Une table ronde de la Deuxième Commission identifie la démarginalisation des pauvres par le droit comme un vecteur de promotion du développement
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Deuxième Commission
14e séance – matin
UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION IDENTIFIE LA DÉMARGINALISATION DES PAUVRES PAR LE DROIT COMME UN VECTEUR DE PROMOTION DU DÉVELOPPEMENT
La très grande majorité des 4 milliards de pauvres de la planète vivent en marge de la loi et sont privés de la jouissance des garanties juridiques élémentaires qui reconnaissent leur droit à un toit et à des biens et tiennent compte de leur dur labeur. Sans droits de propriété, ils vivent dans la crainte d’une expulsion forcée. Sans accès à la justice, ils sont victimes de la corruption et de la violence. Et sans la protection du droit du travail, ils sont exploités dans des conditions inacceptables et dangereuses.
C’est pour ces raisons préoccupantes que la Deuxième Commission, chargée des affaires économiques et financières, a choisi de faire de la démarginalisation des pauvres par le droit le thème de sa table ronde d’aujourd’hui, table ronde qui était présidée par la Rapporteure de la Commission, Mme Denise McQuade. Celle-ci a rappelé en préambule que la démarginalisation des pauvres était cruciale pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), puisqu’elle leur faciliterait à la fois l’accès à la propriété et leur donnerait accès à la préservation de leurs moyens de subsistance.
Table ronde sur le thème « Démarginalisation des pauvres et élimination de la pauvreté »
Déclarations liminaires
M. HAMID RASHID, Conseiller principal et Coordonnateur pour la démarginalisation des pauvres par le droit, du Bureau des politiques de développement du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a expliqué que l’« autonomisation juridique » ou « démarginalisation par le droit » des pauvres est un processus par lequel on peut protéger les pauvres en leur donnant les moyens d’exercer leurs droits en tant que citoyens et acteurs économiques à part entière. La démarginalisation est une condition sine qua non à remplir si l’on veut pouvoir éradiquer la pauvreté, a-t-il souligné. Mais comment la mettre en place? En veillant à ce que les pauvres acquièrent une identité juridique et puissent faire entendre leur voix et participer aux processus de prise de décisions, a répondu M. Rashid. S’il faut se concentrer sur le respect de l’état de droit et garantir l’équité et la justice, gardons-nous de croire que l’égalité devant la loi, consacrée par de nombreuses constitutions, se traduit automatiquement par l’égalité dans l’accès à la justice, a souligné l’expert. En effet, a-t-il rappelé, les pauvres sont traditionnellement tenus à l’écart du recours à la justice en raison de la complexité et de l’ambigüité des jurisprudences, mais aussi à cause du caractère onéreux des frais de justice. C’est la raison pour laquelle l’assistance juridique aux pauvres doit se faire sur une base pro bono, a relevé M. Rashid. Dans ce contexte, le PNUD a lancé une initiative sur la démarginalisation par le droit des pauvres, qui prévoit une cinquantaine de projets, dont 27 en partenariat avec d’autres agences ou entités du système des Nations Unies.
M. THOMAS MCINERNEY, Directeur de la recherche, des politiques et des initiatives stratégiques de l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD), a évoqué les initiatives concrètes que son organisation a lancées pour favoriser l’« autonomisation juridique » des pauvres. Six projets sont en cours, qui couvrent 11 pays et des sujets aussi différents que le microcrédit ou la reconnaissance des droits des filles et de femmes. Au Libéria, en Ouganda et au Mozambique, M. McInerney a indiqué que l’accent avait été mis sur l’attribution de terres communautaires aux pauvres. Par le biais d’une recherche orientée sur l’action, nous nous penchons sur la manière dont les communautés peuvent renforcer leur emprise sur les projets d’investissement en milieu rural et augmenter les bénéfices qu’ils en tirent, a poursuivi le Directeur. Il a expliqué que le meilleur moyen d’y parvenir était de développer le droit coutumier de ces pays, pour le rendre à la fois plus transparent et plus inclusif des intérêts des droits des femmes et des enfants. L’OIDD cherche à identifier les types et les niveaux d’appui qui peuvent être apportés pour que le processus d’attribution des terres puisse se faire, a indiqué McInerney, qui a expliqué que, pour l’instant, elle essayait de valider empiriquement ce système mis en place à titre expérimental.
Mme LUCIE WHITE, Professeure de droit à la Chaire Louis A. Horvitz, de la Faculté de droit de l’Université Harvard, a souligné l’importance du droit foncier, souvent négligé au profit d’autres droits fondamentaux. Mais ce droit à la propriété est fortement contesté, en raison des nombreuses acceptions qu’il recouvre, a-t-elle regretté. Si l’on se penche de plus près sur ce concept, on peut l’entendre comme étant le droit à un abri, le droit à la sécurité locative, le droit à un logement décent ou encore le droit de vendre. Il est donc crucial de faire des recherches empiriques très soignées pour veiller à ce que ce droit soit défini de manière très précise dans les pays où les dispositions juridiques sont ambigües ou inexistantes, a préconisé Mme White. Pour y parvenir, il est indispensable de renforcer les partenariats avec la société civile locale et les juristes pour rechercher des alternatives aux expulsions forcées et renforcer leur citoyenneté politique, a-t-elle recommandé.
Dialogue interactif
Ouvrant la discussion interactive, le représentant des États-Unis a rappelé le soutien du Gouvernement américain à la démarginalisation des pauvres par le droit, qui représente selon lui un moyen très concret de réaliser le développement. Il existe des possibilités qui permettraient le partage des expériences nationales et qu’il faut privilégier, a-t-il indiqué.
Réagissant à ce point de vue, Mme WHITE a rappelé l’importance d’établir des liens internationaux et d’échanger les meilleures pratiques entre les pays dont les migrants sont originaires et les pays d’accueil de ces migrants.
Le représentant du Ghana a rappelé les disparités qui existent entre les populations pauvres des villes et les populations pauvres des campagnes, ce qui souligne la nécessité d’examiner la question de la démarginalisation à la lumière de celle des migrations. Une nouvelle façon de considérer les pauvres a émergé ces dernières années, puisqu’ils ne sont plus considérés comme une nuisance, mais comme une ressource potentielle, s’est-il félicité.
Pour sa part, la délégation de l’Égypte s’est demandée s’il existait un moyen de prendre en compte les spécificités juridiques de chaque pays dans le cadre d’une solution globale au problème de la démarginalisation des pauvres. M. RASHID a répondu que chaque pays était traité de manière unique, dans le respect de ses lois nationales, assurant que le PNUD travaillait main dans la main avec les 270 tribunaux familiaux établis en Égypte, par exemple.
La représentante de la Suède, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a attiré quant à elle l’attention des participants sur les problèmes posés par l’absence de documentation appropriée pour identifier les pauvres. Elle a ensuite souhaité savoir ce que l’ONU peut faire concrètement pour réaliser la démarginalisation des pauvres. Répondant à cette question, M. MCINERNEY, de l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD), a proposé que le concept d’autonomisation juridique des pauvres devienne, au même titre que les changements climatiques, un nouveau prisme majeur à travers lequel examiner l’ensemble des questions liées au développement.
Le représentant du Venezuela a rappelé que son pays avait, il y a 10 ans, pris un tournant en direction de l’équité sociale et de la participation de tous les citoyens aux processus de prise de décisions ou aux programmes de sécurité alimentaire. La démarginalisation des pauvres par le droit est une question à la fois juridique et de financement, a-t-il estimé, soulignant qu’elle doit passer par une répartition plus équitable des richesses.
Le représentant de la Norvège a enfin indiqué que l’agenda de la promotion du travail décent était lié à l’autonomisation juridique des pauvres. Soulignant que l’un des principaux objectifs du PNUD était de forger des partenariats tout en évitant les doublons, M. McInerney a indiqué que le travail décent relevait plutôt du mandat de l’Organisation internationale du Travail – OIT).
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