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AG/J/332

SECURITE JURIDIQUE DES TRAITES ET FRAGMENTATION DU DROIT INTERNATIONAL AU CîUR DES DELIBERATIONS DE LA SIXIEME COMMISSION

1 novembre 2000


Communiqué de Presse
AG/J/332


SECURITE JURIDIQUE DES TRAITES ET FRAGMENTATION DU DROIT INTERNATIONAL AU CŒUR DES DELIBERATIONS DE LA SIXIEME COMMISSION

20001101

La fragmentation du droit international est-elle réellement un risque et la pratique des réserves, notamment des réserves tardives, y contribue-t-elle? Ces questions ont été soulevées cet après-midi devant la Commission juridique (Sixième Commission), qui poursuivait l’examen du rapport de la Commission du droit international, en se concentrant plus particulièrement sur ses chapitres VII, VIII et IX. Ceux-ci concernent respectivement les «Réserves aux traités», la «Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international (prévention des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses)» et les autres points, notamment le programme de travail à long terme de la Commission.

Parmi les divers sujets abordés, c’est encore le thème des réserves aux traités qui a retenu l’attention du plus grand nombre de représentants. Ceux de la Hongrie et de l’Autriche se sont intéressés aux réserves faites en vertu de clauses d’exclusion, pour considérer qu’il ne s’agit pas de véritables réserves. Pour étayer leur position, ils ont cité en exemple deux traités à vocation universelle - la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale – qui interdisent toutes deux les réserves mais, notamment le Statut de Rome, prévoient des clauses d’exclusion (article 124 du Statut de Rome, par exemple). Dans le cas du Statut de Rome, considérer comme une réserve une déclaration faite en vertu de la clause d’exclusion prévue à l’article 124 reviendrait à dire que, pour tous les autres Etats parties au Statut, le seul Etat qui a eu recours à cette clause serait considéré comme refusant la compétence de la Cour pour tous les crimes de guerre, a expliqué le représentant de l’Autriche, pour qui ce n’est sans doute pas là l’effet recherché.

Le problème des réserves tardives a également été de nouveau abordé. Les représentants de la France et de l’Autriche ont rappelé qu’elles pouvaient menacer le principe Pacta sunt servanda et, donc, la sécurité juridique des traités. Pour le représentant de l’Autriche, elles doivent donc être considérées en général comme irrecevables, sauf si le traité en question en dispose autrement. Pour le représentant français, elles doivent rester exceptionnelles, limitées au seul cas où, à défaut de pouvoir formuler une telle réserve tardive, un Etat n’aurait, de bonne foi, d’autre choix que de dénoncer le traité en cause.

Le représentant de la Hongrie a toutefois remarqué qu’il est un fait que ce type de réserves tend à se développer dans la pratique des Etats et des organisations internationales.

Le représentant de l’Autriche a par ailleurs souhaité que la CDI puisse rapidement trouver des solutions générales à la question des réserves car ce sujet sensible est traité dans diverses autres enceintes internationales. Il est donc nécessaire que la CDI y réponde vite, sans quoi on risque de voir des solutions individuelles ou ponctuelles issues de différentes enceintes augmenter encore les divergences existantes et la fragmentation du droit international.

«Les risques découlant de la fragmentation du droit international», est l’intitulé de l’un des thèmes proposés par la CDI pour son programme de travail à long terme. Au nom des pays nordiques, le représentant de la Finlande a posé la question de savoir si le sujet devait être formulé de manière négative. Pour lui, la fragmentation ne serait que la mise en équilibre des variations locales et des diversités sociales et il vaudrait mieux épouser la diversité que la condamner. A son avis, ce thème, le plus intéressant du programme du travail futur de la CDI, devrait être formulé de façon plus positive comme “les effets de la diversification du droit international”.

Concernant le thème de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, la représentante de la Nouvelle-Zélande a considéré qu’à titre général les activités utiles ont le droit d’être poursuivies même si certains dommages transfrontières sont prévisibles, à condition qu’elles soient conduites dans la plus grande sécurité possible et éventuellement avec l’assurance d’une indemnisation satisfaisante. Il est nécessaire de laisser la liberté aux Etats de permettre sur leur territoire des activités utiles bien que risquées, tout en leur imposant de ne pas causer de dommages sur le territoire d’un autre Etat.

Les représentants des Etats suivants ont pris la parole: Autriche, Finlande, au nom des pays nordiques, France, Pays-bas, Hongrie, Nouvelle-Zélande et Jamahiriya arabe libyenne.

La Commission juridique poursuivra demain, jeudi 2 novembre, à 10 heures, l’examen des même points du rapport de la CDI.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE- DEUXIEME SESSION

Suite du débat

M. ALEXANDER MARCHIK (Autriche) a déclaré que le rapport du Rapporteur spécial est extrêmement utile, en raison de la grande diversité des méthodes et techniques permettant aux Etats de s’écarter de l’intégralité des obligations prévues au titre d’un instrument international. Néanmoins, la Sixième Commission attend de la CDI qu’elle traite de la question décisive des effets juridiques des réserves irrecevables. C’est la question la plus urgente, a déclaré le représentant. Il faut aussi savoir s’il est possible de faire des réserves à l’encontre de certains Etats parties seulement et si les réserves de durée limitée sont réellement des réserves.

Le représentant a soulevé diverses questions relatives à la directive 1.1.8. concernant les réserves faites au titre des clauses d’exclusion, en prenant en exemple la clause "d’opting out" que représente l’article 124 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Une déclaration au titre de cet article est-t-elle une réserve? a-t-il demandé, alors que l’article 120 exclut toute réserve au Statut. Dans ce cas, cela voudrait dire que, pour tous les autres Etats parties au Statut, le seul Etat qui a eu recours à l'Article 124 serait considéré comme refusant la compétence de la Cour pour tous les crimes de guerre. Ce n’est sans doute pas l’effet recherché, a-t-il remarqué. Or, selon la manière dont le Rapporteur spécial voit les choses, ces déclarations en vertu d’une clause d’exclusion seraient des réserves. La directive 1.1.8. devrait donc être examinée plus attentivement.

Concernant les alternatives aux réserves, l’Autriche estime qu’il faudrait traiter de la question en dehors du thème des réserves. La directive elle-même déclare que ces alternatives ne relèvent pas des réserves. M. Marschik a demandé par ailleurs s’il était possible de trouver des critères plus précis que ceux actuellement présentés pour distinguer ces alternatives des réserves vraies.

Concernant les projets de directives qui n’ont pas encore été examinés par la CDI, ils touchent aux domaines les plus sensibles des réserves et devront donc être étudiés en détail, a déclaré le représentant. Il a contesté l’intérêt des directives concernant les réserves qui sont déjà couvertes par la Convention de Vienne sur le droit des traités. Quant aux réserves tardives, elles sont normalement irrecevables sauf si le traité en question en dispose autrement, a déclaré M. Marschik. Cela tient à la règle Pacta sunt servanda. Les réserves tardives mettent en cause la stabilité juridique internationale. La question est ici de savoir si toutes les autres parties doivent accepter une réserve tardive pour qu’elle soit acceptable. La procédure proposée par le Rapporteur spécial suggère que l’objection d’un seul Etat partie aboutirait au rejet de la réserve tardive, mais que le silence vaudrait acceptation tacite. L’Autriche estime que cette manière de procéder n’est acceptable que si l’on s’assure que les Etats parties ont bien conscience de l’existence de cette réserve tardive. Ce n’est qu’alors que le silence d’un Etat peut être considéré comme acceptation tacite. Il faut que le projet de directives inclue une disposition en ce sens.

M. Marschik a rendu hommage au travail du Rapporteur spécial tout en reconnaissant que les réflexions sur cette question, menées dans diverses autres enceintes internationales, illustrent l’existence d’une multitude de problèmes graves et le besoin de trouver des solutions générales adéquates avant que des solutions individuelles ou ponctuelles issues de différentes enceintes ne viennent encore augmenter les divergences existantes et la fragmentation du droit international. La CDI est appelée à un rôle dirigeant dans l’élaboration de dispositions générales, a rappelé le représentant. Elle doit faire tout son possible pour répondre à cet appel en proposant au plus tôt une solution.

M. MARTTI KOSKENNIEMI (Finlande, au nom des pays nordiques) a rappelé que les cinq sujets des travaux envisagés par la CDI pour le programme à long terme ont été choisis sur une liste de seize questions qui avaient été proposées par certains membres. La Commission a été guidée, dans le choix des sujets substantiels, par des critères établis lors de sa quarante-neuvième session il y a trois ans. Il a indiqué que les sujets doivent non seulement refléter les besoins concrets des Etats, mais aussi les nouveaux développements du droit international et les préoccupations de la communauté internationale. Il s’est toutefois demandé si ces critères étaient efficaces. Trois des cinq sujets ont été réservés pour la suite des travaux de la Commission, dont la “responsabilité des organisations internationales” qui présente, à son avis, un grand intérêt pratique et se situe dans un domaine qui peut être codifié utilement. L’intérêt vient essentiellement du fait que ces organisations sont des acteurs de plus en plus autonomes sur la scène internationale. De ce point de vue, il a estimé que le sujet trouve sa place dans le programme de travaux futurs. En revanche, il s’est demandé si cela était aussi le cas en ce qui concerne les effets de la guerre sur les traités, car la “guerre” est aujourd’hui une catégorie juridique en voie d’extinction et la nature des conflits armés varie d’une affaire à une autre.

S’agissant des ressources naturelles partagées, c’est le seul sujet qui concerne l’environnement et l’aborder de façon plus large pourrait aboutir à des règles trop étendues sur le droit de l’environnement humain, ce qui ne serait ni souhaitable ni utile, a-t-il fait remarquer. A l’inverse, il a estimé que l’analyse de ses implications internationales serait intéressante. Il a remarqué qu’aucun sujet ne traite des droits de l’homme ce qui s’explique par le principe selon lequel il faut éviter les doubles emplois. De même, il a constaté l’absence de réglementation sur le développement économique et a indiqué que cela pourrait être traité afin d’aboutir à de nouveaux principes, comme celui de la non- réciprocité, qui apparaissent dans les traités en la matière. Quant à la question de l’expulsion des étrangers, elle a déjà été incluse en partie dans le thème du droit d’asile et devrait se concentrer sur les cas d’expulsions massives qui sont normalement interdites par les lois sur les droits de l’homme, a-t-il remarqué.

Sur le sujet des risques découlant de la fragmentation du droit international, il n’est pas certain que le sujet doive être formulé de manière négative selon lui. Il a relevé l’existence de nouvelles formes de coopération économique et sociale qui doivent l’emporter sur les règles diplomatiques. Depuis plusieurs années, ces domaines ont acquis une autonomie par rapport au droit international, des principes généraux ou des dispositions spécifiques s’élaborant pour réglementer le droit applicable en ce domaine. Il a indiqué qu’il peut y avoir des conflits de fond et de procédure entre les nouveaux domaines et ceux du droit classique. La fragmentation est un aspect récent, mais qui n’est pas forcément négatif à son avis, car les droits se réfèrent à des domaines qui n’ont pas grand chose à voir avec la coopération diplomatique formelle entre Etats. En fait, la fragmentation, c’est la mise en équilibre de la variation locale et des diversités sociales. La création d’ordres juridiques concurrents n’en est pas pour autant sans risque et il faut régler les problèmes en termes de droit. M. Koskenniemi a remarqué qu’il faut cependant épouser la diversité au lieu de la condamner. Il a déclaré que l’interdépendance de centaines de systèmes de droits internes s’étend au-delà des Etats nations et a invité les juristes internationaux à s’en réjouir plutôt que de s’en plaindre. En conclusion il a indiqué qu’il faut examiner avec intérêt les recommandations de la Commission sur le programme à long terme et a proposé de remplacer le sujet du partage des ressources naturelles par l’examen du principe de précaution en droit international. A son avis, le sujet le plus intéressant est celui de la fragmentation du droit international, mais il devrait être formulé de façon plus positive comme “les effets de la diversification du droit international”.

M. ARNAUD BARTHELEMY (France) a rappelé que, pour la France, le terme de “directives” retenu pour qualifier les projets de la CDI concernant les réserves aux traités est loin d’être satisfaisant. La notion de “lignes directrices” est plus appropriée car ce ne sont pas des règles contraignantes mais un guide destiné à aider les Etats qui sera adopté à l’issue des travaux. La France se félicite de ce que le Rapporteur spécial a persévéré dans son travail de définition car nombre de questions soulevées à ce jour résultent de définitions incertaines qu’il convient de clarifier, a ajouté le représentant.

Concernant les projets de directives déjà adoptés en première lecture par la CDI, aucun critère ne permet, faute de précision, de distinguer de façon certaine la déclaration interprétative de la déclaration interprétative conditionnelle, a déclaré M. Barthelemy. Rien n’est dit sur les modalités selon lesquelles l’auteur de la déclaration interprétative conditionnelle subordonne son consentement à être lié à une interprétation spécifiée du traité ou à une de ses dispositions. Dans la mesure où l’étude actuelle s’attache aux définitions, il faut utiliser le vocabulaire juridique avec la plus grande rigueur, a déclaré le représentant. En particulier, le mot “réserve” ne doit être utilisé que pour les déclarations qui répondent aux critères précis de la définition. En particulier, les déclarations concernant les traités bilatéraux, qui n’aboutissent pas à une modification ou à une exclusion de l’effet juridique de certaines dispositions du traité, mais à une modification des dites dispositions conventionelles, ne sont pas des réserves et le titre de la directive devrait être modifié en conséquence.

Le projet de directives concernant les réserves faites à la signature et leur confirmation formelle ne pose pas de difficulté pour la France car il correspond à sa pratique.

Le représentant a estimé que les deux projets de directives relatifs aux réserves tardives et aux objections à ce type de réserves font des propositions novatrices qui relèvent non de la codification, mais du développement progressif du droit international. La France note pour s’en féliciter que les deux projets n’ont pas pour but de banaliser les réserves tardives. De par leurs dipositions, ils n’entendent pas établir une dérogation à la règle de base communément acceptée par les Etats selon laquelle les réserves doivent être faites au plus tard au moment de l’expression du consentement à être lié par un traité donné. Il en va en effet de la sécurité des engagements juridiques volontairement contractés par les Etats. En dehors du cas non contestable où la formulation de réserves tardives est explicitement autorisée par un traité, ces projets doivent par conséquent répondre à des situations exceptionnelles où un Etat n’aurait, de bonne foi, d’autre choix que de dénoncer le traité en cause à défaut de pouvoir formuler une réserve tardive. Si cette interprétation restrictive correspond bien à la raison d’être des projets, la France est disposée à les examiner dans un esprit constructif, a déclaré M. Barthelemy.

Le représentant a répété que l’actuel travail de codification est particulièrement important car il déterminera le champ d’application des règles relatives au régime des réserves. Toutefois, il a insisté sur la nécessité de voir les nouvelles lignes directrices qui seront adoptées pour compléter les articles 19 à 23 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, sans en modifier fondamentalement l’esprit.

M. HENDRIKUS G. J. VERWEIJ (Pays-Bas) a souhaité revenir sur les réponses des Pays-Bas au questionnaire, qui sont arrivées trop tard pour que le Rapporteur spécial puisse en tenir compte dans son rapport. Il a noté que les actes unilatéraux étant d’une grande diversité, cela rend difficile l’élaboration de principes communs. Il a imaginé une approche plus appropriée qui serait de traiter chaque catégorie d’acte séparément. Il a salué l’approche plus libérale adoptée par le Rapporteur spécial ainsi que la définition plus large des actes unilatéraux. Pour illustrer la pratique des Etats, les Pays-Bas voulaient ajouter des exemples à ceux déjà donnés, comme la création de la zone économique exclusive, mais cela n’a pas pu être fait à cause du critère retenu par le Rapporteur spécial, le groupe de travail et la Commission.

Il a remarqué que le terme “autonome” qui qualifiait les actes unilatéraux n’a pas été réinséré et qu’en l’absence d’accord des membres de la Commission, un compromis doit être recherché. Sur le champ d’application de l’acte unilatéral, il a rappelé que ces actes prennent de l’importance et qu’il serait souhaitable que la CDI traite de cette question. Même si les actes unilatéraux des organisations internationales introduisent des problèmes nouveaux, il n’y a pas de raison de les exclure, car il estime qu’elles peuvent prendre des actes unilatéraux à l’égard d’Etats et d’autres organisations internationales. S’agissant de la définition des actes unilatéraux, à son avis, l’expression de volonté ne suffit pas à produire des effets en droit international. Il n’est pas non plus favorable à ce qu’un acte unilatéral soit formulé publiquement et est heureux que ce critère soit éliminé du texte. En ce qui concerne l’application mutatis mutandis des règles de la Convention de Vienne, il a estimé que c’est un cadre de référence utile, mais que les solutions de la Convention ne doivent pas être transposées mot pour mot.

Selon M. Verweij, toutes les personnes habilitées à poser des actes unilatéraux doivent être considérées comme étant autorisées à poser de tels actes, comme l’exprime l’article 3. Il considère que le paragraphe 2 de cet article est néanmoins trop vaste car il laisse la porte ouverte à des actes pris par de simples fonctionnaires qui seraient annulés. Il a cité à ce sujet la décision de la Cour internationale de Justice dans l’affaire du Golfe du Maine. Enfin, concernant la nullité des actes unilatéraux, il a appuyé le libellé du paragraphe 6 de l’article 5, mais a indiqué qu’un conflit ne doit pas nécessairement conduire à la nullité de l’acte.

M. GYORGY SZENASI (Hongrie) a déclaré que l’attention constante portée à la question des réserves aux traités s'explique par sa grande importance pour le droit des traités et par sa grande incidence sur la pratique des Etats. Il a noté avec satisfaction le fait que le Rapporteur spécial et la CDI ont pour objectif ultime de produire un guide pratique, qui devrait se contenter de systématiser la pratique actuelle des Etats. En outre, les réserves et les alternatives sont utiles car elles peuvent contribuer à permettre à un plus grand nombre d’Etats de

souscrire à des engagements internationaux. Il a également rappelé que le thème était souvent traité dans le cadre d’organisations régionales, comme le Conseil de l’Europe, et s’est félicité de la reconnaissance du rôle des organisations internationales dans la question des réserves.

La Hongrie soutient les cinq directives présentées dans le rapport. Toutefois, a-t-il remarqué, en ce qui concerne les réserves faites au titre des clauses d’exclusion, le commentaire consacre une dizaine de pages à la position de l’Organisation internationale du Travail et la CDI constate que la position très restrictive de l’OIT ne reflète pas la pratique internationale. La Hongrie ne souhaite pas défendre la pratique de l’OIT, mais est favorable à une certaine souplesse. Il existe en effet des cas très importants où c’est le traité lui-même qui interdit des réserves. C’est le cas de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ces dispositions résultent d’une volonté précise et non d’un flou terminologique, comme l’affirme dans son commentaire le Rapporteur spécial. Ainsi, à Rome, c’est délibérément que la distinction a été faite entre les réserves (interdites) et certaines déclarations concernant certaines parties du Statut, qui ne seront pas obligatoires pour les Etats faisant de telles déclarations, a expliqué M. Szenasi.

La question des réserves tardives mérite toute notre attention, vu la pratique de certains dépositaires en la matière, et notamment celle du Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré M. Szenasi. Les directives sur les réserves tardives et les objections qui leurs sont faites reflètent réellement une pratique qui se développe dans les Etats et les organisations internationales, a-t-il remarqué. En même temps, comme le reconnaît le Rapporteur spécial, il est vrai que l’élaboration de règles dans ce domaine relèvera plus du développement progressif du droit international que de la codification au sens strict.

Mme VICTORIA HALLUM (Nouvelle-Zélande) a relevé, au sujet des dommages transfrontières, l’importance des règles régissant les activités qui ne sont pas forcément illicites mais qui peuvent avoir des conséquences dommageables. Si ces actes techniques ou scientifiques sont importants, ils peuvent en effet avoir des conséquences imprévues. La Nouvelle-Zélande persiste à considérer la prévention et la responsabilité civile comme entrant dans une chaîne d’obligations qui commence par le devoir d’évaluer le risque d’un dommage transfrontière significatif et c’est pour cette raison que certaines de ses observations ont trait aux deux aspects du sujet. Elle considère qu’à titre général, les activités utiles ont le droit de se poursuivre malgré les dommages transfrontières, à condition qu’elles soient conduites dans la plus grande sécurité possible et éventuellement avec l’assurance d’une indemnité satisfaisante. Il est nécessaire de laisser la liberté aux Etats de permettre sur leur territoire des activités utiles même si elles sont risquées avec le devoir de ne pas causer de dommage sur le territoire d’un autre Etat. Elle a estimé que les règles doivent avoir la forme d’une Convention composite qui aurait deux objectifs : encourager les Etats à se mettre d’accord sur des régimes détaillés régissant la conduite de ces activités particulières et, en l’absence d’un tel régime, fournir aux Etats une règle de principe pour éviter et régler les différends.

Mme Hallum a considéré comme nécessaire l’imposition de limites au sujet, en circonscrivant aux dommages et aux risques physiques. Dans de nombreux cas, l’activité n’a pas de conséquence physique, mais il y a des répercussions indirectes réelles comme la perte de revenus ou l’impossibilité de se déplacer d’un Etat à un autre. Selon la Nouvelle-Zélande, le projet devrait exiger la réparation du dommage transfrontière réel, que le risque soit prévisible ou prévu. Sur le seul aspect de la prévention, si l’Etat d’origine ne peut pas prévenir un dommage transfrontière significatif, son devoir est de réduire le risque d’extension autant que possible et de prendre des mesures appropriées. Il est nécessaire d’agir avec une grande prudence dans ce domaine. Enfin, elle a estimé qu’il faut compléter le projet d’articles sur l’aspect prévention par des études sur la responsabilité civile.

M. EL-SHIBANI (Jamahiriya arabe libyenne) a déclaré que la responsabilité des Etats est un thème qui préoccupe la communauté internationale dans son ensemble. La CDI doit donc mettre davantage l’accent sur les commentaires présentés par les Etats. Il faut également parvenir à un consensus concernant certains concepts et définitions, faute de quoi les définitions retenues ne seront pas convaincantes. La CDI doit effectuer une codification progressive du droit international sans tenter d’introduire des concepts qui ne sont pas encore parvenus à un stade nécessitant la codification, a ajouté M.El-Shibani. Il faudrait ainsi une définition précise des crimes d’Etat, des mesures coercitives, de l’Etat lésé, de la communauté internationale, etc; afin d’établir un juste équilibre entre les intérêts des pays lésés et ceux des Etats responsables des actes illicites, en tenant compte aussi des mesures dictées par la nécessité. C’est pourquoi la Jamahiriya arabe libyenne est préoccupée par les dispositions concernant les contre-mesures. Celles-ci ne sont qu’une forme de la réparation primaire en droit international, donc une mesure exceptionnelle à laquelle on ne peut avoir recours qu’en cas de nécessité absolue. Il faudrait donc exclure les contre-mesures quand il est possible de recourir à des mesures conservatoires alternatives. En tout état de cause, il faudrait écarter tout acte engendrant, de façon directe ou non, l’emploi de la force ou la menace du recours à la force. Le représentant a notamment contesté le recours à des contre-mesures collectives par des Etats tiers au nom de l’Etat lésé. Seul ce dernier doit pouvoir prendre des contre-mesures et après avoir épuisé les modes de règlement pacifique. Le concept de contre-mesures collectives ne doit pas pouvoir se transformer en concept de représailles collectives d’un groupe d’Etats visant en fait à imposer des options politiques.

Le représentant a estimé que le recours à la force au nom de la protection diplomatique constitue en fait une infraction internationale. Plusieurs Etats sont intervenus par la force dans les affaires intérieures d’autres pays, à diverses occasions, sous couvert de la protection diplomatique, a-t-il expliqué. Il y a là violation de la souveraineté de l’Etat qui a souvent abouti à une occupation pure et simple. Il existe ensuite une opposition légale au recours à la force dans le cadre de la protection diplomatique: C’est la Charte des Nations Unies, a rappelé le représentant. Cela dit, l’interdiction du recours à la force n’empêche pas un Etat de chercher à protéger ses ressortissants à l’étranger par tous les moyens pacifiques.

M. El-Shibani a estimé que la question des actes unilatéraux est un sujet fort difficile car la pratique des Etats et la jurisprudence en la matière sont très limitées. L’étude de la CDI est néanmoins digne d’intérêt. Les différents pays devraient fournir au Rapporteur spécial un compte-rendu complet de leur pratique en ce domaine. En outre, la Jamahiriya arabe libyenne attire l’attention sur une nouvelle catégorie d’actes unilatéraux, à savoir les législations adoptées par un Etat et dont les effets débordent largement des cadres de l’Etat d’origine, qui ne visent en fait qu’à imposer des mesures et diktats politiques et économiques à d’autres pays. Ces dispositions constituent des violations des principes du droit international. La CDI devrait inclure cette catégorie d’actes unilatéraux dans son agenda et les examiner avec beaucoup d’attention car ils sont un sujet de préoccupation majeure pour plusieurs délégations. Le représentant a rappelé à cet égard la résolution adoptée par l’Assemblée générale au titre du point relatif à l’élimination des mesures unilatérales coercitives en tant que moyen de coercition politico-économique.

Le représentant a apporté son soutien aux cinq thèmes retenus par la CDI pour son programme de travail à long terme. Il a proposé deux sujets supplémentaires. Le premier concerne la nature juridique des sanctions conformément aux dispositions du droit international, avec les principes et critères d’imposition de telles sanctions, leur durée et leur incidence. Le second serait relatif au crime organisé transnational, sous l’angle de la juridiction compétente.

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