La Sixième Commission examine les « traités dans le temps », les « ressources naturelles partagées » et la « clause de la nation la plus favorisée », achevant ainsi son débat sur le rapport de la CDI
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Sixième Commission
26e séance – matin
L A SIXIÈME COMMISSION EXAMINE LES « TRAITÉS DANS LE TEMPS », LES « RESSOURCES NATURELLES PARTAGÉES » ET LA « CLAUSE DE LA NATION LA PLUS FAVORISÉE », ACHEVANT AINSI SON DÉBAT SUR LE RAPPORT DE LA CDI
Les traités dans le temps, les ressources naturelles partagées, la clause de la nation la plus favorisée, ainsi que l’obligation d’extrader ou de poursuivre, sont les quatre derniers thèmes sur lesquels se sont penchées aujourd’hui les délégations de la Sixième Commission (chargée des questions juridiques), achevant ainsi le débat sur les travaux* de la soixante-deuxième session de la Commission du droit international (CDI), qu’elles avaient entamé le 25 octobre.
Les travaux sur les « traités dans le temps » ont été, dans l’ensemble, bien accueillis par les délégations qui ont apprécié l’approche adoptée par la CDI selon laquelle le Groupe de travail chargé de la question, après un examen approfondi du rapport introductif, devrait examiner les accords et pratique ultérieurs, à savoir l’analyse des décisions de juridictions ou autres organes indépendants. La pratique des États, ainsi que l’interprétation des traités par les tribunaux, constituent des éléments capitaux pour la compréhension et la garantie de la certitude juridique d’un traité entre ses différentes parties, a estimé le représentant du Mexique. Son homologue du Chili a souhaité que la CDI se fonde, en outre, sur les travaux préparatoires de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.
Le représentant de la Belgique a donné deux exemples de « pratique ultérieurement suivie » par son pays qui ont servi à l’interprétation de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et de leur deuxième Protocole additionnel. La Belgique fut le premier pays à avoir introduit dans son droit pénal, par une loi de 1993, les crimes de guerre commis dans un conflit armé non international, a-t-il dit, expliquant que le Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda l’avait ensuite intégré, ainsi que la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, dans l’affaire Tadic. Cette pratique a ensuite été entérinée en 1998 par le Statut de la Cour pénale internationale (CPI), a-t-il rappelé.
Pour ce qui est de la formefinale de ces travaux, la délégation de la Pologne a appuyé l’idée d’élaborer, à l’avenir, un répertoire de la pratique, tandis que celle des États-Unis a jugé prématuré, à ce stade, de s’engager dans l’élaboration de directives en la matière, estimant que la pratique des États n’avait pas encore été suffisamment explorée.
Dans le cadre de l’examen du sujet des « ressources naturelles partagées », la représentante de la Fédération de Russie a rappelé l’avancée majeure qu’a constitué le projet d’article sur les aquifères transfrontières, adopté par la CDI en 2008. Ces dispositions réaffirment la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, tout en soulignant leur obligation d’explorer et d’exploiter ces ressources de manière raisonnable, en prenant les mesures de prévention nécessaires, a-t-elle souligné. Tout en estimant qu’il serait trop tôt pour s’engager dans l’élaboration d’une convention sur le droit des aquifères transfrontières, elle s’est dite cependant favorable à l’idée d’annexer les projets d’articles à un projet de résolution de l’Assemblée générale, qui encouragerait les États à conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux dans ce domaine.
Cette même délégation, à l’instar d’autres, comme celles des États-Unis, d’Israël et de la République de Corée, a appuyé la recommandation de la CDI de ne pas poursuivre l’étude des aspects « gaz et pétrole » dans le cadre de l’examen de la question des ressources naturelles partagées. Le représentant de l’Inde a expliqué que cette question était réglée plus efficacement par des accords bilatéraux. Le représentant du Mexique a cependant regretté que la CDI n’ait pas essayé d’établir un équilibre qui permette aux États de mieux négocier des accords sur les ressources transfrontières.
Les délégations ont également commenté les travaux de la CDI sur la « clause de la nation la plus favorisée », « un thème important pour les pays en développement qui souhaitent attirer des investissements étrangers », a relevé le représentant de la Thaïlande. Cette clause est fréquente dans les traités de commerce international, notamment dans les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Par cette clause, un État s’engage envers un autre État à ne pas imposer de droits de douane plus élevés sur les exportations, sur la gamme de marchandises concernées par le traité, qu'elle n'en impose à la nation la plus favorisée.
La délégation de la Thaïlande a estimé que la CDI devrait poursuivre son examen de ce sujet, notamment dans le contexte d’accords économiques multilatéraux. Celle de Singapour a estimé, pour sa part, que la CDI devrait réviser les projets d’articles finalisés en 1978. Lereprésentant des États-Unis a, au contraire, invité la CDI à ne pas élaborer de nouvelles normes internationales en la matière.
Enfin, en ce qui concerne « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », le Rapporteur spécial sur cette question, M. Zdzislaw Galicki, a expliqué que la CDI avait étudié la pratique des États dans ce domaine en relation avec la notion de « compétence universelle ». La représentante d’Israël a cependant rejeté l’idée de discuter de la question de la compétence universelle dans le contexte de cet examen.
La prochaine réunion de la Sixième Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
* Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-deuxième session.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-DEUXIÈME SESSION (A/65/10 ET A/65/186)
Déclarations
M. THEMBILE JOYINI (Afrique du Sud) a déclaré attacher beaucoup d’importance aux travaux de la Commission du droit international (CDI) sur les « traités dans le temps ». Il a apprécié la décision du Groupe d’étude d’examiner, en particulier, le rôle des accords ultérieurs et de la pratique des États dans l’interprétation des traités. Il a aussi estimé qu’il serait utile de déterminer les effets que certains actes, événements ou faits ont sur les traités, ainsi que le cas de traités qui deviennent obsolètes. Il a approuvé le plan de travail pour 2011 du Groupe d’étude qui devrait achever ses travaux sur le rapport introductif et ensuite passer à une deuxième phase en examinant les accords et pratique ultérieurs, notamment la jurisprudence.
M. Joyini a noté que la question des « traités dans le temps » avait été précédemment examinée par la CDI, en 1957 et en 1966. Les accords et les pratiques ultérieurs des États relatives à un traité ne sont pas toujours bien connus mais sont parfois invoqués dans des procédures judiciaires, a-t-il fait observer. Le représentant a rappelé l’arrêt de la Cour internationale de Justice concernant l’affaire Gabcikovo-Nagymaros Project (Hongrie c. Slovaquie), dans le quel la Cour avait indiqué que les traités ne sont pas statiques. Sa délégation souhaite que la CDI examine la question de l’adaptation des traités internationaux aux circonstances changeantes.
M. KRIANGSAK KITTICHAISAREE (Thaïlande) a estimé que dans le cadre de l’examen de la question de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », la Commission du droit international (CDI) devrait procéder à la lumière des récents développements en droit international, à une évaluation des conventions internationales consacrant ce principe. Elle devrait notamment examiner si l’État à qui est demandé d’appliquer ce principe « y est lié par une quelconque règle coutumière internationale ». Le représentant a également invité la CDI à approfondir la réflexion sur les pratiques pouvant offrir la possibilité à l’État de poursuivre en justice, dans un État tiers, la personne devant être extradée. Il a aussi souligné la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la personne devant être extradée.
Le délégué a ensuite indiqué que la question de « la clause de la nation la plus favorisée » était un thème important pour les pays en développement qui souhaitent attirer des investissements étrangers. Il a estimé que la CDI devrait poursuivre son examen, notamment dans le contexte d’accords économiques multilatéraux. Il a enfin estimé qu’il serait difficile pour la CDI d’élaborer des projets d’articles sur les ressources que sont le pétrole et le gaz dans le cadre de l’examen de la question sur les « ressources naturelles partagées ». La Commission devrait cependant examiner les aspects transfrontières touchant à cette question des ressources naturelles, a-t-il souhaité avant de conclure.
M. HERNAN SALINAS BURGOS (Chili) a salué les travaux de la Commission du droit international (CDI) lors de sa dernière session, appuyant ses efforts de codification et de développement progressif du droit national. En ce qui concerne les « effets des conflits armés sur les traités », il s’est félicité de ce que la CDI ait approuvé tous les projets d’articles et leur annexe et les ait transmis au Comité de rédaction. Faisant référence aux projets d’articles 3 et 6, il a fait sienne la position de la CDI selon laquelle la seule existence d’un conflit armé n’entraîne pas ipso facto la suspension d’un traité. Les conséquences d’un conflit armé sont diverses et affectent, en particulier, les relations des États entre eux, a noté le représentant. Ces conséquences peuvent également affecter l’application d’un traité ou d’une partie de celui-ci à l’encontre d’un État tiers au conflit, a-t-il ajouté. M. Burgos a estimé que la nature du traité jouait un rôle fondamental, donnant des indices sur l’intention des parties, pour déterminer si le traité devrait cesser ou être suspendu, tout en respectant le principe de base pacta sunt servanda. Passant au projet d’article 5 qui pose la règle fondamentale de la continuité d’un traité du fait de sa nature, il a souhaité que la CDI précise davantage les dispositions sur cette question. Concernant les traités relatifs à l’établissement de frontières, il a estimé qu’ils ne pouvaient pas être suspendus en cas de conflit armé.
M. Burgos a ensuite souligné que la communauté internationale devrait accorder une plus grande attention sur la « protection des personnes en cas de catastrophe ». Il a appuyé l’idée d’énoncer les principes qui servent de fondement à cette protection. Il a souhaité que la notion de « neutralité » soit précisée, notamment par rapport à celle d’« impartialité ». Par ailleurs, le représentant a souhaité que la CDI souligne le lien entre l’État affecté, d’une part, et son obligation de coopérer établie par le droit international, d’autre part. Passant à la question des « traités dans le temps », le représentant a estimé qu’il serait utile de déterminer, dans ce contexte, l’importance que le droit international contemporain accorde à la conduite d’un État et à la stabilité des traités internationaux. Il a voulu savoir à quel moment on pourrait considérer que le texte d’un traité était définitif. Les travaux de la CDI doivent se fonder sur la jurisprudence et sur les travaux préparatoires de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, a-t-il suggéré. Avant de conclure, M. Burgos a apprécié le séminaire du droit international organisé par la CDI, cette année, qui a permis à des juristes, en particulier de pays en développement, de mieux connaître les travaux de la CDI et des organisations internationales ayant leur siège à Genève.
M. TODD BUCHWALD (États-Unis) a appelé le Groupe de travail sur le sujet de « la clause de la nation la plus favorisée » à poursuivre son étude de la jurisprudence internationale, sans toutefois élaborer de nouvelles normes internationales en la matière. Les États-Unis ne pensent pas que des outils d’interprétation ou encore des projets d’articles révisés sont opportuns dans ce domaine, a-t-il dit, avant de s’appesantir sur la question des « ressources naturelles partagées ». Il a appuyé la recommandation de la CDI de ne pas poursuivre l’étude sur les aspects du gaz et du pétrole. Abordant « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », le représentant a rappelé que les États-Unis sont parties à divers accords internationaux consacrant ce principe. De tels instruments permettent, entre autres, de lutter contre l’impunité dont pourraient bénéficier certains auteurs de crimes graves, a-t-il souligné. Pour le représentant, il est certain que diverses questions, comme le fondement de cette question sur le droit international coutumier, ne doivent être examinées qu’après une analyse du régime juridique des traités en vigueur, a insisté le délégué. Le représentant a estimé qu’il n’existe pas de base suffisante dans le droit international coutumier pour formuler des dispositions visant à étendre le principe de son champ d’application actuel, a-t-il aussi soutenu. Le représentant a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’élargir l’examen de la question des « traités dans le temps », a-t-il dit. À ce stade, les États devraient plutôt fournir des informations pertinentes sur la pratique de leurs juridictions dans ce domaine. Par ailleurs, il serait prématuré de s’engager maintenant dans l’élaboration de directives en la matière, car la pratique des États n’est pas encore suffisamment explorée, a-t-il fait remarquer.
M. PATRICK DURAY (Belgique), intervenant sur le sujet des « traités dans le temps », a donné deux exemples de « pratique ultérieurement suivie » qui sont pertinents pour l’interprétation de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et de leur deuxième Protocole additionnel. La Belgique fut le premier pays à avoir introduit dans son droit pénal, par une loi de 1993, les crimes de guerre commis dans un conflit armé non international, a-t-il indiqué. Cette incrimination a trouvé confirmation dans le Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, dont l’article 4 de son statut incrimine explicitement les violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève, a-t-il expliqué. Par la suite, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, dans l’arrêt Tadic du 2 octobre 1995, a notamment cité cette loi belge afin de justifier l’application au conflit dans les Balkans des dispositions concernant les crimes de guerre prévus pas son statut, alors que celles des articles 2 et 3 de ce Statut ne concernaient formellement que les crimes de guerre commis dans des conflits armés internationaux. La loi belge de 1993 constitue une base pour la pratique qui a été suivie par les États et la jurisprudence et qui détermine les peines pour les violations de l’article 3 commun. Cette pratique, a rappelé M. Duray, a été entérinée en 1998 par le Statut de la Cour pénale internationale (CPI).
Le représentant a ensuite cité comme exemple la proposition d’amendement à l’article 8 du Statut de Rome de la CPI, déposée par la Belgique, et adoptée par consensus lors de la Conférence de révision du Statut de Rome, à Kampala (Ouganda), en juin dernier. Cette proposition étend la compétence de la Cour à trois comportements qui n’étaient incriminés dans le Statut de Rome au titre des crimes de guerre que lorsqu’ils étaient commis dans le cadre d’un conflit armé international: l’usage d’armes empoisonnées ou de gaz asphyxiants. Lorsqu’il entrera en vigueur, cet amendement permettra à la Cour d’exercer sa compétence sur de tels actes, a-t-il assuré.
Mme ADY SCHONMANN (Israël) est d’abord revenue, brièvement, sur la question des réserves aux traités, en commentant certains projets d’articles. Elle a souhaité que la CDI qualifie d’« étude », les projets de directives présentés par le Rapporteur spécial, M. Alain Pellet, dans la mesure où l’ensemble du document est limité quant au fond. Elle a ensuite évoqué le cas de « l’expulsion des étrangers » qui, de l’avis de sa délégation, doit se fonder sur la pratique des États ». Elle s’est ensuite félicitée des progrès réalisés par la CDI sur la question des « effets des conflits armes sur les traités ». En ce qui concerne la question « les ressources naturelles partagées », elle a soutenu la recommandation de la CDI de ne pas poursuivre l’étude sur les aspects du gaz et du pétrole. « C’est une question qui doit être négociée par des accords bilatéraux », a-t-elle insisté. S’agissant du thème intitulé « obligation d’extrader ou de poursuivre », Mme Schonmann a rejeté l’idée de discuter de la question de la compétence universelle, dans le contexte de cet examen. De même, elle a estimé que ce principe de l’obligation d’extrader ne possédait aucun fondement dans le droit international coutumier. La pratique des États actuelle ne permet pas de consacrer ce principe dans le droit international coutumier, a-t-elle dit, avant de conclure.
M. ALEJANDRO RODILES (Mexique), intervenant tout d’abord sur la question des « traités dans le temps », a souligné que les traités occupent non seulement une place primordiale dans le système juridique international, mais ils constituent également un élément clef pour établir et renforcer les relations internationales. Le Mexique estime que cette étude est importante, a ajouté le délégué qui a souligné que l’interprétation et la pratique ultérieure des États en matière de traités sont des éléments capitaux pour la compréhension et la garantie de la certitude juridique d’un traité entre ses différentes parties. Il faut aussi une interprétation souple des traités pour assurer cette certitude juridique, a fait remarquer M. Rodiles qui a souhaité que la CDI devrait étudier, dans ce cadre, la question du droit intemporel et celle de la modification des traités par le biais de la pratique ultérieure.
Concernant « les ressources naturelles partagées », le délégué a pris note de la recommandation de la CDI visant à exclure, de l’examen de la question, les ressources en gaz et pétrole. La CDI devrait cependant adopter une approche prudente, a-t-il insisté. Sa délégation regrette que la CDI n’ait pas essayé d’établir un équilibre qui permette aux États de mieux négocier dans ce domaine les accords concernant les ressources gazières ou pétrolifères. Le représentant a suggéré à la Commission du droit international, si elle décide de s’engager dans cette voie, de s’assurer que son étude mette l’accent sur une exploitation équitable et efficiente de ces ressources.
M. PALITHA KOHONA (Sri Lanka), intervenant tout d’abord sur le chapitre de la CDI consacré à « l’expulsion des étrangers », a rappelé que le droit d’expulser relève de la souveraineté des États. L’expulsion est essentiellement régie par des lois nationales, a-t-il fait observer, en demandant à la CDI de procéder à un travail très prescriptif dans l’examen de cette question. Le respect de la dignité des personnes devrait être placé au rang des principes directeurs figurant dans la partie introductive des projets d’articles, a-t-il souhaité. Le représentant s’est dit préoccupé par la formulation du projet d’article relatif à l’interdiction de « l’extradition déguisée sous forme d¡’expulsion ». L’extradition, a-t-il dit, ne doit pas figurer dans les projets d’articles sur l’expulsion des étrangers. Il a aussi souhaité que la CDI maintienne la distinction entre les étrangers en situation régulière et ceux en situation illégale sur le territoire d’un État.
Concernant la question des « effets des conflits armés sur les traités », M. Kohona s’est félicité des modifications apportées aux projets d’articles qui tiennent compte des observations des États. Sur la question de savoir si les projets d’articles devraient s’appliquer uniquement aux conflits armés interétatiques ou également aux conflits armés non internationaux, M. Kohona a souhaité que la CDI examine la manière dont les conflits internes pourraient produire des effets sur les traités entre États. Dans le projet d’article 5 intitulé « traités dont le contenu implique qu’ils sont applicables », il a appuyé la liste indicative de traités telle que proposée par la CDI, estimant qu’elle représente un compromis valable parmi les différentes options examinées. Il a toutefois suggéré d’y ajouter les traités auxquels sont parties des organisations internationales, les traités relatifs à la justice pénale internationale, ainsi que les traités comprenant des normes péremptoires par nature (normes de jus cogens).
M. Kohona s’est également exprimé sur la question de la « protection des personnes en cas de catastrophe », que son pays, le Sri Lanka, victime des conséquences dévastatrices du tsunami de 2004, considère comme importante. Il existe un vide juridique dans ce domaine et c’est pourquoi il est utile que les États disposent d’un instrument juridique international structurant clairement leurs obligations en cas de catastrophe, a-t-il souligné. Concernant le rôle de l’État touché, M. Kohona a rappelé que les principes de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États sont des principes fondamentaux qui doivent être respectés dans ce domaine. Toute assistance fournie par des acteurs extérieurs doit, au préalable, être autorisée par l’État touché, a-t-il insisté. Passant ensuite à la question de la « clause de la nation la plus favorisée », M. Kohona s’est dit favorable à la rédaction de projets d’articles qui contribueraient à faciliter l’application de cette clause dans la pratique. Pour ce qui est des sujets proposés pour les travaux futurs de la CDI, il a demandé à la CDI de prendre en compte leur utilité pratique pour la communauté internationale. Il a proposé d’examiner l’application du droit international humanitaire aux acteurs non étatiques dans les conflits contemporains.
Mme CETA NOLAND (Pays-Bas) a rappelé que son pays était attaché à la question de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », convaincu que l’étude de la CDI contribuera à établir un système pénal international effectif et efficace. Tout en regrettant le manque de progrès sur la question, elle a appelé la CDI à faire de cette réflexion l’une de ses priorités. Concernant « les traités dans le temps », la représentante a reconnu l’importance pour les États de fournir leurs pratiques en la matière, afin d’enrichir la discussion sur le sujet. Elle a enfin salué l’approche choisie par le Rapporteur spécial dans le cadre de l’examen de « la clause de la nation la plus favorisée », en souhaitant que la CDI approfondira l’examen de l’aspect relatif à la protection des investissements.
Mme NATALIA SILKINA (Fédération de Russie) a déclaré que sa délégation suivait avec intérêt le travail de la Commission du droit international (CDI) sur la « clause de la nation la plus favorisée ». Elle a notamment apprécié la documentation analytique mise au point par le Groupe d’étude sur le sujet qui, de l’avis de sa délégation, constitue un outil précieux pour les États. La représentante s’est ensuite félicitée des travaux de la CDI sur le thème des « ressources naturelles partagées ». Le projet d’article sur les aquifères transfrontières, adopté par la CDI en 2008, marque une avancée dans ce domaine, a-t-elle dit. Ces projets d’articles réaffirment la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, tout en soulignant leur obligation d’explorer et d’exploiter ces ressources de manière raisonnable, en prenant les mesures de prévention nécessaires et leur obligation de coopérer dans ce domaine. Il serait prématuré d’envisager, à ce stade, l’élaboration d’une convention sur le droit des aquifères transfrontaliers, a-t-elle estimé. Sa délégation, a-t-elle ajouté, est favorable à l’idée d’annexer les projets d’articles à un projet de résolution qui sera soumis pour adoption à l’Assemblée générale et qui encouragerait les États de conclure des accords bilatéraux, multilatéraux et régionaux dans ce domaine. Elle s’est félicitée par ailleurs de la décision de la CDI d’exclure les questions relatives au gaz et au pétrole de l’examen de la question du « partage des ressources naturelles ».
M. LESTERDELGADO SÁNCHEZ (Cuba) a estimé que la question de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre » doit être examinée de manière approfondie, faisant remarquer que les lacunes actuelles en droit international avaient permis à certains « criminels » de trouver refuge dans certains États. Cette situation discrédite les États, qui les accueillent, dans leur combat contre l’impunité, a-t-il dit. C’est pourquoi la CDI doit préciser le champ d’application de cette étude, a insisté le représentant.
S’agissant des « traités dans le temps », le représentant de Cuba a estimé que les travaux de la CDI sur ce sujet devraient seulement venir compléter le régime juridique établi par les Conventions de Vienne sur les traités et ne pas bouleverser les règles et principes qui en découlent. Concernant la question de « la clause de la nation la plus favorisée », il a rappelé l’importance de ce sujet en matière d’investissements. Il est utile d’étudier la jurisprudence internationale concernant l’interprétation et l’application des accords d’investissements multilatéraux et bilatéraux, a-t-il indiqué. Pour le délégué, l’examen de ce thème permettra de mettre fin aux pratiques de certains acteurs qui tendent parfois d’appliquer un accord sur les investissements de façon unilatérale. L’étude permettra aussi de limiter les abus commis par des entreprises multinationales du fait du non-respect de leurs obligations les plus élémentaires, a-t-il dit. La CDI devrait, a-t-il suggéré, poursuivre cette réflexion en tenant compte de la nécessité de faire respecter le droit souverain des États.
M. PIOTR DOLATA (Pologne) a relevé que les États n’avaient pas transmis rapidement leurs observations sur la question de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », ce qui avait retardé les travaux du Groupe de travail chargé de cette question. Il a apprécié l’étude que le Groupe de travail a effectuée sur les conventions internationales dans le cadre de l’examen de cette question. Il a proposé quatre questions dont l’examen devrait être poursuivi, comme les fondements juridiques de l’obligation d’extrader ou de poursuivre et son champ d’application. Passant au sujet des « traités dans le temps », M. Dolata s’est félicité de la contribution de la CDI dans ce domaine qui se base sur la « pratique suivie ultérieurement » par les États. Concernant la forme finale des travaux sur cette question, il a appuyé l’idée d’élaborer, à l’avenir, un répertoire de la pratique.
En ce qui concerne la « clause de la nation la plus favorisée » (clause NPF), le représentant a fait sienne l’approche générale du rapport, tout en précisant que la diversité des clauses figurant aux accords d’investissements exigeait une analyse approfondie pour déterminer si la proposition de suivre les règles du projet de 1978 était appropriée. Il a fait remarquer que, même dans le cadre d’accords sur les investissements, la clause NPF pourrait avoir une signification et une portée différentes, ce qui rendrait difficile l’établissement de normes générales en la matière. Il y a cependant quelques questions qui sont assez mûres pour être examinées par la CDI, a-t-il estimé, citant notamment la question des critères de base pour l’application de la clause. Il a suggéré que la CDI pourrait aussi se concentrer sur des questions de procédure en lien avec l’application de la clause NPF, comme la question de l’interprétation.
M. PARK CHULL-JOO (République de Corée) a estimé que le principe de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre » et celui de la « compétence universelle » sont intrinsèquement liés. La CDI ne devrait pas, dans ce cadre, s’appesantir sur la question de la compétence universelle. En ce qui concerne « les traités dans le temps », le délégué a appelé la CDI à répondre à une série de questions, notamment celle de savoir ce qui se passerait pour un traité, si une pratique contraire à cet instrument relèverait du droit international coutumier.
Il a ensuite invité la CDI à explorer, dans le cadre de l’examen de « la clause de la nation la plus favorisée », la pertinence de cette clause dans les domaines traditionnels du droit international. S’exprimant ensuite sur le sujet des « ressources naturelles partagées », M. Park s’est dit satisfait de la décision de la Commission d’exclure de l’examen de cette question les aspects touchant au gaz et au pétrole. Il a, par ailleurs, regretté que la CDI n’ait pas examiné, au cours de sa dernière session, la question de « l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », malgré l’importance que revêt le sujet, au regard de l’évolution des relations diplomatiques et consulaires entre États.
M. MARCELO BÖHLKE (Brésil), abordant le chapitre consacré aux « réserves aux traités », s’est félicité de la solution trouvée par le Comité de rédaction de la CDI, en ce qui concerne le projet d’article relatif aux « effets de l’établissement d’une réserve sur l’entrée en vigueur du traité », qui a donné lieu à la rédaction de deux paragraphes pour résoudre une incompatibilité avec la pratique. Cette disposition prévoit, comme le stipulait la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, que l’auteur de la réserve ne devient partie au traité qu’après l’acceptation de la réserve au moins par un État, explicitement ou implicitement, alors que la pratique du Secrétaire général de l’ONU, en tant que dépositaire de traités, est d’inclure immédiatement l’auteur de la réserve dans le nombre des parties pour déterminer l’entrée en vigueur du traité. Le paragraphe ajouté prévoit, contrairement à la règle établie par la Convention de Vienne, que l’auteur de la réserve peut être pris en compte à une date antérieure parmi les États contractants et organisations contractantes, dont le nombre conditionne l’entrée en vigueur du traité, à condition qu’aucun État contractant ou aucune organisation contractante ne s’y oppose.
Passant à la question de « l’expulsion des étrangers », M. Böhlke s’est félicité des progrès réalisés sur cette question importante, compte tenu de la circulation croissante des individus entre les pays. Il a apprécié la distinction faite par la CDI entre l’expulsion et l’extradition. Il a noté que de nombreuses juridictions nationales avaient condamné l’expulsion déguisée, en rappelant que les motifs de l’expulsion devaient être exprimés, et respecter le droit international. La notion d’expulsion n’est pas clairement définie dans le texte élaboré par la CDI, a-t-il estimé. Au Brésil, l’expulsion est une mesure exceptionnelle prise contre un individu qui représente un danger à la sécurité nationale ou à l’ordre public, a-t-il assuré. M. Böhlke a aussi soulevé la question du risque d’expulser un individu vers un pays où la peine de mort n’a pas été abolie.
Mme CONCEPCIÓN ESCOBAR HERNÁNDEZ (Espagne) a exprimé l’attachement de son pays au principe de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre » qui, a-t-elle dit, constitue un élément important dans la lutte contre l’impunité. Ce principe, a-t-elle ajouté, bénéficie d’une application croissante dans la pratique des États et au sein des instances judiciaires internationales. Ce sujet, qui est lié à celui de la juridiction extraterritoriale, doit être examiné de manière approfondie, a souhaité Mme Hernandez. Sa délégation espère que les travaux de la CDI sur la question progresseront au cours de la prochaine session. S’agissant des « traités dans le temps », elle a appuyé la méthode adoptée par le Groupe de travail de la CDI sur cette question, avant d’annoncer que son pays offrirait à ce groupe, les éléments de la pratique de l’Espagne en la matière, afin de contribuer aux travaux de la Commission. Concernant « la clause de la nation la plus favorisée », la déléguée a fait remarquer que cette clause, tout en s’appliquant à tous les domaines du droit international, peut être analysée, comme l’a fait la CDI, dans un domaine sectoriel tel que celui des investissements. Elle a espéré que la Commission sera en mesure, dans un avenir proche, de finaliser son projet de directives sur la question ou d’établir un guide de la pratique. Avant de conclure, la représentante a émis des réserves sur la recommandation de la CDI de ne pas poursuivre l’étude des aspects du gaz et du pétrole dans le cadre de l’examen de la question du « partage des ressources humaines ». L’absence de directives dans ce domaine exige que la CDI apporte des précisions, a-t-elle dit.
M. GOPINATH MUNDE (Inde) a déclaré que sa délégation se ralliait à la position selon laquelle l’objectif de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre » vise à prévenir l’impunité de l’auteur d’une infraction. L’Inde, a-t-il indiqué, avait promulgué une loi sur l’extradition en 1962, conclu des traités bilatéraux en matière d’extradition et adhéré à des conventions internationales contenant des dispositions sur l’extradition qui obligent les États parties à extrader les personnes accusées de délits définis par ces textes. L’Inde n’avait émis aucune réserve sur ces conventions, a assuré le représentant. Il a espéré que la CDI examinera l’interprétation et l’application de la « clause de la nation la plus favorisée » afin de permettre aux États Membres de mieux comprendre l’utilité de cette clause.
Passant au sujet des « ressources naturelles partagées », M. Munde a noté que des délégations avaient exprimé des doutes sur la nécessité pour la Commission de poursuivre un exercice de codification dans ce domaine. Certaines délégations ont émis la crainte que cela rendrait l’examen de la question encore plus complexe, préférant plutôt que la question soit réglée par des accords bilatéraux, a-t-il également noté. À l’instar de certains intervenants, le représentant de l’Inde a rappelé que cette question avait des incidences sur la délimitation maritime. En ce qui concerne l’analyse de la pratique des États sur le gaz et le pétrole, il a estimé que la nature sensible de ces secteurs avait conduit, à bon escient, la Commission à renoncer à examiner cette question dans le cadre du thème du « partage des ressources humaines ». Il a admis que cette question était réglée plus efficacement par des accords bilatéraux. Toute tentative visant la codification dans ce domaine pourrait avoir une incidence sur les obligations des États en vertu d’accords bilatéraux obtenus parfois au prix d’une « énorme lutte politique », a-t-il fait remarquer.
M. LIONEL YEE (Singapour) a félicité le Groupe de travail de la CDI sur « les traités dans le temps », pour les travaux accomplis, notamment sur la pratique des États. De l’avis de M. Yee, la pierre angulaire de l’interprétation d’un traité demeure avant tout le libellé du traité lui-même. Cependant, il est évident que l’interprétation et l’application du traité dans le temps nécessitent une certaine souplesse, a-t-il dit. Le délégué a aussi estimé que la pratique des États dans ce domaine est parfois déduite un peu trop facilement, alors qu’elle n’est pas toujours perceptible et bien établie. C’est la raison pour laquelle il a appelé la CDI à explorer avec certitude l’état actuel de la pratique des États.
Concernant « la clause de la nation la plus favorisée », le représentant s’est félicité de la décision de la CDI d’élargir le champ d’application du sujet, en incluant notamment les questions du commerce des services et de la propriété intellectuelle. Il a appuyé l’idée de réviser les projets d’articles finalisés par la CDI en 1978, en rappelant que son pays était un acteur majeur dans les relations commerciales internationales. Dans ce cadre, a-t-il dit, Singapour, est confrontée au quotidien à la difficulté que représente l’interprétation de la « clause de la nation la plus favorisée », en particulier en matière d’arbitrage. Le représentant a estimé que la CDI devrait accélérer ses travaux sur ce sujet en établissant des règles claires. En ce qui concerne les ressources naturelles partagées, le délégué s’est associé à la recommandation de la CDI de ne pas étudier la question du gaz et du pétrole.
M. ZDZISLAW GALICKI, Rapporteur spécial sur la question de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », a souligné l’importance des efforts du Groupe de travail qui a mis au point un cadre général de travail permettant à la CDI d’examiner ce sujet. La CDI devrait continuer de travailler sur la base de l’étude fournie par le Secrétariat de l’ONU sur les conventions multilatérales, a-t-il estimé. Il a, par ailleurs, rappelé que la CDI avait étudié les liens entre la notion de « compétence universelle » et « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », expliquant la raison qui a amené la CDI à présenter un rapport spécial résumant la pratique des États dans ce domaine. Ce document serait également utile pour les travaux de la CDI.
Dans ses remarques finales, le Président de la CDI, M. Nugroho Wisnumurti (Indonésie) a indiqué que les observations et commentaires soumis par les États à la Commission du droit international (CDI) constituent des ressources importantes pour le travail de ses différents groupes d’étude. Ces éléments permettent à la Commission d’apporter des réponses pratiques aux besoins des États, a-t-il ajouté.
Le moment venu, la CDI, en tant qu’entité collective, examinera les observations formulées par les membres de la Sixième Commission, a-t-il assuré. La CDI espère recevoir les observations et commentaires des États Membres, qui ne l’ont pas encore fait, sur le sujet de « la responsabilité des organisations internationales », au plus tard le 1er janvier 2011, et sur « les réserves aux traités » au plus tard le 31 janvier 2011, a-t-il dit.
M. Wisnumurti s’est ensuite dit satisfait des résultats obtenus dans le cadre des différentes réunions informelles, ainsi que du dialogue interactif au sein de la Sixième Commission. Il a, par ailleurs, attiré l’attention des délégations sur les difficultés que rencontrent les rapporteurs spéciaux pour participer aux travaux de la Sixième Commission, à New York. Les frais de déplacement sont à leur charge, a-t-il précisé, regrettant que le système actuel fasse peser sur eux un énorme poids financier. C’est pourquoi, il a invité les États Membres à aider à l’amélioration de la situation, notamment à travers la mise en place d’un mécanisme plus durable.
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