette obligation ne peut dériver que des traités ou de la loi nationale », a-t-elle souligné.  « Pour ces raisons, la représentante de l’Autriche a des difficultés avec le projet d’article 4 qui fait référence au droit international coutumier ».  Elle a souligné l’utilité de la structure donnée sur ce sujet par le Groupe de travail, en 2009, qui a soulevé des questions d’un grand intérêt pour les États, a-t-elle conclu.  


M. MARTIN HUTH (Allemagne) a salué l’approche équilibrée du Rapporteur spécial qui a mis l’accent sur le de lex lata et sur les pratiques pertinentes des États, des organisations internationales et des cours internationales.  S’agissant du mandat de la Commission du droit international, il est clair que cette question relève de la « codification » et non du « développement progressif » du droit international.  La sensibilité du sujet interdit notamment d’établir des règles en contradiction avec ce que les États jugent nécessaires pour la conduite des relations internationales.  Toutefois, l’Allemagne « rejette » le point de vue selon lequel l’immunité conduit inévitablement à l’impunité.  Certes, la lutte contre l’impunité revêt une importance fondamentale.  M. Huth a souligné que les actes criminels de représentants de l’État étrangers n’étaient pas couverts en soi par l’immunité.  En droit pénal, ces représentants sont pleinement responsables devant les lois de leurs propres États.  L’exercice de leur juridiction par les États ou la levée de l’immunité sont des instruments importants dans la lutte contre l’impunité et les États devraient être encouragés à les utiliser.  Dans les cas extrêmes où ces mécanismes traditionnels ne fonctionnent pas, il faut adopter une « approche prudente », notamment à travers les juridictions internationales, comme la Cour pénale internationale, a souhaité le représentant.  Il a ensuite souligné la pertinence de la question de l’immunité ratione personae.  Le représentant de l’Allemagne s’est dit convaincu que le sujet des « traités dans le temps » prendra une grande importance dans les travaux de la Commission.  À cet égard, a-t-il suggéré, il faut clarifier le rôle de l’accord et de la pratique ultérieure concernant les traités, car un grand nombre de traités internationaux qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux ne peuvent pas être amendés facilement.  Les travaux de la CDI dans ce domaine sont fondamentaux pour établir des critères permettant d’assurer une interprétation claire. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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