LA PROTECTION DIPLOMATIQUE NE DEVRAIT COUVRIR NI LE PERSONNEL D’UNE ORGANISATION INTERNATIONALE NI L’EQUIPAGE D’UN NAVIRE
Communiqué de presse AG/J/404 |
Sixième Commission
16ème & 17ème séances – matin & après-midi
LA PROTECTION DIPLOMATIQUE NE DEVRAIT COUVRIR NI LE PERSONNEL D’UNE ORGANISATION INTERNATIONALE NI L’EQUIPAGE D’UN NAVIRE
Les Etats devront imposer des mesures pour prévenir
les dommages résultant d’activités transfrontières qui ne sont pas illicites
Poursuivant l’examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux accomplis en 2003, les membres de la Sixième Commission (Commission juridique) ont insisté aujourd’hui sur la question de la protection diplomatique et sur celle relative à la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international.
Les délégations ont exprimé des avis divergents concernant les critères à retenir pour autoriser un Etat à exercer sa protection diplomatique en faveur d’une société. De l’avis général, les délégations ont considéré que l’arrêt de la CIJ « Barcelona Traction » constituait une bonne base de départ, mais un désaccord est apparu sur le point de savoir si la solution qu’il retient, à savoir la nationalité de la société et non de ses actionnaires, constitue encore le droit positif en la matière. Plusieurs délégations ont plaidé pour l’inclusion du critère de lien effectif entre la société et l’Etat. L’Autriche, tout en soutenant l’inclusion de ce critère, a noté qu’il méritait un éclaircissement. Le Maroc a opté pour l’inclusion de ce critère en raison de la multiplication des immatriculations de complaisance et des paradis fiscaux. A l’inverse, le Japon a précisé que si l’on retenait le critère du lien effectif, les sociétés transnationales, qui n’ont souvent pas de lien avec l’Etat, risqueraient de se trouver privées de toute protection diplomatique. De manière pragmatique, le Chili a noté que dans l’hypothèse où un lien effectif ne pourrait être démontré, l’Etat n’accorderait probablement pas sa protection diplomatique. Le Canada notamment a indiqué que la conclusion de traités bilatéraux montrait que la solution de l’arrêt « Barcelona Traction » ne reflétait plus la volonté actuelle des Etats, qui est de garantir aussi une protection aux actionnaires de la société.
A cet égard, l’inclusion dans le projet de dispositions abordant la « lex specialis », les lois spéciales et notamment les traités bilatéraux de protection, a été saluée, plusieurs délégations ayant estimé que ces textes étaient importants pour la protection des investisseurs étrangers. Des divergences sont apparues quant à la place à accorder à ces dispositions dans le texte. Mais de nombreux Etats ont plaidé pour que ces régimes spéciaux ne puissent remplacer le droit général. Le Japon a suggéré que le principe général de la protection diplomatique soit maintenu. En outre, de nombreuses délégations ont salué l’extension du régime de protection des personnes morales aux personnes autres que des sociétés commerciales, mais le cas des organisations gouvernementales (ONG) soulève des questions. Souvent, ces ONG, ont fait observer certains intervenants, n’ont pas de lien avec l’Etat dans lequel elles ont été créées et souhaitent préserver leur indépendance. Par ailleurs, concernant la protection diplomatique accordée au personnel d’un navire, des délégations ont fait remarquer que la règle traditionnelle de la protection accordée par l’Etat du pavillon était indépendante de la protection diplomatique. Concernant le personnel de l’ONU, elles ont pour la plupart plaidé pour que l’on retienne le critère de la protection fonctionnelle, afin que l’ONU puisse accorder sa protection diplomatique, tout en reconnaissant, ici encore, un rôle résiduel à la protection diplomatique en vertu du droit international général.
Comme le rappelait le Rapporteur spécial chargé de la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, chaque Etat jouit à l’intérieur de son territoire d’une liberté d’action dans les limites compatibles avec les droits et intérêts des autres Etats et c’est pourquoi la protection de ces droits et intérêts exige l’adoption de mesures de prévention et de mesures de réparation en cas de dommage. La victime innocente ne doit pas supporter seule la charge du dommage subi, dans la mesure où cela est compatible avec les deux principes précédents. Le Rapporteur spécial avait invité les Etats à s’acquitter de leur obligation d’indemniser, notamment en s’accordant la latitude nécessaire pour mettre au point des régimes de responsabilité adaptés à leurs besoins particuliers et donc de retenir un modèle général et résiduel. Les délégations ont manifesté dans leur majorité leur adhésion à cette recommandation. Elles ont estimé que, selon la nature des activités dont les conséquences sont préjudiciables sans être interdites par le droit international, il est préférable d’envisager cette question dans le cadre de la responsabilité civile. De l’avis de la délégation d’Israël, la portée de l’obligation imposée par l’Etat à l’opérateur, de même que l’attribution des pertes, devraient être régies par le droit interne. D’autres intervenants ont préconisé l’adoption de mesures de prévention et un régime d’assurance adéquat qui permettent aux victimes des dommages causés par les activités transfrontières de ne pas subir seules les pertes car il incombe en premier lieu à ceux qui avaient l’autorité ou le contrôle au moment de l’incident de réparer le préjudice subi. Pour sa part, l’Italie a précisé qu’un système d’assurance efficace exige une très large participation des Etats potentiellement intéressés.
Outre celles mentionnées, les délégations des pays suivants ont pris la parole: Egypte, Pakistan, Nigeria, Bélarus, Norvège, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Inde, Guatemala, République de Corée, Slovaquie, Slovénie, Algérie, Fédération de Russie, Grèce, Australie, Pologne, et République tchèque.
La Sixième Commission poursuivra, demain jeudi 30 octobre à 10 heures l’examen du rapport de la Commission du droit international, en mettant l’accent sur les actes unilatéraux et les réserves aux traités.
RAPPORT DE LA COMMISSION DE DROIT INTERNATIONAL SUR SES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-CINQUIEME SESSION
Responsabilité des organisations internationales (Chapitre IV)
Déclarations
M. ESSAM RAMADAN (Egypte), abordant tout d’abord la question de la responsabilité des organisations internationales, a estimé que les principes généraux devraient inclure les règles des organisations internationales selon lesquelles un acte serait illégal ou illégitime. Il a rappelé que ces règles étaient généralement établies par des traités, et que cette référence aux traités figure dans le statut de la Cour internationale de Justice (CIJ). Elles doivent être intégrées pour normaliser les règles de droit international. S’agissant des missions de la paix, a estimé le représentant, la responsabilité devrait incomber aux Nations Unies, sauf s’il était prouvé que l’acte commis par une mission était contraire à son mandat et à son domaine de compétence. Concernant le projet d’article 1er, paragraphe 1 relatif la portée de l’ensemble du texte sur la responsabilité des organisations internationales, le représentant a noté que la responsabilité y est définie mais ne traite pas des dommages subis. Il a proposé à la Commission d’examiner ce point. Pour ce qui est de la responsabilité de certains Etats dans le cadre d’une organisation, il a déclaré qu’il était nécessaire de définir cette responsabilité, tout en faisant remarquer que l’Etat doit aussi être tenu responsable et que cette question ne devrait pas être tranchée par un tribunal. Le représentant s’est rallié à la position de la Chine qui estime que si la CDI reconnaît d’autres entités que les Etats, il sera plus difficile d’explorer plus avant cette question. De l’avis de sa délégation, le projet d’article 6 qui établit la responsabilité des Etats est une sorte de codification. Le représentant a proposé que la Commission envisage d’étudier la question de savoir si la CIJ est compétente pour décider de la responsabilité d’une organisation relevant du système des Nations Unies.
M. ROSS MASSOUD (Pakistan) a rappelé que la jurisprudence sur la question de la responsabilité des organisations internationales était réduite, et qu’il était important de l’étudier en profondeur, de même que la pratique en la matière. Le projet d’article 1er, paragraphe 1 n’est pas sujet à débat, a-t-il estimé. Quant au paragraphe 2, concernant la responsabilité d’une organisation internationale pour le fait d’un Etat, il faudra sans doute se cantonner au cas où un Etat est membre d’une organisation internationale. Cela ne ressort pas clairement du texte, car le texte mentionne « de l’Etat » et non pas « d’un Etat membre ». Il faudrait encore insister sur le caractère intergouvernemental de l’organisation. Le Président de la Commission a indiqué qu’il était important d’envisager le cas des organisations non gouvernementales, a fait observer le représentant pakistanais. Mais s’il faut étendre le texte aux autres entités, il faudra également étendre le régime de la responsabilité, et cela compliquerait le texte. En revanche, le texte du projet d’article 3 est adéquat. Concernant l’attribution de comportement, à première vue, il est approprié de faire référence aux « règles de l’organisation », mais cette notion dépasse la définition contenue dans la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre les Etats et les organisations internationales et entre organisations internationales. La question de la personnalité juridique, pleine ou partielle, de l’organisation internationale doit être prise en compte. Les arrêts de la CIJ cités dans les commentaires du Rapporteur spécial indiquent qu’en général, les organisations internationales disposent d’une personnalité juridique réduite et qu’elles sont soumises au principe de spécialité. Faisant référence à la question des missions de maintien de la paix, le représentant a rappelé que leur fonctionnement avait émergé de la pratique; la répartition de la responsabilité entre l’ONU et les Etats contributeurs ne sera pas aisée.
M. SHI COMPLETER NOM, Président de la Cour internationale de justice (CIJ), a déclaré que de toutes les commissions, la Sixième Commission est indubitablement l’organe dont les travaux sont les plus importants pour la Cour. La CIJ a pour fonction de trancher les différends, conformément au droit international. La Commission est chargée de développer le droit international et de le codifier. Il a rappelé qu’il n’existait pas de priorité dans le développement du droit international. Le Président de la Cour a noté que la diffusion des travaux de la Sixième Commission était facilitée par les communiqués de presse. Pour ce qui est des travaux de la Cour, ceux-ci sont publiés sur son site Internet et dans son rapport, a-t-il déclaré. Il a affirmé que le programme de travail de la Sixième Commission était lourd et divers, par exemple en ce qui concerne le renforcement du rôle des Nations Unies, l’examen des travaux de la Cour pénale internationale ainsi que les travaux sur le terrorisme. Il a affirmé que la Cour resterait attentive aux travaux de la Sixième Commission.
M. OKON EFIONG ISONG (Nigéria) a indiqué que l’exercice de la protection diplomatique pour des dommages causés à une société devrait appartenir en premier lieu à l’Etat dans lequel l’entité en question est immatriculée, c’est-à-dire l’Etat dont elle a la nationalité. Toutefois, a indiqué le représentant, nous n’ignorons pas la nécessité d’apporter les garanties nécessaires aux investissements étrangers, prenant en compte les préoccupations des investisseurs de la société, en tant qu’entité juridique, ainsi que les intérêts de leurs actionnaires, indépendamment de leur nationalité. Le Nigéria a mis en place un régime d’investissement qui reconnaît le rôle crucial de l’investissement direct étranger pour le développement de l’économie. Le Nigéria a subi en 1988 le déversement de 40 à 50 tonnes de déchets radioactifs sur son territoire, plus connu sous le nom d’Incident des déchets toxiques Koko. En l’absence d’un instrument juridique pertinent, le Nigéria avait eu des difficultés à gérer cette crise, et il se félicite des efforts accomplis par la Commission du droit international dans ce domaine. Le déversement de toutes formes de déchets dangereux pose un risque social, économique et sécuritaire majeur pour le monde. Les besoins techniques des pays en développement doivent être pris en compte. M. Isong a plaidé pour que le titre du projet d’articles soit défini de façon moins ambiguë, précisant notamment le terme de ressources « partagées ».
Protection diplomatique (Chapitre V) et Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international (Chapitre VI)
Présentant le Chapitre V du rapport consacré à la protection diplomatique, M. ENRIQUE CANDIOTI, Président de la Commission du droit international, a indiqué que la Commission avait accompli des progrès significatifs dans ses travaux sur le projet d’articles relatif à la protection diplomatique. Il a présenté les trois projets d’articles sur l’épuisement des voies de recours internes, ainsi que les commentaires pertinents. Il a indiqué que le projet d’article 8 codifiait la règle coutumière de l’exigence de l’épuisement des voies de recours internes, reconnue dans les arrêts de la Cour internationale de Justice Interhandel et ELSI. Une liste exhaustive et spécifique des voies de recours n’a pu être établie, car elle varie d’Etat à Etat. Le projet d’article 9, intitulé « Catégorie de réclamations », rappelle que la règle ne s’applique que dans les cas où l’Etat qui présente une réclamation a été victime d’un préjudice « indirect », notamment par le biais d’un ressortissant, et qu’elle ne s’applique pas au cas où l’Etat a été victime d’un préjudice direct d’un autre Etat. Dans la mesure où l’on ne peut pas toujours clairement identifier l’existence d’un préjudice direct, il a été suggéré que la réclamation est « indirecte » lorsqu’elle est soulevée « de façon prépondérante sur la base d’un préjudice à un ressortissant ». Le projet d’article 10 établit la liste des exceptions à la règle de l’épuisement des voies de recours internes. M. Candioti a invité les Etats à présenter leurs observations sur la question, notamment sur le point de savoir sil fallait maintenir la notion de « lien volontaire » entre la personne physique lésée et l’Etat défendeur pour justifier l’exception à l’exigence d’épuisement des voies de recours internes.
M. Candioti a rappelé que la Commission du droit international avait aussi examiné les projets d’articles 17 à 22, concernant la protection diplomatique des personnes morales. A cet égard, il a appelé les délégations à présenter leurs observations, à savoir le critère de la nationalité d’une société (article 17), l’exercice de la protection diplomatique par l’Etat de nationalité des actionnaires (article 18) et la clause de sauvegarde concernant la protection des droits propres des actionnaires (article 19), la continuité de la nationalité des sociétés (article 20). Il a aussi indiqué que la Commission avait débattu du statut à réserver aux accords bilatéraux d’investissement, et des règles spécifiques portant sur la protection diplomatique, au regard du régime général. La protection des personnes morales s’étendait également aux autres personnes que les sociétés commerciales, a-t-il rappelé, en invitant les délégations à présenter leurs commentaires à cet égard. M. Candioti a invité également les délégations à faire des observations sur les autres thèmes traités par la CDI, rappelant que le Rapporteur spécial souhaitait établir son rapport final l’année prochaine.
Abordant la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international – qui fait l’objet du Chapitre VI du rapport de la CDI, M. Candioti a indiqué que le Rapporteur spécial, M. Rao, avait soulevé plusieurs questions de politique générale sur ce sujet, notamment la liberté d’action dont jouit chaque Etat à l’intérieur de son territoire dans la mesure où cela est compatible avec les droits et intérêts des autres Etats. La protection de ses droits et intérêts exige l’adoption de mesures de prévention et de réparation ; et dans la mesure où cela serait compatible avec les deux principes précédents, la victime innocente ne devrait pas supporter exclusivement la charge du dommage subi. C’est ce dernier point qui soulève le plus de questions, a-t-il
fait observer. M. Candioti a indiqué que le Rapporteur spécial avait présenté plusieurs propositions aux Etats, qui figurent au paragraphe 174 du rapport. Bien que la question soit complexe du point de vue théorique, il sera sans doute possible de parvenir à un objectif réalisable. Il ne fait pas de doute que les commentaires des gouvernements seront à cet égard précieux, a-t-il conclu.
Déclarations
M. ANDREI N. POPKOV (Bélarus) a indiqué qu’il était urgent que la Commission du droit international se penche sur la question des dommages transfrontières. Le Bélarus gère encore les suites de la tragédie de Tchernobyl. Il faudrait élaborer une convention générale, afin d’indemniser les victimes. Un certain nombre de traités sur les activités dangereuses existent, mais la future convention doit définir les obligations, et associer responsabilité et culpabilité. La portion non couverte du dommage doit être indemnisée par l’Etat qui subit le dommage; et un fonds d’indemnisation doit être établi à cette fin. Le système d’indemnisation doit être fait dans toute la mesure du possible concernant l’environnement et les personnes physiques. Par ailleurs, il ne serait pas souhaitable d’intégrer la protection diplomatique du personnel d’un navire qui n’a pas la nationalité de l’Etat du pavillon. Il ne faut pas prévoir d’exception à la règle de la protection au regard de la nationalité. Quant à l’indemnisation concernant les activités des missions de l’ONU, il s’agit d’une compétence fonctionnelle: dans ce cas, il est possible de faire un parallèle avec la protection des diplomates. La protection diplomatique peut être étendue à d’autres personnes morales, mais les organisations non gouvernementales n’ont souvent pas de relations suffisamment étroites avec l’Etat d’immatriculation, a fait observer le représentant.
M. TED McDORMAN (Canada) a noté que le Rapporteur spécial chargé de la question de la protection diplomatique, M. John Dugard, aborde maintenant un domaine complexe du droit international, à savoir la protection de l’équipage et des passagers d’un navire lorsque ceux-ci ne sont pas ressortissants de l’Etat du pavillon. Le deuxième domaine dont traitera son rapport définitif est celui de la protection diplomatique des employés des organismes internationaux, au regard de l’avis consultatif de la CIJ de 1949, dans l’affaire de la “Réparation des dommages subis au service des Nations Unies”. S’agissant de la protection diplomatique des actionnaires et des sociétés commerciales, le représentant canadien a estimé que la règle énoncée dans l’arrêt “Barcelona Traction”, que le Rapporteur spécial recommande pour adoption, nous amène à poser la question suivante: cette règle reflète-t-elle correctement le droit international coutumier, ou au contraire, le droit international a-t-il évolué depuis cette décision? Cet arrêt, a-t-il rappelé, pose la règle selon laquelle seules les sociétés ont un droit de recours et non ses actionnaires. Le Canada s’en tient à cette règle, a indiqué son représentant, qui s’est demandé si le développement d’un nombre considérable de traités bilatéraux ou multilatéraux en matière d’investissement n’a pas fait évoluer le droit international coutumier au point où la règle de l’arrêt “Barcelona Traction” n’est plus valable, et que l’actionnaire dispose désormais d’un recours. Il a considéré que si ces traités ont pris tant d’importance, le droit international coutumier n’a pas fait siennes les règles qu’ils contiennent et celles-ci continuent à être considérées comme lex specialis. Il a estimé par ailleurs que la multiplication des traités est due précisément au fait que les tribunaux considèrent la règle de l’arrêt “Barcelona Traction” comme reflétant le droit international coutumier.
M. HANS WINKLER (Autriche), se référant au projet d’article 9 sur la responsabilité internationale pour les conséquences découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, a estimé que la condition d’un jugement déclaratoire ne devrait pas être maintenue. Un préjudice direct doit être le seul critère. Il faudrait donc aborder cette question uniquement dans le commentaire. Quant au projet d’article 10 sur l’épuisement des voies de recours, M. Winkler a recommandé de faire référence aux voies de recours disponibles sur le plan national. L’Autriche soutient l’inclusion de l’exigence d’un « lien effectif » entre l’individu lésé et la responsabilité de l’Etat. Mais comment établir ce lien effectif: au moment de la violation ou au moment du dépôt de la réclamation ? A-t-il demandé. Il serait bon d’élaborer une définition plus précise du terme « lien effectif ». Concernant la protection diplomatique, plusieurs dispositions doivent être reformulées. En particulier pour l’incohérence que crée la suppression de la référence traditionnelle à l’immatriculation de la société commerciale, alors qu’elle est maintenue dans le reste du texte. Abordant la question de la responsabilité pour les dommages transfrontières, il a estimé qu’il ne faudrait pas maintenir l’exigence de la preuve d’un lien causal, qui serait complexe et ferait porter un fardeau important sur la victime. La CDI doit étudier la notion de prise en charge des pertes, qui est encore nouvelle, et doit la clarifier. L’objectif même du régime de responsabilité est le devoir d’indemniser les dommages pour des activités non interdites. Le niveau de responsabilité doit être le même que le niveau de préjudice. Il serait utile que la Commission du droit international note les questions qui doivent être approfondies.
M. MOHAMED BENNOUNA (Maroc) a déclaré qu’il existait en matière de protection diplomatique une grande pratique internationale autour de laquelle une opinio juris s’est développée. Il a affirmé que ce travail de codification avait évolué considérablement. Il a relevé le débat sur la définition de nationalité de la personne morale et a invité à adapter l’arrêt “Barcelona Traction” au contexte de la mondialisation. En rester à ce critère peut se révéler insuffisant, en particulier au moment où les paradis fiscaux et les nationalités de complaisance se multiplient, a fait observer le représentant, qui a invité la CDI à adopter le critère d’un lien réel nécessaire, afin de compléter le lien formel. S’agissant des exceptions permettant l’exercice de la protection diplomatique des actionnaires, il a soutenu le projet d’article 18 inspiré de l’affaire de la “Barcelona Traction”. Il a invité la Commission à préciser ce qu’on appelle « disparition de la personne morale », et qu’elle fixe un délai pour l’invocation de la protection diplomatique des actionnaires. Il a rappelé dans ce sens l’arrêt “Barcelona Traction” qui définissait les droits des actionnaires comme des intérêts juridiquement protégés. S’agissant du projet d’article 21 sur la « lex specialis », le représentant a affirmé que cela ne paraît pas très utile. Le droit de la protection diplomatique n’étant certes pas un droit impératif, il appartient donc à l’Etat de préciser la prééminence des recours qu’il compte accepter. Il faut envisager dans le projet de texte une clause de sauvegarde relative à l’application d’autres régimes. Le représentant a invité par ailleurs à préciser la structure des organisations non gouvernementales avant de les inclure dans les entités pouvant bénéficier de la protection diplomatique et a indiqué que nombre d’entre elles fondaient leur action sur leur indépendance par rapport à tout Etat.
M. ROLF EINAR FIFE (Norvège), s’exprimant au nom des pays nordiques, a souligné l’importance des travaux de la Commission du droit international concernant la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Il est important d’identifier les obligations des Etats, notamment l’obligation de prudence, l’obligation de prendre des mesures préventives ou des mesures actives de précaution. De même, l’obligation coutumière de bon voisinage et de coopération, qui est soulignée dans un certain nombre d’instruments internationaux, constitue un corollaire de l’objectif de développement durable. En d’autres termes, s’il existe un risque grave de dommage irréversible, l’absence d’incertitude scientifique absolue ne doit pas servir à justifier l’absence de mesures en vue de prévenir un dommage », ce qui peut conduire à renverser la charge de la preuve. Le principe « pollueur payeur » est d’ailleurs contenu dans le Principe 16 de la Déclaration de Rio. Il est clair que les mécanismes internes de responsabilité civile ne sont pas suffisants. Les Etats devraient faire preuve de souplesse dans l’élaboration de systèmes d’indemnisation. Les pertes devraient être soutenues par l’auteur direct ou partagées avec les autres auteurs. Mais cela pourrait ne pas être suffisant. La preuve d’un lien causal ne doit pas être exigée, un lien raisonnable doit être suffisant et le dommage à l’environnement doit être réparé. Le représentant a indiqué que sa délégation est flexible quant à la forme de l’instrument final qui sera adopté, souhaitant toutefois l’élaboration d’une convention pour ce qui touche à la responsabilité. Les Etats responsables devraient supporter le fardeau de la réparation si le financement des mécanismes de garantie n’est pas suffisant.
M. JOHAN G. LAMMERS (Pays-Bas) a déclaré que l’arrêt de la CIJ, “Barcelona Traction”, tient bien compte du droit international coutumier et doit donc servir de base à la rédaction du projet d’articles sur la protection diplomatique. Il a noté que cet arrêt n’était pas totalement satisfaisant et qu’il était donc nécessaire de conclure des traités d’investissement pour remédier à ces imperfections. S’agissant du projet d’article 17, il a invité la CDI à ne pas retenir le critère du lien authentique établi par la CIJ dans son arrêt Affaire Nottebohm s’agissant des personnes physiques. Le représentant s’est félicité du projet d’article 18 a) et b), estimant que cette exception à la règle de la nationalité de la société doit être perçue comme positive. S’agissant du projet d’article 21, il a souhaité que la question de la « lex specialis » soit renvoyée aux commentaires formulés par le Rapporteur spécial, insistant sur une nouvelle formulation des dispositions. S’agissant du projet d’article 22, le représentant a invité à examiner de manière plus approfondie les questions liées à ce thème. Il s’est ensuite penché sur la question de la protection accordée à l’équipage d’un navire ayant la nationalité d’un Etat tiers et a rappelé que cela était déjà couvert de manière appropriée par la Convention sur le droit de la mer. S’agissant de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’actes non interdits par le droit international, le représentant a estimé que lorsqu’un Etat a respecté ses obligations internationales, pour réparer les dommages causés sans violation du droit international, il doit adopter des mesures aux niveaux national et international pour déterminer les pertes.
M. NIGEL FYFE (Nouvelle-Zélande) a indiqué l’importance considérable que son pays accordait à la question de la responsabilité des Etats résultant d’activités dangereuses, notamment dans un monde de plus en plus interdépendant. La Commission du droit international devrait élaborer des dispositions visant à combler le vide juridique existant lorsque le dommage ne relève pas d’une activité interdite. Ce régime devrait être résiduel, et devrait fournir un cadre pour l’élaboration d’autres régimes de responsabilité. L’auteur direct devrait porter la responsabilité en premier lieu, afin de l’encourager à prendre des mesures préventives; le fondement de la responsabilité ne devrait pas être fondé sur la faute; et les pertes devraient être supportées par un régime de garantie, soutenu par l’Etat. La réparation du dommage à l’environnement est complexe, elle devrait être étendue au dommage économique conséquent. Quant à la forme de l’instrument final, un projet d’articles sur la question devrait être élaboré afin d’obtenir un régime général comportant les mesures préventives et la responsabilité. Il serait bon que ce régime soit mis en place dans les cinq ans à venir, a souhaité le représentant.
M. MANIMUTHU GANDHI (Inde) a estimé que la définition des organisations internationales devait se limiter aux organisations intergouvernementales. Il a jugé approprié la suggestion visant à exclure les ONG de la portée du sujet en raison du fait qu’elles n’assument pas de fonctions gouvernementales. Sa délégation est d’avis que la présente étude doit se concentrer sur la responsabilité en droit international et se limiter à la responsabilité autre que civile des organisations internationales. S’agissant de la responsabilité des Etats pour les conséquences dommageables découlant d’actes non interdits par le droit international, le représentant a proposé de retenir le même champ d’application que celui de la prévention. Il a rappelé que les Etats préfèrent traiter la question sous l’angle de la responsabilité civile en fonction de la nature des activités en question. Il a indiqué qu’il était néanmoins intéressant d’avoir un instrument international dont l’approche inclurait le paiement d’une indemnisation résiduelle par les Etats avant de rappeler que tous les Etats n’avaient pas les moyens de le faire. Par ailleurs, le représentant a noté que l’attribution de dommages et intérêts aux victimes innocentes était équilibrée entre l’attribution d’une indemnisation aux victimes de dommages transfrontières et l’établissement de l’obligation de l’Etat à indemniser, en vertu de la responsabilité des Etats. A cet égard, il a soutenu la proposition de la Commission du droit international d’établir un modèle d’attribution des dommages et intérêts qui soit résiduel et général. Il a également soutenu la recommandation du Rapporteur spécial selon laquelle la responsabilité première revient à l’opérateur. Il a accueilli la création d’un Groupe de travail au sein de la CDI sur cette question.
Mme CONNIE TARACENA SECAIRA (Guatemala) a indiqué que le texte concernant la protection diplomatique, proposé par la CDI, était obscur sur plusieurs points. La notion de « protection juridique » paraît un peu confuse. Pour l’épuisement des voies de recours, au lieu d’indiquer « lorsque l’Etat ne fournira pas de protection judiciaire », il faudrait dire plutôt « lorsque le système juridique sera virtuellement inopérant ou s’il existe de graves irrégularités ». L’exercice de la protection diplomatique est rendu plus complexe par les activités des sociétés transnationales. Certains régimes juridiques ne connaissent pas la notion d’« immatriculation », et le Guatemala se félicite de ce que ce terme ait disparu du texte anglais. Il faudrait mentionner l’Etat dans lequel la société a été constituée, et avec lequel elle a un lien étroit, tout en prévoyant le cas où elle est liée de façon plus étroite avec un autre Etat. Il serait même possible d’ajouter la nationalité des actionnaires, le lieu des activités économiques principales ou tout autre élément révélateur d’une relation authentique de la société avec l’Etat ». Que se passe-t-il lorsque la nationalité des actionnaires est différente de celle de la société ? A-t-elle demandé. Quant au projet d’article 18, il paraît impossible d’exercer la protection diplomatique pour une société qui n’existe plus.
M. KAK-SOO SHIN (République de Corée) a déclaré s’en tenir à la protection diplomatique. Il a rappelé que les règles et pratiques actuelles s’appuient sur l’arrêt de la CIJ, “Barcelona Traction”. Il a déclaré accepter le projet d’article 17, paragraphe 2 avec une modification relative au second critère, celui du siège social, et a estimé qu’il n’est pas utile d’exiger un lien authentique déterminant le contrôle économique. Faisant référence au projet de l’article 18, le représentant a fait observer que la situation envisagée au paragraphe 2 était une source de grande préoccupation pour les investisseurs, ce qui explique la prolifération d’instruments bilatéraux en la matière. S’agissant du projet d’article 21, le représentant a suggéré que la protection diplomatique ne soit pas entièrement exclue dès lors qu’il existe des instruments bilatéraux. A cet égard, la CDI devrait adopter une clause de sauvegarde. Répondant aux questions posées par la Commission du droit international, le représentant a tenu à préciser qu’elle fasse en sorte que son projet d’articles sur la protection diplomatique ne porte pas préjudice à la Convention sur le droit de la mer et à la jurisprudence établie par le Tribunal pour le droit de la mer dans l’affaire Saiga. Il a réaffirmé que l’exercice de la protection diplomatique relève de l’Etat dont le navire bat pavillon, tant que celui-ci est considéré comme une unité. S’agissant de la protection diplomatique de ressortissants employés dans une organisation internationale, le représentant a estimé que le projet d’articles respecte la décision de la CIJ de 1949 dans l’affaire des réparations car une organisation internationale doit être en mesure d’exercer sa protection fonctionnelle.
M. YUKIHIRO WADA (Japon) a indiqué qu’il était essentiel de prendre en compte les accords bilatéraux assurant la protection des investisseurs étrangers. Le Japon soutient donc l’inclusion de dispositions concernant la « lex specialis » dans le projet d’articles. Mais cette inclusion ne doit pas écarter le principe général de la protection diplomatique, notamment si l’application des dispositions bilatérales n’est pas satisfaisante. Ces dispositions devraient peut-être figurer à la fin du projet d’articles. Concernant la nationalité des sociétés, il n’est pas pertinent d’utiliser le critère du lien effectif ou authentique. Les sociétés transnationales peuvent être privées de ce lien, et se trouver ainsi totalement privées de protection diplomatique. Le Japon estime que la protection diplomatique des personnes morales peut être étendue aux autres personnes morales, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une étude exhaustive en la matière. Concernant la protection du personnel d’un navire par l’Etat du pavillon, c’est une règle habituelle, qui ne relève pas de la protection diplomatique. Mais il est arrivé qu’une protection concurrente ait été offerte sur la base de l’Etat du pavillon et sur la base de la protection diplomatique, notamment concernant des aéronefs abattus en vol. S’agissant du personnel employé par une organisation internationale, le représentant a suggéré de considérer la protection fonctionnelle de l’ONU pour son personnel dans l’exercice de ses fonctions. Si cette dernière n’est pas efficace, alors, la protection diplomatique peut jouer, a-t-il estimé.
M. CLAUDIO TRONCOSO (Chili) a indiqué que l’arrêt de la CIJ, “Barcelona Traction”, constituait une jurisprudence importante sur la question de la protection diplomatique, mais qu’elle avait fait l’objet de critiques en doctrine et d’opinions divergentes, notamment parce qu’elle ne reconnaissait pas l’existence d’un lien effectif entre l’Etat qui exerce la protection et la personne juridique dont les intérêts ont été lésés, qui fut prévu au moins dans certains traités reconnaissant la protection directe des actionnaires. Dans ces circonstances, il paraît possible de soutenir que l’exercice de la protection diplomatique pourrait revenir à l’Etat de constitution de la société, à l’Etat qui dispose d’un lien effectif, de la nationalité des actionnaires, du contrôle économique ou du siège social de la société. Mais il est clair que s’il n’existe pas de lien, peu importe que la société ait été créée dans le pays en question. Le Chili accueille favorablement la proposition contenue au projet d’article 18, reconnaissant l’exercice de la protection des actionnaires dans le cas où la société a cessé d’exister, ou lorsque la société a la nationalité de l’Etat responsable du préjudice causé. Quant au titre « lex specialis », lois spéciales, concernant les traités d’investissement prévoyant des règles particulières, le Chili estime que pour des raisons de sécurité juridique, il est bon de les aborder, mais que ce titre doit figurer dans le chapitre spécial concernant les personnes morales, et non dans le chapitre général du projet de texte. Enfin, le Chili considère qu’il est justifié que la protection diplomatique des personnes morales s’étende au-delà des sociétés commerciales, mais que le cas des organisations non gouvernementales, qui n’ont souvent pas de lien avec l’Etat, doit être examiné plus avant.
M. IGOR GREXA (Slovaquie) a rappelé que la question de la protection diplomatique était à l’ordre du jour depuis 1996 et s’est félicité des progrès accomplis par la CDI concernant les projets d’articles relatifs aux règles qui régissent l’épuisement des recours nationaux. M. Grexa a ajouté que les voies de recours disponibles dans chaque Etat étant différentes, il serait impossible d’avoir une disposition prévoyant tous les cas. L’extension de la protection diplomatique à d’autres personnes que les sociétés commerciales paraît raisonnable, et un régime appliqué mutatis mutandis pourrait suffire. Il existe près de 2000 traités bilatéraux en matière d’investissement, a rappelé le représentant slovaque, qui constituent l’élément clef d’un environnement favorable aux investissements. A cet égard, il est bon de prévoir l’inclusion de dispositions concernant la « lex specialis », mais il serait préférable de reformuler le texte, tout en rappelant que la protection diplomatique restait le principe général. La Slovaquie estime qu’il n’est pas nécessaire de prévoir une reconnaissance particulière du droit à l’Etat du pavillon à exercer sa protection diplomatique. Ce domaine est suffisamment bien couvert par le droit de la mer.
Mme META BOLE (Slovénie) a répondu aux questions posées par la Commission relatives à la protection diplomatique. Ainsi, elle a affirmé s’opposer à l’exercice de la protection diplomatique, par l’Etat du pavillon, à l’égard des membres de l’équipage d’un navire, indépendamment de leur nationalité. Elle a estimé en effet que cela va bien au-delà des sujets traditionnels de la protection diplomatique. Elle a affirmé ne pas être non plus favorable à l’exercice de la protection diplomatique par les organisations internationales, à l’égard de leur personnel, et a indiqué que la jurisprudence de la CIJ de 1949 (affaire « Réparations ») était une exception au principe de la nationalité. Elle a invité la Commission du droit international à adopter une approche fondée sur la coutume internationale. S’agissant des projets d’articles 17 à 22, elle a déclaré ne pas être favorable à l’exercice de la protection diplomatique par l’Etat de nationalité des actionnaires, en plus de celle exercée par l’Etat de nationalité de la société. La représentante a estimé que le projet d’articles allait certainement dans ce sens dans la mesure où il ne l’envisageait que dans des cas exceptionnels. Elle a soutenu la Commission dans sa volonté de contrer la constitution des sociétés écrans, et a indiqué adhérer également à la position de la CDI en estimant que la protection diplomatique par l’Etat de nationalité des actionnaires créera des difficultés aussi bien pour les juridictions que pour les Etats où se trouvent les investissements.
M. ALI HAFRAD (Algérie) a déclaré, concernant la protection fonctionnelle de leurs fonctionnaires par les organisations internationales, qu’elle devrait être exclue du projet d’articles, car elle constitue une exception au principe du lien de nationalité, qui est le socle de la protection diplomatique. Cependant, la Commission du droit international devrait clarifier la question des réclamations concurrentes de l’Etat de nationalité et de l’organisation concernée dans le cas des dommages personnels que les agents pourraient subir. Abordant la question de la protection accordée par l’Etat du pavillon d’un navire aux membres de l’équipage ayant la nationalité d’un autre Etat, M. Hafrad a indiqué que cette protection était déjà réglée par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. L’élargissement du droit des Etats à intervenir risquerait de porter atteinte à la nature même des règles fondatrices de celles-ci.
M. STEPAN Y. KUZMENKOV (Fédération de Russie) a indiqué que son pays accordait un intérêt particulier à la question de la protection diplomatique. Certaines dispositions ont un caractère de principe. La solution de l’arrêt « Barcelona Traction » mérite notre appui, a-t-il indiqué, dans la mesure où il retient le lieu du siège social, critère formel. La Russie considère que ces normes permettent d’éviter des situations dans lesquelles plusieurs Etats auront le droit d’exercer la protection diplomatique, tout en assurant la protection des investisseurs. Le parallèle avec la protection des personnes physiques n’est pas correct. La protection des investisseurs n’est pas fondée sur la protection diplomatique, mais sur les accords bilatéraux conclus en la matière. La règle du droit exclusif de nationalité de la société devrait être réexaminée. Il serait peut-être possible de formuler les exceptions du projet d’article 18 de manière plus restrictive. Ainsi, concernant l’exception à propos de la protection des actionnaires, cette dernière ne devrait être ouverte que dans l’hypothèse d’une violation du droit international. La Commission du droit international devrait faire preuve d’une prudence particulière dans les dispositions concernant la « lex specialis ». Le projet d’article 21 ne doit pas être formulé de telle sorte qu’une personne doive choisir entre mécanisme de protection des droits de l’homme et protection diplomatique. Concernant l’application mutatis mutandis du régime aux personnes morales autres que les sociétés, a fait remarquer le représentant, se pose la définition même de la notion de personne morale. Tous les systèmes juridiques n’ont pas de définition de la société.
Mme DASCALOPOULOU-LIVADA (Grèce) s’est félicitée de ce que le projet d’article 17 énonce la règle fondamentale selon laquelle l’Etat de nationalité de la société est habilité à exercer sa protection diplomatique, sur la base de l’arrêt « ”Barcelona Traction” ». Sans contester le critère retenu par la CDI, sa délégation opte pour le critère du siège social, tout en se déclarant prête à accepter par exemple le critère de l’immatriculation afin de parvenir à un consensus. Mme Livada a émis la crainte que la multitude de liens ait un effet négatif sur la portée du projet d’article 17. Le projet d’article 18 ne correspond pas selon elle à l’état du droit international coutumier. Elle a estimé qu’il n’existe pas d’équilibre entre la règle et l’exception dans ce cas. Une disposition qui assurerait le caractère subsidiaire de la protection diplomatique devrait être contenue dans les clauses finales, de même qu’elle devrait préciser qu’elle s’applique à la fois aux personnes physiques et morales. Sa délégation ne s’oppose pas à l’idée d’intégrer les ONG au régime de protection diplomatique des personnes morales, comme l’envisage le projet d’article 22. Abordant la question des conséquences dommageables d’actes transfrontières non interdits par le droit international, la représentante a souhaité l’adoption d’une convention qui traiterait à la fois de la prévention et de la réparation. Elle a rappelé que la responsabilité incombait à l’Etat lorsque celui-ci n’avait pas fait preuve de diligence en prenant les mesures nécessaires sur son territoire, telles que le précisait l’arrêt de la CIJ « Détroit de Corfou ». Elle a indiqué qu’établir une obligation internationale qui ferait porter la responsabilité à l’Etat en vue d’une réparation, était injuste pour l’Etat car les bénéfices de l’activité en cause reviennent à l’opérateur. Elle a donc suggéré de lier la responsabilité civile de l’opérateur à la responsabilité résiduelle de l’Etat. La Grèce est favorable au critère du dommage significatif proposé par le Rapporteur spécial. A cet égard, elle a invité le Groupe de travail à prendre en considération le Protocole de Kiev établi par la Commission économique européenne.
M. IVO BRAGUGLIA (Italie) a indiqué que l’ensemble du projet d’articles concernant l’épuisement des voies de recours internes semblait satisfaisant, mais qu’il aurait été préférable d’énoncer l’exigence que les voies de recours soient adéquates pour faire partie de la règle. Les dispositions du projet d’article 18, qui prévoient que tout Etat dont les actionnaires d’une société sont ses ressortissants peut exercer la protection diplomatique lorsque la société ayant subi un préjudice a la nationalité de l’Etat hôte, envisagent une très large exception au principe. Elle poserait en outre des difficultés pratiques considérables dans la mesure où on ne peut déterminer aisément les actionnaires d’une société. M. Braguglia s’est félicité de l’étude sur la protection diplomatique des employés des organisations internationales et des membres de l’équipage d’un navire, cette dernière question n’étant pas clairement tranchée dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Par ailleurs, il serait utile que la CDI étudie comment la protection diplomatique s’applique en matière de droits de l’homme. En outre, concernant les dommages causés par des activités non illicites, il semble utile que la CDI décide si elle entend formuler une série de recommandations ou d’établir un traité type à caractère général. Dans ce dernier cas, il faut garder à l’esprit que les intérêts en jeu sont multiples et les implications financières considérables. En particulier, un régime d’assurances efficace présuppose une très large participation des Etats potentiellement intéressés.
Mme NICOLA LOFFLER (Australie) s’est prononcée en faveur de l’exclusion du projet d’article relatif au droit de l’Etat du pavillon d’accorder sa protection diplomatique au personnel ou aux passagers d’un navire. Cette question est déjà prévue par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Abordant la question des activités transfrontières, Mme Loffler a indiqué que les relations entre l’Etat et l’opérateur auteur d’un dommage variaient selon les secteurs de l’industrie, mais qu’en toute hypothèse, l’Etat devait faire en sorte que des mesures de prévention soient prises, et qu’une assurance adéquate soit souscrite. La portée du régime ne doit pas limiter de manière injustifiée la réparation des dommages causés à l’environnement, a-t-elle ajouté. C’est un domaine qui se prête mal à la codification, mais le principe devrait être que la victime innocente ne devrait pas supporter seule le préjudice. Lorsque l’opérateur n’a pas les moyens de fournir une indemnisation appropriée, cette dernière devrait provenir de fonds de l’Etat, dans la mesure où il a autorisé et tiré profit de l’activité dommageable.
M. REMIGIUSZ A. HENCZEL (Pologne) a affirmé que le projet d’article 17 n’était pas satisfaisant dans la mesure où il ne donnait pas de critère précis pour déterminer la nationalité des sociétés et qu’il n’y avait pas d’acceptation générale de l’idée de lien entre une société et l’Etat de nationalité. S’agissant du projet d’article 18, il a estimé qu’il était raisonnable et pratique. Le projet d’article 19 qui établit une clause de sauvegarde ne pose pas de problème, a-t-il indiqué. De l’avis de sa délégation, le projet d’article 21 qui inclut la « lex specialis » n’est pas nécessaire car il s’appliquerait de toute façon en tant que principe général. C’est pourquoi, elle suggère à la CDI de le reformuler afin de le rendre applicable à l’ensemble du projet d’articles. S’agissant de la question des conséquences dommageables découlant d’un acte non interdit par le droit international, le représentant a fait siennes toutes les recommandations du Rapporteur spécial. Il a invité à retenir l’approche adoptée pour le traitement de la prévention afin d’harmoniser le droit en la matière. A cet égard, il a rappelé l’article 2 de la Déclaration de Rio qui affirme que la prévention de l’environnement de la planète n’est qu’une question de frontières politiques. S’agissant de la forme finale de l’instrument, le représentant a estimé qu’il était trop tôt pour décider si la codification était préférable pour le développement progressif du droit international et a souhaité que la CDI adopte des recommandations ou des principes directeurs dans l’attente de la finalisation du texte. Il a soutenu l’idée d’un régime de réparation résiduel et général laissant aux Etats une certaine flexibilité permettant d’établir des régimes de responsabilité répondant à leurs besoins particuliers.
M. ALAN BAKER (Israël) a indiqué que la protection diplomatique mettait en cause un équilibre délicat entre la protection des individus au niveau international et les intérêts de l’Etat. Il a noté que les deux questions de la protection du personnel des navires et du personnel des organisations internationales relevaient d’un droit spécial. Sur la question des dommages transfrontaliers, Israël est favorable à ce que la portée de l’obligation imposée par l’Etat aux opérateurs, de même que l’attribution des pertes, devrait être fixée par le droit interne, bien qu’il soit souhaitable de fixer un seuil minimum. M. Baker a souligné la diversité de l’origine des ressources supplémentaires en vue des réparations, notamment des fonds multilatéraux, organisations nationales et internationales et fonds privés. Concernant les mesures prises, ou qui auraient dû être prises par les Etats, une obligation d’assurance pourrait être mise en place. Il serait possible d’imposer à l’Etat l’obligation de prendre des mesures en vue de prévenir les pertes non couvertes. La question de la réparation des dommages causés à l’environnement ne devrait pas être incluse dans ce projet, mais laissée aux enceintes spécialisées en environnement. Israël estime qu’à ce stade, une convention multilatérale n’est pas souhaitable et se prononce plutôt en faveur de règles de conduite. Concernant la question des actes unilatéraux des Etats, M. Baker a indiqué que la pratique en la matière entravait une approche normative de la question. Israël considère que cette question devrait être étudiée de manière restrictive, et qu’elle ne devrait pas s’étendre aux questions controversées de reconnaissance d’une entité politique en tant qu’Etat. Faisant référence à la question des réserves aux traités, M. Baker a indiqué que la définition retenue de la notion « d’objection » ne prenait pas en compte les autres objectifs d’un Etat qui émet une objection, notamment celui de faire savoir qu’il juge la réserve illégale. Il serait utile que les objections soient accompagnées d’explications, afin d’éviter toute mauvaise interprétation des intentions de l’Etat.
M. JAN CIZEK (République tchèque) a indiqué que son pays était réservé quant à l’extension du projet d’articles concernant un régime particulier de la protection accordée par l’Etat du pavillon d’un navire à l’équipage de ce dernier et par une organisation internationale à son personnel. Il a suggéré en revanche que la CDI examine la question de la délégation de la protection diplomatique à un Etat tiers, qui existe en droit européen. Rappelant l’origine controversée de la décision « Barcelona Traction », M. Cizek a indiqué que la République tchèque n’était pas favorable à une modification des solutions retenues, qui reflétaient de manière adéquate le droit coutumier en la matière. Se départir de ces règles risquerait de créer une confusion et une insécurité dans les relations économiques internationales. Concernant les exceptions à la règle générale, et notamment le cas de disparition de la société, la République tchèque soutient l’idée que le statut juridique de la société est le seul élément qui compte, et non sa situation économique. La protection diplomatique ne peut donc être accordée aux actionnaires que si la société cesse d’exister de jure, c’est-à-dire en droit et non en fait. Concernant les travaux de la Commission du droit international, M. Cizek a déploré, qu’en dépit de l’importance de ses travaux, la Commission doit limiter le volume de son rapport annuel.
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