À LA SIXIÈME COMMISSION, LES DÉLÉGATIONS PRÔNENT LA TOLÉRANCE ZÉRO
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Sixième Commission
6e et 7e séances – matin et après-midi
À LA SIXIÈME COMMISSION, LES DÉLÉGATIONS PRÔNENT LA TOLÉRANCE Z É RO POUR LE PERSONNEL DE L’ONU COUPABLE D’INFRACTIONS
Elles proposent l’adoption par l’Assemblée générale d’une résolution appelant les États Membres à exercer leur compétence pénale vis-à-vis de leurs ressortissants
Malgré les appels pressants de certaines délégations en faveur de l’élaboration d’une convention sur la responsabilité des fonctionnaires de l’ONU et des experts en mission, une majorité d’entre elles ont estimé aujourd’hui devant la Sixième Commission (chargée des questions juridiques) qu’il était prématuré de s’engager dans cette voie.
Tout en se déclarant unanimement favorables à une politique de tolérance zéro dans les missions de maintien de la paix, une majorité de délégations, notamment celles des pays contributeurs de troupes, ont considéré que, sans toutefois exclure l’idée d’élaborer un nouveau traité qui contribuerait à combler le vide existant, il serait plus utile à ce stade de se consacrer aux questions de fond en apportant plus de clarifications sur le champ d’application « ratione personae » et « ratione materiae », à la terminologie, aux immunités et aux mécanismes permettant de poursuivre les auteurs présumés d’infractions.
« Si une convention doit combler un vide juridique, encore faut-il connaître la nature précise de ce vide », a fait remarquer le représentant des États-Unis. Il résumait ainsi la position de plusieurs autres délégations, parmi lesquelles l’Afrique du Sud, l’Égypte ou encore Cuba, qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés, eux-mêmes fournisseurs de près de 80% du personnel de maintien de la paix sur le terrain.
C’est à la suite des graves allégations d’abus et d’exploitation sexuels au sein des opérations de maintien de la paix que le Comité spécial sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’ONU et des experts en mission, a préparé le rapport, a expliqué ce matin aux délégations, la Présidente du Comité spécial, Mme Maria Telalian (Grèce).
En présentant la note du Secrétariat sur le sujet, le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique, M. Nicolas Michel, a rappelé que ce problème, difficile à quantifier en termes strictement statistiques, devait trouver des solutions rapides et efficaces pour permettre à l’Organisation d’accomplir sa mission. Il en va de la crédibilité de l’ONU à travers le monde, a expliqué M. Michel, en soulignant combien l’impunité était un facteur aggravant, et en expliquant que le projet de convention avait pour but de combler un vide juridique important.
Passant en revue l’arsenal des solutions juridiques possibles, plusieurs délégations, comme celle du Guatemala, de la Chine ou du Chili, ont insisté sur le fait qu’il incombait en premier lieu à l’État de la nationalité de l’auteur de l’infraction d’exercer sa compétence. Elles se sont aussi déclarées favorables, en l’absence d’une convention, à l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale appelant les États hôtes et les États d’envoi à user pleinement de leurs compétences à l’égard du personnel de leur nationalité qui se rendrait coupable d’infractions dans le cadre d’une mission. Suite aux recommandations formulées en ce sens par le Conseiller juridique, elles ont aussi appelé à un renforcement de la coopération des États Membres en matière de poursuites et d’extradition.
De nombreuses délégations ont, par ailleurs, fait part de leur opposition à l’application d’un futur instrument international aux forces militaires et de police qui, selon elles, relèvent de la seule compétence de l’État d’envoi. Le représentant de la Suisse s’est toutefois dit préoccupé par cette position, soulignant que l’expérience démontrait au contraire qu’avec l’exclusion des contingents militaires, « tout effort de protéger les droits des victimes » resterait vain.
Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Australie (au nom du CANZ), Portugal (au nom de l’Union européenne), Cuba (au nom du Mouvement des pays non alignés), Suisse, Égypte, Guatemala, Chine, Inde, Indonésie, Tunisie, République démocratique du Congo, Thaïlande, Équateur, Uruguay, El Salvador, Afrique du Sud, Mexique, Malaisie, Maroc, États-Unis, Venezuela, Algérie, Chili, Kenya, Fédération de Russie, République islamique d’Iran, Trinité-et-Tobago, Nigéria et Japon.
La Sixième Commission poursuivra ses travaux, demain, mardi 16 octobre, à 10 heures. Elle examinera le rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation.
RESPONSABILITÉ PÉNALE DES FONCTIONNAIRES DES NATIONS UNIES ET DES EXPERTS EN MISSION
Mme MARIA TELALIAN (Grèce), Présidente du Comité spécial sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies et des experts en mission, a présenté le rapport du Comité spécial sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies et des experts en mission. Elle a précisé que le rapport présenté au Groupe de travail avait été préparé par des experts, à la suite des allégations graves d’abus et d’exploitation sexuels commis dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Elle a noté que les échanges qui avaient eu lieu dans le cadre de Groupe de travail avaient eu pour objectif d’analyser la portée du problème, les catégories de personnel concerné, les infractions couvertes, la question de la compétence ou encore celle des enquêtes et la coopération des États.
Rapport du Comité spécial sur la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission (A/62/54)
Dans son rapport, le Comité rappelle qu’au cours du débat général, les délégations ont réaffirmé leur appui au maintien d’une politique de tolérance zéro à l’encontre des actes d’exploitation et d’abus sexuels perpétrés par des membres du personnel du maintien de la paix, pour lutter contre l’impunité. Selon ces délégations, il existe un vide juridique sur la question de la responsabilité pénale des personnes employées par l’ONU, et ce vide doit être comblé dans le respect des principes d’une procédure régulière et des droits de l’homme. Dès lors, le rapport note que le Comité a décidé de recommander à la Sixième Commission, lors de la soixante-deuxième session de l’Assemblée générale, de poursuivre l’examen du rapport du Groupe d’experts juridiques créé par le Secrétaire général, en se concentrant sur ses aspects juridiques.
Le rapport fait le point des débats du comité sur le rapport du Groupe d’experts juridiques chargé de la question. Pour combler la lacune juridique existante , le rapport du Groupe d’experts juridiques envisageait un projet de convention qui donnerait chaque fois que possible à l’État hôte la priorité dans l’exercice de sa compétence selon le principe de territorialité, tout en tenant compte de la disponibilité des preuves et des témoins et de la nécessité de donner à la population locale l’impression que justice est faite. Le champ d’applicationratione personae de la convention s’étendrait aux membres du personnel de maintien de la paix fonctionnaires ou experts en mission de l’Organisation des Nations Unies, tandis que le champ d’application ratione materiae, s’appliquerait aux atteintes graves contre les personnes, abus sexuels graves compris, ainsi qu’au meurtre et d’autres infractions graves contre les personnes.
Le rapport fait état de plusieurs problèmes liés à un tel projet de convention, comme les difficultés liées à la collecte de données dans le cadre des enquêtes, et à l’exactitude de celles-ci; la question des peines, notamment dans le cas où un accusé devait être remis à un État dont la législation prévoyait la peine de mort; ou encore l’absence de procédure ou d’obligation, et donc de suivi, une fois qu’un dossier était déféré à l’État national.
De manière générale, le rapport souligne que les procédures et mesures disciplinaires prévues dans les cas où il était présumé qu’un fonctionnaire avait eu un comportement répréhensible relèvent de l’instruction administrative du Bureau des services de contrôle interne dont le mandat a été défini par l’Assemblée générale dans sa résolution 48/218 B. La levée de ces privilèges et immunités a son fondement juridique dans la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, et le Secrétaire général, et par délégation son conseiller juridique, a le pouvoir de lever l’immunité.
Le rapport du Comité décrit aussi la procédure en place lorsqu’un État place en garde-à-vue le membre d’une opération appréhendé alors qu’il commettait une infraction pénale, sans préjudice des immunités diplomatiques dont disposent les membres des missions de rang élevé.
Suite à l’examen par les délégations du rapport du Groupe d’experts juridiques concernant les champs d’application, les fondements de la compétence, les enquêtes et la coopération, le rapport note qu’il est apparu qu’il était trop tôt pour débattre de la forme que pourrait revêtir l’instrument envisagé et que ce débat avait été remis à plus tard.
M. NICOLAS MICHEL, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique, a pour sa part présenté la note du Secrétariat de la Sixième Commission sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies et des experts en mission. Il a indiqué que cette question était essentielle aux activités opérationnelles de l’Organisation et à l’accomplissement de sa mission. La note du Secrétariat a été établie à l’issue d’un processus consultatif très large, a poursuivi M. Michel, notant cependant qu’il n’était pas aisé de quantifier le problème en termes statistiques, et que d’autres facteurs devaient être pris en compte, comme la douleur des familles, ou encore l’impact de tels actes sur l’accomplissement du mandat des Nations Unies, ou sur sa crédibilité, à travers le monde.
L’impunité, a-t-il ajouté, aggrave encore le phénomène, et il est donc important d’y faire face de manière efficace et dans des délais raisonnables. Le rapport du Groupe d’experts a ainsi recommandé qu’une convention internationale soit adoptée pour permettre que de tels actes soient efficacement punis, a souligné M. Michel, et le Secrétariat soutient cette recommandation car elle constitue une mesure à long terme qui permet de combler un vide juridictionnel important, vide que les Nations Unies ne peuvent généralement combler seules.
Une convention internationale permettrait aussi une coopération internationale accrue, notamment en matière d’extradition, a indiqué M. Michel. Cependant, l’existence d’une telle convention ne doit pas signifier que l’État hôte ne devrait pas exercer sa compétence, a-t-il encore noté. Son rôle, a-t-il estimé, doit au contraire être encouragé, en l’aidant à renforcer ses capacités dans ce domaine. Lorsque l’État concerné ne peut exercer sa compétence pénale de manière efficace, a souligné M. Michel, des moyens appropriés doivent être trouvés pour que cette compétence soit assumée par d’autres États, et même si les contingents militaires (et non pas les experts) des États Membres devaient être exclus du champ de cette compétence.
S’agissant des observateurs militaires, M. Michel a rappelé qu’ils servent les Nations Unies et sont choisis sur une base individuelle et personnelle, dans le cadre d’accords types qui les désignent comme « experts en mission ». Les infractions devraient aussi être définies en fonction de leur gravité, plutôt que par l’établissement d’une liste exhaustive, a-t-il estimé. S’agissant des mesures à plus court terme, il a précisé que plusieurs d’entre elles pouvaient être envisagées, comme l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale encourageant la coopération entre États Membres, ou des mesures préventives qui se traduiraient par la formation du personnel.
Note du Secrétaire général sur la responsabilité des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission (A/62/329)
Dans son rapport intitulé « Question de la responsabilité des fonctionnaires de l’ONU et des experts en mission ayant commis des infractions pénales dans le cadre d’opérations de maintien de la paix » (A/60/980), le Groupe d’experts juridiques a fait plusieurs recommandations concernant les moyens de surmonter les problèmes qui se posent quand il s’agit d’amener ces personnes à répondre d’infractions pénales commises dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. Le Secrétariat souscrit sans réserve à la recommandation du Groupe d’experts juridiques relative à l’élaboration d’une convention internationale portant sur la compétence des États et d’autres questions connexes afin que les États autres que l’État hôte disposent d’une base juridique solide pour exercer leur compétence. Une convention permettrait aux États Membres d’imposer leur compétence dans des circonstances aussi nombreuses que possible et lèverait toute incertitude quant aux personnes et aux infractions relevant de cette compétence (compétences ratione personæet ratione materiæ).
Le Secrétariat note que seuls les États Membres ont la capacité juridique de mener des enquêtes pénales et de poursuivre les personnes soupçonnées. C’est pourquoi il est favorable à l’adoption à court terme de diverses mesures visant à mettre en exergue le rôle des États Membres du point de vue de l’exercice de la compétence pénale, telle que l’adoption par l’Assemblée générale d’une résolution engageant vivement les États Membres à établir leur compétence, au minimum, à l’égard de leurs nationaux qui commettent des actes reconnus et définis comme des crimes graves par leur législation pénale interne et également érigés en crime par la législation de l’État hôte. Il a également suggéré l’idée que le Conseil de sécurité puisse inclure dans ses résolutions relatives aux missions des dispositions engageant les pays qui fournissent ou détachent du personnel à prendre les mesures préventives voulues.
L’Assemblée générale pourrait aussi, par l’intermédiaire du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, demander au Secrétaire général de veiller à ce que des dispositions semblables continuent de figurer dans les mémorandums d’accord entre l’Organisation des Nations Unies et les États Membres qui fournissent des unités de police constituées, et aux États Membres concernés d’accepter ces dispositions. Le Département des opérations de maintien de la paix pourrait veiller à ce que les notes verbales envoyées aux missions permanentes pour demander que les États fournissent du personnel indiquent clairement que le Secrétariat entend que tous ceux qui participent aux opérations de maintien de la paix aient reçu avant leur déploiement une formation portant notamment sur la politique de tolérance zéro et sachent que certains actes pourront être considérés comme des infractions pénales et engager la responsabilité de leurs auteurs.
Déclarations
M. RON KEMP (Australie), s’exprimant au nom du CANZ, s’est déclaré profondément préoccupé par les actes d'exploitation et d'abus sexuels et autres infractions graves commis par les soldats du maintien de la paix et autre personnel de l’Organisation des Nations Unies. Les conséquences de ces actes d'exploitation et d'abus sexuels sont si lourdes tant pour l’Organisation que pour la victime, qu’une seule infraction est déjà une de trop, a-t-il fait remarquer. Il est essentiel que les Nations Unies et les États Membres montrent à la communauté internationale qu’il est important d’éliminer l’impunité, a estimé M. Kemp. Félicitant l’Organisation pour sa politique de tolérance zéro et ses actions de prévention, il a estimé qu’en cas d’échec de la prévention, il incombait aux États Membres et à l’Organisation de garantir la responsabilité des auteurs d’infraction.
Le Groupe CANZ reconnaît l’existence d’un vide juridique qui peut mener à l’impunité, a-t-il déclaré, l’État hôte et l’État de nationalité de l’accusé n’ayant pas toujours compétence pour engager des poursuites à l’encontre de l’auteur présumé d’une infraction. C’est pourquoi il importe d’élaborer une convention qui impose aux États Membres d’exercer leur compétence sur leurs ressortissants qui participent à une opération des Nations Unies, a estimé M. Kemp. Cette convention fournirait un cadre juridique pour faciliter la coopération pénale internationale, en particulier en matière d’extradition et d’entraide judiciaire, et permettra aux États Membres d’enquêter plus efficacement sur les infractions commises par leurs ressortissants.
La réaction des Nations Unies ne doit pas se limiter aux fonctionnaires et experts en mission, a-t-il poursuivi. Ces mesures doivent s’appliquer à tous les fonctionnaires des Nations Unies qui se trouveraient en mission, même s’il n’est pas nécessaire d’inclure les militaires et experts nationaux qui relèvent de la législation de l’État de leur nationalité. Il convient par ailleurs d’approfondir certains points, a-t-il fait valoir, notamment en ce qui concerne la création d’une juridiction quasi-universelle qui obligerait tout État sur lequel se trouve l’auteur d’une infraction, à enquêter et traduire cet auteur en justice, faute de l’extrader. Il a conclu en appuyant les recommandations formulées par le Secrétariat sur la question et l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale exhortant les États Membres à agir en la matière.
S’exprimant au nom de l’Union européenne, M. JOÃO MADUREIRA (Portugal), a indiqué que l’Union européenne (UE) était elle aussi favorable à une politique de « tolérance zéro » à l’égard des infractions commises dans le cadre d’opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Les recommandations du rapport du Groupe d’experts constituent, dans ce cadre, une contribution importante, a–t-il expliqué. Le statut spécial des experts, a-t-il précisé, ne doit jamais les exonérer de poursuites, en particulier quand l’État hôte ne peut poursuivre le personnel qui se rend coupable de tels actes. Il est nécessaire d’envoyer un message clair soulignant que les Nations Unies ne toléreront pas ce type d’actes, a-t-il dit.
L’Union européenne considère aussi qu’une des questions centrales dans ce débat est la nécessité d’encourager les États à exercer leur compétence sur leurs ressortissants, tout en poussant les États hôtes à engager des poursuites lorsque cela est possible. L’Union européenne est aussi favorable à l’adoption d’une double approche. Tout d’abord, il faudrait adopter une approche liée aux mesures à court terme, telle qu’elle est proposée par le Secrétariat, qui se concrétiserait notamment par une résolution de l’Assemblée générale encourageant les États Membres à coopérer en matière d’échange d’informations et de transmission des preuves. Ensuite, a-t-il suggéré, il faudrait adopter une approche concernant les mesures à long terme, avec l’élaboration d’une convention internationale dont les avantages seraient d’éclaircir la question de la compétence ainsi que celle des catégories d’infractions concernées.
Mme ISMARA VARGAS WALTER (Cuba), au nom du Mouvement des pays non alignés, a déclaré que sa délégation attachait une grande importance à la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission, compte tenu de la contribution substantielle des pays membres du Mouvement aux opérations des Nations Unies. Ces pays fournissent en effet plus de 80% du personnel de maintien de la paix sur le terrain, a-t-elle fait savoir. La représentante a réitéré son attachement à la politique de tolérance zéro et s’est félicitée du travail réalisé par le Comité spécial pour les opérations de maintien de la paix, citant en particulier la signature d’un mémorandum d’accord entre les Nations Unies et les pays contributeurs de troupes.
La représentante a estimé cependant qu’il était prématuré de discuter de l’élaboration d’une convention sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission. Pour l’heure, la Sixième Commission, a-t-elle suggéré, devrait se limiter à examiner les questions de fond. Il est notamment important de définir le champ d’application, de déterminer les infractions pénales et de réfléchir à la compétence juridictionnelle. Il ne faudrait pas empêcher l’État hôte d’exercer sa compétence, tout simplement parce qu’une opération de maintien de la paix se déroule dans une zone post conflit, a-t-elle prévenu.
Les poursuites sont un devoir pour l’État hôte comme pour les Nations Unies, a de son côté souligné M. EMMANUEL BICHET (Suisse) en soulignant que sa délégation était convaincue que l’adoption d’une convention contribuerait à établir un cadre juridique solide qui ne mettrait évidemment pas en danger la question de l’immunité diplomatique. La Suisse appuie l’élaboration d’une telle convention sur la base des conclusions du Groupe d’experts, a-t-il indiqué, en notant que l’État hôte, en l’absence de régime spécial, était compétent pour prendre des mesures contre les infractions commises sur son territoire. Lorsque cet État n’est pas en mesure de le faire, la responsabilité d’inculper l’auteur de l’infraction devrait alors relever de la compétence de l’État d’envoi. Pour l’un comme pour l’autre, la compétence doit pouvoir s’étendre aux experts, a-t-il ajouté, et il s’agit pour tous ces États d’adapter leur législation nationale.
Bien sûr, a encore noté M. Bichet, ces États peuvent faire face à un certain nombre de difficultés, mais ces difficultés sont surmontables, a-t-il expliqué, en indiquant que la Suisse était préoccupée par la tendance qui consistait à exclure les contingents militaires d’une telle convention.
Cette exclusion, a insisté M. Bichet, rendrait vaine une convention dans ce domaine, car le personnel militaire est la catégorie la plus concernée par les infractions qui doivent relever de la future convention. À plus court terme, a-t-il indiqué avant de conclure, la Suisse appuie aussi l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale de manière à faire face au problème le plus rapidement possible.
Mme NAMIRA NABIL NEGM (Égypte) a déclaré accorder une grande importance à la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission et réitéré la nécessité d’appliquer une politique de tolérance zéro à l’égard des auteurs d’infractions graves commises sur le terrain. Dans ce contexte, il est essentiel d’examiner ces infractions afin de combler les lacunes qui pourraient exister dans les régimes juridiques en vigueur et préserver la réputation de l’Organisation, a-t-elle indiqué.
Il faut faire preuve de prudence dans l’examen des allégations, et éviter de les exagérer, a insisté la représentante. Il y a toujours un risque de calomnie à l’encontre des participants des opérations de maintien de la paix ou un risque de tentation de la part du procureur de demander une réparation infondée à l’Organisation, a-t-elle fait remarquer. C’est pourquoi, il faudrait se pencher sur la compétence juridictionnelle des États, a-t-elle déclaré, estimant que le critère de la nationalité ou de la résidence permanente devrait être le critère décisif pour juger les infractions commises sur un territoire autre que celui de la nationalité de l’auteur présumé de l’infraction.
L’Égypte appelle à une étude d’ensemble de tous les critères qui permettent d’étudier cette question avant d’étudier l’opportunité d’un nouvel instrument juridique en la matière, a-t-elle ajouté, avant de rappeler le principe de l’égalité entre les experts militaires engagés par les Nations Unies et les experts militaires engagés par les forces armées nationales. S’agissant des mesures prises en la matière par son gouvernement au niveau national, elle a indiqué que le Code pénal égyptien contenait des dispositions sanctionnant tout ressortissant égyptien qui commettrait une infraction en dehors du territoire égyptien.
Concernant la compétence rationae personae, Mme ANA CRISTINA RODRÍGUEZ-PINEDA (Guatemala) a estimé qu’il faudrait respecter le cadre fixé par le rapport, même si elle s’est dite favorable à des aménagements, notamment concernant le personnel militaire. Pour ce qui concerne la compétence rationae materiae, elle a insisté sur la nécessité d’établir une distinction entre les infractions qui ont un impact sur le pays hôte, et celles qui ont un impact sur l’ONU. Il faut envisager un cadre large pour déterminer la catégorie à laquelle appartient l’acte qui est reproché, a-t-elle expliqué, et éviter de faire des catégories en la matière.
L’État ne peut renoncer à sa juridiction territoriale, a-t-elle aussi fait remarquer, et la compétence sur la base de la nationalité a des limites, notamment dans le cas où l’on reconnaît l’existence de critères limitatifs liés au risque d’une double peine. La représentante a donc suggéré d’entreprendre une étude pour harmoniser la pratique de l’octroi et du retrait de l’immunité, afin de rendre les poursuites plus efficaces.
Elle a également suggéré que l’Accord sur le statut des forces (SOFA) pourrait être aussi révisé, et d’envisager d’éventuels amendements aux statuts types, ou encore des annexes au SOFA, afin de faciliter la mise en place des enquêtes. Le nouveau système disciplinaire doit être examiné et nous attendons avec impatience le guide du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) en la matière, a souligné la représentante, en rappelant sa conviction qu’une convention multilatérale n’était pas le seul moyen à la disposition des États pour combattre ces infractions.
M. MA XINMIN (Chine) a rappelé l’importance des opérations de maintien de la paix pour garantir la paix et la sécurité dans le monde. La communauté internationale, a-t-il ajouté, est reconnaissante envers le personnel de ces opérations. Estimant important de tenir les auteurs d’infractions responsables de leurs actes afin de préserver la réputation de l’Organisation des Nations Unies et reconquérir la confiance de la population, il s’est félicité de la création du Comité spécial chargé de la question. Le représentant a toutefois souligné l’existence de certaines difficultés, relatives notamment à la collecte d’informations sur la prévalence et la gravité des infractions et sur la proportion des affaires pouvant faire l’objet de poursuites. Il a également estimé difficile de déterminer les termes et le champ d’application de l’exercice de la compétence.
La Chine est d’avis que les sanctions pénales ne devraient pas entraver le travail des experts des Nations Unies et qu’il est impératif de respecter le principe de la compétence pénale conformément aux principes de la Convention sur les privilèges et les immunités et de tenir compte de la législation pertinente de l’État hôte, de l’État de nationalité et des règles de droit international, a-t-il fait savoir. L’objectif premier est d’établir la compétence en la matière pour éviter que les auteurs d’infractions ne bénéficient de l’impunité, et surtout de prendre en compte l’efficacité de la compétence, a souligné M. Ma. Il devrait incomber en premier lieu à l’État hôte d’exercer sa compétence, puis à l’État de la nationalité si l’État hôte ne peut le faire, a-t-il estimé.
La Sixième Commission devrait également examiner la question du rôle de la coopération internationale, en particulier les moyens d’établir une entraide judiciaire, a-t-il ajouté. La Chine est prête à examiner différentes propositions pour combler le vide juridique relevé par le Groupe d’experts, qu’il s’agisse d’une convention ou d’une résolution de l’Assemblée générale, a-t-il conclu.
M. SUBHASH MAHARIA (Inde) a souligné que les actes criminels dont se rendaient coupables les membres du personnel des Nations Unies ternissaient l’image des Nations Unies, surtout de la part de ceux censés faire respecter l’état de droit. Le personnel de l’ONU doit donc être tenu responsable de tels actes et doit y répondre, sans être cependant accusé à tort, a-t-il souligné. L’Inde est donc favorable, à court terme, à une résolution de l’Assemblée générale visant à inciter les États à prendre des sanctions contre leurs ressortissants qui se rendraient coupables de ces actes, en soutenant par ailleurs l’inclusion de textes similaires dans des résolutions du Conseil de sécurité. À plus long terme, les délibérations ne doivent pas se concentrer sur la seule adoption d’une convention, a expliqué M. Maharia. L’Inde n’est pas entièrement convaincue de la nécessité d’une telle convention, a-t-il précisé, et nombre d’États, y compris l’Inde, n’ont pas besoin d’une convention pour fonder une compétence qui existe déjà.
Concernant le personnel militaire et la question de la compétence rationae personae, et en dépit des explications et raisonnements juridiques fournis par le Secrétariat sur la distinction entre experts et militaires, il est difficile d’opérer une telle différence en matière pénale, a indiqué M. Maharia. Cette compétence doit surtout être conforme au principe de territorialité, a-t-il noté, tout en s’adaptant à la nécessité de permettre, par exemple, l’obtention de preuves tangibles des actes commis par la personne. Par ailleurs, cette convention ne pourrait être élaborée de manière hâtive, et il est donc important de prendre des mesures à court terme, d’en évaluer l’efficacité et ensuite, seulement, d’envisager l’élaboration de cette convention.
M. ADAM MULAWARMAN TUGIO (Indonésie) a déclaré qu’il était fondamental de rendre hommage au personnel courageux des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et déclaré accorder la plus grande importance à la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission. Si certains comportements adoptés au cours des missions sur le terrain sont répréhensibles et intolérables, il importe toutefois de dissiper le préjugé selon lequel ces comportements délictueux sont simplement le fait du personnel des Nations Unies, a-t-il estimé. Appuyant la politique de la tolérance zéro à l’encontre des actes d'exploitation et d'abus sexuels, il a jugé essentiel de former et de sensibiliser le personnel concerné avant son déploiement et une fois le personnel déployé, il faudrait continuer à le faire de manière régulière.
S’agissant des travaux menés pour régler la question de la compétence, le représentant a estimé que la question du champ d’application de la future convention devait être clarifiée, et qu’il importait d’éviter tout doublon avec les mécanismes existants pour l’exercice de la compétence. Le personnel militaire ne doit pas être concerné par les règles en cours d’élaboration, mais relever de la compétence de l’État de nationalité. Il a, par ailleurs, estimé difficile d’établir une distinction entre les observateurs militaires, membres des forces armées nationales, et les membres des contingents militaires nationaux.
M. HABIB MANSOUR (Tunisie) s’est déclaré favorable à une lutte tous azimuts contre l’impunité. Il est important de s’attaquer aux obstacles qui existent encore en matière de sanctions des actes criminels commis par les membres du personnel de l’ONU. La nécessité d’élaborer une convention en la matière n’est cependant pas une priorité, a-t-il expliqué, en se demandant si une telle convention était le meilleur moyen de combler le vide juridique actuel. L’adoption d’une déclaration, ou d’une résolution de l’Assemblée générale engageant les États à exercer une compétence extraterritoriale, serait sans doute la meilleure option, a-t-il expliqué. Mais quelle que soit la forme retenue, la Tunisie est d’avis qu’il faut en exclure les contingents militaires et de police qui doivent répondre aux règles spécifiques établies par la législation de l’État d’envoi, a-t-il indiqué.
M. ZÉNON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a déclaré que notre époque avait vu monter en flèche les demandes d’intervention de l’ONU pour la limitation des conflits et le maintien de la paix. Ces soldats de la paix s’acquittent de leurs fonctions multiples dans des conditions souvent dangereuses, a-t-il fait observer, rappelant que 85 Casques bleus avaient sacrifié leur vie en 2006 et 2007. Ce tableau exemplaire a malheureusement été terni par le comportement scandaleux de quelques individus, a-t-il regretté.
Il s’est à cet égard dit persuadé que la règle universellement reconnue et selon laquelle, nul n’est au-dessus de la loi, devait s’appliquer à tous indirectement, même au personnel de maintien de la paix dont il est question ici.
S’agissant de la recommandation du Groupe d’experts sur l’exercice de la compétence de l’État hôte, l’expérience de la RDC a démontré que les cours et tribunaux nationaux étaient en difficulté pour exercer leur compétence pénale à l’égard des fonctionnaires de l’ONU présumés coupables. C’est pourquoi la réhabilitation du système de justice doit demeurer une priorité dans les pays post conflit, a-t-il estimé, faisant valoir que l’on devrait reconnaître le droit légitime et souverain du pays hôte d’exercer sa compétence à l’égard des crimes commis sur son territoire. Soulignant les limites relatives à la collaboration entre État hôte et État de la nationalité, ce dernier hésitant souvent à admettre publiquement les écarts de conduite de ses soldats, M. Mukongo a appuyé l’idée d’une convention internationale sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission.
Une telle convention permettra aux États Membres d’établir leur compétence sur les crimes commis sur le territoire de l’État hôte pour combler le vide juridictionnel existant lorsque le pays se trouve dans l’impossibilité d’agir, a-t-il déclaré. Sur ce point, le représentant a estimé que le champ d’application ratione materiae ne devrait pas se limiter aux seules infractions liées à l’exploitation sexuelle, mais intégrer les infractions dérivées telles que les attentats à la pudeur et les infractions à caractère économique comme l’exploitation et le trafic illicite des drogues et des matières précieuses. Il a, par ailleurs, demandé des éclaircissements sur le fondement de la distinction entre le régime juridique du personnel militaire employé par l’ONU comme expert en mission et celui des fonctionnaires des Nations Unies et experts en mission.
Mme CHAVANAET (Thaïlande) a noté la nature complexe du problème et a donc souhaité que l’examen des questions de fond soient examinées avant d’aborder celle de la forme, à savoir le type d’instrument qui serait adopté par les États Membres. La question de l’immunité est au centre du problème, a-t-elle expliqué, en indiquant que les Nations Unies pouvaient notamment envisager une révision de l’Accord sur le statut des forces (SOFA).
Elle a souhaité que la Commission étudie aussi la question de la responsabilité pénale d’un membre du personnel des Nations Unies lorsqu’il commet un crime dans un État qui n’est pas celui où se trouve la mission de maintien de la paix où il est engagé. Elle a fait part de l’expérience de la Thaïlande, où un membre du personnel de la mission de maintien de la paix au Cambodge était entré en Thaïlande et avait causé la mort sans intention de la donner, dans le cadre d’un accident de la route, d’une personne de nationalité thaïlandaise. Concernant la forme, sa délégation estime qu’il faudrait approfondir l’examen de la possibilité d’élaborer une convention. Un tel instrument juridique devrait prévoir, entre autres dispositions, de tenir responsables les supérieurs hiérarchiques pour les infractions commises par leurs subordonnés.
M. RODRIGO RIOFRIO (Équateur) a réaffirmé son attachement à la politique de tolérance zéro à l’encontre des auteurs d’infractions, mais également au respect des droits de l’homme. Il a estimé que l’idée d’élaborer une convention sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission méritait davantage de réflexion, jugeant nécessaire de définir au préalable de manière précise les catégories qui figureraient dans cet instrument.
Le représentant s’est, par ailleurs, dit particulièrement préoccupé par le traitement des observateurs militaires. Il a rappelé qu’il ne faudrait pas oublier que ces observateurs militaires sont membres des forces armées nationales des pays qui les fournissent et qu’ils sont par conséquent soumis aux règlements militaires des contingents auxquels ils appartiennent. Les observateurs militaires, bien qu’assimilés à la catégorie des « fonctionnaires et experts en mission », ne doivent donc pas être soumis au même régime juridique que le personnel civil, a-t-il déclaré. Saluant la conclusion d’un mémorandum d’accord entre les Nations Unies et les pays contributeurs de troupes, il a estimé utile de travailler sur l’élaboration d’un même outil pour les observateurs militaires et les fonctionnaires des forces de police.
M. GUSTAVO ALVAREZ (Uruguay) s’est lui aussi dit favorable à une politique de tolérance zéro pour prévenir que des infractions soient commises dans le cadre d’opération de maintien de la paix. Il a noté cependant que les normes applicables aux personnes ne pouvaient couvrir les policiers et les militaires qui travaillent sous l’emblème des Nations Unies tout en restant liés à leur État d’origine. Des normes devront donc être ajoutées aux accords sur le statut des forces, aux contrats du personnel recruté et aux directives établies en matière de conduite de ce personnel, a-t-il suggéré, en indiquant que, concernant la compétence rationae materiae, son pays se réservait le droit de commenter encore son jugement. L’Uruguay a toujours prôné la nomination d’un conseiller juridique national dans le cas des enquêtes réalisées sur le terrain, a-t-il conclu, afin de vérifier la correspondance entre les résultats des enquêtes sur place, et celle pratiquée par les autorités du pays d’origine de la personne incriminée.
Mme CLAUDIA VALENZUELA (El Salvador) a déclaré que compte tenu l’accroissement du nombre de missions de maintien de la paix des Nations Unies, il importait que celles-ci se déroulent conformément aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies. Faisant remarquer que les infractions commises par des membres du personnel des Nations Unies avaient pour conséquence une perte de confiance de la population locale dans l’Organisation, elle a estimé que ce manque de confiance affaiblissait la coopération avec les autorités et populations locales et rendait difficile l’accomplissement du mandat des missions dans des délais raisonnables. La représentante a indiqué que sa délégation appuyait les recommandations du Secrétariat sur les mesures à prendre pour garantir la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission, émettant cependant des réserves sur l’idée d’élaboration une convention sur la question.
Mme THANISADA NAIDU (Afrique du Sud) a déclaré qu’aucun fonctionnaire ou expert des Nations Unies en mission, auteur d’infractions, ne saurait bénéficier d’une quelconque impunité. Soulignant la nécessité de combler le vide juridique relatif à la responsabilité du personnel sur le terrain, elle s’est dite toutefois flexible concernant les mesures qui seraient prises pour y remédier et s’est interrogée sur la nécessité d’une convention sur le sujet. Il importe dans un premier temps, a-t-elle suggéré, de réfléchir aux difficultés existantes pour garantir la responsabilité, et ce, afin de déterminer si une convention serait le moyen le plus approprié pour résoudre le problème.
D’autres approches devraient également être examinées, a-t-elle ajouté, proposant à cet égard l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale appelant les États à renforcer leur action au niveau national dans ce domaine, à renforcer les efforts du Secrétariat pour identifier les États Membres qui manquent à leur devoir en la matière, ou encore à prendre des mesures de prévention. Sans s’opposer à l’élaboration d’une convention, l’Afrique du Sud souhaite avant tout en discuter la pertinence, a-t-elle conclu.
Notant l’existence d’un vide juridique dans certains cas où des poursuites pénales étaient nécessaires, M. ALEJANDRO ALDAY GONZÁLEZ (Mexique) a indiqué que sa délégation estimait qu’il serait bon de restructurer les opérations de maintien de la paix. La gravité et la nature du problème rendent nécessaire l’adoption d’une convention internationale sur le sujet, même si l’élaboration d’un tel instrument juridique international devait durer longtemps.
Le Mexique considère aussi que dans le but de lutter contre l’impunité, il est nécessaire d’examiner la proposition du Secrétaire général concernant les infractions commises pendant les opérations de consolidation de la paix et opérations militaires effectuées dans la cadre des Chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies. Le représentant a en outre souligné que sa délégation était favorable à ce que de telles infractions donnent lieu à une extradition même si celles-ci ne figurent pas nécessairement sur une liste. Ce ne sera que par le biais d’une action concertée, qui aura une portée à long terme, que ce problème sera réglé, a estimé le représentant. Sa délégation, a-t-il ajouté, appuie les mesures à court terme proposées par le Secrétaire général dans son rapport.
Mme NOOR RUWENDA MOHD-NURDIN (Malaisie) s’est dite préoccupée par la nécessité de garantir la réputation de l’Organisation des Nations Unies. Rappelant que la Malaisie était un pays contributeur de troupes au Timor-Leste et au Liban, elle a indiqué que dans ces situations, toutes les mesures prises par les Nations Unies, qu’il s’agisse d’une résolution ou éventuellement d’une convention sur la responsabilité pénale des fonctionnaires des Nations Unies et des experts en mission, aura un impact sur les pays contributeurs de troupes.
Dans la mesure où la décision d’élaborer une convention sur le sujet n’a pas été pour l’heure arrêtée, il importe de continuer à examiner les questions liées au champ d’application d’un tel instrument juridique international, en tenant compte de la coopération nécessaire entre les États concernés et les Nations Unies, a estimé la représentante. Elle a indiqué que son pays avait compétence pour juger ses ressortissants s’ils commettent des infractions à l’étranger, grâce à la loi sur les forces armées de 1972 et la loi sur les forces de police de 1967. Les types d’infractions pour lesquelles le personnel et les experts en mission des Nations Unies sont tenus responsables nécessitent d’être davantage examinés, a-t-elle estimé. Il convient, par ailleurs, de s’assurer que les infractions soient dûment pénalisées dans les pays hôtes et de la nationalité afin de garantir que les auteurs soient traduits en justice, a-t-elle ajouté.
M. KARIM MEDREK (Maroc) a souligné que les États Membres devaient rejeter toute impunité éventuelle dans le cas de crimes graves commis par les personnes employées par l’ONU. Il a indiqué que sa délégation était favorable aux mesures à court terme présentées par le Secrétariat, et notamment l’adoption d’une résolution invitant les États Membres à établir leur compétence vis-à-vis de leurs propres ressortissants. Le Maroc ne rejette pas l’idée d’élaborer un nouveau traité, mais considère, à l’instar d’autres délégations, que le débat sur cette question est prématuré.
S’agissant du champ d’application rationae personae, le personnel militaire devrait en principe demeurer sous la juridiction nationale de l’État qui le fournit, a indiqué M. Medrek. S’agissant de la compétence rationae materiae, le Maroc est d’avis qu’il est important de déterminer une liste des crimes pour lesquels la responsabilité peut être engagée, et est favorable à ce que d’autres infractions, telles que l’exploitation sexuelle, le vol ou encore le blanchiment d’argent figurent dans cette liste, tout en restant favorable à la prééminence de la juridiction de l’État hôte.
M. JAMES B. DONOVAN (États-Unis) a déclaré que l’élaboration d’une convention sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission demandait des clarifications. Il est nécessaire de savoir si une telle convention comblerait le vide juridique relevé par le Groupe d’experts et de connaître la nature précise de ce vide, a-t-il fait valoir. Une convention pourrait être utile, a-t-il estimé, si le problème à régler était le manque de coopération entre les États ou si les États étaient dans l’impossibilité de poursuivre leurs ressortissants à l’étranger. Elle ne sera pas utile, en revanche, pour régler les questions de définition des infractions au sein des législations nationales, a-t-il fait remarquer.
Il a, par ailleurs, regretté le manque d’informations de la part du Secrétariat en la matière et a indiqué qu’en l’état actuel des informations fournies, son pays n’appuierait pas l’élaboration d’une convention sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission. Il a, en revanche, suggéré que la Commission concentre ses travaux sur l’élaboration de nouvelles mesures concrètes, comme une déclaration qui inviterait les États Membres à prendre des mesures plus vigoureuses et l’élaboration de lois types pour traduire en justice les auteurs de ces actes d’exploitation et d’abus sexuels.
Mme AURA MAHUAMPI RODRÍGUEZ DE ORTIZ (Venezuela) a rappelé qu’en terme de compétence, la priorité concernant les sanctions applicables aux infractions pénales que commettent les membres du personnel des Nations Unies revenait à l’État hôte. Il convient en outre de renforcer les capacités de l’Organisation des Nations Unies, a-t-elle souligné, afin de lui permettre notamment de mener, dans de tels cas, des enquêtes et de conduire des procès équitables du point de vue du droit. Tout en se déclarant favorable à la poursuite des négociations sur la pertinence d’une convention sur la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’ONU et des experts en mission, Mme Rodríguez De Ortiz s’est déclarée favorable à ce qu’une étude soit menée pour déterminer la compétence juridictionnelle, les fonctionnaires et experts concernés ou encore le type d’infractions commises dans le cadre des missions de maintien de la paix, qui tiennent notamment compte de tous les crimes graves, qu’ils soient commis ou non sur une personne.
M. EL HADJ LAMINE (Algérie) a rappelé que le personnel bénéficiait de privilèges spéciaux définis dans la Convention sur les privilèges et les immunités de 1946 qui sont accordés aux fonctionnaires pour leur intérêt exclusif et non pour leur avantage personnel. Il est donc important pour les Nations Unies que l’ensemble de son personnel préserve, dans l’exercice de ses missions, l’image de l’Organisation, a-t-il indiqué.
Rappelant que les travaux de la Sixième Commission visait à mettre en place un cadre juridique approprié qui permette la poursuite devant la juridiction compétente, il a partagé l’idée d’adopter un instrument juridique international telle qu’avancée par les experts juridiques. Il a toutefois souhaité que la Sixième Commission examine, au préalable, de manière approfondie les questions relatives notamment à la compétence ratione personae (concernant les personnes visées par le texte) et à la comptérence ratione materiae (concernant la nature des actes couverts par le texte), la terminologie ou les immunités et le mécanisme permettant de poursuivre les auteurs présumés d’infractions. Il a ajouté que sa délégation était d’avis d’exclure les officiers militaires envoyés par les Nations Unies en qualité d’experts en mission du champ d’application du futur instrument, et ce, afin d’éviter de créer une dualité dans la catégorie des experts en mission.
M. ÁLVARO ARÉVALO (Chili) a jugé qu’il existait un vide juridique en matière de responsabilité pénale des fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies et des experts en mission, et que la compétence devait en premier lieu revenir à l’État dont le ressortissant est auteur de l’infraction. Cependant, en ce qui concerne les infractions qui doivent faire l’objet de sanctions, le représentant a souligné que de l’avis de sa délégation, aucune infraction ne devait être négligée dès lors qu’elle atteignait un certain niveau de gravité. Le Chili estime en outre qu’il faudra trouver une formule pour faire en sorte que l’auteur d’une infraction dont la preuve a été établie puisse être jugé, a souligné M. Arévalo. Par ailleurs, et en attendant qu’une convention en la matière soit adoptée, il a affirmé qu’il ne faudra écarter aucun instrument, comme par exemple une résolution de l’Assemblée générale appelant à la coopération des États Membres, pour atteindre l’objectif de responsabilisation des fonctionnaires ou des experts en mission.
M. WANJUKI MUCHEMI (Kenya) a affirmé que lorsqu’une personne qui participait au travail des Nations Unies se rendait responsable d’une infraction, quelle que soit sa nature, celle-ci avait un impact négatif sur la confiance des communautés locales à l’égard du personnel de l’ONU déployé sur le terrain pour servir ces communautés, rendant le travail de l’Organisation plus difficile à accomplir. C’est pourquoi, le Kenya, a indiqué son représentant, est favorable à la mise en place de mécanismes juridiques appropriés pour combler le vide juridique existant. Le Kenya appelle aussi les États Membres à redoubler d’efforts pour atteindre un consensus sur cette question cruciale pour l’avenir des opérations de maintien de la paix auxquelles le Kenya participe activement, en particulier sur le continent africain.
M. VLADIMIR TARABRIN (Fédération de Russie) a déclaré que son pays appuyait les efforts menés pour lutter contre les infractions commises par les fonctionnaires des Nations Unies et les experts en mission. Tout en notant les divergences de vues sur les moyens de régler la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’ONU et des experts en mission, il s’est cependant félicité du travail du Comité spécial sur la question pour remédier à la situation et tenter de combler le vide juridictionnel concernant la responsabilité des personnes employées par l’Organisation. S’agissant du champ d’application ratione personae de l’éventuel instrument juridique qui pourrait être élaboré, le représentant a indiqué que sa délégation était favorable à l’étendre. Il a notamment proposé d’inclure les personnes assurant des services au nom de l’Organisation et à sa demande.
La protection des droits des personnes employées par l’ONU doit recevoir autant d’attention que celles des victimes d’infractions, a ajouté M. Tarabrin. Les poursuites pénales restent la prérogative des pays contributeurs de troupes, a-t-il ajouté, sauf si ces derniers en sont incapables. M. Tarabrin s’est par ailleurs prononcé en faveur d’une définition des infractions fondée sur le critère de gravité plutôt qu’en faveur de l’établissement d’une liste.
S’associant à la déclaration faite par le représentant de Cuba, au nom des pays non-alignés M. ESMAEIL BAGHAEI HAMANEH (République islamique d’Iran) a souligné qu’il était important de combler le vide juridique existant sur la question de la responsabilité pénale du personnel de l’ONU. À ce titre, il s’est félicité des conclusions du Groupe d’experts et de l’approche globale adoptée par celui-ci, tout en soulignant que les contingents militaires devraient, de l’avis de sa délégation, être exclus du champ d’application d’une future convention sur la question. Il s’est déclaré favorable à l’application du principe de territorialité ainsi qu’à l’augmentation du nombre des infractions susceptibles d’être sanctionnées, afin d’inclure le vol ou le blanchiment d’argent. Compte tenu du grand nombre d’États qui ont des réserves sur l’élaboration éventuelle d’une convention, le représentant a suggéré d’envisager dans un premier temps des mesures à court terme. M. Hamaneh a conclu en faisant observer que la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’ONU était étroitement liée à celle de la réforme de l’ONU.
M. EDEN CHARLES (Trinité-et-Tobago) a déclaré que son pays était attaché aux principes bien établis selon lesquels personne n’est au-dessus de la loi et qu’en cas de transgression de celle-ci, l’auteur de l’infraction devait être tenu responsable de ses actes, quel qu’en soit le lieu. Il a indiqué qu’il incombait aux États Membres de combler le vide juridique empêchant l’État hôte ou l’Etat de la nationalité de l’auteur de l’infraction de poursuivre ce dernier pour ses crimes. À cet égard, il a jugé appropriées les mesures à court terme recommandées par le Secrétariat, en particulier celle visant à appeler l’Assemblée générale à adopter une résolution qui consacrerait la compétence extraterritoriale des États Membres sur leurs ressortissants en cas d’infractions commises par ces derniers à l’étranger.
Au niveau international, le représentant a jugé nécessaire de combler le vide juridique prévalant en la matière et d’établir des règles acceptables par tous les États Membres visant à réprimer les infractions commises par leurs ressortissants engagés dans des opérations ou missions de maintien de la paix. C’est pourquoi Trinité-et-Tobago reconnaît la nécessité à long terme d’élaborer une convention complète pour régir non seulement les actes d'exploitation et d'abus sexuels mais également toutes les infractions commises par le personnel des Nations Unies, a-t-il déclaré.
La conclusion éventuelle d’une telle convention démontrerait l’attachement de l’Organisation à l’état de droit dans tous les domaines de ses activités et renforcerait son autorité morale en tant que défenseur de l’état de droit au niveau international. Trinité-et-Tobago réitère son attachement à œuvrer à établir des mécanismes qui garantiront la responsabilité des fonctionnaires de l’ONU et experts en mission, a-t-il conclu.
Mme IFEYINWA ANGELA NWORGU (Nigéria) a estimé qu’en tant que fournisseur de contingents, le Nigéria accordait une importance particulière à la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’ONU et des experts en mission. Elle a souligné que pour sa délégation, comme pour les autres, il incombait en premier lieu à l’État hôte de sanctionner l’auteur de l’infraction commise et, comme le recommande le Groupe d’experts, il faudrait renforcer les capacités judiciaires de l’État hôte pour lui permettre de s’acquitter efficacement de cette responsabilité. Toutefois, la possibilité d’une compétence extraterritoriale doit aussi être prévue, et encouragée par les Nations Unies, a expliqué Mme Nworgu, en ajoutant qu’en ce qui concernait les enquêtes administratives conduites par les Nations Unies, les juridictions nationales, et celles du Nigéria en particulier, n’accordaient qu’une faible importance aux preuves obtenues par la voie administrative, et que de telles preuves étaient rarement utilisées dans le cadre de poursuites pénales.
Tout en se déclarant favorable à l’examen plus approfondi d’un projet de convention, elle a souhaité qu’une distinction plus claire soit effectuée entre crimes commis contre la population, qui sont susceptibles de provoquer des réactions négatives à l’encontre de l’Organisation, et crimes perpétrés contre les Nations Unies elles-mêmes.
M. TOMOHIRO MIKANAGI (Japon) a jugé important de régler la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission et s’est à cet égard félicité des propositions faites par le Secrétariat et des travaux accomplis par le Comité spécial sur la question. Il a jugé approprié l’approche recommandée par le Secrétariat, composée de mesures à prendre à court et long terme pour combler le vide juridique concernant la responsabilité des employés de l’ONU. Pour résoudre cette question, il importe aussi d’étudier les informations relatives aux infractions commises par les fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies et des experts en mission ainsi que les premières mesures adoptées en la matière, afin d’établir un cadre juridique approprié pour l’avenir.
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