DEUXIÈME COMMISSION: LA SANTÉ MONDIALE EST UN BIEN « À PART », DONT LES TRANSACTIONS NE PEUVENT ÊTRE CONFIÉES AUX SEULES FORCES DU MARCHÉ, EST-IL SOULIGNÉ AU COURS D’UNE TABLE RONDE
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Deuxième Commission
Table ronde - matin
DEUXIÈME COMMISSION: LA SANTÉ MONDIALE EST UN BIEN « À PART », DONT LES TRANSACTIONS NE PEUVENT ÊTRE CONFIÉES AUX SEULES FORCES DU MARCHÉ, EST-IL SOULIGNÉ AU COURS D’UNE TABLE RONDE
La mondialisation pose des menaces à la santé mais offre également des opportunités pour améliorer ce secteur, a estimé ce matin une table ronde organisée par la Deuxième Commission (économique et financière), sur le thème « Mondialisation et santé ». Notant les liens complexes existant entre ces deux sujets, de nombreux intervenants ont insisté sur le rôle à jouer par les États pour protéger la santé des populations. Nombre d’entre eux ont estimé que le fonctionnement de ce secteur ne pouvait être remis aux seules mains des forces du marché, car la santé n’est pas « un produit comme les autres »
Animateur de cette table ronde, M. JEFFREY SACHS, Directeur de l’Earth Institute (Institut de la Terre), et professeur d’économie du développement durable et de politique et gestion sanitaires à l’Université Columbia à New York, a noté que la mondialisation avait à la fois des effets positifs et négatifs sur la santé. De manière positive, la mondialisation a permis d’accélérer la transmission des connaissances, ainsi que celle de la science et de la technologie, a-t-il précisé. Il a par exemple rappelé que le médicament le plus utilisé pour lutter contre le paludisme en Afrique était basé sur les connaissances de la médecine chinoise. De plus, il a mis en avant les avancées accomplies dans la lutte contre la poliomyélite et contre de nombreuses autres maladies, qui sont sur le point d’être éliminées, comme la lèpre. Il a enfin noté que la mondialisation avait permis aux pays et à de nombreux acteurs non gouvernementaux de prendre des engagements au niveau international, comme c’est le cas avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Toutefois, a aussi souligné M. Sachs, la mondialisation peut compliquer la gestion des questions de santé. Du fait de ces échanges, les maladies sont transmises plus rapidement que jamais au niveau international, et la fuite des cerveaux exerce une pression importante sur les systèmes de santé des pays en développement, a-t-il dit, pour illustrer les difficultés créées. Il a aussi cité les problèmes de santé liés aux pressions écologiques, rappelant d’autre part que quatre milliards de personne souffraient de malnutrition à travers le monde. C’est là une épidémie mondiale qui nécessite toute notre attention, a-t-il dit.
Prenant la parole après M. Jeffrey Sachs, Mme MARGARET CHAN, Directrice générale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a déclaré que les crises alimentaire, énergétique et financière, et les défis posés par les changements climatiques, avaient des conséquences profondes et injustes sur la santé mondiale. Elle a par exemple noté que dès 2020, une pénurie en eau affectera 75 à 250 millions d’Africains. Elle s’est aussi inquiétée de l’impact de la hausse de prix des denrées alimentaires, alors que le ménage moyen dans les pays en développement dépense 80% de ses revenus pour l’alimentation. La première chose que ces ménages délaisseront sera les aliments sains, comme les fruits et les légumes, qui sont souvent les aliments les plus onéreux, a-t-elle averti. Mme Chan a rappelé que le Rapport annuel de l’OMS, publié la semaine dernière, montrait des inégalités frappantes en matière de revenu de santé, d’accès aux services et de coût de santé. Elle a indiqué que la différence d’espérance de vie entre pays riches et pays pauvres était de plus de 40 ans et que les dépenses gouvernementales annuelles pour la santé allaient de 20 dollars par personne à plus de 6 000 dollars selon les pays. Les écarts en matière de santé ne sont pas le fait du destin, mais plutôt la caractéristique d’un échec politique, a-t-elle affirmé.
La Directrice générale de l’OMS a souligné le lien entre la santé et l’économie mondiale, s’inquiétant des réductions des budgets dans ce secteur lorsque la situation économique s’aggrave. Elle a estimé que le monde connaissait un déséquilibre sans précédent en matière de santé alors que ce secteur était à la base de la productivité économique et contribuait à la cohésion sociale et à la stabilité. Regrettant le manque de règles pour garantir la distribution juste et équilibrée des bénéfices de la mondialisation, elle a insisté sur le rôle que devraient jouer des politiques gouvernementales allant dans ce sens. Le VIH/sida a rappelé que l’égalité dans la santé est réellement une question de vie ou de mort, a-t-elle souligné, en affirmant que cet élément était essentiel pour établir des normes de redevabilité dans la mondialisation et instaurer une redistribution plus juste de ses bénéfices.
M. LUVUYO NDIMENI (Afrique du Sud) a attiré l’attention de la Deuxième Commission sur l’importance de mettre en œuvre une vraie politique étrangère en matière de santé. Il a souligné que le contexte mondialisé actuel appelle un changement de perception de la politique internationale et des relations internationales. La mondialisation a vu l’émergence d’un nouveau groupe d’acteurs non étatiques qui gagne en influence, a-t-il souligné. Le représentant sud-africain a précisé que des synergies puissantes se créent lorsque les intérêts nationaux coïncident avec les besoins régionaux. Il s’est réjoui de l’adoption de l’initiative « Diplomatie et santé », qui vise à promouvoir et à protéger la santé globale en partant du principe que les questions de santé ne devraient pas être uniquement du ressort des ministères de la santé et de l’Organisation mondiale de la Santé. Ainsi, le 20 mars 2007, les ministres de sept pays -France, Brésil, Indonésie, Norvège, Sénégal, Afrique du Sud et Thaïlande- ont adopté une Déclaration sur un programme d’action ambitieux en matière de santé, a-t-il expliqué. Dix domaines prioritaires ont été identifiés, a-t-il précisé, citant la préparation, le contrôle des maladies infectieuses, la réponse au VIH/sida et la gouvernance.
Il faut un nouveau pacte entre les gouvernements et les organismes multilatéraux, avec une société civile plus puissante et la participation du monde des affaires, afin d’accroître les bénéfices et diminuer les risques de la mondialisation de la santé, a pour sa part argué M. NILS DAULAIRE, Président et Directeur général du Conseil mondial de la santé. Il a relevé l’émergence d’un consensus mondial qui se fonde sur l’égalité et la justice, et sur des normes de santé raisonnables pour tous. La mondialisation doit s’accompagner d’une « mondialisation des responsabilités », a-t-il dit. À cet égard, il a insisté sur le rôle de la société civile, qui a permis une « mondialisation de la volonté politique ». Il a en effet expliqué que l’énergie qui ressort de la société civile mondiale était essentielle pour donner un élan aux gouvernements et aux institutions multilatérales. Par ailleurs, il s’est félicité de la croissance remarquable de l’attention accordée aux questions de santé dans la politique étrangère au niveau international. Dans cette perspective, il a estimé que l’accent devait être mis sur la nécessité de mettre les plus vulnérables au cœur du développement et de la coopération internationale. Il a rappelé qu’alors que la santé se mondialise, les conséquences négatives des risques existant en ce domaine sont partagées et retombent en général sur les pauvres et les groupes sans pouvoir.
M. DANIEL HALPERIN, Chargé de cours sur la santé internationale à l’École de santé publique de l’Université Harvard, s’est intéressé aux nouvelles directions à donner à la prévention du VIH/sida. Il a souligné que la prévalence du virus du VIH a diminué à travers le monde, précisant qu’il s’agit du premier Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) réalisé. Sur la base de son étude de la prévalence du VIH/sida en Afrique, il a expliqué que l’Afrique sub-saharienne était la région la plus touchée du monde et que les transmissions se faisaient surtout par les activités des « travailleurs du sexe ». Attirant l’attention sur les moyens de prévenir la transmission de la maladie, il a plaidé en faveur de la promotion de la circoncision, arguant qu’elle réduit les risques de contracter une maladie sexuellement transmissible, notamment. Il a également relevé l’importance d’investir dans la prévention et a, à cet égard, mis en avant les réussites réalisées par le Botswana en matière de changement du comportement sexuel des gens et de promotion de la circoncision. M. Halperin a estimé que les ressources et l’attention devraient être accordées aux mesures connues pour avoir un impact important, comme la circoncision, la diminution du nombre de partenaires simultanés, et l’amélioration de l’accès au planning familial.
Dans la brève discussion interactive qui a suivi ces présentations, M. Sachs a déclaré qu’on ne pouvait laisser la santé aux mains du marché. Mme Chan a quant à elle, estimé que les soins de santé devaient être de qualité, peu importe qui les fournit. Elle a insisté sur le rôle que peut jouer le secteur privé, tout en précisant que les gouvernements devaient agir comme des gardiens du système de santé, notamment par la mise en place de bonnes réglementations.
L’État a un rôle majeur en matière de santé publique, a renchéri le représentant de la France. Celui-ci a aussi mis en avant le rôle des « organismes hybrides », comme le Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui réunit de nombreux acteurs, dont des gouvernements, des ONG et des associations de malades.
Interrogée par la représentante du Royaume-Uni sur le rôle de la libéralisation du commerce sur la santé, Mme Chan a expliqué que l’OMS travaillait avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la CNUCED, et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) pour maintenir des incitations en matière d’innovation pour les médicaments. De même, la Directrice générale de l’OMS a dit qu’elle partageait le point de vue du représentant de la République de Corée quant à la nécessité de mettre en place des mécanismes de financement de l’innovation et des services en matière de santé.
Enfin plusieurs représentants, dont celui du Japon, ont insisté sur l’importance de la prochaine session du Conseil économique et social, dont les travaux seront dédiés, en 2009, à la santé publique mondiale.
La Deuxième Commission poursuivra ses travaux lundi, le 27 octobre, à 10 heures en examinant le point de son ordre du jour relatif au développement durable.
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