LA SIXIEME COMMISSION POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
Communiqué de Presse
AG/J/194
LA SIXIEME COMMISSION POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
19961111 APRES-MIDI AG/J/194 Certaines délégations estiment qu'il ne doit pas y avoir de régime particulier de réserves pour les traités relatifs aux droits de l'hommeLa Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi, cet après- midi, l'examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-huitième session, en abordant les chapitres relatifs à la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, à la succession d'Etats et nationalité des personnes physiques et morales et aux réserves aux traités.
Présentant cette partie du rapport, M. Ahmed Mahiou, Président de la Commission du droit international, a rappelé pour ce qui est de la question de la succession d'Etats et nationalité des personnes physiques et morales, qu'il est préférable que la Commission s'en tienne à la question de la nationalité des personnes physiques. En ce qui concerne la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, le Président a souligné que c'est un domaine dans lequel le droit international reste largement à développer. Il a également signalé que la CDI a décidé d'examiner le deuxième rapport du Rapporteur spécial sur la question des réserves aux traités à sa prochaine session.
Les représentants des pays suivants sont intervenus: Jamahiriya arabe libyenne (sur la responsabilité des Etats), Autriche, France, Bahreïn et Suède (au nom des pays nordiques).
Plusieurs délégations ont estimé que les travaux sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international restent trop imprécis, que ce soit sur la notion de dommage significatif, le type de responsabilité ou encore le régime d'indemnisation.
Les représentants se sont félicités que les travaux relatifs à la succession d'Etats et nationalité des personnes physiques et morales soient consacrés dans un premier temps à la seule nationalité des personnes physiques. Ils ont estimé qu'ils devaient d'abord tendre à limiter le nombre des cas d'apatridie. Le représentant de la France a toutefois signalé que la question de la nationalité des personnes morales est particulièrement importante, nombre de difficultés rencontrées concernant avant tout les personnes morales.
Les intervenants ont estimé que le régime applicable aux réserves aux traités devait rester unifié et qu'en conséquences, il ne devait pas y avoir de régime particulier de réserves applicable aux traités relatifs aux droits de l'homme.
La Sixième Commission poursuivra l'examen du rapport de la Commission du droit international, demain, mardi 12 novembre à 10 heures.
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M. OMAR (Jamahiriya arabe libyenne) est revenu sur la responsabilité des Etats. Il s'est dit peu satisfait de certaines dispositions, qu'il a jugées incompatibles avec de nombreux éléments de droit international, ainsi qu'avec l'article 103 de la Charte, qui prévoit qu'en cas de conflit entre un accord international et les dispositions de la Charte, ces dernières prévalent.
Le représentant a estimé que les contre-mesures devaient ne constituer qu'un dernier recours, lorsque toutes les autres voies ont été épuisées. Il a en revanche appuyé l'article 50 qui interdit le recours à la force dans le cadre des contre-mesures et a ajouté que, dans ce cadre, les locaux diplomatiques et consulaires doivent être protégés.
Présentation des Chapitres IV, V et VI du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-huitième session
M. AHMED MAHIOU, Président de la Commission du droit international, a rappelé que le Rapporteur spécial sur la question de la succession d'Etats et nationalité des personnes physiques et morales a fait valoir qu'au stade actuel, il est préférable que la Commission s'en tienne à la question de la nationalité des personnes physiques. Le Rapporteur spécial a aussi recommandé de rapporter la question de la continuité de la nationalité plutôt à la protection diplomatique. Le Président a estimé que L'Assemblée générale pourrait constater que l'étude préliminaire sur la question est terminée et demander que la Commission commence à étudier à fond cette question de la nationalité par rapport à la succession d'Etats, étant entendu que la question de la nationalité des personnes physiques sera dissociée de celle de la nationalité des personnes morales et sera examinée en priorité. Il faudrait élaborer au sujet de la nationalité des personnes physiques une série d'articles avec commentaires, qui constituerait une déclaration de l'Assemblée générale. La Commission devrait achever l'examen en première lecture de ce projet d'articles, à sa quarante-neuvième session, ou au plus tard à sa cinquantième session. La Commission décidera ensuite comment traiter la question de la nationalité des personnes morales.
En ce qui concerne la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, M. Mahiou a souligné que c'est un domaine dans lequel le droit international reste largement à développer. Il s'agit d'une question complexe, dont les paramètres vont bien au-delà des notions classiques de juridiction interne et de souveraineté territoriale. Il a indiqué que le Groupe de travail chargé de ce sujet a examiné trois des points les plus importants, à savoir : les activités à considérer, le problème de la prévention et la question de l'indemnisation ou autre réparation. Il a proposé un ensemble d'articles. Le Président de la CDI a fait remarquer qu'un principe particulièrement important est que la victime d'un dommage transfrontière ne doit pas subir à elle seule la totalité du préjudice. Il a par ailleurs rappelé l'Avis consultatif de la Cour internationale de Justice
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sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires qu'elle a rendu le 8 juillet 1996, et dans lequel elle déclare que "l'obligation générale qu'ont les Etats de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l'environnement". M. Mahiou a également signalé que la CDI a décidé d'examiner le deuxième rapport du Rapporteur spécial sur la question des réserves aux traités à sa prochaine session.
Déclarations
M. FRANZ CEDE (Autriche) a jugé urgent de résoudre la question de la succession d'Etat et la nationalité des personnes. C'est une question particulière du fait que ces règles ne concernent pas seulement les Etats en tant que tels, mais aussi le bien-être des individus, a-t-il remarqué. Il s'est réjoui que la CDI ait décidé de séparer les conséquences, très différentes, sur les personnes physiques et morales et de traiter d'abord le premier aspect. Celui-ci présente à la fois un aspect relatif aux droits de l'homme et un aspect de règles concernant des relations entre Etats. Le représentant a soutenu le projet de scinder le sujet en deux parties : principes généraux concernant tous les Etats et règles spécifiques concernant la succession des Etats. Il s'est prononcé pour l'adoption des travaux sous forme d'une Déclaration non contraignante de l'Assemblée générale, accompagnée des commentaires de la CDI.
M. Cede a jugé extrêmement complexe la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Il a rappelé qu'il existe une obligation pour les Etats de répondre des dommages causés par certaines activités non interdites. Le projet actuel ne consacre toutefois que deux articles sur 22 à cette question. Aucune des indications indispensables sur la nature "absolue ou limitée" de la responsabilité, ou sur les mesures de compensation, n'est donnée dans le projet d'articles, lesquels ne précisent pas non plus la nature de la responsabilité. Il n'y a pas non plus de définition des "dommages transfrontières significatifs", ce qui est regrettable dans la mesure où il n'existe pas d'obligation de juridiction obligatoire, mais seulement de négociations. Or, une définition du seuil à partir duquel la responsabilité est engagée est très difficile. Le représentant a souhaité que la CDI étudie le projet moins sous l'angle de la responsabilité que comme un ensemble de règles gouvernant un régime de protection de l'environnement, lequel pourrait être adopté sous une forme non contraignante par l'Assemblée générale. Une telle procédure permettrait de gagner beaucoup de temps.
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Sur la question des réserves aux traités, le représentant a déclaré que la question des différents régimes juridiques continue à se poser. Il faudrait que le régime des réserves soit applicable en général, et donc qu'il n'y ait pas de régime particulier en ce qui concerne les traités relatifs aux droits de l'homme. Quant au problème des conséquences des objections aux réserves, le représentant s'est prononcé pour un système d'objection préliminaire. Celui qui fait une telle objection à une réserve annonce d'avance qu'elle pourra être retirée, en fonction du comportement futur face aux obligations du traité de l'Etat qui a émis la réserve.
M. PHILIPPE LALLIOT (France) a estimé que les restrictions à la liberté des Etats dans le domaine de l'attribution de la nationalité sont très limitées. Il a signalé que certains éléments du rapport peuvent prêter à confusion entre le droit tel qu'il est et le droit tel qu'il devrait être. Rappelant qu'il n'existe pas pour le moment de convention multilatérale à vocation universelle énonçant un droit général à la nationalité, le représentant a déclaré que sa délégation veillera à ce que les solutions éventuellement retenues en ce domaine soient conformes à un respect scrupuleux des droits de l'homme. Ne faisant pas d'objections à ce que la question des personnes physiques soit étudiée avant celle des personnes morales, le délégué a souligné que la nationalité des personnes morales est toutefois particulièrement importante. Nombre de difficultés rencontrées concernent avant tout les personnes morales.
M. Lalliot s'est étonné de la procédure originale suivie par la CDI pour présenter le projet d'articles sur la responsabilité internationale. Il a estimé qu'il aurait été préférable de remettre l'examen de ce projet à l'année prochaine. La définition des dommages causés à l'environnement n'est pas satisfaisante. Il serait préférable, sinon logique, de mettre l'accent sur les dommages plutôt que sur les modalités de réparations de ceux-ci. Le Groupe de travail ne définit pas les caractéristiques de la responsabilité de l'Etat. Celle-ci ne peut être que résiduelle par rapport à celle de l'exploitant de l'activité qui est à l'origine du dommage transfrontière, a fait valoir le représentant. La reconnaissance d'une responsabilité résiduelle des Etats pour les dommages causés par des activités licites constituerait un développement considérable du droit international. En conséquence, le représentant a jugé préférable de faire de ce projet une sorte de recueil de principes, auxquels les Etats pourraient se référer lorsqu'ils établissent des régimes particuliers de responsabilité.
La France a rappelé son attachement au régime des réserves consacré par les dispositions pertinentes des Conventions de Vienne de 1969 et de 1986 sur le droits des traités, même si elle ne les a pas signées. Les règles relatives aux réserves, qui figurent dans la Convention de Vienne, fonctionnent assez bien. C'est la raison pour laquelle le représentant a estimé que le système mis en place en 1969 ne doit pas être abandonné au
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profit de certaines positions adoptées par certains organes internationaux chargés des droits de l'homme. Toutes les réserves ne sont pas illégitimes. Il n'est ni nécessaire ni opportun d'établir un régime de réserves spécifiques aux traités relatifs aux droits de l'homme.
Le délégué a souligné qu'un Etat qui a assorti son consentement de réserves conformément au droit international n'a pas lieu de se soumettre à d'autres conditions, contraintes ou procédures que celles qui découlent du droit des traités ou de l'instrument en cause. La France ne souhaite pas que la Commission remette en question ce qui existe déjà. Cela risquerait de déstabiliser un système qui fonctionne de manière satisfaisante.
M. HUSAIN M. AL-BAHARNA (Bahreïn) a soutenu la proposition du Rapporteur spécial sur la question de la succession d'Etats et nationalité des personnes physiques et morales de conserver la définition de certaines notions fondamentales contenues dans la Convention de Vienne de 1978 sur la succession d'Etats en matière de traités et dans celle de 1983. L'examen des catégories de succession devrait être fondé sur la Convention de Vienne de 1983. Le représentant a réaffirmé que le droit d'un individu à la nationalité constitue le coeur de la question actuellement à l'étude. Ce droit se fonde sur l'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, a-t-il rappelé. Il a signalé que l'effet des dispositions de l'article 15 est, d'une part, de réduire le nombre des apatrides et, d'autre part de donner aux individus le droit de conserver ou de changer de nationalité.
Le représentant a estimé que les travaux de la Commission sur ce sujet ne devraient pas ignorer les implications des droits de l'homme sur les règles de la succession d'Etats. L'obligation de négocier pour résoudre, par voie d'accord, les problèmes de nationalité résultant de la succession d'Etats doit également être au centre de l'examen des problèmes de nationalité. M. Al-Baharna a affirmé qu'il est totalement inacceptable que des Etats se fondent sur des critères tels que l'ethnie, la religion, le sexe ou la langue pour refuser le droit à la nationalité à certaines catégories de personnes qui seraient en droit de le demander.
Le délégué s'est félicité de l'approche pragmatique adoptée par la CDI sur la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Cela constitue un aspect du développement progressif du droit international, a-t-il ajouté. Il a lancé un appel aux gouvernements pour qu'ils répondent aux demandes de la CDI. Il a soutenu les recommandations faites par la CDI à l'Assemblée générale au sujet de l'approche future à adopter sur cette question. Il s'est déclaré d'accord avec les conclusions du Groupe de travail qui établissent une distinction claire entre la sphère de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international et celle de la responsabilité des Etats.
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M. BERTIL ROTH (Suède, au nom des pays nordiques) a rappelé que les articles relatifs à la responsabilité internationale pour les conséquences dommageables devaient couvrir deux éléments : la prévention des dommages transfrontières et l'obligation de payer des compensations pour les dommages causés. La prévention, a-t-il ajouté, doit concerner non seulement les activités dangereuses, mais aussi les effets dommageables résultant de la poursuite normale d'activités à risques, ainsi que d'accidents. Il a souhaité que l'on parle "d'activités" plutôt que d'"actes". Il a soutenu le choix du Groupe de travail dans son refus d'énumérer les activités susceptibles de causer un dommage transfrontière important. En effet, une liste, réclamée par certains, conduirait à exclure des activités, alors qu'il est impossible de prévoir toutes celles qui peuvent à l'avenir impliquer un risque.
Le représentant a remarqué que l'article 2 ne limite pas le projet d'articles aux activités jugées extrêmement dangereuses. En outre, conformément aux voeux des pays nordiques, les articles ne couvrent pas les activités entreprises en Antarctique ou en haute mer. En revanche, il existe un risque de conflits de juridictions. En outre, les projets d'articles ne définissent pas clairement qui a l'obligation principale de payer, de l'opérateur ou de l'Etat sous la juridiction duquel est menée l'activité. L'absence de régime de responsabilité civile semble impliquer que l'Etat n'a qu'une obligation résiduelle, dès lors qu'il a adopté des dispositions légales. C'est en tout cas l'interprétation des pays nordiques.
M. Roth a constaté que le projet d'articles ne fixe pas d'obligation claire assurant l'accès de sujets de droit privé aux tribunaux nationaux et a demandé qu'une telle possibilité de recours soit mentionnée. Il a déclaré que l'article 9 doit obliger les Etats à vérifier activement l'existence d'activités dangereuses sur les territoires relevant de leur juridiction. Il a estimé que les dispositions de l'article 16 visant à protéger les secrets industriels et la sécurité nationale sont trop vastes. Il a déclaré que le fait pour un Etat sur lequel une activité dommageable légale est entreprise d'avoir achevé une négociation avec un Etat voisin ne le dispense pas de sa responsabilité. En outre, si l'Etat voisin n'accepte pas cette activité, l'Etat d'origine doit prendre en compte les intérêts de son voisin. M. Roth a estimé que l'obligation de règlement des différends inscrite dans le projet actuel est très faible et qu'il serait possible de faire référence à la juridiction obligatoire de la CIJ ou au recours à l'arbitrage.
Au total, si le projet actuel constitue un excellent point de départ, un travail considérable reste à faire, a déclaré M. Roth. Est également posée la question de la forme dans laquelle le projet d'articles sera adopté : convention ou instrument juridique moins ambitieux.
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