AG/J/191

LA SIXIEME COMMISSION ABORDE LA QUESTION RELATIVE A LA RESPONSABILITE DES ETATS

7 novembre 1996


Communiqué de Presse
AG/J/191


LA SIXIEME COMMISSION ABORDE LA QUESTION RELATIVE A LA RESPONSABILITE DES ETATS

19961107 MATIN AG/J/191 Plusieurs délégations rappellent leur hostilité à la distinction entre crimes internationaux et délits internationaux

La Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi ce matin l'examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa quarante-huitième session, en commençant l'examen du chapitre consacré à la responsabilité des Etats. M. Ahmed Mahiou, Président de la Commission du droit international, a présenté ce sujet. Il a souligné que la responsabilité des Etats est l'un des piliers du système juridique international et le garant du respect de l'état de droit à tous les niveaux des relations internationales. Il a rappelé qu'à sa dernière session, la Commission a adopté plusieurs nouvelles dispositions relatives aux contre- mesures et aux crimes internationaux. M. Mahiou a précisé que l'article 19 sur les crimes internationaux a fait l'objet de débats soutenus au niveau international et parmi les juristes. Il a également indiqué que la CDI ne s'est penchée que sur les conséquences des "crimes internationaux" par opposition "aux délits internationaux", du point de vue du contenu, des formes et des degrés de la responsabilité internationale ou des procédures de règlement des différends. Ce point a été commenté par les délégations des pays suivants: Autriche, Royaume-Uni, Bahreïn, Afrique du Sud (au nom des Etats membres de la Communauté du développement de l'Afrique australe), Allemagne et Brésil. L'observateur de la Suisse est également intervenu.

A l'image du représentant de l'Allemagne, qui a déclaré qu'il faudrait "faire rentrer le génie du crime international dans la lampe d'où on l'a extrait voilà vingt ans", plusieurs délégations ont réaffirmé leur hostilité à la distinction opérée entre crimes internationaux et délits internationaux. Selon elles, cette distinction complique considérablement la tâche de la CDI et est inutile.

Certaines délégations ont également fait part de leur opposition au principe même des contre-mesures. D'autres ont considéré que la proposition d'autoriser des mesures conservatoires était réaliste et intéressante, mais que cette notion devait être clairement précisée et encadrée par des obligations de recours à des mécanismes de règlement pacifique des différends. Sinon, il serait facile pour un Etat de qualifier de mesures conservatoires des mesures de rétorsion qui apparaîtraient à l'Etat qui les subirait comme des contre-mesures au sens plein.

La Commission avait auparavant achevé l'examen du chapitre du rapport consacré au projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. Sur ce point, les représentants des pays suivants ont pris la parole : Ghana, Fédération de Russie, Trinité-et-Tobago, Bulgarie, Cuba, Australie et Afrique du Sud (au nom des Etats membres de la Communauté pour le développement de l'Afrique australe). Plusieurs délégations ont jugé nécessaire d'attendre les résultats des travaux sur la création d'une cour criminelle internationale pour étudier la forme à donner au projet de Code des crimes.

La Sixième Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, l'examen du chapitre du rapport de la Commission du droit international relatif à la responsabilité des Etats.

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Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité

Déclarations

M. ADDO (Ghana) a déclaré que l'achèvement du projet de Code est particulièrement opportun en raison des événements récents. Il facilitera la poursuite en justice des responsables de comportements odieux qui entachent la dignité humaine. S'il doit y avoir un Code il doit y avoir aussi une cour qui jugera les cas sur la base de ce Code. Les questions de fond sur le Code ont été bien traitées et présentées. Le représentant s'est félicité de la réduction du nombre de crimes dans le projet de Code. Cela simplifiera les travaux futurs et permettra d'avancer vers l'acceptation universelle du texte.

Le délégué, rappelant que l'article 16 sur le crime d'agression prévoit une juridiction exclusive, a estimé que cette question devait être réétudiée. Si le Code ne prend pas une forme suffisamment contraignante, les Etats hésiteront à l'appliquer. Il conviendrait d'attendre les résultats des délibérations sur la Cour criminelle internationale pour savoir quoi faire avec le Code. Le comportement entraînant des dommages durables et graves sur l'environnement ne se font pas seulement en temps de guerre, a déclaré le représentant. Il a souhaité qu'une telle conduite soit interdite en temps de guerre comme de paix. Il a regretté qu'en cas de non-respect de l'extradition d'un individu par un Etat, il n'y ait pas de sanction prévue dans le Code.

M. ROMAN A. KOLODKIN (Fédération de Russie) a souligné que les discussions sur le contenu du projet de Code sont une répétition du débat qui a eu lieu au Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale. C'est le résultat inévitable d'un changement de philosophie et de conception dans le projet de Statut de la Cour après que les Etats aient commencé à l'étudier. Il est prématuré d'essayer de décider de la forme que doit adopter le Code. Il est nécessaire d'attendre les résultats des travaux sur le Statut de la Cour pour en décider.

Le délégué a rappelé la proposition faite d'inclure le Code ou une partie de ce Code dans le Statut de la Cour pour s'assurer que les deux textes soient compatibles et de transmettre ce projet de Code au Comité préparatoire. Il est difficile d'accepter cette proposition pour la seule raison que le Statut et le Code ont le même sujet. Sa délégation ne voit pas la nécessité de faire coexister deux instruments juridiques internationaux avec les mêmes termes de référence. Les dispositions et commentaires du projet de Code peuvent être utilisés par les Etats pour rédiger les dispositions du Statut. Le représentant a estimé qu'il fallait revenir sur l'avenir du Code une fois les travaux sur le Statut de la Cour achevés. Cela pourrait se faire à la 53ème ou 54ème session de l'Assemblée générale. D'ici là nous aurons le Statut de la Cour et pourrons le comparer avec le projet de Code.

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Mme GAILE A. RAMOUTAR (Trinité-et-Tobago) a déclaré qu'il était nécessaire pour la CDI de limiter la liste des crimes relevant du Code pour assurer son adoption en temps utile. Elle s'est félicitée que la CDI, dans le projet de Code, reconnaisse la responsabilité pénale individuelle pour les crimes entrant dans le champ de compétence du Code. Elle a indiqué qu'il est nécessaire que les dispositions relatives aux peines restent vagues puisque la juridiction qui devra appliquer le Code n'est pas clairement définie. Si cela devait relever de la compétence de la Cour criminelle, les peines doivent être stipulées par une convention internationale, soit dans le Statut de la Cour, soit dans un autre instrument.

Trinité-et-Tobago s'est associée aux autres délégations qui ont appelé à une harmonisation des travaux de la CDI sur le projet de Code et du Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale, puisque que les deux textes traitent des mêmes questions. Les crimes examinés par le Comité préparatoire sont similaires à ceux inclus dans le projet de Code. La représentante partage l'avis de la CDI sur la responsabilité individuelle dans la participation d'un acte d'agression. Elle s'est félicitée de l'inclusion de ce crime dans le Code et a suggéré qu'une approche similaire soit adoptée dans l'examen de ce crime par la cour criminelle internationale.

Mme. Ramoutar a estimé que la disposition sur l'inclusion des autres actes inhumains causant des dommages graves à l'intégrité mentale ou physique, à la santé ou à la dignité humaine, comme les mutilations, est importante dans la définition des crimes contre l'humanité. Elle s'est également félicitée de l'inclusion des crimes commis contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé. Elle a regretté l'absence du crime de trafic illicite de stupéfiants dans le Code. L'absence d'un forum juridique international pour étudier ce problème sera à terme dommageable au bien-être des petits Etats en développement, qui restent vulnérables face aux activités des narcotrafiquants, a-t-elle estimé. La représentante a insisté sur le maintien d'un lien entre le Code des crimes et la cour criminelle internationale

M. BRANIMIR ZAIMOV (Bulgarie) a jugé réaliste la réduction du nombre des crimes inclus dans le projet de Code, afin de lui assurer la plus large acceptation possible. Il s'est félicité de l'inclusion des crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé. Il a souhaité que l'article 8 sur la compétence des tribunaux soit plus élaboré. Il a estimé que le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle doit examiner la proposition tendant à inclure le Code des crimes dans le Statut de la Cour. Cependant, tant que l'on ne connaît pas les résultats des négociations sur le projet de statut, toute décision tendant à y inclure le Code serait prématurée. Le Code doit par ailleurs être accepté universellement et avoir force contraignante. Il devrait donc être adopté sous la forme d'une convention internationale.

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Mme SORAYA ALVAREZ (Cuba) a estimé qu'il ne fallait pas prendre de décision sur le projet de Code des crimes lors de la présente session, en raison de l'absence évidente de consensus sur certaines questions, y compris sur la forme juridique sous laquelle le Code devra être adopté. Elle a déploré la réduction importante du nombre des crimes contenus dans le projet de Code, estimant que la nouvelle liste omet des crimes particulièrement graves comme la domination coloniale sous toutes ses formes, la domination étrangère, l'intervention, le terrorisme international ou encore les dommages intentionnels graves infligés à l'environnement. Elle a souhaité que l'inclusion dans le projet de Code des crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé, devrait être étudiée comme celle des autres crimes, ce qui n'a pas été le cas jusqu'ici. En outre, la définition de ce crime dépend d'une convention très controversée, qui pose de gros problèmes et n'a présentement été ratifiée que par quatre Etats.

Mme CATE STEAINS (Australie) a regretté que les travaux de la CDI sur le projet de Code ait pris tant de temps. La création des Tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda montre le besoin d'une cour criminelle internationale permanente. La limitation du nombre des crimes dans le Code reflète les discussions du Comité préparatoire sur la compétence de la Cour criminelle internationale. S'agissant de la forme que doit prendre le projet de Code, sa délégation a estimé que le Comité préparatoire doit être l'organe responsable pour la Cour, y compris pour tous les sujets contenus dans le projet de Code. La représentante a indiqué qu'aucune mesure ne doit être prise sur le projet de Code par l'Assemblée générale en ce moment.

Responsabilité des Etats

Déclarations

M. GERHARD HAFNER (Autriche) a estimé que la responsabilité des Etats est une question qui va au coeur même du droit international. On peut même dire que la force juridique des règles de droit international dépend des conséquences d'une violation de ces règles.

Le représentant a estimé que la solution proposée par la CDI en ce qui concerne les contre-mesures semble réaliste. L'article 47 du projet d'articles donne une définition fondamentale du droit à recourir à de telles mesures. Il en découle que ce droit est intrinsèquement lié à la définition de l'Etat lésé donnée à l'article 40 car c'est l'Etat lésé qui a le droit de prendre des contre-mesures. Mais certains autres articles affectent aussi l'article 47, par exemple ceux qui traitent des problèmes liés aux traités multilatéraux violés. Dans les cas où les intérêts d'autres Etats parties à

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ces traités sont également lésés, ces derniers ont eux aussi, d'après le projet, le droit de prendre des contre-mesures. L'Autriche, a rappelé M. Hafner, a déjà exprimé ses doutes face à une telle extension de la notion d'Etat lésé. En outre, les critères de nécessité figurant à l'article 47 et ceux de proportionnalité mentionnés à l'article 49 doivent être précisés.

M. Hafner a rappelé que l'article 48 (condition de recours à des contre- mesures) avait été l'un des plus débattus. Ce n'est pas seulement en raison de sa formulation, mais du fait qu'il pose le principe fondamental du règlement pacifique des différends. Il faut trouver un équilibre entre la vue idéaliste selon laquelle tous les différends entre Etats devraient être résolus de manière pacifique, et le réalisme. Une solution eût été trouvée avec l'introduction des mesures conservatoires, mais la question de leur définition reste ouverte. Cette question doit être résolue car la connaissance de la légalité des actions envisagées est d'une importance primordiale dans le processus de décision d'un Etat en matière de politique étrangère. Le représentant s'est réjoui de voir que c'est l'Etat accusé de violation du droit international qui a désormais la possibilité de proposer le recours à un mécanisme de règlement des conflits pour éviter des contre- mesures, et non plus l'Etat qui se prétend lésé.

M. Hafner a rappelé qu'il avait proposé l'an dernier d'éliminer la notion de crime international dans le point sur la responsabilité des Etats, pour qu'on se consacre sur la responsabilité pour faits internationalement illicites. L'Autriche demeure persuadée du bien fondé de cette approche, dans la mesure où la CDI a réduit les différences entre les conséquences des délits internationaux et les crimes internationaux. Même les conséquences juridiques de ces crimes peuvent être contestées, a estimé le représentant. Ainsi, si les crimes internationaux sont les actes illicites qui violent le jus cogens, des dispositions telles que celle de l'article 53, qui oblige tous les Etats à ne pas reconnaître les conséquences, sont inutiles. Renoncer à définir comme crime une catégorie particulière d'actes internationalement illicites supprimerait de nombreuses difficultés rencontrées par la CDI dans le domaine de la responsabilité des Etats, a estimé le représentant.

M. IAN BROWNLIE (Royaume-Uni) a commenté trois domaines qui, à son avis, posent de réelles difficultés : les crimes d'Etat, les contre-mesures et le règlement des différends. Le délégué a déclaré que la notion de crime d'Etat n'a pas encore reçu la large acceptation internationale requise pour qu'il puisse être introduit dans le droit. Cette notion a des répercussions spécifiques. La difficulté qu'a rencontré la CDI dans la mise au point des conséquences juridiques des crimes d'Etat renforce l'opinion du Royaume-Uni que cette notion manque de base juridique adéquate et ne devrait pas être maintenue. C'est une chose de punir les membres d'un gouvernement sur la base de la responsabilité pénale individuelle, c'en est une autre de punir une collectivité telle qu'un Etat. Cela revient à sanctionner sa population et son économie, ce qui soulève des problèmes moraux, sociaux et politiques majeurs.

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Le représentant a souligné qu'aujourd'hui, le droit d'un Etat lésé d'avoir recours aux contre-mesures est nécessaire et inévitable. Il ne faut toutefois pas se laisser entraîner dans une spirale de contre-mesures et de contre contre-mesures. Les limites aux contre-mesures doivent être pratiques. Les limites et les contrôles doivent être conformes au droit international existant. Demander des négociations préalables comme condition de la légalité des contre-mesures revient à faire pencher la balance en faveur de l'Etat qui aurait mal agi. Il vaut mieux en rester à l'opinion que les contre-mesures sont une mesure légitime à utiliser en dernier ressort, compte tenu des nécessités. Ces principes devraient être précisés davantage dans le projet.

M. Brownlie a estimé que le régime général de règlement des différends est peut-être trop ambitieux. Il serait plus réaliste de se concentrer sur les parties du projet qui, par un consentement commun, rendraient des procédures obligatoires souhaitables. La présentation de ce premier projet complet sur la responsabilité des Etats nous confronte à son avenir. L'hypothèse d'un traité soulève la question de la viabilité de la codification du droit dans le monde contemporain. Il est temps de passer aux options nous permettant de couronner les travaux de la Commission.

M. HUSAIN AL-BAHARNA (Bahreïn) a commenté la partie du rapport de la CDI sur la responsabilité des Etats. En ce qui concerne les crimes d'Etat, il a insisté sur les questions des réparations. Parlant des contre-mesures, il a rappelé que le droit aux contre-mesures doit être régi et réglementé dans les cas d'extrême nécessité. Il s'agit d'une décision prise en dernier recours, quand les négociations ne sont pas parvenues à un arbitrage. L'article est bien équilibré et contient les critères nécessaires pour limiter l'impact des contre-mesures, a précisé le représentant. Il a également appuyé l'article sur les contre-mesures interdites. Tous les moyens de règlement des disputes doivent être recherchés avant d'adopter des contre-mesures.

Le délégué a appuyé les articles 51 à 53 du chapitre IV sur les crimes internationaux inclus dans la partie du rapport relative à la responsabilité des Etats. Il a indiqué que le mécanisme du règlement des différends, présenté dans les projets d'articles, représente un grand pas en avant dans le processus du développement progressif du droit international.

M. ALBERT HOFFMANN (Afrique du Sud, au nom des 12 Etats membres de la Communauté de développement de l'Afrique australe) a déclaré que maintenant que les travaux sur la création d'une cour criminelle internationale parviennent à leur fin, le projet de Code peut remplir un rôle essentiel. L'une des pierres angulaires du Statut de la Cour criminelle internationale est l'applicabilité absolue du principe nullum crimen sine lege. L'un des sujets qui fera l'objet d'une attention particulière en 1997 sera la définition des crimes relevant de la compétence de la Cour, ce qui rend le projet de Code particulièrement pertinent pour les travaux futurs du Comité préparatoire.

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La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a estimé approprié que le projet de Code soit être étudié dans le contexte de la définition des crimes à inclure dans la compétence de la Cour criminelle. En ce qui concerne la forme à donner au projet de Code, le délégué a estimé qu'adopter une déclaration pourrait compromettre les travaux du Comité préparatoire sur la définition des crimes relevant de la Cour. Il ne fait aucun doute que le projet de Code contribuera grandement à la finalisation de la définition des crimes relevant de la compétence de la Cour.

M. Hoffmann a soutenu la direction générale donnée aux projets d'articles sur la responsabilité des Etats. Rappelant que l'utilisation de contre-mesures n'est pas toujours un remède satisfaisant dans les relations entre Etats de dimensions et de ressources inégales, il a estimé que l'instauration de conditions et de limites aux contre-mesures est utile. Il s'est déclaré en faveur du maintien de la distinction entre les délits internationaux et les crimes internationaux. Il a souhaité disposer de nouvelles informations sur les sujets relatifs à la succession des Etats, à la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international. et les réserves aux traités. Il a émis le voeu que soient étudiés la protection diplomatique et les actes unilatéraux des Etats à l'avenir. Se référant à l'élection des membres de la Commission du droit international, le représentant a signalé que la SADC avait présenté trois candidats.

M. BRUNO SIMMA (Allemagne) a rappelé le scepticisme considérable manifesté par son pays depuis que la CDI a tenté d'introduire, voilà vingt ans, une distinction entre "crimes internationaux" et "délits internationaux". Dès lors que l'on connaît l'ensemble des mécanismes juridiques qui s'appliquent aux actes internationalement illicites, l'Allemagne est quelque peu sceptique. M. Simma s'est donc demandé si le monde a réellement besoin du concept de crime international, surtout quand on voit la liste proposée sur laquelle figurent des actes susceptibles d'être qualifiés de crimes. En effet, a-t-il expliqué, l'agression est traitée par le Chapitre VII de la Charte, tout comme les atteintes graves au droit à l'autodétermination, pour lesquelles des règles spécifiques sont en cours d'élaboration aussi bien dans des organisations internationales que régionales. Pour ce qui est du crime relatif aux droits de l'homme, M. Simma a estimé qu'il relève de procédures bien établies et fondées aussi bien sur la Charte que sur des traités internationaux. Evoquant la question de la prévention des atteintes graves infligées à l'environnement, M. Simma a estimé qu'il s'agit en l'occurrence du type même de question qui doit être traitée dans une convention internationale. De plus s'il s'agit d'un Etat qui pollue l'environnement sur une grande échelle, il nous faut là encore en revenir au Chapitre VII de la Charte. "Il serait donc préférable de faire rentrer le génie du crime international dans la lampe d'où il a été sorti voilà vingt ans", a dit M. Simma.

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Cela ne dispensera pas la Commission de traiter des répercussions des actes illicites sur les obligations erga omnes dans le domaine de la responsabilité des Etats, a ajouté le représentant. Mais elle pourra le faire par des voies moins susceptibles de créer des malentendus et des abus. Si nous voulons ajouter un élément punitif aux règles établies de la responsabilité des Etats, nous pourrons très bientôt recourir au Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité et à la Cour criminelle internationale, a ajouté M. Simma.

Le représentant a déclaré que certains problèmes concernant les contre- mesures doivent encore être résolus. Ainsi, le concept de mesures conservatoires pourrait très bien devenir un euphémisme si ces mesures n'étaient pas soumises par ailleurs aux obligations de négociation préalable et de recours à l'arbitrage. Un Etat se jugeant lésé pourrait très bien ainsi qualifier de mesures conservatoires des mesures qu'il prendrait immédiatement alors que l'Etat qui serait visé par elles les considéreraient comme des contre-mesures au sens plein. En même temps, il faut reconnaître que ce concept peut inciter les Etats à accepter certains éléments d'arbitrage obligatoire prévus à l'article 58 du projet d'articles. En ce qui concerne le règlement des conflits, l'Allemagne appuie les propositions de la CDI d'inclure certains éléments obligatoires de recours à une tierce partie. Cependant, il ne faut pas "chercher à réinventer la roue" : les éléments de la troisième partie du projet d'articles sur le règlement des conflits doivent être explicitement considérés comme ayant un rôle résiduel face aux nombreuses procédures et mécanismes déjà existants.

M. Simma a estimé que le projet d'articles actuel a encore moins de chances que les précédents d'être adopté sous la forme d'une convention. La CDI devrait donc étudier sérieusement la possibilité de les adopter sous forme de déclaration ou de code. Les commentaires sur les projets d'articles représentent une véritable mine d'informations, dont certains sont beaucoup plus utiles aux praticiens du droit que les articles eux-mêmes, notamment en ce qui concerne la première partie du projet, consacrée à l'origine de la responsabilité. Il serait triste que le travail admirable s'achève sous la forme d'un traité mort-né qui porterait atteinte aux règles coutumières en matière de responsabilité des Etats.

M. CARLOS CALERO RODRIGUES (Brésil), rappelant qu'il y a deux ans sa délégation avait estimé que les contre-mesures étaient parfaitement condamnables, a déclaré que les celles-ci profitent aux Etats les plus forts. C'est une illusion de croire que les Etats les plus faibles peuvent contraindre un Etat plus fort avec des contre-mesures. Elles ne peuvent que créer des tensions entre les Etats concernés. Il est préférable d'avoir recours au règlement pacifique des différends. Les articles de la CDI adoptent un système peu commode qui présente toutefois une amélioration par

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rapport au droit précédent. On établit un certain contrôle, ce qui est un progrès certes, mais un progrès limité, a ajouté le délégué. Les Etats qui font l'objet de contre-mesures peuvent demander l'arbitrage. Puisque dans ce cas les contre-mesures sont suspendues, pourquoi alors fait-on dépendre l'arbitrage des contre-mesures? Pourquoi retarder le recours à l'arbitrage? a-t-il demandé.

Le représentant a indiqué qu'il est fondamental de pouvoir énoncer distinctement les conséquences découlant des crimes ou des délits internationaux. Il n'est pas sûr que l'énonciation faite dans les projets d'articles de la CDI soit suffisamment significative pour justifier le maintien de cette distinction. M. Rodrigues a fait valoir qu'il serait nécessaire d'avoir une institution centrale pour déterminer qu'un crime international a été commis et pour définir la réaction collective de la communauté internationale. Or, cet organe international n'existe pas. Il est peu probable que la communauté internationale accepte sa création à l'heure actuelle. Les dispositions mentionnées par la CDI ne sont pas satisfaisantes. En conséquence, le délégué a jugé que, pour des raisons pratiques, la question des crimes internationaux doit être mise de côté dans les articles sur la responsabilité des Etats.

M. LUCIUS CAFLISCH, Observateur de la Suisse a jugé le projet d'articles très complet et très détaillé, ce qui constitue à la fois un avantage et un inconvénient. Le texte paraît parfois répétitif et inutilement compliqué. C'est le cas des articles 5 à 10 qui énumèrent d'abord les comportements illicites attribuables à l'Etat, avant de mentionner ceux qui ne le sont pas. C'est aussi le cas des dispositions des articles 16 et 17 relatives à la violation d'une obligation internationale. L'article 40, qui définit l'Etat lésé, comporte lui aussi des éléments qui paraissent évidents.

L'observateur s'est également demandé si la distinction proposée entre crimes et délits internationaux, qui a déjà fait coulé beaucoup d'encre, ne soulèvera pas plus de problèmes qu'elle n'en règlera. Cette distinction n'a en effet de sens que s'il existe des différences majeures entre les conséquences des actes qualifiés de crimes et de celles des délits. Or, les éléments de différenciations retenus sont soit insuffisants, soit dangereux, a estimé M. Caflisch. Ils sont dangereux quand ils permettent d'infliger une punition grave à tout un peuple pour les agissements de son gouvernement, et par là, de compromettre la sécurité et la stabilité internationales. De même, l'article 40 paragraphe 3 du projet et la criminalisation de certains comportements qui en résulte ne sont pas indispensables pour attacher des conséquences spécialement lourdes aux comportements en question. En outre, la qualification incombera avant tout aux Etats concernés. Le conflit sur la réalité de la violation serait donc doublé d'une controverse sur sa qualification ce qui ne contribuerait guère à donner du corps à la distinction entre délits et crimes. La Suisse espère donc que la CDI réexaminera attentivement le bien-fondé de la distinction lors de la deuxième lecture de son projet d'articles.

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M. Caflisch a estimé que les dispositions sur les contre-mesures sont dans l'ensemble équilibrées. Il a toutefois émis des réserves sur l'interdiction en tant que contre-mesures des mesures économiques ou politiques extrêmes. Pourquoi cette interdiction resterait-elle limitée à la contrainte économique et politique ? Des contre-mesures dans le domaine de l'environnement pourraient elles aussi porter atteinte à l'indépendance politique d'un Etat. Il faudrait donc supprimer cette restriction. L'observateur s'est dit satisfait des dispositions sur le règlement des différends relatifs aux contre-mesures. En revanche, il a jugé insuffisants les mécanismes lorsqu'ils sont traités de manière générale dans le projet d'articles.

M. Caflisch a également souhaité un parallélisme entre les crimes d'Etat et les crimes individuels définis dans le projet de Code des crimes. L'article 19 du projet sur la responsabilité de Etats omet en effet de mentionner expressément les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les crimes contre le personnel des Nations Unies et personnel associé. Or, il se peut que ces catégories de crimes engagent aussi la responsabilité de l'Etat, à côté de celle d'individus. Il serait paradoxal que la responsabilité pénale de ces individus soit engagée sans que l'on puisse invoquer la responsabilité concomitante de l'Etat, a estimé l'observateur.

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