AG/EF/3266

La gravité des problèmes liés à l'eau exige une meilleure gouvernance et davantage d'investissements dans ce domaine, selon une table ronde de la Deuxième Commission

06/11/2009
Assemblée généraleAG/EF/3266
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Deuxième Commission

Table ronde - matin


LA GRAVITÉ DES PROBLÈMES LIÉS À L’EAU EXIGE UNE MEILLEURE GOUVERNANCE ET DAVANTAGE D’INVESTISSEMENTS

DANS CE DOMAINE, SELON UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION


Pour le dernier des évènements spéciaux organisés dans le cadre des travaux de sa session, la Commission économique et financière (Deuxième Commission), a débattu ce matin de la question du « renforcement de la gouvernance en matière de l’eau ».  C’était à l’occasion d’une table ronde réunissant, autour du Président de la Deuxième Commission, M. Park In-kook (République de Corée), quatre principaux intervenants.


Ouvrant les débats, M. Park a relevé le caractère hautement politique des débats qui ont cours autour de l’eau, une ressource vitale.  « Il en est ainsi dans la mesure où nos économies et même notre survie en dépendent », a-t-il souligné.  Sans eau, pas d’agriculture, a ajouté M. Park.  Dès lors, le Président de la Deuxième Commission a souligné le rôle central qui incombe aux Nations Unies, plate-forme par excellence de débats sur l’enjeu crucial de la gestion de l’eau qui, jusqu’ici fort heureusement, se révèle être un véhicule de la promotion de la coopération entre États. 


Ceci étant dit, a ensuite observé M. Park, alors qu’à l’heure actuelle 900 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, qu’adviendra-t-il lorsque, suite aux graves conséquences des changements climatiques, l’accès à l’eau sera rendu plus difficile encore qu’il ne l’est aujourd’hui?


Autour de cette interrogation centrale, le Président de la Commission a engagé les intervenants qui ont pris la parole après lui à réfléchir en particulier sur l’architecture institutionnelle à mettre en place en vue d’assurer une gouvernance de l’eau efficace au plan international, mais aussi sur les défis à relever dans l’avenir par ces institutions, ainsi que sur les moyens de renforcer la coopération sur cette question vitale.


Table ronde sur le thème «  Renforcement de la gouvernance en matière de l’eau »


Déclarations liminaires


M. COLIN CHARTRES, Directeur général du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) de l’Institut international de gestion des ressources en eau (IWMI), a noté qu’alors que l’eau devient rare, nos habitudes de consommation, elles, n’ont pas changé.  L’idée selon laquelle on peut utiliser l’eau sans aucune limite doit être revue, a-t-il plaidé.  Cette idée s’illustre, par exemple, a poursuivi M. Chartres, par le fait que le prix de l’eau dans de nombreux pays ne tient pas compte de la précarité de son accès.  Le paradoxe de l’évolution actuelle réside dans le fait que le monde doit nourrir 2,5 milliards de personnes en plus, par le biais de l’agriculture, alors qu’il dispose de moins d’eau.  La raréfaction de l’eau affecte diverses régions du monde, a observé M. Chartres, avant de préciser que certaines sont victimes d’une « raréfaction physique » des ressources hydriques comme cela s’observe dans les pays d’Afrique du Nord, tandis que d’autres sont victimes d’une « raréfaction économique » comme cela est le cas en Afrique, au sud du Sahara.  Jusqu’ici, a analysé le Directeur général du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, on s’est surtout préoccupé, face aux enjeux de l’eau, de la rendre plus accessible aux populations les plus pauvres.  Or, a-t-il insisté, les véritables solutions dépendront surtout de la réforme de la gouvernance et de l’investissement dans la recherche scientifique.  Plus précisément, il faut à la fois améliorer l’accès, améliorer la production, et réduire les risques de maladies et les risques environnementaux liés à l’eau contaminée, a déclaré M. Chartres.  Il y a, a-t-il jugé, un problème de déséquilibre entre l’offre et la demande, mais on dispose aussi des moyens qui permettraient d’y faire face.


Énumérant les solutions possibles, M. Chartres a appelé à investir dans l’irrigation; à investir dans une agriculture qui se serve mieux des précipitations; et à promouvoir le commerce de l’eau avec les pays qui en disposent abondamment.  En Afrique, a-t-il souligné, il y a un énorme potentiel hydraulique pour faire face aux problèmes de l’agriculture, mais il faudrait pour cela y investir dans les infrastructures hydrauliques.  Enfin, M. Chartres a souligné la nécessité d’aborder la question de l’eau de manière holistique, précisant qu’il s’agit tout à la fois de mettre en place de nouvelles institutions de gestion de l’eau et de prêter une plus grande attention aux conditions biophysiques notamment.  En conclusion, il a analysé qu’en Afrique, au sud du Sahara, et en Inde, des investissements de 115 milliards de dollars et 156 milliards de dollars, respectivement, pourraient faciliter l’accès à l’eau pour 65 millions et 70 millions de personnes vivant dans les zones rurales. 


De son côté, M. AARON WOLF, Directeur du Programme de gestion et de transformation des conflits liés à l’eau de l’Université d’État de l’Orégon, a insisté sur la gravité du problème de l’accès à l’eau.  La crise de l’eau, a-t-il poursuivi –qui se traduit par 2,5 milliards de personnes qui n’ont pas d’accès à l’assainissement, 900 millions sans accès à l’eau potable elle-même, et 2,2 millions de personnes qui meurent chaque année de maladies liées à l’eau- est plus grave que le sida, et plus grave que tous les tsunamis. 


M. Wolf a ensuite consacré son intervention à l’analyse de deux mythes entourant les débats sur l’enjeu de l’eau.  Le premier, a-t-il observé, est l’idée selon laquelle les guerres de l’eau sont très courantes et même inévitables.  En guise d’illustration, il a évoqué les résultats des recherches menées à l’Université d’État de l’Orégon -qui a mis en place une base de données détaillées relatives aux disputes ayant trait à la gestion de l’eau- et selon lesquels, entre les années 805 et 1995, soit plus d’un millénaire, 3 600 traités relatifs à l’eau ont été signés.  Ceci, a-t-il jugé, en dit long sur la permanence des institutions de gestion de l’eau.  Le deuxième mythe, a poursuivi M. Wolf, est l’idée selon laquelle il n’y avait aucun souci à se faire sur la question de l’eau.  Le fait est, a-t-il expliqué, que la gestion de l’eau génère quelques conflits, -le plus souvent ces dernières décennies, entre Israël et ses voisins arabes, qui ont connu 27 des 37 conflits directement liés à l’eau.  Les conséquences des changements climatiques pourraient aggraver la situation, a-t-il cependant averti.  Enfin, citant l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, le Directeur du Programme de gestion et de transformation des conflits liés à l’eau de l’Université d’État de l’Oregon a conclu son propos en indiquant que les problèmes d’eau auxquels le monde est confronté peuvent être un catalyseur de coopération plutôt qu’une source de conflit, à condition cependant que tous les acteurs travaillent vers cet objectif.


S.E. M. ERTŬGRUL APAKAN (Turquie) a noté que l’eau est une ressource vitale sans laquelle le développement et la préservation des écosystèmes sont impossibles.  La consommation d’eau a augmenté deux fois plus vite que la population mondiale et, selon les prévisions des Nations Unies, en 2025, 1,8 milliard de personnes vivront dans des régions victimes de rareté hydraulique grave, a-t-il poursuivi.   Notant que l’agriculture est le principal secteur consommateur d’eau, M. Apakan s’est inquiété de l’impact potentiel des changements climatiques sur la disponibilité de cette ressource, mais davantage encore de l’obsolescence des institutions actuelles de gestion des questions de l’eau, avant d’appeler à la mise en place d’une gestion intégrée et transfrontalière de cette ressource. 


Reprenant le propos du Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, le représentant de la Turquie a souligné que l’eau était la ressource la plus précieuse du monde et qu’il fallait la gérer intelligemment en assurant que tout le monde puisse y avoir accès.  En plus de la nécessaire coopération au plan international, M. Apakan a relevé qu’il fallait encore mettre en place des institutions de gouvernance de l’eau et s’est félicité des résultats des travaux du cinquième Forum mondial de l’eau, qui s’est tenu à Istanbul, en Turquie, en mars dernier.  Les efforts internationaux en vue de favoriser l’accès à l’eau doivent se situer dans le cadre de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), a-t-il enfin souligné.


Enfin, M. NIKHIL CHANDAVARKAR, Secrétaire d’ONU-Eau de la Division du développement durable du Département des affaires économiques et sociales a consacré son intervention à la description de l’entité qu’il dirige, de ses missions, et de son mandat.  Il a indiqué qu’ONU-Eau n’était pas une agence mais un mécanisme de coordination interagences disposant d’une structure de gouvernance légère et dont le mandat est de coordonner l’action de différents acteurs, dont certains ne font pas partie du système des Nations Unies.  Parmi ses domaines de travail, ONU-Eau se penche sur les questions de pollution, de rareté de l’eau, de gestion transfrontalière des ressources en eau, de formation, ou encore à celles liées à l’eau et au genre, a-t-il précisé.  Sur sa manière de travailler, M. Chandavarkar a précisé qu’ONU-Eau met en place des groupes de travail, et que ses activités sur le terrain sont menées par ses membres et partenaires, lesquels contribuent aux financements, tout en disposant également de financements provenant d’autres donateurs.  ONU-Eau ne dispose, pour son fonctionnement, que de 3 millions de dollars, a cependant averti M. Chandavarkar.


Dialogue interactif


Lors du débat interactif, le représentant du Pakistan s’est étonné des faibles ressources dédiées à ONU-Eau pour faire face à l’enjeu pourtant crucial de l’eau.  Son homologue de Sainte-Lucie s’est dit frappé de ce que, dans la région des Caraïbes, alors qu’il y a abondance en eau, toutes les populations n’y ont pas accès.  Il a en outre relevé les enjeux posés par la désalinisation des eaux des fleuves et des rivières du fait de l’augmentation du sel dans ces eaux.  De son côté, le représentant du Tadjikistan a regretté l’absence d’action sur les questions liées à l’eau et a appelé les autres représentants à soutenir le projet de résolution que présentera son pays en vue d’organiser notamment des évènements de haut niveau sur cette question au Siège de l’ONU à New York et à Douchanbé au Tadjikistan.


Intervenant au nom de l’Union européenne, la représentante de la Suède a souhaité qu’ONU-Eau, tout en accomplissant sa mission de coordination, ne devienne pas une agence de plus. 


Réagissant à certaines de ces observations, M. CHARTRES a noté qu’il était encourageant de voir apparaître diverses technologies vertes visant à faciliter la désalinisation de l’eau.  Il a également plaidé pour que les prix de l’eau reflètent les problèmes qu’ont les populations à y avoir accès.  Abordant la question des rencontres internationales autour de l’enjeu de l’eau, M. WOLFE a, pour sa part, relevé la difficulté de parvenir à un consensus dans le cadre de tels forums.  « Nous sommes face à une crise grave qui nécessite la mobilisation d’une volonté politique forte à l’échelle internationale », a-t-il averti.   


M. APAKAN a, pour sa part, insisté sur le rôle déterminant des autorités locales dans les débats sur la gestion de l’eau.  Le représentant de la Turquie a, par ailleurs, exprimé le soutien de son pays aux activités d’ONU-Eau et au projet de résolution évoqué par son homologue du Tadjikistan. 


Enfin, M. CHANDAVARKAR, a estimé que l’institution qu’il dirige ne doit pas être jugée par l’importance de son budget.  Il a comparé le rôle d’ONU-Eau à celui que joue une petite graine qui a un effet multiplicateur et de laquelle peut naître un grand arbre.  En dépit de son importance, la désalinisation n’est pas la panacée à la pénurie de l’eau, a-t-il encore précisé.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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