LA CONFIANCE ENVERS LA GOUVERNANCE ET LES INSTITUTIONS PUBLIQUES EST UN FACTEUR CENTRAL DU RELÈVEMENT POSTCONFLIT, RELÈVE UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION
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Deuxième Commission
Table ronde – matin
LA CONFIANCE ENVERS LA GOUVERNANCE ET LES INSTITUTIONS PUBLIQUES EST UN FACTEUR CENTRAL
DU RELÈVEMENT POSTCONFLIT, RELÈVE UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION
Dans une situation d’après-conflit, rétablir le fonctionnement des institutions publiques et d’une gouvernance qui soient crédibles est crucial pour le relèvement et la paix, ont affirmé, ce matin, plusieurs délégations de la Deuxième Commission. À l’occasion de la tenue d’une table ronde qu’elle a animée, Mme Rachel Mayanja, Sous-Secrétaire générale et Conseillère spéciale pour la parité des sexes et la promotion de la femme, a attiré l’attention des participants sur la nécessité de trouver les moyens qui permettraient, dans ce genre de circonstances, de faciliter la transition de la période de conflit vers une phase d’établissement et de renforcement de la paix. Des panélistes ont enrichi le débat des expériences qu’ils ont vécues en Afrique du Sud, au Rwanda et au Burundi.
Trouver des réponses valables aux questions liées à la confiance, au leadership, et à une vision porteuse pour le pays est crucial pour la reconstruction d’un État et l’édification de services publics crédibles, a estimé Mme Odette Ramsingh, Directrice générale du Bureau de la Commission de la fonction publique de l’Afrique du Sud. Elle a, en effet, noté que, dans le cas de l’Afrique du Sud, la confiance de la population envers le service public était fortement ébranlée, du fait du long conflit contre l’apartheid, et la plus grande partie de la population doutait que ce dernier puisse jamais servir réellement ses intérêts. Elle a expliqué que la transformation du service public sud-africain a été guidée par les principes de réconciliation et de construction de la nation. Il a fallu modifier des structures qui, bien qu’existantes, n’étaient prévues que pour servir et favoriser la minorité blanche, a-t-elle précisé. Mme Ramsingh a indiqué qu’après avoir mis sur pied ce service public, il s’agissait alors de faire en sorte qu’il réponde aux demandes de la société; et qu’il soit accessible, transparent, responsable, efficace et non corrompu. L’accent, a-t-elle poursuivi, a été mis sur les ressources humaines. Le système des salaires a été revu, la grille salariale passant alors de plus de 300 barèmes de rémunération à seulement 16. Le système de compensations, qui souvent renforçait les inégalités, a également été modifié, a précisé Mme Ramsingh. La panéliste a, d’une manière générale, relevé qu’il est extrêmement important, dans un pays sortant d’une période de turbulences politiques et sociales, de restaurer la légitimité et la crédibilité du service public. Elle s’est félicitée que la reconstruction du service public sud-africain ait été le fruit d’une longue réflexion traduisant dans les faits une véritable vision, et qu’elle ait suivi une démarche structurée assurant la participation et la consultation de toutes les parties prenantes.
Prenant quant à lui l’exemple du Rwanda, M. John-Mary Kauzya, Chef du Service de la gestion et de l’administration publique au Département des affaires économiques et sociales, s’est fait l’avocat du rôle que la décentralisation peut jouer pour le renforcement de la paix. Il a argué que la décentralisation permet de planifier et de mettre en œuvre un processus de développement participatif. Il a toutefois reconnu qu’il peut être dangereux de rechercher à tout prix la décentralisation dans des sociétés fragmentées et marquées par une grande méfiance entre les communautés. Il faut que la décentralisation soit axée sur le développement, a-t-il poursuivi. Il a expliqué que, pour le cas du Rwanda, l’objectif de la décentralisation était guidé par les principes de participation locale, de transparence, d’efficacité, d’unité nationale et d’autonomie locale. La décentralisation apparaît comme un outil de renforcement des capacités de la population, comme une plate forme pour la démocratisation, comme un moyen de promouvoir la réconciliation, et comme un véhicule pour la promotion d’une culture politique, économique et civique de bonne gouvernance, a souligné M. Kauzya. La décentralisation est un acte politique, a-t-il insisté. Elle permet de créer une structure favorisant la confiance entre les gens et entre la population et le gouvernement. Elle promeut le rétablissement des services gouvernementaux, mobilise les communautés, et améliore le processus démocratique, a-t-il estimé. Il a également fait valoir que la décentralisation permet d’enjoindre les communautés à trouver des moyens d’améliorer la gouvernance locale, par la prise d’initiatives aboutissant à la création de structures fonctionnelles et adaptées aux besoins et aux réalités du pays et des populations sortant d’un conflit, à l’instar des tribunaux gacacas, qui ont permis au Rwanda de se remettre sur pieds après la tragédie.
M. Howard Wolpe, Directeur du Projet sur le leadership et le renforcement des capacités de l’État du « Woodrow Wilson International Center for Scholars », a indiqué que, dans le domaine des stratégies de reconstruction postconflit, les approches traditionnelles ne fonctionnent pas toujours. Il a affirmé que la démocratie dépend d’une série d’accords sur ce que constitue une nation et que, souvent, les sociétés pluriculturelles n’ont pas une identité nationale forte d’État-nation. Ainsi, dans ce contexte, le renforcement de la démocratie passe par la reconnaissance de similarités et de l’interdépendance entre les divers groupes constituant chaque nation. Parmi les impératifs pour assurer une paix durable, le panéliste a cité le rétablissement de la confiance, l’émergence d’un consensus sur l’organisation et le partage du pouvoir, et le renforcement de la communication et des capacités de négociation des dirigeants clefs. Il a ainsi fait part de la formation qu’il a menée au Burundi, en 2003. Le Burundi est un pays dont la société était traumatisée, les dirigeants extrêmement polarisés. L’Accord de paix qui y avait été conclu était fragile, a ajouté M. Wolpe. Un programme à long terme a alors été mis en place pour les dirigeants clefs du pays, dont une centaine avaient été identifiés, issus du Gouvernement, des partis politiques, mais aussi des groupes rebelles et de la société civile, a poursuivi M. Wolpe. Il a indiqué que la formation était conçue comme une expérience interactive, visant à rétablir la confiance entre les différents acteurs et à faciliter l’établissement de relations. Il a par ailleurs insisté sur l’importance d’identifier et de réunir les bonnes personnes pour cette formation, ces personnes étant celles qui sont considérées comme étant des acteurs clefs de l’avenir de la nation.
Échange interactif
Dans la discussion qui a suivi, les intervenants ont relevé l’importance de restaurer la sécurité, la confiance, la gouvernance et les infrastructures dans les situations de relèvement postconflit. Le représentant de la Suède a rappelé que la qualité des services publics est également importante. Il a en outre préconisé de la prudence dans les approches de décentralisation, en raison des risques de fragmentation qui existent quand l’État est affaibli. S’intéressant pour sa part à la question de la réconciliation, le représentant de l’Afghanistan s’est demandé comment créer cette confiance.
Reprenant l’idée développée par le représentant suédois, Mme Odette Ramsingh a reconnu que l’efficacité n’est pas l’unique objectif de la fonction publique. Elle a attiré l’attention sur le critère de la rentabilité, qui provient du rapport entre les montants dépensés et la qualité des services fournis.
Au représentant de l’Afghanistan qui s’enquerrait du rôle que peuvent jouer les pays voisins pour rétablir la paix et la stabilité, M. Howard Wolpe a répondu qu’il s’agit d’une question délicate et compliquée. Arguant que les États de la région sont souvent jugés comme des partisans d’un camp ou d’un autre, il a préconisé de veiller à ce que leur contribution au processus de paix ne sape pas le suivi de ce processus. Les rôles des divers acteurs dans le processus de reconstruction après un conflit doivent être définis au cas par cas, a pour sa part souligné M. John-Mary Kauzya. Il a rappelé que les pays sortant de conflits ne constituent pas une catégorie homogène et qu’il faut, dès lors, s’attacher à évaluer la situation qui prévaut dans un pays donné, chacun d’eux ayant ses particularités.
Interrogé sur les indicateurs qui montrent que le pays est sur la bonne voie de la reconstruction, M. John-Mary Kauzya a estimé qu’il faut s’intéresser à la classe dirigeante et notamment à son ouverture. Est-elle passée d’une terminologie de guerre à une terminologie de développement? a, à titre d’exemple, souligné le Chef du Service de la gestion et de l’administration publique. Il a également relevé l’importance du leadership de la classe dirigeante qui, a-t-il préconisé, doit très rapidement établir l’importance d’un Gouvernement. En outre, les dirigeants doivent faire rêver leurs populations, les faire rêver de l’avenir, a-t-il ajouté.
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