Les délégations de la Sixième Commission soulignent l’importance de la compétence universelle dans la lutte « contre l’impunité des auteurs de crimes graves »
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Sixième Commission
12e & 13e séances – matin & après-midi
LES DÉLÉGATIONS DE LA SIXIÈME COMMISSION SOULIGNENT L’IMPORTANCE DE LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE DANS LA LUTTE
« CONTRE L’IMPUNITÉ DES AUTEURS DE CRIMES GRAVES »
La Suisse, appuyée par d’autres délégations, propose le renvoi de cette question à la Commission du droit international
Si le principe de compétence universelle demeure un outil crucial pour combattre l’impunité et renforcer la justice internationale, son usage ne saurait se faire de façon abusive, ont souligné, aujourd’hui, les délégations de la Sixième Commission (chargée des questions juridiques), à l’occasion de l’examen de la question de « la portée et de l’application dudit principe ».
C’est dans leur majorité que les intervenants ont soutenu que la compétence universelle, qui se veut extraterritoriale, ne devrait être invoquée que lorsque la compétence nationale ne pouvait être exercée. Dans ce contexte, ont-t-ils expliqué, la compétence universelle doit permettre de poursuivre et de sanctionner les auteurs des crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de génocide, ainsi que les actes de piraterie. « Nier la compétence universelle, c’est promouvoir des zones de non-droit dans le monde », a estimé la délégation d’El Salvador.
Le représentant de la Belgique a rappelé que la compétence des juridictions nationales sur les violations graves du droit international humanitaire trouvait son fondement dans les Conventions de Genève de 1949. L’exercice de la compétence universelle doit se faire de façon responsable et de bonne foi, ont insisté les intervenants. L’ensemble des délégations africaines ont dénoncé « l’abus constaté dans l’exercice de cette compétence, qui semble ne viser que des dirigeants africains ». Toutes ont appelé à mettre fin à la « politisation » du principe, et ont réitéré leur demande pour établir un moratoire sur les procédures judiciaires en cours, jusqu'à ce que toutes les questions juridiques et politiques aient été minutieusement examinées.
L’imprécision qui continue de caractériser la notion de compétence universelle a également été relevée par les délégations qui se sont exprimées tout au long de la journée. « Les ambiguïtés qui sont attachées au principe créent de sérieux malentendus qui, s’ils devaient persister, risqueraient d’entraver sa bonne application », a averti le représentant du Sénégal. Comme d’autres, il a insisté sur l’urgence de définir la notion, et sur la nécessité d’établir des règles claires susceptibles de régir son application. Certains ont même souligné l’intérêt d’établir une liste des infractions relevant de cette compétence universelle.
Enfin, peu convaincues des progrès faits à ce jour sur la question de la compétence universelle au sein de la Sixième Commission, certaines délégations, comme celle de l’Irlande, ont appuyé la proposition de la Suisse de renvoyer l’examen de cette question à la Commission du droit international, compte tenu de la nature juridique et des particularités techniques de la compétence universelle. « Les États disposeraient ainsi d’une meilleure base de discussions », a indiqué le représentant de la Suisse, qui a rappelé que la « Commission est déjà saisie d’une autre question qui est étroitement et inextricablement liée à la compétence universelle: l’obligation d’extrader ou de poursuivre ».
La Sixième Commission poursuivra ses travaux vendredi, 14 octobre à partir de 10 heures. Elle examinera le Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international.
PORTÉE ET APPLICATION DU PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE (A/66/93, A/66/93/ADD.1 ET A/RES/65/33)
Débat général
M. ESMAEIL BAGHAEI HAMANEH (République islamique d’Iran), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a réitéré son appel pour une réflexion approfondie sur la question de la portée du principe de compétence universelle afin de prévenir tout recours inapproprié et limiter son application. Il a souligné être profondément convaincu que les principes de la Charte des Nations Unies, notamment les principes de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État doivent être respectés. « L’immunité des autorités d’un État est un principe essentiel », a-t-il rappelé. Le représentant s’est déclaré alarmé par le recours à l’application de la compétence universelle à l’encontre des dirigeants des États car, a-t-il prévenu, elle risque de menacer la souveraineté des États concernés.
M. OCTAVIOERRÀZURIZ (Chili), s’exprimant au nom du Groupe de Rio, a réitéré l’importance que son Groupe accorde à la question de la compétence universelle, laquelle, a-t-il dit, concerne tous les États Membres. Le Groupe de Rio estime que toute étude du sujet doit être menée sous l’angle du droit international, comme le fait la Sixième Commission. « Nous sommes aujourd’hui, dans nos discussions, à une étape qui exige un examen approfondi sur les règles de droit international applicables », a dit le délégué. Le Groupe de Rio, a-t-il souligné, rappelle que « la compétence universelle » est une notion de droit qui doit être invoquée à titre exceptionnel pour combattre l’impunité et renforcer la justice internationale ». Elle ne peut être définie et appliquée qu’en vertu du droit international, a ajouté le représentant, qui a estimé qu’il ne faudrait pas confondre la compétence universelle avec l’exercice de la compétence de la Cour pénale internationale, ni avec l’obligation d’extrader. Il s’agit de compétences juridictionnelles différentes, mais complémentaires. Il a également souhaité que le Groupe de travail chargé de la question examine les différents sous-thèmes, notamment celui du régime juridique des immunités dans le cadre du droit international.
Mme SUE ROBERTSON (Australie), s’exprimant également au nom du Canada et de la Nouvelle-Zélande (Groupe CANZ), s’est félicitée de pouvoir participer au dialogue sur la question de l’étendue de l’application de la compétence universelle qui doit être considérée comme un mécanisme important dans le cas où l’État n’est pas disposé à exercer sa juridiction. Le Groupe CANZ attend avec intérêt de pouvoir travailler avec les autres membres de la communauté internationale pour définir cette question de juridiction universelle importante, dont le but ultime est de s’assurer que les auteurs des crimes internationaux les plus graves ne restent pas impunis.
M. SAID AL BENALI (Qatar), au nom du Groupe des États arabes, a rappelé l’importance du principe de compétence universelle pour juger et prononcer des peines contre les auteurs de crimes graves. Le droit international, a-t-il rappelé, a toujours établi qu’il revient à l’État sur le territoire duquel a été commis un crime d’engager les poursuites contre l’auteur de cet acte. La compétence universelle vient en complément de la compétence de l’État, afin d’empêcher tout auteur de bénéficier de l’impunité pour un crime grave. Le délégué a ensuite estimé qu’il serait nécessaire d’établir des limites à l’application de la compétence universelle. « Il faut trouver le juste équilibre entre la souveraineté des États et la nécessité de lutter contre l’impunité », a-t-il insisté. Les États arabes, a encore dit le représentant, notent que seuls des dirigeants africains sont le plus souvent poursuivis, sur la base de la compétence universelle, alors que d’autres dirigeants pourraient également être visés. L’exercice de cette compétence universelle ne doit pas servir contre une seule catégorie de responsables, a-t-il fait observer avant de conclure.
M. MACHARIA KAMAU (Kenya), qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique, a déclaré que les États africains reconnaissaient le principe de compétence universelle, notamment en ce qui concerne les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité. Il a exhorté la communauté internationale à adopter des mesures pour arrêter d’utiliser le principe de compétence universelle à des fins de manipulation politique. En outre, le représentant a réitéré l’appel des Chefs d’État africains pour imposer un moratoire sur les mandats d’arrêts et les poursuites contre les Chefs d’État africains et autres officiels de haut rang, jusqu’à ce que les discussions au niveau des Nations Unies soient conduites et que les recommandations pertinentes aient été prises.
M. MOHAMED SELIM (Égypte) s’est félicité du fait que le principe de compétence universelle permettait de poursuivre les auteurs d’infractions pénales graves. Cependant, face à tout crime, a-t-il soutenu, le principe de territorialité des poursuites reste de mise et bien établi. La compétence universelle vient donc compléter les lacunes de cette compétence, afin de lutter contre l’impunité. L’Égypte, a dit son délégué, encourage à une application responsable du principe, c’est-à-dire en privilégiant par exemple son usage pour les crimes contre l’humanité. L’application doit également être faite en ayant à l’esprit les relations amicales entre les États. Il a poursuivi en rejetant la sélectivité que l’on constate aujourd’hui dans l’application de ce principe. C’est dans ce contexte qu’il a partagé l’inquiétude exprimée par le Groupe des États d’Afrique sur les incidences politiques et juridiques de l’abus de l’utilisation du principe de compétence universelle, qui semble ne viser que les dirigeants africains. « La compétence universelle doit être exercée de bonne foi et en conformité avec les autres règles de droit international », a conclu le représentant.
M. NIKOLAS STÜRCHLER (Suisse) a noté que la lutte contre l’impunité ne pouvait aboutir sans une responsabilisation des États à qui il revient d’enquêter et de poursuivre les auteurs présumés de crimes internationaux. Il a noté qu’à la suite de la mise en œuvre du Statut de Rome, la Suisse avait procédé à des modifications de son Code pénal qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2011. Le représentant a rappelé que la Commission du droit international (CDI) examinait une autre question étroitement liée à la compétence universelle, celle de l’obligation d’extrader ou de poursuivre. Afin d’éviter tout chevauchement ou développement parallèle de ces questions, il a souligné qu’il serait souhaitable que le Groupe de travail tienne compte des questions abordées par la CDI.
Mme ANNIKEAN ENERSEN (Norvège) a estimé que le consensus contre l’impunité était l’une des principales réussites du droit international, dans un contexte de renforcement de la coopération internationale, des institutions et des mesures prises pour garantir que les coupables de crimes graves soient traduits en justice. À cet égard, l’importance du principe de compétence universelle en tant qu’outil contre l’impunité devrait être pleinement reconnue, a-t-elle dit, en appelant la Sixième Commission à adopter une approche prudente pour s’assurer que le débat sur la question ne soit pas contreproductif. Malgré les divergences de vues sur la portée de la compétence universelle, de nouveaux traités, des expériences pratiques des États et des études universitaires lui apportent davantage de clarté et de substance, a poursuivi la représentante. Elle a estimé qu’il serait peu sage de chercher un consensus sur une liste de crimes auxquels la compétence universelle s’appliquerait, et rappelé que comme tout principe juridique, cette dernière ne devrait pas être utilisée à des fins politiques. Mme Enersen a enfin souhaité que la question d’immunité ne soit pas évoquée dans le cadre des débats sur le principe de compétence universelle. La question de l’immunité comme obstacle à l’examen d’une affaire par un tribunal sur le fond ne peut être soulevée qu’une fois que ce tribunal a établi sa compétence, a-t-elle rappelé. En outre, cette question concerne tout type de compétence, et non seulement la compétence universelle, a-t-elle dit, en rappelant que l’immunité des représentants de l’État avait déjà été discutée par la Commission du droit international.
Mme ANA CRISTINA RODRIGUEZ-PINEDA (Guatemala) a dit attendre du Groupe de travail sur ce thème, qu’il parvienne à donner ou à proposer une définition de la notion de compétence universelle. Les compilations faites par le Secrétaire général dans son rapport donnent des éléments pour y parvenir. La représentante a suggéré d’établir une liste des infractions relevant de la compétence universelle. De même, il faudrait préciser le rôle des tribunaux internes en matière d’application de la compétence universelle. La représentante a estimé qu’il était urgent de renforcer la coopération entre États pour assurer l’exercice efficace de la compétence universelle, notamment en matière d’enquête, d’extradition et éventuellement pendant le déroulement du procès. En dépit des travaux menés au cours de ces dernières années, la question de la compétence universelle demeure encore au stade préliminaire. Le Groupe de travail devrait accélérer ses travaux en s’attelant, par exemple, à élaborer un projet de résolution sur la question. Cependant, si ces travaux ne progressent toujours pas, peut-être serait-il préférable d’envisager de renvoyer ce point à l’étude à la Commission du droit international, avant de la reprendre à des sessions ultérieures au sein de la Sixième Commission, a proposé la représentante.
M. JUAN JOSE QUINTANA (Colombie) a déclaré que la notion de compétence universelle signifie l’autorité que détient un État en vertu du droit international de mettre fin à l’impunité d’actes graves commis par un individu. La compétence universelle est donc une notion de droit pénal. Il a souligné que l’extension de la compétence internationale est une option et non pas une obligation. La compétence universelle se distingue de la compétence complémentaire de la Cour pénale internationale (CPI).
M. JOAQUIN A. MAZA MARTELLI (El Salvador) s’est félicité de ce que la compétence universelle donne l’opportunité à la communauté internationale d’empêcher les auteurs d’infractions graves de bénéficier d’une impunité. « Nier la compétence universelle, c’est promouvoir des zones de non-droit dans le monde », a-t-il affirmé. En El Salvador, ce principe a été déjà accepté dans le Code pénal. Ainsi, les tribunaux pénaux nationaux peuvent enquêter sur certaines infractions, quel que soit le lieu où elles ont été commises et quelle que soit la nationalité de leurs auteurs ou de leurs victimes. Le représentant a ensuite insisté sur la nécessité, au cours de l’étude, de veiller à ce que la même affaire soit jugée deux fois. L’obligation d’indemniser doit être aussi envisagée dans l’étude de cette question, car les personnes victimes et lésées doivent se voir restituer leur droit.
M. GONZALO BONIFAZ (Pérou) s’est associé à la déclaration du Chili, faite au nom du Groupe de Rio et à celle de la République islamique d’Iran, faite au nom du Mouvement des pays non alignés. Le représentant a formulé un certain nombre de remarques d’ordre méthodologique, en estimant notamment qu’il faut éviter d’imposer l’application de la compétence universelle à des cas en particulier ou d’assumer que certaines régions seulement pourraient être visées par l’application du principe de compétence universelle. Le représentant a estimé en outre qu’il était souvent difficile pour les États de fournir les informations qui leur sont demandées car ces États n’ont bien souvent pas de base de données. Il a estimé que la compétence universelle doit chercher ses sources dans le droit coutumier. Le Pérou entend participer et contribuer activement à la discussion sur ce thème, a indiqué son représentant.
M. LESTER DELGADO SÁNCHEZ (Cuba) a indiqué qu’en vertu des Conventions de Genève de 1949, les États ont l’obligation de poursuivre tout auteur d’une infraction grave qui se trouve sur leur territoire. Cuba rejette le recours à l’application de ce principe à des fins politiques, a-t-il dit. La portée et l’application du principe de compétence universelle devraient être avant tout déterminées dans le strict respect de la souveraineté et de la compétence nationales des États Membres, a-t-il estimé. Les principes consacrés par la Charte des Nations Unies, en particulier l’égalité souveraine et l’indépendance politique des États, ainsi que la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, doivent être scrupuleusement respectés lors des procédures judiciaires, a aussi souligné le délégué. Ce principe, a-t-il ajouté, ne doit pas s’appliquer en violation de l’immunité, accordée en vertu du droit international, aux Chefs d’État, diplomates et autres fonctionnaires de haut rang. Mettre de tels fonctionnaires en accusation, ou lancer contre eux des mandats d’arrêt sans tenir compte de l’immunité associée à leur fonction met en péril le principe d’égalité souveraine et d’indépendance des États. Il a par ailleurs dénoncé l’usage sélectif de la compétence universelle, en soulignant qu’« aucun État ne peut s’arroger le droit d’exercer cette compétence à chaque fois qu’il le juge nécessaire ». Si l’on veut qu’elles soient universellement acceptables, les règles internationales doivent préciser le type d’infractions pénales auquel s’applique la compétence universelle, et ainsi que le fondement juridique de cette application. Ces infractions pénales doivent se limiter aux crimes contre l’humanité, et le principe de compétence universelle ne devrait être invoqué que s’il a été prouvé qu’il n’existe aucun autre moyen de poursuivre les auteurs de ces crimes, a conclu le délégué.
M. DAFFA-ALLA ELHAG ALI OSMAN (Soudan) a pris note du rapport du Secrétaire général concernant l’application du principe de compétence universelle. Il a souligné que cette question n’est pas nouvelle, et qu’elle est discutée depuis fort longtemps. Dans le passé, elle était liée à la piraterie, mais certains sont tentés d’élargir son champ d’application, a-t-il remarqué. Le représentant a estimé que l’application du principe de compétence universelle a des incidences sur la souveraineté des États. La compétence universelle est complémentaire du rôle des tribunaux nationaux, a-t-il rappelé. Le représentant a estimé que l’application de la compétence universelle était sélective, en regrettant que pour certains, cela permettait de réinterpréter les décisions rendues par certaines juridictions en vertu du droit coutumier. L’application de cette compétence universelle par certains États pourrait donner lieu à une violation de l’immunité. Pour ces raisons, certains pays africains ont rejeté le recours à la compétence universelle, convaincus que son application par certains États était trop stricte.
Mme YANIT HABTEMARIAM (Éthiopie) a dénoncé le recours à la compétence universelle pour poursuivre des dirigeants africains. La compétence universelle, reconnue par le Code pénal éthiopien, a-t-elle dit, doit permettre de juger les auteurs de crimes graves, comme les crimes contre l’humanité. La représentante s’est aussi inquiétée de l’absence de définition claire de la notion de compétence universelle, avant d’insister sur la nécessité d’établir une liste des infractions relevant de cette compétence universelle. Il faut trouver un équilibre entre la nécessité de poursuivre en justice les auteurs de crimes graves et celle d’éviter toute application du principe de compétence universelle à des fins politiques, a-t-elle insisté. Les États Membres doivent aussi tenir compte des immunités dont jouissent les dirigeants des États. L’exercice de cette compétence universelle, qui n’est pas conforme au droit international risque d’affaiblir le fondement même de ce principe, a-t-elle averti.
M. IGOR A. PANIN (Fédération de Russie) a noté que la notion de compétence universelle a des contours flous. Il a tenu à noter particulièrement qu’il faut faire une différence nette entre l’exercice de la compétence universelle, à proprement parler, pour traduire des personnes coupables d’avoir commis des crimes en vertu du droit international. Constatant qu’il n’y ait eu l’année dernière que peu de nouvelles idées concernant ce sujet, il a cependant remarqué avoir cette année une nouvelle dose de documents importants. Selon lui, cela montre surtout le large éparpillement des avis de la communauté internationale. L’exercice de la compétence universelle doit se conformer aux normes du droit international coutumier, a-t-il déclaré. Le représentant a estimé qu’il faudrait veiller à ce que les travaux sur ce thème ne fassent pas double emploi avec ceux de la Commission du droit international (CDI).
M. ZÉNON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a constaté que seule une infime minorité de pays ont, à ce jour, inscrit dans leur cadre juridique le principe de compétence universelle. Il a noté que le principe avait souvent été appliqué de façon abusive. Il faut aller vers une étude qui définisse des règles claires susceptibles de régir l’application du principe, l’exploitation des moyens de nature à garantir l’universalisation de l’application du principe, et l’assurance de la conformité des règles à définir avec les règles générales du droit international coutumier, a-t-il insisté. Il est certes bon que les États exercent leur compétence universelle pour ne pas laisser impunis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou encore de génocide. La République démocratique du Congo (RDC) estime cependant qu’il existe des préalables sur lesquels un consensus est nécessaire pour faciliter l’exercice sans heurt de cette compétence, a dit son délégué.
Il a ainsi fait remarquer que l’obligation d’« extrader ou poursuivre » énoncée dans certains traités multilatéraux ne devait pas être considérée comme une panacée dont l’application pourrait servir de remède aux faiblesses et défaillances dont souffre depuis longtemps l’extradition. Le faire, reviendrait à abuser du principe de compétence universelle, a-t-il estimé. De plus, de nombreux États n’ont pas encore introduit les dispositions nécessaires à l’incrimination et à la poursuite des crimes internationaux, ce qui complique encore la coopération entre États, a déclaré le délégué. Si chacun des 193 États qui composent aujourd’hui les Nations Unies exerce la compétence universelle, « il ne pourrait en résulter qu’une monstrueuse cacophonie », a-t-il dit. Par ailleurs, la question des immunités reconnues aux responsables d’État rend encore plus complexe l’application du principe, a-t-il ajouté. C’est dans ce cadre qu’il a affirmé que, pour son pays, l’arrêt rendu le 14 février 2002 par la Cour internationale de Justice (CIJ) -dans l’affaire « RDC contre la Belgique »- allait durablement marquer l’évolution du droit de notre temps.
M. ZWELETHU MNISI (Swaziland) a déclaré que le principe de compétence universelle avait un aspect de « Docteur Jekyll et Mister Hyde » qui peut changer le visage du droit international. Il a proposé une nouvelle expression « la justice et la responsabilité ». Il a réitéré la position exprimée par sa délégation lorsque le débat a commencé en 2009 en ce qui concerne la question des privilèges et immunités de hauts fonctionnaires qui se trouvent en ligne de mire. « La poursuite contre un représentant d’un État est égale à la mise en accusation de ce même État », a-t-il dit, en se demandant s’il existait un crime plus grave qu’une violation de la Charte de l’ONU. « Nous n’excuserons jamais les violations du droit international mais nous ne tolèrerons pas non plus l’abus délibéré du système judiciaire international », a-t-il conclu.
Pour M. JEAN-CÉDRIC JANSSENS DE BISTHOVEN (Belgique), la compétence universelle représente un outil essentiel à la disposition des États pour la poursuite des crimes les plus graves, dont notamment les violations du droit international humanitaire. En vertu des Conventions de Genève de 1949, la compétence universelle est au demeurant obligatoire pour tous les États: elle les oblige à disposer d’une législation pénale qui leur permette de juger les auteurs présumés d’infractions graves au droit international qui se trouvent sur leurs territoires, quelque soit leur nationalité ou le lieu de leur crime.
La Belgique, a dit M. De Bisthoven, estime que le rapport du Secrétaire général confirme les éléments de convergence entre les États qui avaient déjà été identifiés. Ainsi, en ce qui concerne la finalité de la compétence universelle, de nombreux États soulignent que celle-ci s’exerce dans l’intérêt de la communauté internationale pour lutter contre l’impunité de certains crimes de droit international comme, par exemple, les violations graves du droit international humanitaire. Une communauté de vue s’exerce également en ce qui concerne le fait que le principe de compétence universelle s’exerce sans préjudice des règles de droit international, notamment celles relatives aux immunités internationales. Le Groupe de travail mis en place devrait permettre d’identifier, par exemple, les crimes visés, le respect des immunités diplomatiques ou encore la relation entre la compétence universelle et le principe autdedere aut judicare, a par ailleurs souhaité le délégué.
Mme KABANDA LOPA CHILEKWA (Zambie) s’est associée à la déclaration faite par la République islamique d’Iran et le Kenya. Tout en reconnaissant la valeur de l’application d’une compétence universelle en cas de crimes haineux et, notamment, en cas de crimes de guerre, génocide, piraterie et torture, la représentante de la Zambie s’est dite préoccupée par le recours abusif à l’application de la compétence universelle. Elle s’est déclarée confiante que la présente session fournira aux États Membres une opportunité de faire des progrès substantiels dans la définition de l’application et la portée de la juridiction universelle.
Mme GLENNA CABELLO DE DABOIN(Venezuela) a défendu l’application de la compétence universelle, sans porter atteinte à la souveraineté des États, et en respectant le principe de non-ingérence. La compétence universelle doit être analysée avec soin, afin de veiller à ce que les normes de droit international soient respectées, a-t-elle déclaré, en rappelant que le principe est fondé sur la volonté de sanctionner les auteurs de crimes graves odieux. Le principe de compétence universelle ne doit pas être confondu avec l’obligation d’extrader, a-t-elle souligné. Ce principe doit également être appliqué, en ayant à l’esprit les immunités dont jouissent certaines autorités, a-t-elle ajouté. Après avoir salué la mise en place du Groupe de travail sur le sujet, elle a souhaité que les travaux qu’allait entreprendre ce dernier ne soient pas « politisés ».
M. FARHANI AHMAD TAJUDDIN (Malaisie) a noté qu’il existait un accord général sur le fait que les crimes qui représentent les préoccupations les plus sérieuses au plan international, à savoir le génocide, la torture, les crimes de guerre et la piraterie, soient soumis à la compétence universelle du fait de leur nature odieuse. Au-delà de ces paramètres bien établis, les explications fondées sur le droit international en faveur d’une extension de cette catégorie de crimes restent floues, a affirmé le représentant. S’agissant de la piraterie, il a ensuite relevé que la plupart des États qui avaient soutenu une compétence pénale extraterritoriale l’avaient fait sur d’autres bases de compétence, territoriale et nationale.
La Malaisie réitère que mises à part les Conventions de Genève de 1949, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, il est erroné d’affirmer que la compétence universelle est établie par un traité sans formulation expresse à cet égard. Par ailleurs, la Malaisie insiste sur le fait que le principe de compétence universelle ne doit pas être confondu avec le principe aut dedere aut judicare. Ce principe opère, dans le cadre des traités criminels internationaux, comme une obligation d’un traité pour les États parties qui exige d’un État partie sur le territoire duquel se trouve un criminel de le poursuivre et de l’extrader, a expliqué le représentant. Les États doivent aussi garder à l’esprit les principes directeurs qui ont permis sa reconnaissance, a précisé le représentant, en soulignant que le noble but poursuivi était celui d’un mécanisme de prévention efficace et d’éradication de tous les crimes les plus graves sur le plan international dirigés contre l’humanité, et de rendre justice aux victimes.
M. FARID DAHMANE (Algérie) a rappelé que le principe de la compétence universelle était une préoccupation qui avait fait l’objet de décisions claires adoptées par l’Union africaine. Le principe de la compétence universelle ne peut constituer qu’un ultime recours contre l’impunité, a-t-il déclaré. La délimitation de la portée de l’application du principe de la compétence universelle doit se faire au regard de la nature des crimes et infractions. La piraterie est le crime sur lequel un large accord semble se dégager quant à l’application du principe de compétence universelle. Cet accord est également partagé par les États Membres en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, de génocide et d’esclavage, a-t-il ajouté. Le représentant a demandé qu’un effort supplémentaire soit fait quant à la délimitation de la compétence universelle, notamment s’agissant des modalités de sa mise en œuvre. Il a souligné qu’un mécanisme examinant les situations de recours abusifs à la compétence universelle méritait l’attention.
M. ABDOU SALAM DIALLO (Sénégal) a souligné que les controverses dans la doctrine et dans la pratique concernant l’application du principe de compétence universelle montraient l’importance des divergences de vues qu’il crée. Une compréhension commune de cette notion, basée sur une approche visant à repréciser ses fondements et définir clairement sa portée, son champ d’application et ses limites, est donc plus que nécessaire, a-t-il estimé. Le représentant a assuré qu’il ne s’agissait pas de rejeter le principe de compétence universelle, dont le but est de combattre l’impunité, mais de veiller à son application crédible et valide. Les ambiguïtés qui caractérisent ce principe sont sources à de sérieux malentendus qui, s’ils devaient persister, risqueraient d’entraver sa bonne application, a-t-il insisté. « Nous ne pouvons faire fi d’autres principes importants du droit international, comme les compétences territoriale, personnelle et réelle », a-t-il dit, en dénonçant les considérations politiques et la pratique des « deux poids, deux mesures » qui dénaturent la doctrine concernant le principe de compétence universelle et l’éloignent de son objectif.
M. OLIVIER NDUHUNGIREHE (Rwanda) a indiqué que son pays n’était pas opposé au principe de compétence universelle. La compétence universelle, principe subsidiaire à celui de la compétence territoriale, est « un instrument important pour lutter contre l’impunité, notamment pour le crime de génocide dont le Rwanda a souffert », a-t-il rappelé. Cependant, le problème réside dans son usage abusif, souvent pour des motifs politiques. S’adressant aux délégations, M. Nduhungirehe s’est demandé si l’on pouvait accepter qu’un juge d’instruction européen, dont la fonction exige pourtant d’instruire à charge et à décharge, choisisse uniquement d’entendre des opposants politiques et autres témoins à charge, sans même chercher à enquêter sur les lieux du crime. Peut-on accepter que ce juge ignore les condamnations prononcées par les juridictions nationales sur les mêmes affaires et qu’il ouvre de nouvelles investigations sur ces cas, en violation flagrante du principe de non bis in idem? Tels sont les signes de l’abus de la compétence universelle que le Rwanda ne cesse de dénoncer, a-t-il dit. À l’instar du Groupe des États d’Afrique, le représentant a appuyé l’instauration d’un moratoire sur les mandats d’arrêt abusivement lancés par des États non africains contre des autorités des pays d’Afrique. Ce moratoire serait en vigueur jusqu’à ce que les discussions engagées sur le plan international aboutissent à une conclusion définitive.
Mme FERNANDA MILLICAY (Argentine) a déclaré qu’il était universellement accepté que les crimes internationaux les plus graves ne puissent rester impunis. Elle a estimé qu’il faudrait garder à l’esprit qu’une compétence universelle sans limite pourrait mener à des conflits de compétence entre États et soumettre les individus à des procédures abusives ou motivées politiquement. Il y a aussi un risque que l’exercice imprudent de la compétence universelle puisse créer des frictions entre les États. « Cela pourrait être perçu comme un outil pour s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres États ou encore comme une compétence juridictionnelle hégémonique exercée par certains États développés contre des ressortissants de pays en développement », a-t-elle déclaré. Pour éviter des conclusions erronées, l’examen des traités internationaux et de la pratique interne doivent se faire en prenant en compte les différences entre la compétence universelle et le principe aut dedere aut judicare, a-t-elle conclu.
Mme ADY SCHONMANN (Israël) a noté que les observations variées fournies par les États et contenues dans le rapport du Secrétaire général reflétaient un large éventail de vues sur la notion, la substance et les règles procédurales relatives au principe de compétence universelle. Cette diversité de vues sur l’essentiel oblige les États Membres à poursuivre et à approfondir leur étude du principe, a estimé Mme Schonmann. Pour Israël, a-t-elle dit, le principe de compétence universelle demeure un outil fondamental pour la réalisation de l’état de droit. Elle s’est ensuite félicitée du fait que le Secrétaire général affirmait l’importance d’appliquer de façon appropriée et sous conditions, le principe de compétence universelle. « Nous sommes fermement convaincus que de telles limites et restrictions sont utiles pour s’assurer que le principe de compétence universelle est mis en œuvre de façon responsable », a précisé la représentante. C’est dans ce cadre qu’elle a appuyé l’idée de solliciter, au préalable, le consentement d’une autorité gouvernementale supérieure, avant de lancer une procédure fondée sur la compétence universelle. En Israël, une telle procédure existe. Toute mise en accusation basée sur l’extraterritorialité requiert l’approbation du procureur général, a-t-elle indiqué. Comme ses prédécesseurs, Israël a estimé que la compétence universelle était différente de l’obligation d’extrader ou de poursuivre. Évoquant l’action du Groupe de travail, elle a déclaré que celui-ci devrait d’abord s’atteler à la définition de la notion de compétence universelle avant de se pencher sur les questions connexes.
M. PETR VALEK (République tchèque) a déclaré que le débat général sur l’application et la portée de la compétence universelle devrait être laissé aux instances compétentes, à savoir la Commission du droit international (CDI). Ayant pris note de la décision de la Commission de le maintenir à l’ordre du jour cette année, il a néanmoins affirmé que son pays n’avait pas changé d’avis sur la question. Le représentant a estimé que l’ordre du jour de la CDI ne semble pas, de prime abord, aussi lourd que les années précédentes et qu’elle pourrait préparer une étude sur cette question.
M. PALITHA KOHONA (Sri Lanka), s’alignant sur la position exprimée par le Mouvement des pays non alignés, a déclaré que la substance de la notion de compétence universelle est toujours aussi floue malgré les années. L’application de cette notion et ses conséquences sur la souveraineté des États fait toujours débat. Le recours au principe de compétence universelle par certains pays de façon subjective et étroite n’est pas souhaitable, a-t-il estimé. « Toute décision concernant son application doit être prise par consensus », a-t-il estimé. Il faut tout d’abord épuiser tous les moyens existant au niveau national avant d’exercer cette compétence. Le principe de compétence universelle, s’il est utilisé à tort, peut mener à des procès très onéreux et très longs, a-t-il prévenu.
Mme GUO XIAOMEI (Chine) a appelé à définir clairement la portée et l’application du principe de compétence universelle, car cette situation de flou a des répercussions au plan international. La Chine estime que la notion de compétence universelle demeure, à ce stade des discussions, un simple exercice théorique. « Nous devons continuer à approfondir l’examen de cette question », a-t-elle dit. En attendant, la Chine estime qu’en matière de compétence universelle, les États peuvent exercer leur compétence sur les cas de piraterie, a dit Mme Xiaomei. En exerçant sa compétence universelle, l’État doit tenir compte des immunités reconnues, par le droit international, aux responsables des États, a souhaité la représentante qui a tenu à préciser que le principe de compétence universelle diffère de celui de l’obligation d’extrader. Elle a également dénoncé l’abus du recours à ce principe. Face au manque de clarté de la notion de compétence un universelle, à l’heure actuelle la délégation de la Chine suggère que les États cessent de recourir à son application, a suggéré Mme Xiaomei.
M. DIRE TLADI (Afrique du Sud), s’associant à la déclaration de la République islamique d’Iran faite au nom du Mouvement des pays non alignés, a déclaré que le principe de compétence universelle ne peut plus être considéré comme hégémonique. Il a regretté que de nombreuses questions restent en suspens. « L’immunité est une exception au principe, certes, mais qui est autorisé à en profiter et pour quels crimes? », s’est-il interrogé. « Est-ce que la nature du crime doit avoir un impact sur le statut de l’immunité ». Il a noté à cet égard les différences d’appréciation des juges de la Cour internationale de Justice. Le représentant s’est déclaré confiant dans le fait que la Sixième Commission sera capable de trouver des solutions pour sortir de l’impasse à laquelle nous nous trouvons actuellement, a-t-il conclu.
M. HILDING LUNDKVIST (Suède) a déclaré que la compétence universelle est un outil important dans « la lutte contre les crimes graves comme les crimes contre l’humanité ou le génocide ». Il est essentiel que l’état de droit prévale pour s’assurer que les auteurs de crimes graves soient poursuivis en justice, a-t-il indiqué. Il a ensuite proposé que la question soit traitée par la Commission du droit international (CDI) qui travaille déjà sur un sujet connexe, à savoir l’obligation d’extrader. Cette obligation d’extrader et le principe de compétence universelle sont étroitement liés, a-t-il dit. C’est pourquoi, la Sixième Commission doit renvoyer l’examen de la question de la compétence universelle à la CDI qui, de l’avis de sa délégation, est l’enceinte appropriée.
M. YUSRA KHAN (Indonésie) a déclaré que l’application du principe de compétence universelle est importante pour tous les États Membres qui recherchent des moyens pour mettre fin à l’impunité dans les cas de crimes relevant du droit international. Il a noté qu’en dehors de la notion de piraterie, il n’y avait pas de consensus sur la question du principe. Il a appelé à ce que la portée de la compétence universelle soit examinée de manière approfondie par un groupe de travail de la Sixième Commission chargé d’établir une définition claire de cette notion ainsi qu’une liste des crimes auxquels il s’applique. « Cela contribuerait considérablement à l’application objective et transparente de ce principe » a-t-il conclu.
Pour Mme MARIA TELALIAN (Grèce), la raison d’être de la compétence universelle est la nécessité de lutter contre l’impunité. Il s’agit, a-t-elle ajouté, d’un mécanisme complémentaire à la compétence territoriale, qui permet de juger les auteurs de crimes graves, notamment les crimes contre l’humanité. Cependant, l’application de ce principe doit se faire avec prudence et bonne foi. Elle doit aussi tenir en compte de l’égalité souveraine entre les États, a dit la déléguée. De plus, la compétence universelle ne devrait être engagée que lorsque l’État concerné en premier lieu par l’affaire ne peut poursuivre les auteurs présumés ou lorsqu’il ne s’y engage pas. Présentant le contexte national, Mme Telalian a expliqué que les tribunaux grecs ont compétence pour connaître de certains crimes commis à l’étranger, quels que soient l’auteur et le droit applicable. Aujourd’hui, le problème n’est pas le principe de la compétence universelle, mais les difficultés qui en découlent comme l’exercice de cette compétence à des fins politiques par certains États ou de l’immunité par d’autres États pour y échapper. Elle a conclu en appuyant l’idée de voir le thème être examiné au sein de la Commission du droit international qui étudie déjà la question de l’obligation d’extrader.
Mme ALEJANDRA QUEZADA (Chili) a déclaré que la profusion récente de législations dont le but est de déterminer quelle compétence est exercée, a créée une sorte de confusion juridique. « Le principe de compétence universelle ne doit s’appliquer qu’aux infractions pénales graves », a-t-elle estimé. La représentante a estimé que ce sont les tribunaux de l’État où le crime a été commis qui doivent engager les poursuites et juger le ou les auteurs de cet acte. En conséquence, elle a estimé que la compétence universelle ne peut pas être fondée uniquement sur la législation nationale des États. Les immunités reconnues par le droit international devraient être prises en compte et appliquées de manière compatible avec les valeurs défendues par la communauté internationale. Elle a conclu en exprimant la volonté de sa délégation de coopérer avec les autres délégations pour faire avancer le débat.
M. DOUGLAS WILSON (Royaume-Uni) a rappelé que l’objectif initial de la compétence universelle était de s'assurer que les auteurs des crimes internationaux les plus graves soient traduits en justice. Soulignant ensuite qu’elle avait été initialement mise en place pour un certain nombre de crimes spécifiques, dont le piratage, les violations graves des Conventions de Genève et certains crimes de guerre, il a estimé que les mécanismes de la justice internationale n’avaient jamais été conçus pour lancer des enquêtes et des poursuites sur tous les crimes relevant éventuellement de sa compétence. Dans ce contexte, les poursuites engagées devant les juridictions nationales continuent d’être une composante essentielle de la justice rendue aux victimes de crimes internationaux, et la possibilité de poursuites éventuelles dans un État tiers pourrait être un outil nécessaire et important afin de s'assurer que les auteurs de crimes graves n’échappent pas à la justice.
Compte tenu de la diversité des positions exprimées par les États, des lois et des juridictions nationales, la mise en place d’un mécanisme international, comme par exemple un accord multilatéral inclusif, pourrait s’avérer impossible, a-t-il poursuivi. Avant de souligner toutefois l’importance vitale de laisser la compétence universelle accessible aux États, comme un outil de lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves, après que l’opportunité d’y recourir ait été examinée de manière approfondie. C’est dans ce contexte que le Royaume-Uni a renforcé sa législation sur les mandats d’arrêt. Aujourd’hui, le Directeur des poursuites publiques doit donner son consentement quand un procureur privé souhaite délivrer un mandat d'arrêt en relation avec des crimes de la compétence universelle, a-t-il indiqué. Cet amendement législatif a permis de filtrer les recours abusifs à des poursuites, tout en continuant à lutter contre l’impunité.
Mme SARI MAKELA (Finlande) a déclaré que le principe de compétence universelle était un instrument important pour établir la responsabilité des auteurs de crimes graves. « Il est de la responsabilité des États que ceux qui sont coupables des crimes les plus graves soient traduits devant la justice », a-t-elle estimé. Le principe de compétence universelle n’est pas nouveau dans le droit pénal, a-t-elle fait remarquer. La portée de son application reste cependant sujette à débats, a-t-elle dit. Rappelant que les questions relatives aux immunités sont importantes, la représentante a estimé que la question est maintenant de savoir qui a autorité pour l’exercer. En outre, la représentante a estimé que la compétence universelle était un principe établi du droit international qui devrait être appliqué par des cours dont l’indépendance doit être respectée. « L’impunité n’est plus une option et nous ne devons pas chercher à limiter la portée de son application dans un sens qui en suggérerait un autre », a-t-elle conclu.
M. ANTOINE SOMDAH (Burkina Faso), fustigeant l’application abusive du principe de compétence universelle par certains États, a indiqué qu’il était impératif que son exercice soit guidé par « la bonne foi » et dans le respect des autres principes et règles du droit international. Il faut, a-t-il conseillé, établir « une base juridique spécifique pour la compétence universelle », ainsi qu’une « définition suffisamment précise et claire du crime et de ses éléments constitutifs ». Notant la complexité de cette question, M. Somdah a exprimé ses craintes concernant les dérives qui pourraient résulter de l’exercice par des juridictions nationales de la compétence universelle. « Les mises en accusation de Chefs d’État ou hauts fonctionnaires étrangers au mépris de leurs immunités mettent en péril les relations amicales entre États », a-t-il averti. Tout en saluant les progrès réalisés, notamment, par le Rwanda et l’Ouganda, le Burkina Faso a, dans la foulée, plaidé en faveur du renforcement des capacités juridiques des pays africains, en vue de leur fournir les outils nécessaires à l’exercice de cette compétence afin de combattre, a-t-il souligné, « les crimes graves ».
M. DANIEL WANBURA (Kenya) a estimé que l’application actuelle du principe de compétence universelle demeurait litigieuse et source de préoccupation légitime pour plusieurs pays. Le Kenya reconnaît l’utilité de la compétence dans la lutte contre les auteurs d’infractions graves au droit international. Cependant, cette compétence qui se veut extraterritoriale doit être invoquée uniquement lorsque la compétence nationale ne peut être exercée, a-t-il insisté. Il faut veiller à ce que le principe de compétence universelle ne soit utilisé à des fins politiques.
Ceci oblige, a-t-il précisé, à appliquer le principe de compétence en tenant compte de l’égalité souveraine des États. Il a en outre soutenu que le droit international devrait être la seule base d’examen de la question de la compétence universelle qui est consacrée par de nombreux instruments internationaux auxquels est partie le Kenya. Avant de conclure, il a défendu l’application de bonne foi et non sélective du principe de compétence universelle par les États.
M. ROMÁN OYARZUN (Espagne) a salué le fait que le rapport du Secrétaire général sur l’application de la compétence universelle reprenne des informations fournies par l’Espagne. « Le problème spécifique de la compétence universelle reste d’un intérêt important pour les États ». Selon le représentant, c’est un instrument efficace pour la lutte contre l’impunité dans le cas de crimes graves. « La Sixième Commission et le Groupe de travail pertinent sont saisis d’une tâche importante et l’Espagne a l’intention d’y participer de façon active », a-t-il déclaré. La définition de l’application de la compétence universelle n’est pas une tache facile et, en raison de sa complexité, le représentant a suggéré de renvoyer à la Commission du droit international (CDI) l’examen de cette question.
Mme NUALA NI MHUIRCHEARTAIGH (Irlande) a estimé que l’exercice de toute compétence extraterritoriale doit être exceptionnel. En Irlande, l’application de la compétence universelle est très limitée et ne concerne que des cas de torture, ou de violations graves des obligations découlant des Conventions de Genève de 1949. Faisant référence au rapport du Secrétaire général, la déléguée a indiqué que son pays ferait, en temps utile, des observations et commentaires sur l’idée d’un moratoire sur les mandats lancés, dans certains pays, sur la base de la compétence universelle. Elle a ensuite appuyé la proposition de la Suisse, selon laquelle, compte tenu de la nature juridique et des particularités techniques de la compétence universelle, l’examen de son étendue et de son exercice devrait être confié à la Commission du droit international.
M. ESMAELI BAHAEI HAMANEH (République islamique d’Iran) a fait sienne la déclaration faite par le Mouvement des pays non alignés. Sa délégation, qui a pris note du rapport du Secrétaire général, rappelle que la Sixième Commission débat du principe de la compétence universelle depuis trois ans. « Peut-être est-il temps d’évaluer ce que nous avons fait jusque-là », a-t-il dit. Le représentant a fait remarquer que la controverse sur l’application de la compétence universelle tenait au fait qu’il n’y a pas de définition acceptée par tous sur cette question. « Il n’y a que le cas de piraterie qui soit universellement reconnu », a-t-il déclaré. De l’avis du représentant, la principale préoccupation concernant la question de la compétence universelle est qu’elle est contraire à certains principes du droit international, notamment en ce qui concerne l’immunité des fonctionnaires. Ce principe, a-t-il rappelé, découle de la souveraineté des États. Il a estimé que les fonctionnaires d’État devraient bénéficier de l’immunité, en accord avec les traités internationaux qui établissent les cimes ainsi que les conditions de l’exercice de cette compétence par les États parties.
Mme COEAT NOLAND (Pays-Bas) a déclaré que son pays était prêt à examiner une compilation des législations nationales, des traités internationaux applicables et de la jurisprudence en la matière. Cependant, cette étude doit être menée tant sur le fond que sur la procédure, a-t-elle ajouté. Par ailleurs, compte tenu des divergences de vues sur la compétence universelle, les Pays-Bas ne jugent pas utile de créer un organe chargé de déterminer qui est habilité pour exercer la compétence universelle. En ce qui concerne les questions liées à la procédure, les Pays-Bas estiment qu’une discussion qui ne serait pas basée sur une compréhension mutuelle aurait un impact négatif sur le principe de compétence universelle en tant qu’outil de lutte contre l’impunité, a ajouté la représentante. C’est pourquoi, a-t-elle estimé, il serait préférable de renvoyer cette question à la Commission du droit international, soulignant que la CDI pourrait également l’examiner par analogie avec d’autres questions inscrites à son ordre du jour.
M. STEVEN HILL (États-Unis) a reconnu l’importance, ainsi que la complexité de la portée et de l’exercice de la compétence universelle, tout en se réjouissant que cette question fasse l’objet d’un examen au sein d’un Groupe de travail de la Sixième Commission, comme l’avait recommandé le Secrétaire général dans son rapport. Ce Groupe de travail, a-t-il suggéré, devrait, en priorité, axer ses réflexions sur la définition de cette compétence universelle qui, a-t-il dit, divise les États. Le Groupe de travail devrait également s’employer à trouver des réponses afin de déterminer les crimes relevant de la compétence universelle, et les moyens d’exercer cette compétence de manière appropriée, a ajouté M. Hill. Les États-Unis sont prêts à apporter leur contribution au bon fonctionnement de ce Groupe de travail, a-t-il assuré.
M. VIERIA (Brésil) s’est félicité de la création d’un Groupe de travail chargé d’examiner plus à fond cette question. L’exercice de la compétence à juger des auteurs de crimes graves reste une priorité de l’État concerné, conformément au principe de l’égalité souveraine des États, a dit le représentant. La compétence universelle, qui est complémentaire de celle des cours et tribunaux nationaux, doit être exercée conformément au droit international, a rappelé le délégué, qui a, par ailleurs, condamné l’usage arbitraire de cette compétence. « Tout recours à ce principe à des fins autres que pour établir la justice, doit être interdit », a maintenu le délégué. Pour le Brésil, la priorité du Groupe de travail serait d’essayer de trouver une définition acceptable de la notion de compétence universelle. Il devrait traiter aussi des types de crimes qui tomberaient sous le coup de cette compétence. En outre, le Groupe de travail devrait s’intéresser à la question de savoir s’il est nécessaire d’obtenir, au préalable, le consentement officiel de l’État où le crime a été commis. L’une des questions les plus litigieuses qui apparaît dans ce débat est celle de l’immunité juridictionnelle des chefs d’État et de gouvernement en exercice, car cette immunité est une émanation de la souveraineté de l’État, a reconnu le représentant. Pour le Brésil, il y a bien une différence entre la compétence universelle et l’exercice de la compétence des tribunaux pénaux internationaux. Ces deux compétences ont néanmoins en commun leur utilité dans la lutte contre les auteurs de crimes graves.
M. NEJMEDDINE LAKHAL (Tunisie) a noté que les divergences sur le champ d’application de la compétence universelle étaient importantes. « Il faut définir avec précision sa portée, car c’est une source de préoccupation majeure de plusieurs États Membres, a-t-il déclaré. Compte tenu de la complexité du principe, il a estimé nécessaire d’approfondir la réflexion sur cette compétence. Le représentant a réitéré son appel pour assister son pays dans ses démarches visant à l’extradition des personnes condamnées pour crimes commis durant la révolution du 14 janvier 2011, ainsi que la restitution des avoirs détournés par le président déchu et sa famille. « La Tunisie a grandement besoin de ces fonds pour mener la transition démocratique en cours », a-t-il dit avant de conclure.
M. ANTONIO GUMENDE (Mozambique) s’est déclaré préoccupé par le fait que le recours au principe de compétence universelle est exercé par des juges non africains qui focalisent, en particulier, sur des dirigeants africains, alors que ces derniers bénéficient d’une immunité en vertu du droit international. Dans ce contexte, il a estimé que l’exercice de la justice devrait se faire au-delà de toute motivation politique, avec pour seul but la recherche de la justice. Dans le même ordre d’idées, le représentant s’est déclaré opposé à toute forme de sélectivité et de la politique des « deux poids, deux mesures », tout en se disant prêt à travailler avec les autres États Membres pour la mise en œuvre de ce principe de bonne foi, conformément au droit international. La notion de compétence universelle peut être interprétée comme étant le pouvoir des États de punir des crimes, sans considération du lieu ou du statut de ceux qui seraient présumés responsables, a-t-il ajouté. Sa délégation condamne la sélectivité dans la mise en œuvre de ce principe, a-t-il dit. En conclusion de son intervention, il a aussi réaffirmé son soutien à la position du Groupe des États d’Afrique dont les dirigeants sont, le plus souvent, visés par l’application de ce principe. Le Mozambique, a-t-il cependant assuré, ne tolère pas l’impunité de crimes graves.
M. YOU KI-JUN (République de Corée) a estimé que, dans son pays, la compétence universelle existe, notamment, pour traduire en justice les auteurs d’actes de piraterie. C’est donc un outil important pour lutter contre l’impunité dont pourraient bénéficier les auteurs de crimes graves de droit international. Le délégué a souligné l’importance de distinguer le principe de compétence universelle de celui de l’obligation d’extrader. Il a ensuite exhorté à l’application de bonne foi de la compétence universelle. Cette application doit aussi se faire en veillant au respect des principes d’égalité souveraine des États et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. De l’avis de sa délégation, il est prématuré d’adopter des règles uniformes sur la portée et l’application du principe de compétence universelle. Il a suggéré de renvoyer cette question à la Commission de droit international qui traite actuellement de la question de l’obligation d’extrader. La CDI pourrait ainsi établir un lien entre les deux questions.
M. ROBERT YOUNG (Comité international de la Croix-Rouge) a souligné que son organisation attachait une attention particulière aux mesures prises par certains États contre les auteurs de violations graves du droit international humanitaire. De nombreux suspects ont été poursuivis devant des tribunaux nationaux pour de graves violations ou crimes de guerre, a-t-il dit. M. Young a réitéré son appel à tous les États pour s’assurer que les instruments juridiques internationaux sont pertinents dans leur propre législation nationale.
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