Les délégations de la Sixième Commission soulignent la nécessité de définir clairement le principe de compétence universelle pour assurer l’efficacité de son application
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Sixième Commission
12eséance – matin
LES DÉLÉGATIONS DE LA SIXIÈME COMMISSION SOULIGNENT LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR CLAIREMENT LE PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE POUR ASSURER L’EFFICACITÉ DE SON APPLICATION
La Sixième Commission recommande à l’Assemblée générale d’approuver les règlements de procédure du Tribunal du contentieux administratif et du Tribunal d’appel de l’ONU
Tout en reconnaissant l’importance d’appliquer le principe de compétence universelle dans le cadre de la lutte contre l’impunité, les délégations ont également souligné, ce matin devant la Sixième Commission, la nécessité de définir la notion même de compétence universelle, de préciser sa portée et son applicabilité.
Faisant écho à la France qui soulignait que la compétence universelle « constitue un instrument essentiel pour la lutte contre l’impunité », la Norvège a précisé que « sa justification tenait à la volonté de tous les États de mettre fin à l’impunité dont pourrait bénéficier certains individus responsables de crimes graves tels que la piraterie, l’esclavage, la torture, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, même s’ils sont commis en dehors de leur territoire ». Pour la Belgique, « l’exercice de la compétence universelle est un moyen essentiel à la disposition des États, qui doit cependant être utilisé en dernier ressort dans le cas où les auteurs de crimes de guerre, génocide, crimes contre l’humanité ou torture risquent de rester impunis ».
Pour beaucoup comme la Tunisie, il faut que soient dissipés « le flou qui caractérise le champ d’application et les zones d’ombre qui persistent sur la compétence universelle ». Pour sa part, l’Autriche a estimé qu’il faudrait faire une « distinction entre compétence universelle et la question des immunités », tandis que la France a fait remarquer que « l’exercice d’une compétence de juridiction, à quelque titre que ce soit, ne saurait impliquer d’atteinte aux immunités de juridiction ». De l’avis de la délégation de la République démocratique du Congo, il est utile d’établir un cadre juridique clair concernant la gravité et la nature des crimes passibles de poursuites en vertu du principe de compétence universelle.
Certaines délégations, principalement de pays africains, ont fait observer que même si la Cour internationale de Justice (CIJ) n’a pas examiné directement l’applicabilité de ce principe, plusieurs juges de la Cour, notamment dans l’affaire relative au mandat d’arrêt contre M. Abdula Yerodia Ndombasi, alors qu’il était Ministre des affaires étrangères en exercice de la RDC, avaient déclaré « clairement » que l’application du principe était limitée en droit
international. Au cours du débat, les délégations ont par ailleurs appelé à veiller à ce que les travaux de la Sixième Commission sur cette nouvelle thématique ne chevauchent pas sur les réflexions de la Commission de droit international qui traite de la relation entre le principe de compétence universelle et celui de l’obligation d’extrader.
C’est au nom du Groupe des États d’Afrique que la République-Unie de Tanzanie avait demandé, le 21 janvier 2009, l’inscription à l’ordre du jour de la soixante-quatrième session de l’Assemblée générale d’une question additionnelle intitulée « Utilisation abusive du principe de compétence universelle ». Cette année, le sujet était abordé pour la première fois au sein de la Sixième Commission.
Les représentants des États Membres suivants se sont exprimés: Australie (au nom du CANZ), Mexique (au nom du Groupe de Rio), République islamique d’Iran (au nom du Mouvement des pays non alignés), Tunisie (au nom du Groupe des États d’Afrique), Suisse, El Salvador, Costa Rica, Swaziland, Afrique du Sud, Chine, République démocratique du Congo, Guatemala, Kenya, Slovaquie, Thaïlande, Pérou, Norvège, Tanzanie, Allemagne, Finlande, Slovénie, Liban et Jamahiriya arabe libyenne.
En début de séance, la Sixième Commission a recommandé à l’Assemblée générale, par un projet de résolution adopté sans vote, d’approuver les règlements de procédure du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies et du Tribunal d’appel des Nations Unies*. Aux termes d’un projet de décision adopté sans vote, elle a également recommandé à l’Assemblée générale de décider de la poursuite pendant sa soixante-cinquième session, de l’examen des aspects juridiques encore en suspens de la question intitulée « Administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies »**.
La Sixième Commission poursuivra son débat sur le principe de compétence universelle demain, mercredi 21 octobre, à 10 heures.
* Projet de résolution relatif à l’Administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies (A/C.6/64/L.2)
** Projet de décision sur l’Administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies (A/C.6/64/L.3)
ADMINISTRATION DE LA JUSTICE À L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
Rapport du Président du Groupe de travail
M. ESMAELI BAHAEI HAMANEH, Vice-Président de la Sixième Commission (République islamique d’Iran), présentant le rapport du Groupe de travail sur l’administration de la justice aux Nations Unies, au nom du président du Groupe, a rappelé que les séances organisées par cet organe étaient ouvertes à tous les États Membres des Nations Unies, aux institutions spécialisées et à l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Le Groupe de travail, a-t-il indiqué, était saisi, pour l’examen de la question du rapport du Comité spécial sur l’administration de la justice à l’ONU (A/64/55), du rapport du Secrétaire général sur l’administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies, et de son rapport sur l’approbation des règlements de procédure du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies et du Tribunal d’appel des Nations Unies. Le Groupe, a-t-il fait remarquer, a tenu quatre rencontres, les 5, 6 et 9 octobre courant. Au cours de sa première réunion, il a eu un dialogue interactif avec le Président du Tribunal administratif des Nations Unies, celui du Tribunal d’appel, des juges et le greffier des deux juridictions, concernant les règlements de procédure et les autres aspects relatifs au travail des deux Tribunaux. Le Groupe de travail a par ailleurs tenu des consultations sur la question de la compétence rationae personae du nouveau système.
Le Groupe de travail a décidé de recommander l’adoption du projet de résolution A/64/L.2 à la Sixième Commission, qui, à son tour le soumettra à l’Assemblée générale pour adoption. Il a également décidé de recommander à la Sixième Commission un projet de résolution sur les travaux futurs. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, le Groupe a demandé au Président de la Sixième Commission d’envoyer une lettre à celui de la Cinquième Commission, qui présenterait les éléments discutés au cours des séances de la Sixième Commission consacrées à la question et devant être évoqués au cours de la prochaine session de l’Assemblée générale.
Présentation et adoption de projets de résolution ou décision
Aux termes du projet de résolution A/C.6/64/L.2, l’Assemblée générale, ayant examiné le rapport du Secrétaire général sur l’approbation des règlements de procédure du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies et du Tribunal d’appel des Nations Unies présentant les règlements de procédure fixés par les tribunaux au 26 juin 2009, approuverait les règlements de procédure du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies et du Tribunal d’appel des Nations Unies tels qu’ils figurent dans les annexes I et II à la présente résolution.
Aux termes du projet de décision A/C.6/64/L.3, l’Assemblée générale déciderait que l’examen des aspects juridiques encore en suspens de la question intitulée « Administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies », sera poursuivi pendant sa soixante-cinquième session dans le cadre d’un groupe de travail de la Sixième Commission, en tenant compte des délibérations qu’y auront consacrées les Cinquième et Sixième Commissions, de ses décisions antérieures et de celles qu’elle pourra prendre à sa soixante-quatrième session.
L’Assemblée déciderait également d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de sa soixante-cinquième session, la question intitulée « Administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies ».
PORTÉE ET APPLICATION DU PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE (A/63/237, A/63/237/Rev.1 ET A/63/568)
Décl arations
M. ANDREW ROSE (Australie), qui s’exprimait également au nom du Canada et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a rappelé que le principe de compétence universelle était un principe ancien du droit international, donnant la possibilité à chaque État, au nom de la communauté internationale, de poursuivre les individus responsables des crimes les plus graves, quel que soit le lieu où ces crimes ont été commis. Le représentant a ainsi estimé que le principe de compétence universelle était un mécanisme important par lequel la communauté internationale s’assure que les auteurs des crimes les plus graves ne pourront trouver refuge nulle part dans le monde. Il a ensuite noté que souvent la réalité était tout autre, de nombreux crimes parmi les plus graves demeurant impunis. Le principe de compétence universelle a précisément pour but de combler ce vide juridique, c’est pour cela que nous exhortons tous les États à inclure les crimes les plus graves dans leur législation nationale, a déclaré M. Rose. Il a également demandé que les États aident les autres États à développer leurs capacités nationales juridiques, afin de renforcer la lutte contre l’impunité. M. Rose a en outre estimé que la compétence universelle au niveau national devrait s’exercer de bonne foi et de manière transparente pour que la lutte contre l’impunité n’aboutisse pas elle-même à l’utilisation abusive de ce principe.
M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie), qui s’est exprimé au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné l’importance de respecter les normes du droit international dans « l’application du principe de compétence universelle ». Le Groupe des États d’Afrique, a-t-il ajouté, est profondément préoccupé au sujet de l’abus de ce principe, qui est défini de manière approximative. Le représentant a regretté les nombreuses controverses sur l’application du principe de compétence universelle et a souhaité que les États Membres en clarifient sa définition. Certaines des questions juridiques, auxquelles il faudrait répondre pour s’assurer de l’application correcte du principe de compétence universelle portent sur la relation de ce principe avec les autres principes du droit international, notamment l’immunité des représentants des États Membres en vertu du droit international coutumier, a expliqué le représentant.
Le représentant a constaté que quelques cas récents ont gravement porté atteinte à l’application appropriée de l’immunité de juridiction dont bénéficient les représentants des États face à des allégations de crimes commis dans l’exercice de leurs fonctions. À cet égard, le Groupe des États d’Afrique a estimé que le principe de l’immunité des chefs d’État ne devrait pas être remis en question, ni réexaminé. L’invocation arbitraire et de circonstance du principe de compétence universelle, en particulier pour ce qui est des représentants d’États africains jouissant de l’immunité en vertu du droit international, est une source de préoccupation, a ajouté le représentant. La notion de « principe de compétence universelle », a-t-il dit, au nom du Groupe des États d’Afrique, nécessite une définition claire et transparente.
M. ALEJANDRO ALDAY GONZÁLEZ (Mexique), s’exprimant au nom du Groupe de Rio, a reconnu l’importance du principe de compétence universelle et le rôle qu’il peut jouer pour mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes graves. Il a indiqué que
ce principe n’affecte pas directement les États, mais préoccupe considérablement la communauté internationale. Le représentant a ensuite reconnu que le principe de compétence universelle est un principe du droit international qui est distinct de l’exercice de la compétence pénale par les juridictions nationales.
Le Groupe de Rio, a-t-il poursuivi, estime qu’il faut éviter les doublons dans la réflexion sur le sujet, notamment avec le travail de la CDI qui examine actuellement la question de l’obligation d’extrader dont les travaux conduisent à s’intéresser à celle de la compétence universelle. Le représentant a en outre indiqué que pour le moment, il faudrait clarifier davantage le sujet, en examinant de manière plus approfondie sa portée. C’est pourquoi, il a estimé qu’il était prématuré, à ce stade, d’envisager un résultat concret quant au fond sur le sujet. Néanmoins, le Groupe de Rio est prêt à travailler avec les autres délégations pour mener à bien cette réflexion, a-t-il assuré avant de conclure.
M. ESMAEIL BAGHAEI HAMANEH (République islamique d’Iran), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a demandé aux États de prendre des mesures particulières pour éviter tout recours inconsidéré au principe de compétence universelle. Tout en respectant ce principe, a-t-il poursuivi, le Mouvement des pays non alignés rappelle que le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États est une condition fondamentale des relations internationales qui doit toujours être respectée. L’exercice de la compétence universelle doit toujours se faire en respectant les immunités des représentants des autres États, a-t-il souligné. S’il est vrai que le principe est fondamental pour poursuivre les auteurs de crimes graves, son application devrait néanmoins se faire avec précaution d’autant plus qu’il est caractérisé par un manque de clarté.
Le Mouvement des pays non alignés, a-t-il affirmé, estime que toute action qui risque de porter atteinte aux immunités des représentants des autres pays doit toujours être bien réfléchie, car elle peut conduire à des mesures politiques dangereuses. Le représentant a mis en garde contre l’extension de la liste des crimes relevant de la compétence universelle. Il a enfin souhaité que les États parviennent à une définition consensuelle de ce principe de compétence universelle.
M. PIERRE-YVES MORIER (Suisse) a indiqué que la Suisse accordait la plus grande importance à la lutte contre l’impunité. Il a estimé que les personnes coupables de crimes doivent répondre de leurs actes et qu’il revient en premier lieu aux États de poursuivre les personnes relevant de leur juridiction. S’agissant des crimes les plus graves, comme le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou encore la torture, la Suisse s’est dotée de moyens juridiques lui permettant d’exercer sa compétence sur certains crimes, en l’absence de tous liens juridictionnels, a indiqué le représentant. Cette compétence universelle n’est exercée en Suisse que lorsqu’il s’agit de « crimes d’une gravité particulière » que la Suisse s’est engagée à poursuivre en vertu d’un accord international et quand la personne soupçonnée se trouve sur le territoire suisse. Enfin, les tribunaux suisses n’exercent leur compétence que lorsque la Suisse n’extrade pas la personne vers un autre État ayant une juridiction territoriale prioritaire.
La délégation suisse considère que la « raison d’être » de la compétence universelle est d’« assurer la poursuite des auteurs de crimes graves quand aucune autre juridiction compétente ne peut le faire et éviter que ces personnes trouvent refuge auprès des autres États ». Tenant compte des « différentes conceptions de la compétence universelle », le représentant suisse a souhaité qu’« une discussion approfondie de la question semble opportune ». Le représentant de la Suisse a, à l’instar d’autres délégations, estimé que « l’examen de la compétence universelle doit être confié à la Commission du droit international (CDI) ». Il a proposé que dans le cadre de ses travaux, « la CDI examine une autre question étroitement liée à la compétence universelle, celle de l’obligation d’extrader ou de poursuivre ». Cette question devrait plutôt être confiée à la CDI qu’à un groupe d’experts au sein de la Sixième Commission.
Mme CLAUDIA MARIA VALENZUELA DIAZ (El Salvador) a tout d’abord souscrit à la déclaration du Mexique faite au nom du Groupe de Rio, en estimant que la compétence universelle est un principe du droit international permettant de lutter contre l’impunité et de traiter des crimes partout où ils ont été commis. « Notre législation prévoit à l’article 10 du Code pénal ce principe de la compétence universelle et précise que le droit pénal s’exercera contre toute personne se trouvant hors de El Salvador, dès lors que les crimes visent des biens concernés par des conventions internationales ou constituent de graves atteintes aux droits de l’homme », a précisé la représentante salvadorienne. Elle a enfin indiqué que le nouveau Gouvernement salvadorien allait « s’efforcer de promouvoir les traités internationaux liés aux questions de droits de l’homme et notamment le Statut de la CPI ».
M. JORGE URBINA (Costa Rica) a souscrit à la déclaration du Mexique faite au nom du Groupe de Rio. Aujourd’hui, a-t-il soutenu, la question de la compétence universelle doit être actualisée par les États Membres en évitant de politiser un débat dont l’objectif est d’atteindre des buts ambitieux comme la consolidation de la paix dans les sociétés qui sortent de conflits. L’absence de rapport sur le sujet en discussion empêche d’approfondir le débat, a regretté le représentant. Il a ensuite estimé que le sujet de la compétence universelle devrait plutôt être traité au sein de la CDI. La paix est indissociable de la justice, a-t-il défendu, en réitérant la position officielle de son pays. Depuis 2001, le Costa Rica a ratifié le Statut de Rome et plus récemment au sein du Conseil de sécurité, il a soutenu les activités du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, a-t-il précisé. Tout cela démontre l’attachement du Costa Rica à la justice internationale.
Le représentant a par ailleurs estimé que la compétence universelle doit venir compléter les compétences nationales et être un instrument qui permette non seulement à prendre des mesures répressives contre les auteurs de crimes, mais aussi à des mesures civiles en octroyant des indemnisations. Pour le représentant, la compétence universelle doit, entre autres, s’appliquer à la torture et aux disparitions forcées. De même, la réflexion sur ce sujet doit aller vers la protection des témoins, la garantie des droits des accusés et la non-application de la peine de mort. Il s’est dit en faveur d’une interprétation restrictive des immunités pour éviter de protéger les auteurs de crimes graves. La compétence universelle est nécessaire et c’est pourquoi, les États doivent coopérer étroitement dans ce domaine, a-t-il conclu.
M. JOEL NHLEKO (Swaziland) a rappelé que le principe de compétence universelle traversait une « sérieuse crise d’identité » au regard de l’existence de la Cour internationale de Justice (CIJ) et de la Cour pénale internationale (CPI). Il a souligné le caractère toujours plus controversé de la justice universelle malgré le consensus international. Le débat est très vif entre les magistrats eux-mêmes sur l’étendue des crimes susceptibles de poursuites. « Il est évident, a-t-il dit, que nous avons besoin d’un cadre juridique clair concernant la gravité et la nature des crimes passibles de poursuites en vertu du principe de compétence universelle ». Par ailleurs, le manque de fondement institutionnel en matière de compétence universelle a seulement pour conséquence de nier la confusion concernant son application et son étendue, a-t-il fait observer. Le recours aux systèmes judiciaires nationaux est suspect par nature, a-t-il poursuivi. Le principe de compétence universelle repose en effet sur la mise en œuvre de lois pertinentes pour lui donner corps de textes susceptibles de ne pas avoir fait l’objet d’une réflexion suffisante. Dans le pire des cas, ceux-ci peuvent tout simplement être inexistants, certains estimant que des lois nationales ne s’imposent pas pour qu’un État puisse déclencher des poursuites en s’appuyant sur le principe de compétence universelle, a ajouté le représentant du Swaziland. C’est à nous, a-t-il ajouté, de mettre sur pied un mécanisme international bien pensé qui assurerait le suivi des mesures juridiques en vertu du principe de compétence universelle. En conclusion, il a exprimé le souhait de sa délégation de voir la réflexion se poursuivre sur ces questions.
M. DIRE TLADI (Afrique du Sud) a déclaré que sa délégation ne souhaitait pas mettre en doute la légalité du principe de compétence universelle. « Notre reconnaissance du principe de compétence universelle pour certains crimes internationaux de nature grave est basée sur notre soutien à la lutte contre l’impunité et la recherche de la justice », a déclaré le représentant sud-africain, qui a estimé que la notion de compétence universelle, dans sa complexité juridique, nécessitait des clarifications dans son application. Le représentant de l’Afrique du Sud a soulevé la question des crimes commis en dehors du territoire d’un État, sans que ces crimes ne soient liés à cet État par la nationalité de l’auteur du crime ou de la victime, et sans que les intérêts de cet État ne soient affectés. M. Tladi a souligné que le risque de politisation et de sélectivité dans l’application du principe de compétence universelle doit être examiné minutieusement.
Le représentant sud-africain s’est demandé si ce principe permettrait aux dirigeants de pays puissants d’être « traduits devant des tribunaux étrangers sur la base de la compétence universelle ». Il s’est également interrogé sur le champ d’application de la compétence universelle en vertu du droit conventionnel, en se demandant si, en dehors des cas de piraterie, il existait des cas de crimes pour lesquels la compétence universelle pouvait s’appliquer en l’absence de tout traité. Ces questions ne visent pas à éviter l’application du principe de compétence universelle, ni à assurer l’impunité des auteurs de crimes graves dans des pays moins puissants, a-t-il dit, mais plutôt à assurer la légitimité du principe de compétence universelle, a-t-il dit avant de conclure.
M. LIU ZHENMIN (Chine) a d’abord pris note de la décision du Sommet de l’Union africaine de condamner l’abus de l’utilisation de la compétence universelle contre les États africains, décision qui indiquait qu’un tel abus aurait un impact négatif sur le développement politique, économique et social de ces États ainsi que sur leur capacité à conduire des relations internationales. La Chine a tenu à exprimer « sa compréhension et sa sympathie » à ces pays africains. La Chine soutient la tenue d’une discussion sur la définition et le champ d’application du principe de compétence universelle afin de « se prémunir d’un abus de cette soi-disant compétence universelle et maintenir le droit international et la stabilité de l’ordre international ». Le représentant de la Chine a ainsi appelé à établir une définition claire et commune du concept de compétence universelle, qui constituera ainsi la base légale pour exercer cette compétence.
« La compétence universelle n’est définie que dans la doctrine et n’a pas constitué jusqu’ici une norme juridique internationale », a précisé M. Zhenmin, rappelant que le principe de souveraineté égale, reconnu en droit international, permet à un État d’exercer sa juridiction sur son territoire mais qu’en même temps, un État bénéficie de l’entière immunité par rapport à la juridiction des autres États. Il a estimé que l’obligation d’extrader des individus découlait des Conventions internationales pour combattre les crimes internationaux et non d’une compétence universelle préalablement établie. « L’obligation d’extrader ne s’applique qu’aux États parties à un traité », a rappelé M. Zhenmin. Il a appelé à respecter l’immunité des États, des chefs d’État et autres représentants des gouvernements, notamment les représentants diplomatiques et consulaires. Avant de conclure, le représentant a indiqué que la Chine partageait les conclusions du dernier Sommet de l’Union africaine, selon lesquelles la compétence universelle était une « brèche » dans le droit international. La Chine demande que la discussion continue au sein de l’Assemblée générale afin de parvenir à une position commune sur cette « question sensible », a-t-il ajouté.
M. ZENON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a déclaré que « le principe de compétence universelle pourrait garder une certaine légitimité dans ce sens qu’il sert à empêcher l’impunité de crimes graves ». Il a noté que les limites à la compétence des tribunaux spéciaux et de la Cour pénale internationale, ainsi que le volume de plaintes déposées devant les tribunaux des États qui exercent leur compétence universelle démontrent combien cette dernière demeure au centre de la lutte contre l’impunité. Le représentant congolais a souligné que la compétence universelle suscite des « réactions passionnées » et des « tensions diplomatiques » qui traduisent un « réel malaise dont la démarche actuelle de l’Union africaine ne constitue que la partie émergée de l’iceberg ».
« La justice pénale internationale est réellement en marche, les auteurs de crimes graves commis en violation du droit international n’ont plus le droit à une paisible retraite, a estimé M. Ngay. Il est certes bon que les États exercent leur compétence universelle, mais il existe des préalables sur lesquels un consensus est nécessaire pour faciliter l’exercice sans heurt de la compétence universelle.» M. Ngay a appelé à trouver un modus vivendi pour éviter l’illusion qu’un groupe d’États se serait arrogé le monopole de punir universellement au détriment d’autres. En conclusion, il a appelé de ses vœux une « harmonisation des termes et concepts liés à la compétence universelle », afin d’atteindre un consensus au niveau international.
MmeANA CRISTINA RODRIGUEZ-PINEDA (Guatemala), qui a souscrit à la déclaration faite par le Mexique au nom du Groupe de Rio, a souligné que l’ONU était l’enceinte idoine pour examiner cette question. Le Guatemala, a-t-elle dit, a réaffirmé son intérêt pour la lutte contre l’impunité. Son pays considère cette compétence universelle comme un instrument international nécessaire à cet effet. Elle a ajouté qu’il s’agit avant tout d’un instrument subsidiaire qui vient compléter la compétence des juridictions nationales. La représentante a appelé à surmonter les divergences de vues qui persistent sur le recours au principe de compétence universelle. Il faut par exemple, a-t-elle soutenu, séparer les sources de la compétence universelle. Elle a souligné le rôle important que les tribunaux nationaux ont à jouer dans la mise en oeuvre de cette compétence universelle. Faisant référence aux crimes qui justifieraient l’application du principe de compétence universelle, la représentante s’est interrogée sur la délimitation du champ d’application de ce principe. Elle a suggéré que la Commission examine cet aspect de la question du principe de compétence universelle.
M. ZACHARY D. MUBURI-MUITA (Kenya) a rappelé que la compétence universelle était un outil crucial pour les victimes de graves crimes internationaux. « La compétence universelle agit en tant que filet de sécurité quand l’État du territoire est incapable de mener une enquête et un procès efficaces », a-t-il souligné. Par ailleurs, selon le représentant kenyan, « la compétence universelle réduit l’existence de refuges où des auteurs de crimes contre l’humanité et de génocide peuvent jouir de l’impunité ». Cependant, a estimé M. Muburi-Muita, les problèmes d’application du principe de compétence universelle ont suscité des inquiétudes en Afrique et pourraient saper un large appui à la compétence universelle.
Le représentant du Kenya a insisté sur le fait que « la notion de compétence universelle est quelque chose de différent des travaux de la CPI, qui n’est compétente que pour les faits commis après 2002 ». Comme le Statut de la CPI n’est pas ratifié de manière universelle, l’application du principe de la compétence universelle reste pertinente pour sa délégation, qui estime cependant qu’il devrait y avoir « équité, uniformité et cohérence » dans l’application du principe de compétence universelle, sinon ce dernier est « ouvert à l’exploitation ». Enfin, le Kenya a demandé qu’un rapport sur la pratique des États en matière de compétence universelle soit présenté à la Sixième Commission.
M. MILOŠ KOTEREC (Slovaquie) a déclaré que les cas de poursuites au niveau national pour des crimes présumés au niveau international existent dans le monde entier et ne concernent pas les individus d’une zone géographique particulière. Pour la délégation slovaque, il est important de souligner que l’exercice de la compétence universelle incombe en premier lieu aux tribunaux nationaux. À cet égard, la compétence des cours et tribunaux pénaux internationaux établie ces dernières décennies doit être « clairement distinguée de la compétence universelle ».
La Slovaquie n’est pas convaincue de la nécessité d’établir un mécanisme international qui serait compétent pour traiter les plaintes d’États contre d’autres États dans le cadre de l’exercice de la compétence universelle, a indiqué son représentant. « Ceci serait contraire au droit des États et aux obligations découlant à la fois du droit national et du droit international », a estimé M. Koterec. Convaincu que la compétence universelle est un outil pour combattre contre l’impunité de ceux qui ont commis des atrocités, le représentant de la Slovaquie a demandé que les discussions sur la question se poursuivent au sein de la Sixième Commission.
Mme PRIM MASRINUAN (Thaïlande) a déclaré que l’inscription de la question du principe de compétence universelle à l’ordre du jour de la Sixième Commission arrive à point nommé. Elle a estimé qu’il y avait un lien évident entre l’obligation d’extrader et le principe de compétence universelle. Bien que la question de l’obligation d’extrader soit examinée par la Commission du droit international, elle a suggéré que la Sixième Commission poursuive l’examen de la question du principe de compétence universelle de manière indépendante, a-t-elle dit. La capacité des États de juger des ressortissants des autres États pour crimes graves est variable, a-t-elle dit. En Thaïlande, cette compétence est
possible en matière de piraterie et dans des cas de crimes relatifs à la traite des personnes et à la piraterie aérienne. Il faut bien entendre la position de chaque État Membre sur cette compétence avant de trancher, a-t-elle estimé. Au cours de l’examen de cette question, il faut garder à l’esprit les sources de ce principe de compétence universelle. Afin de clarifier ces sources, il faudrait définir ses champs d’application rationae materiae et rationae personae.
M. LUIS CHAVEZ (Pérou) a rappelé que lorsque l’on parle du principe de compétence universelle, il ne s’agit pas vraiment d’un principe de droit international, mais d’un principe de reconnaissance de compétence en vertu du droit international. Le représentant a ajouté que la compétence universelle n’équivaut pas à la compétence pénale internationale exercée par les tribunaux internationaux, même si la finalité, à savoir la lutte contre l’impunité, est identique. Pour le représentant du Pérou, « il convient de savoir à quel crime s’applique la compétence universelle. Une catégorie générale ne suffit pas. Il faut analyser les cas spécifiques ».
Le représentant a fait remarquer que la question de la compétence universelle pose plusieurs questions: « quel traité prévoit ce principe de compétence universelle et quelle règle s’applique ? Comment garantir les droits des accusés et comment obtenir réparation ? » Ces questions, a-t-il rappelé, ont déjà été soulevées devant plusieurs tribunaux. Il a estimé que « l’analyse de la compétence universelle a un aspect politique qui ne doit pas influencer notre raisonnement juridique lorsque nous essayons d’analyser l’application et la portée de la compétence universelle au risque d’en débattre de manière indéfinie ». Il a conclu en souhaitant que, dans le cadre de ses travaux, la Commission du droit international (CDI) examine ces questions liées à la compétence universelle.
M. ASMUND ERIKSEN (Norvège) a rappelé que la compétence universelle est la capacité qu’a un État d’appréhender et de poursuivre devant ses tribunaux un ressortissant d’un autre État qui aurait commis un crime grave en vertu du droit international. La compétence universelle est fondée sur les Conventions internationales et le droit coutumier, a-t-il affirmé. Il a ensuite expliqué que cette compétence trouvait aussi sa justification dans la volonté mondiale de mettre fin à l’impunité dont pourrait bénéficier certains individus responsables de crimes graves tels que la piraterie, l’esclavage, la torture, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Cette lutte contre l’impunité doit être partagée par tous. Le représentant a reconnu qu’à ce jour, cette notion n’était pas définie et qu’il était donc important pour les États de s’entendre sur une définition claire. Il faut cependant adopter une approche prudente en la matière, a-t-il suggéré.
Le représentant a aussi souhaité que les travaux de la Sixième Commission ne chevauchent pas sur ceux qui sont actuellement menés par la CDI, en particulier sur le lien qui pourrait être établi entre le principe de compétence universelle et le principe de l’obligation d’extrader.
La compétence est un outil important aux mains des États pour s’assurer que les crimes graves ne restent pas impunis, a-t-il dit, en ajoutant qu’elle doit être appliquée uniquement dans l’intérêt de la justice. Il faut donc éviter de la politiser, tout en respectant tous les autres principes du droit international, a-t-il conclu.
Mme TULLY M. MWAIPOPO (République-Unie de Tanzanie) a indiqué que l’application du principe de compétence universelle était réservée aux crimes considérés comme « suffisamment odieux », mais que la clarté du principe n’est pas suffisante. La représentante a insisté sur la notion encore vague de compétence universelle concernant sa portée et son applicabilité. Le champ d’application du principe, en dehors des traités, n’est pas déterminé. Il est essentiel qu’une définition claire soit établie par tous les États sur un pied d’égalité. La représentante a souligné qu’il était nécessaire de développer des principes directeurs ou des normes uniformes pour répondre de manière suffisante à l’obligation de poursuivre des auteurs de crimes contre les droits de l’homme dans le respect de l’état de droit.
Mme SHERAZ GASRI (France) a indiqué que sa délégation espérait que la Sixième Commission s’entendra sur ce que recouvre le principe de compétence universelle en droit international et qu’elle dissipera certains malentendus qui existent en la matière. Pour la France, la compétence universelle, expression qu’aucune convention n’a jamais définie, est généralement comprise comme le pouvoir d’un juge national de poursuivre et de juger certains crimes commis à l’étranger, par des étrangers et contre des étrangers. La compétence universelle ne vaut que pour les crimes faisant l’objet d’une réprobation universelle et dont la répression doit elle-même être organisée autant que possible, de manière universelle. C’est, à ce titre, que la compétence universelle constitue un instrument essentiel pour la lutte contre l’impunité.
Mme Gasri a ensuite expliqué que l’obligation d’exercer la compétence universelle est prévue par plusieurs conventions internationales qui la subordonnent en outre à la condition que l’individu poursuivi se trouve sur le territoire de l’État dont les juridictions exercent les poursuites. Sans être pleinement confondue avec ce principe de compétence universelle, l’obligation d’extrader ou de juger est souvent prévue par ces mêmes conventions afin d’assurer l’harmonieuse coopération entre les États dans la répression des crimes en cause. La représentante a par ailleurs apporté des éclaircissements sur des notions qui sont parfois confondues avec le principe de compétence universelle, notamment l’exercice par une juridiction internationale des pouvoirs qui lui ont été reconnus par la communauté internationale. Mme Gasri a également souligné que la question de la compétence d’une juridiction nationale doit toujours être distinguée de la question de savoir si une juridiction est en droit de juger certains individus auxquels le droit international reconnaît des immunités. L’exercice d’une compétence de juridiction, à quelque titre que ce soit, ne saurait impliquer d’atteinte aux immunités de juridiction, a-t-elle conclu.
M. KONRAD G. BÜHLER (Autriche) a indiqué que la compétence universelle divisait ceux qui trouvent que c’est un empiètement sur leur souveraineté, d’autres un instrument de lutte contre l’impunité, rappelant que la lutte contre l’impunité est un des principaux objectifs que se sont fixés les Nations Unies. Le représentant autrichien a utilisé la définition de la compétence universelle rédigée en 2005 par l’Institut du droit international de Cracovie, soulignant que la compétence universelle est la compétence d’un État de poursuivre les auteurs présumés et de les condamner s’ils sont reconnus coupables indépendamment du lieu où le crime a été commis.
« Nous devons circonscrire le débat à la compétence pénale », a insisté M. Bühler. Il ne s’agit pas de la compétence extraterritoriale en matière civile. Il s’agit uniquement de la compétence d’un État et non pas de la compétence des tribunaux internationaux. » Pour le représentant autrichien, la compétence universelle doit être strictement différenciée de la compétence des tribunaux internationaux, même si la compétence universelle peut par ailleurs reposer sur le droit des traités et le droit international coutumier. « La compétence universelle doit être distinguée de la question des immunités », a indiqué M. Bühler. Il a souligné que « l’immunité des représentants de l’État, qui a été considérée comme préoccupante, est actuellement examinée par la Commission du droit international ». En matière d’extradition, le représentant autrichien a déclaré que « la compétence universelle est différente de l’obligation d’extrader ou de poursuivre ». Une telle obligation n’existe, selon lui, que lorsqu’on a établi la compétence universelle en vertu du droit international. En matière de droit interne, le représentant de l’Autriche a rappelé que le droit pénal autrichien s’appliquait contre les crimes commis en dehors du territoire autrichien et repose sur le principe de la personnalité passive.
M. CHRISTOPH RETZLAFF (Allemagne) a souligné que le génocide et les crimes contre l’humanité sont les crimes les plus graves aux yeux de la communauté internationale. De tels crimes menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde entier, a-t-il dit, en insistant sur l’importance que tous les États partagent l’objectif d’en poursuivre les auteurs pour les traduire en justice et de lutter ainsi contre l’impunité. Le représentant a ainsi estimé que la lutte contre l’impunité était une contribution à la prévention des crimes les plus graves et au renforcement de la paix et de la sécurité dans le monde. Il a ajouté qu’au niveau national, le principe de compétence universelle était légitime et utile pour combattre l’impunité, de nombreux traités, comme les Conventions de Genève de 1949 et la Convention contre la torture, faisant d’ailleurs obligation aux États parties à appliquer ce principe. Le représentant a rappelé qu’il était du devoir des États, en premier lieu ceux sur le territoire desquels un crime grave a été commis, d’appliquer le principe de compétence universelle pour traduire en justice les responsables de crimes internationaux. Il a précisé que si un État n’avait pas les moyens d’assumer ses responsabilités, la compétence universelle doit s’appliquer pour assurer qu’un tel crime international ne reste pas impuni. Plus la législation nationale en la matière est efficace, moins les États auront à recourir au principe de compétence universelle, a-t-il affirmé.
M. ARTO HAAPEA (Finlande) a rappelé que pendant longtemps, l’impunité était la règle. Depuis le début des années 1990, elle n’était « tout simplement plus tolérée par la communauté mondiale ». Il a évoqué la création des tribunaux internationaux spéciaux et de la CPI. Mais il est important de souligner, a-t-il ajouté, que la compétence de ces institutions découle de leurs propres statuts et qu’elle ne s’appuie pas sur le principe de compétence universelle: « Ce que les tribunaux pénaux internationaux ont en commun avec ce principe, c’est qu’ils visent tous à en finir avec l’impunité ». Dans le même temps, a-t-il rappelé, les États ont intensifié leurs propres efforts pour combattre l’impunité, les tribunaux pénaux internationaux ayant des compétences et des moyens limités. Par conséquent, l’action des juridictions nationales demeure de la plus haute importance si l’on veut que les auteurs de crimes les plus graves soient jugés. Certaines procédures de tribunaux nationaux sont basées sur le principe de compétence universelle, a-t-il souligné.
Le représentant a noté que s’il était préférable que les tribunaux aient à connaître des affaires relevant de leur compétence géographique, cela n’était pas toujours possible. Il a rappelé que le principe de compétence universelle n’était pas une nouveauté en droit pénal, précisant que la notion était « distincte mais étroitement liée » avec l’obligation d’extradition. M. Haapea a enfin cité l’exemple d’un individu accusé de génocide qui a été jugé en Finlande alors qu’il était un résident étranger poursuivi pour des actes commis ailleurs. Cette affaire a soulevé un débat sur la question de savoir si c’était à la justice finlandaise de juger cet homme, a-t-il expliqué. Un pays comme la Finlande, favorable à la justice internationale, ne doit pas refuser de faire face à ses responsabilités, s’il existe un risque que la non-application du principe de compétence universelle mène à l’impunité, a-t-il conclu. La Finlande est en effet convaincue que ce principe constitue un outil essentiel dans la lutte contre l’impunité s’agissant des crimes les plus graves.
M. AMANUEL AJAWIN (Soudan), qui s’est associé à la déclaration faite par la Tunisie au nom du Groupe des États d’Afrique, a affirmé que certains États abusent de ce principe de compétence universelle contre les États africains, comme l’a déjà expliqué l’Union africaine dans diverses déclarations. Il a affirmé que l’Union africaine avait déjà, à différentes occasions, évoqué l’utilisation abusive de la compétence universelle, qui peut entraver le développement économique et social des États africains. La doctrine de la compétence universelle, a-t-il soutenu, est marquée par la politique des « deux poids deux mesures », et ceci conduit à la distorsion des relations internationales.
Le principe est encore jeune au plan juridique car il n’existe pas de consensus international sur sa définition, ni sur son application et sur les garanties qui peuvent être envisagées, a dit le représentant. Il a aussi prévenu que toute redéfinition de l’immunité diplomatique peut être source d’anarchie. Il faut examiner le principe de compétence universelle sous tous les angles afin de définir clairement cette notion et son champ d’application, a-t-il souligné.
Mme SANJA ŠTIGLIC (Slovénie) a estimé que la compétence universelle est une compétence fondée sur la nature du crime, basée à la fois sur le droit coutumier et le droit conventionnel, et que d’autres formes de droit extraterritorial fournissent la possibilité d’extrader. « La compétence universelle défend des valeurs communes à toutes la communauté internationale ». « Les tribunaux spéciaux sont bien entendu limités sur leurs compétences, la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie est bien entendu limitée aux crimes commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie après 1991, a-t-elle rappelé. Les cours et tribunaux nationaux sont bien souvent incapables de poursuivre les auteurs de ces crimes graves ou ne sont pas disposés à le faire ».
Dans le cas de la Cour pénale internationale, la déléguée de la Slovénie a estimé que la notion de complémentarité, qui s’appuie sur la notion de recevabilité, devrait être examinée. Pour Mme Štiglic, il faut faire la différence entre les mécanismes pour déclencher la compétence et comprendre que tous les cas ne relèvent pas de la compétence universelle. De manière plus générale, la Slovénie a toujours prôné les droits de l’homme et la dignité et estime que la culture de l’impunité doit prendre fin, a assuré sa représentante.
M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie) a déclaré que le champ d’application et les zones d’ombre sur la compétence universelle doivent être dissipés. Il a estimé que les ambiguïtés actuelles découlent de l’éventail des possibilités laissées aux États. En dehors de sa base conventionnelle, cette notion connaît diverses interprétations. C’est pourquoi, la Commission doit procéder à un examen approfondi de la question afin d’établir une définition claire, a-t-il dit. Ces dernières années, a poursuivi le représentant, le principe de compétence universelle a fait l’objet de controverses et cette tendance risque de s’accentuer si l’application de ce principe n’est pas délimitée.
Afin d’assurer l’efficacité de la lutte contre l’impunité, il faut séparer le rôle du judiciaire et celui de l’exécutif dans la mise en œuvre de ce principe, a-t-il dit. Malheureusement, a t-il soutenu, des pratiques et exemples montrent que les poursuites sont le plus souvent engagées par des responsables politiques que par des juges. Il a estimé que le principe de compétence universelle empiète trop souvent sur la souveraineté des États, mais aussi sur l’immunité des représentants des États. C’est pourquoi, il a estimé nécessaire que cette question soit étudiée de façon plus approfondie.
M. JEAN-CEDRIC JANSSENS DE BISTHOVEN (Belgique) a remercié la Tanzanie et le Liechtenstein pour le panel de discussion organisé au début du mois d’octobre, qui a permis d’établir le cadre du débat d’aujourd’hui. La Belgique considère que l’exercice de la compétence universelle est un moyen essentiel à la disposition des États, mais un moyen en dernier ressort dans le cas où les auteurs de crimes de guerre, de génocide, de crimes contre l’humanité ou torture risquent de rester impunis, ou dans le cas où l’État dont le suspect ou les victimes portent la nationalité n’a manifestement pas la volonté ou la capacité d’exercer des poursuites. « La Belgique partage l’opinion selon laquelle tous les États sont invités à engager des poursuites contre les auteurs présumés de crimes graves de portée internationale, que ce soit sur la base de la compétence universelle ou d’autres bases de compétence plus traditionnelles, telles que la territorialité ou la nationalité de l’auteur ou de la victime », a poursuivi M. Janssens.
Le représentant de la Belgique a relevé qu’un examen attentif permettrait de constater que les mises en accusation de ressortissants étrangers sur la base de la compétence universelle sont relativement rares, par rapport aux autres poursuites fondées sur d’autres bases légales de la compétence extraterritoriale. Quant à l’idée de créer un organe de réglementation internationale chargé d’examiner les plaintes consécutives à l’utilisation abusive de la compétence universelle, le représentant a estimé qu’une telle option serait « peu compatible avec le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire » ainsi qu’avec les droits et obligations qu’ont les États en vertu du droit international.
M. ALI KARANOUH (Liban) a souligné que son pays accordait un fort intérêt à la lutte contre l’impunité. Il a estimé que la Sixième Commission devrait examiner, au cours de son débat sur la question, le champ d’application de la compétence universelle et réfléchir avec prudence sur le rôle des États. La question de la compétence universelle doit être examinée sous un angle scientifique en tenant compte des différents crimes, afin d’éviter toute appropriation politique du sujet. Il a également appelé à examiner la question, à la lumière du principe d’égalité souveraine des États.
M. SAMI AL GHADBAN (Jamahiriya arabe libyenne) a souligné que le principe de compétence universelle était bel et bien inscrit dans le contexte du droit international. Il a cependant appelé à la « prudence » dans l’application de ce principe pour éviter la « partialité, la sélectivité et l’unilatéralisme ». « Comment examiner cette question sans atteindre à la souveraineté des États ? », s’est demandé le représentant libyen, déplorant que certains organes nationaux mettent en œuvre le principe de compétence universelle d’une manière abusive qui préoccupe l’Union africaine. Le représentant de la Libye a appelé à éliminer toute « partialité et confusion » dans l’application du principe. Le représentant a estimé que la portée et l’applicabilité du principe de compétence universelle se trouvent dans des rapports juridiques célèbres pour leur impartialité, qui s’appuient sur la jurisprudence de la Cour internationale de Justice ou l’Acte constitutif de l’Union africaine.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel