GA/9233

LES PAYS PAUVRES ET LES PEUPLES MARGINALISÉS DEVRONT ÊTRE LES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE SUR ACTION 21

14 avril 1997


Communiqué de Presse
GA/9233


LES PAYS PAUVRES ET LES PEUPLES MARGINALISÉS DEVRONT ÊTRE LES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE SUR ACTION 21

19970414 Dans le cadre du débat de haut niveau de la Commission du développement durable qui se tient actuellement au Siège, le Président de l'Assemblée générale, M. Razali Ismail (Malaisie), a prononcé aujourd'hui le discours suivant :

Le développement durable est une question urgente qui concerne nous tous, bien qu'à des degrés divers, et dont dépend la survie de notre planète, de ses habitants et des générations futures. En disant cela, je ne fais que répéter le constat fait par tous à Stockholm, Rio et d'autres conférences mondiales, et ce que dit tous les ans la Commission du développement durable. Je tiens néanmoins à souligner le caractère crucial et l'urgence des questions dont nous débattons ici. Nous devons faire en sorte que les multiples déclarations, faits et chiffres présentés ici deviennent de puissants catalyseurs pour déclencher la mise en oeuvre durable de politiques et de programmes opérationnels sur le terrain. Les déclarations d'intention sur le développement durable resteront lettres mortes tant que des engagements financiers concrets n'auront pas été pris et que les instruments et institutions nécessaires à l'exécution et au suivi n'auront pas été mis en place. C'est pourquoi je demande instamment à toutes les parties de ne pas se borner à réaffirmer les engagements de Rio, mais de donner l'assurance qu'elles les honoreront. Cela suppose bien entendu qu'il existe une volonté politique d'agir.

L'entente de Rio s'est émoussée. Les principes d'un partenariat mondial et de responsabilités communes mais différenciées ont certes été entérinés, mais le dialogue Nord-Sud n'a pas évolué.

Depuis Rio, l'accent a été mis sur les programmes nationaux d'application plutôt que sur les engagements pris en matière de coopération internationale et de programmes mondiaux — comme le montrent clairement le déclin de l'aide publique au développement (APD) et les chiffres sur l'aggravation de la pauvreté, en particulier dans les pays les moins avancés.

L'allégation selon laquelle l'environnement a mobilisé plus d'attention que le développement est justifiée. Nous devrons néanmoins, au cours de l'examen et de la session extraordinaire, nous garder de revenir à une politique d'affrontement Nord-Sud et rechercher un équilibre qui permette d'éviter une bipolarisation des priorités.

Les résultats de la session extraordinaire devront :

— Être utiles aux pays tant développés qu'en développement. Les réalités et les priorités nationales diffèrent, certes, mais je pense que les principaux bénéficiaires devraient être les pauvres, — c'est-à-dire pas seulement les gouvernements des pays pauvres, mais aussi les populations marginalisées du Nord et du Sud qui sont les premières victimes de politiques et de pratiques non viables.

— Il faudra pour cela que les pays développés abordent dans une nouvelle perspective, à la cinquième session de la Commission du développement durable, des problèmes sectoriels prioritaires tels que l'eau douce, les forêts, l'énergie, le tourisme, les océans, etc. Ils devront également analyser de manière aussi approfondie et étayée les questions plurisectorielles, y compris les moyens de mise en oeuvre. En l'absence d'une telle analyse, une démarche sectorielle axée sur la seule gestion des ressources environnementales ne produira qu'un catalogue de bonnes intentions sans engagements financiers concrets et sans les instruments et institutions nécessaires pour mettre en oeuvre et réaliser les objectifs de la durabilité. Pour cela également, il faut une volonté politique.

— Il faudra par ailleurs que les pays en développement fassent un effort sérieux pour réconcilier la nécessité politique d'affirmer la primauté d'une "croissance économique durable" avec la nécessité écologique, sociale et économique d'évaluer les aspects qualitatifs du développement et de la croissance et d'équilibrer le développement matériel et le développement durable. Loin d'être un luxe, ceci est une nécessité. Le Sud doit prendre des initiatives et commencer à définir les paramètres et non se contenter d'attendre les aumônes du Nord ou camper sur des positions réactionnaires. Il doit avoir le courage d'admettre qu'il est lui aussi responsable de pratiques non durables. Se retrancher derrière l'excuse selon laquelle "le Nord l'a fait" pour continuer des pratiques et des politiques non durables ne fera pas avancer les débats de la Commission. Une décision politique est également nécessaire à ce niveau.

J'espère que, dans ses travaux préparatoires de la session extraordinaire de l'Assemblée générale, la Commission placera l'éradication de la pauvreté au coeur du programme de travail et du cadre politique qui sera élaboré pour appliquer les décisions de Rio, y compris Action 21.

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La cinquième session de la Commission devrait prendre en compte les résultats et les engagements issus des conférences mondiales tenues après Rio, y compris le Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing, la Conférence internationale du Caire sur la population et le développement et la Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II). L'harmonisation de tous les aspects du développement au niveau des politiques, de la mise en oeuvre et des institutions renforcerait la possibilité d'obtenir des résultats en matière de développement durable.

J'espère que la session extraordinaire fera avancer l'étude de la question des modes de production et de consommation non durables tant au Nord qu'au Sud. À cet égard, il faudrait insister sur les aspects et dimensions économiques du développement durable. J'attends avec intérêt que des engagements concrets soient pris en faveur d'objectifs précis et mesurables à différents stades de leur réalisation.

La session extraordinaire devrait faire fond sur les grandes notions de renforcement des moyens d'action et des pouvoirs en faisant une place aux nombreux acteurs et principaux groupes intéressés. À cet égard, si, aux yeux des tenants de la realpolitik, l'Organisation de coopération et de développement économiques fait figure de principal acteur du développement durable, je voudrais rappeler aux représentants que les peuples autochtones sont les dépositaires naturels et les dépositaires les plus sûrs des ressources naturelles, tant de par les connaissances et pratiques qui leur sont propres que par l'utilisation rationnelle qu'ils font de leurs ressources. Toute la politique de lutte contre la pauvreté et de promotion du développement durable doit avant tout respecter les droits des peuples autochtones et répondre à leurs besoins essentiels, au Nord comme au Sud.

Pour ce qui est des ressources affectées à l'exécution et de la controverse sur les avantages comparés de l'aide publique au développement (APD) et des investissements étrangers directs, nous savons tous que l'APD est en baisse et que les investissement étrangers directs ne vont pas aux pays ou régions qui en ont besoin. Tous s'accordent à le reconnaître, et j'exprime donc l'espoir que la session extraordinaire saura :

a) Susciter des investissements étrangers directs par le biais de l'APD et retenir des solutions telles que la formule 20/20 adoptée à Copenhague afin de financer, notamment, les dépenses sociales;

b) Examiner de près le rôle des institutions financières internationales pour s'assurer que leurs politiques visent bien les objectifs fixés lors des différentes conférences mondiales et ne privilégient pas outre mesure les politiques de libéralisation des marchés et de privatisation;

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c) Établir une correspondance entre les dépenses militaires et des dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et à la promotion du développement; et

d) Prendre des mesures pour rendre moins spéculatifs les flux de capitaux.

La session extraordinaire doit être, pour les gouvernements des États membres de l'OCDE, l'occasion de réaffirmer leur volonté politique de ne pas négliger l'APD. Les engagements pris doivent être honorés. Si l'APD demeure une question délicate sur le plan de la politique intérieure, les gouvernements n'en doivent pas moins envoyer aux pays en développement un message politique clair, accepter un partage des responsabilités écologiques et sociales avec le secteur privé et commencer à y procéder. La mondialisation rend ce partage d'autant plus nécessaire.

En ce qui concerne la loi du marché et la mondialisation et le rôle des gouvernements par rapport au secteur privé, la session extraordinaire devrait :

a) Analyser les effets que la déréglementation, la compétitivité et la concurrence pour emporter les parts de marché ont sur la solidité du secteur public et les chances de réussite des initiatives nationales, régionales et mondiales en faveur du développement durable;

b) Encourager les gouvernements à mettre en place des mécanismes pour voir comment les politiques et pratiques des entreprises et leurs investissements risquent d'affecter à long terme l'environnement et les conditions sociales; les gouvernements ont une part de responsabilités dans les conséquences des activités non durables du secteur privé sur l'environnement et sur la santé et ils doivent l'assumer; ils ne peuvent pas s'en laver les mains;

c) Suivre de près les négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) — qui, à mon avis, ne devraient pas simplement intéresser le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et la CNUCED mais aussi l'Organisation des Nations Unies (ONU) à New York; pour commencer, il faudrait harmoniser les dispositions contradictoires des conventions relatives à l'environnement et des traités commerciaux négociés sous les auspices de l'OMC; l'économie "mondiale" qui est en train de naître doit s'inscrire dans un cadre "mondial" et ce cadre mondial dont le monde a aujourd'hui tant besoin ce n'est pas l'OCDE, ni les institutions de Bretton Woods ni l'Organisation mondiale du commerce qui peuvent le lui fournir : c'est l'Organisation des Nations Unies.

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Pour ce qui est du programme de travail futur de la Commission du développement durable :

a) Il faudrait doter la Commission d'un programme de travail étalé sur cinq ans qui soit étudié de façon à associer à ses travaux tant les ministres de l'environnement que les ministres des finances, du développement et du commerce; il n'est pas difficile de le faire et il faut le faire, parce que la Commission ne cesse de susciter l'intérêt des ministres et la participation des organisations non gouvernementales et qu'elle est le lieu de débats animés;

b) La Commission devrait continuer d'étudier les questions nouvelles et actuelles; à cet égard, on a appelé mon attention sur le fait que la question de l'industrie extractive, qui pour ne pas être une nouveauté n'en est pas moins cruciale, ne figurait toujours pas dans le programme de travail de la Commission ni dans Action 21. Nous sommes certainement tous d'accord pour dire que l'industrie extractive ne pourra jamais avoir un caractère durable et qu'elle reste l'une des activités économiques les moins durables qui présente un danger tant pour les populations que pour le milieu naturel;

c) La Commission devrait envisager sérieusement la possibilité de renforcer ses organes subsidiaires de façon à établir des liens avec le Comité du développement, à la Banque mondiale, avec l'Organisation mondiale du commerce et avec le secteur privé;

d) La Commission devrait être le principal organe chargé d'élaborer les politiques portant sur tous les aspects du développement durable, mais elle ne devrait pas exécuter de programmes; elle devrait plutôt jouer un rôle de catalyseur dans les programmes régionaux et mondiaux;

e) Une décision politique doit être prise pour définir le rôle élargi, voire le nouveau mandat, qui doit être confié au PNUE, notamment en renforçant les services de secrétariat qu'il fournit en ce qui concerne les conventions relatives à l'environnement;

f) Enfin, il faudrait s'engager à examiner de nouveau la suite donnée aux décisions de la Conférence de Rio dans cinq ans, c'est-à-dire en 2002, 10 ans après Rio.

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