SIXIEME COMMISSION : LES ETATS DEMANDENT DES MODIFICATIONS AU PROJET D'ARTICLES DE LA CDI SUR LA RESPONSABILITE DES ETATS
Communiqué de Presse
AG/J/192
SIXIEME COMMISSION : LES ETATS DEMANDENT DES MODIFICATIONS AU PROJET D'ARTICLES DE LA CDI SUR LA RESPONSABILITE DES ETATS
19961107 APRES-MIDI AG/J/192 Les délégations restent divisées sur la licéité des contre-mesures et sur l'opportunité de distinguer crimes et délits internationauxLa Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa quarante-huitième session, et plus spécialement le chapitre consacré à la responsabilité des Etats. Les représentants des Etats-Unis, de la République tchèque et de l'Irlande ont pris la parole.
Les délégations se sont opposées sur l'utilité et la licéité des contre- mesures. Le représentant des Etats-Unis a affirmé que les contre-mesures peuvent avoir un caractère urgent et que la CDI doit repecter leur rôle, alors qu'on ne sait pas en quoi consistent les mesures conservatoires mentionnées. Le représentant de la République tchèque a jugé, lui, que ces contre-mesures ne pouvaient être supprimées en l'état actuel de la société internationale, mais il a souhaité qu'elles soient encadrées.
Toutes les délégations ont par ailleurs fait part des problèmes soulevés par la distinction entre crimes et délits internationaux, qui risque de bloquer tous les travaux sur le projets d'articles.
La Sixième Commission achèvera demain vendredi 8 novembre, à 10 heures, l'examen du chapitre du rapport de la Commission du droit international relatif à la responsabilité des Etats.
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Déclarations
M. JOHN R. CROOK (Etats-Unis) a déclaré que certaines parties du rapport de la CDI contiennent de sérieux défauts qui, s'ils ne sont pas corrigés, ne pourront être acceptés par sa délégation ni par d'autres. Il a fait remarquer que le crime d'Etat n'est pas appuyé par la pratique des Etats. Le texte de la CDI cause plus de confusion qu'il n'apporte d'éclaircissement sur des situations particulières. Ainsi, les dispositions sur les réparations d'un crime d'Etat permettrait à tous les Etats de demander réparation au Cambodge pour les manquements des Khmers Rouges en matière de droits de l'homme. En conséquence, la notion de crime d'Etat ne fournit pas un instrument efficace pour résoudre les problèmes sous-jacents. Les articles controversés sur les crimes internationaux doivent être supprimés.
Le délégué a émis des doutes sur les propositions complexes faites en matière de règlement des différends. Le texte actuel vise à prévoir un mécanisme très rigide de règlement pour tout différend qui pourrait se produire. Il n'est ni possible ni responsable de décréter à l'avance un régime de règlement. On ne peut prévoir de régime obligatoire pour régler tous les différends, a ajouté M. Crook. Il faut que le texte de la CDI présente plusieurs options de mécanisme de règlement des différends. Le texte actuel ne peut recueillir une large acceptation et doit être corrigé.
En ce qui concerne les contre-mesures, le représentant a estimé que le texte de la CDI pose des problèmes graves et inutiles. Les contre-mesures peuvent avoir un caractère urgent. Dans le texte actuel, si un Etat enfreint un engagement, l'Etat lésé ne peut exiger réparation avant plusieurs mois de négociations préalables et doit accepter de nouveaux dommages, a indiqué M. Crook. On ne sait pas en quoi consistent les mesures conservatoires que peut prendre l'Etat lésé. La démarche de la CDI sème la confusion et doit être corrigée. La CDI doit respecter le rôle des contre-mesures. La norme de compensation proposée en cas de violation de la responsabilité d'Etat s'écarte de façon injustifiée du droit coutumier existant. Le principe de la réparation intégrale est remis en cause par un paragraphe selon lequel il ne peut y avoir réparation si on prive la population d'un Etat de ses moyens d'existence. Cela est hautement subjectif et susceptible d'abus. Il est établi en droit international qu'une réparation intégrale est nécessaire, a rappelé le délégué. Par ailleurs, l'intérêt doit toujours faire partie de la réparation, a-t-il affirmé.
M. VACLAV MIKULKA (République tchèque) a déclaré qu'il faut distinguer, à propos des crimes et délits internationaux, la question de l'usage de la terminologie actuelle des questions de fond, à savoir l'existence de deux catégories d'actes illicites qui obéissent, quel que soit le nom qu'on leur donne, à deux régimes qualitativement différents. L'introduction de la distinction a abouti à un débat plein de confusion et la rigidité des arguments échangés risque de bloquer les progrès sur le projet tout entier.
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Or, l'échange d'arguments sur les connotations possibles du terme "crime" a peu d'importance et rien ne permet de conclure que les articles proposés par la CDI sur les "crimes" s'inspirent de concepts pénalistes, a estimé le représentant. La CDI pourrait, lors de la deuxième lecture, tenter de trouver d'autres termes plus nets ou ne plus utiliser des termes différents pour les deux catégories d'actes illicites, qui seraient distingués de manière différente quant à leurs conséquences mais seraient tous qualifiés "d'actes internationalement illicites".
Le vrai problème est de savoir s'il y a effectivement deux types différents d'actes illicites et quelles sont alors les conséquences de la catégorie la plus grave, d'ailleurs déterminée de manière tautologique et sans que la CDI n'établisse une liste des "crimes" internationaux, a déclaré M. Mikulka. La distinction entre deux catégories d'actes internationalement illicites implique en effet l'existence d'une différence entre les régimes de la responsabilité. Admettre que les actes les plus graves menaçant les intérêts fondamentaux de la communauté internationale, quelle que soit leur dénomination, n'ont pas de conséquences spécifiques ou admettre qu'il n'est pas possible de déterminer ces conséquences d'une manière objective, sur la base d'une règle de droit signifierait que la notion même des intérêts fondamentaux de la communauté internationale n'est pas une notion de droit mais une notion politique qui se prête à une interprétation arbitraire, a affirmé le représentant. La République tchèque souhaite donc le maintien de la distinction entre deux catégories d'actes internationalement illicites, mais avec une terminologie revue.
Vu le caractère grave des conséquences substantielles des crimes, une réponse collective par le biais d'un mécanisme de la disposition de la communauté internationale devrait avoir la priorité sur le recours à des contre-mesures individuelles. A l'heure actuelle, il est cependant irréaliste de confier à des organismes internationaux l'ensemble des décisions et actions nécessaires. Le processus sera long et progressif. Il serait donc prématuré de faire dès à présent des propositions concrètes en ce sens. La République tchèque attend de la CDI qu'elle énonce des principes généraux dans ce domaine.
La notion de contre-mesures, a rappelé M. Mikulka, s'est substituée à celle de représailles suite à l'apparition dans le droit de l'interdiction du recours à la force. Malgré cela, la République tchèque estime que les contre- mesures restent actuellement un élément indispensable du droit, mais la question est hautement complexe et susceptible de donner lieu à des abus. La CDI a essayé de ne pas pétrifier le droit actuel en la matière, largement insatisfaisant, mais a cherché à fixer des règles précises pour renforcer les garanties contre les abus. Les contre-mesures ne sont plus un droit de l'Etat lésé mais seulement une circonstance excluant l'illicéité d'un fait d'Etat. Leur utilisation est désormais subordonnée à la définition par l'Etat qui se prétend lésé du comportement qu'il considère comme illicite. La République tchèque a des sympathies pour l'idée d'un contrôle au moins a posteriori de la
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légitimité des contre-mesures mais l'obligation, actuellement fixée, semble préjuger du caractère obligatoire de la partie du projet sur le règlement pacifique des différends.
M. Mikulka a estimé que la CDI a fait un pas en avant concernant la troisième partie du projet d'articles, relative au règlement des différends. Cependant, il vaudrait mieux que les procédures envisagées aient un caractère facultatif. La CDI n'a en outre toujours pas trouvé le moyen d'éviter le risque de conflit entre les procédures envisagées dans cette troisième partie et d'autres instruments en vigueur entre les Etats qui envisageraient des moyens différents de solutions aux différends. La CDI devrait consacrer toute son attention à ce problème lors de la seconde lecture du projet d'articles, a-t-il estimé.
Mme ALPHA CONNELLY (Irlande) a rappelé que la responsabilité pénale des individus au niveau international en raison de leurs agissements est désormais universellement admise. En revanche, la notion de responsabilité criminelle des Etats est d'un autre ordre. Le Tribunal de Nuremberg avait affirmé que les crimes sont commis par des hommes, non par des entités abstraites. On peut se demander si ces propos célèbres ne sont pas un message aussi vrai aujourd'hui qu'il y a 50 ans. Il est possible théoriquement de concevoir une violation d'une obligation internationale si importante que cet acte constitue un crime d'Etat. L'Irlande se demande toutefois s'il est utile de qualifier de crimes de telles infractions. D'abord, la question de la mise en oeuvre d'une telle responsabilité criminelle au niveau international pose davantage de problèmes qu'au niveau national. Au niveau national, il existe des institutions pour assurer cette mise en oeuvre, et pour surveiller et enquêter sur les comportements supposés illicites. Ce n'est pas le cas au niveau international. En l'absence de tels organes, il est douteux que des Etats puissent être tenus pour responsables, de manière sensible, de crimes internationaux.
Par ailleurs, a poursuivi la déléguée, dans les systèmes juridiques nationaux, la réparation est l'une des principales caractéristiques de la responsabilité civile, et cela parce qu'on est préoccupé de la victime du crime. En retenant la réparation comme centre des conséquences légales d'un crime international, la CDI a peut être trop attiré l'attention sur la victime et pas assez sur les conséquences qu'a pour la société cet acte illicite. L'Irlande n'est pas d'accord avec la proposition de la CDI selon laquelle la catégorie d'actes particulièrement graves doit être appelée "crimes" ou "délits d'une exceptionnelle gravité". La notion de crime a des connotations que d'autres formes d'actes illicites n'ont pas. Si toutefois la catégorisation a pour but de reconnaître que certains actes internationaux ont, de part leur nature, des conséquences plus graves que d'autres actes internationaux, alors un terme comme "délit d'une exceptionnelle gravité" semblerait plus approprié.
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La représentante a déclaré que les conséquences juridiques d'un acte international illicite seront les mêmes que ce soit un acte qualifié de crime ou de délit. Toutefois, en cas de crime international, certaines limitations à la possibilité pour un Etat de demander restitution, sont levées. La restitution demandée à un Etat, peut mettre en péril sa stabilité politique ou économique, a rappelé Mme Connelly. Cela signifie que l'Etat lésé peut avoir des exigences qui porteraient atteinte à la dignité de l'Etat responsable d'un dommage. Quant aux obligations qui découlent d'un crime international commis, il faudrait indiqué qu'elles découlent également pour tout acte illicite international et pas seulement pour un crime international ou d'un délit d'une exceptionnelle gravité.
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