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L’océan qu’ont connu nos ancêtres, qui regorgeait de vie et de diversité, peut être davantage qu’une légende et devenir notre héritage, déclare le Secrétaire général

On trouvera ci-après le discours du Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres à l’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur l’océan, ce 9 juin, à Nice:

Permettez-moi tout d’abord de remercier nos hôtes, les gouvernements de la France et du Costa Rica, d’avoir organisé cette conférence. 

Et merci à tous d’être là, à Nissa la bella –ville à la mer d’azur et au ciel pur.

Nous voici réunis sur les rives de la Méditerranée, carrefour de continents, de cultures et de commerce.

Une mer qui, depuis des millénaires, est source de vie – et qui nous rappelle notre profonde dépendance à l’égard de l’océan.

L’océan produit la moitié de l’oxygène que nous respirons.

Il nourrit 3 milliards de personnes et fait vivre 600 millions d’autres.

L’économie des océans a plus que doublé en 30 ans –et elle continue de croître.

Le transport maritime assure, à lui seul, plus de 80% du commerce mondial.

L’océan est notre bien commun par excellence.

Pourtant, nous sommes en train de le piller.

Les stocks de poissons s’effondrent.

La surconsommation et la pêche illégale poussent des espèces au bord de l’extinction.

Chaque année, 23 millions de tonnes de plastique sont déversées dans les eaux et asphyxient les écosystèmes.

Les émissions de carbone provoquent l’acidification et le réchauffement des océans –détruisant les récifs de corail et accélérant la montée des eaux.

Si on ne change pas de cap, cette accélération va submerger les deltas, détruire les récoltes et engloutir les littoraux –menaçant la survie même de nombreuses îles.

L’océan absorbe désormais 90% de l’excédent de chaleur piégé par les gaz à effet de serre.

Autant de symptômes d’un système en crise… et qui s’auto-alimente.

La montée des eaux submerge les deltas, détruit les récoltes et engloutit les littoraux, menaçant la survie même de nombreuses îles.

L’océan est pris au piège d’un cercle vicieux –victime et accélérateur du changement climatique.

Brisant les chaînes alimentaires...  Anéantissant les moyens de subsistance… Augmentant l’insécurité.

Cette insécurité est exacerbée par la criminalité: piraterie, trafic d’êtres humains, réseaux organisés et pillage des ressources volent des vies, freinent le développement et privent les communautés côtières de leurs droits.

Depuis la dernière Conférence des Nations Unies sur l’océan, qui s’est tenue à Lisbonne, des progrès ont été accomplis.

Nous avons également vu une prise de conscience croissante des liens profonds entre la préservation de la biodiversité et des écosystèmes marins, la lutte contre le changement climatique et l’arrêt de la pollution.

Le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal contient un engagement audacieux:

Conserver et gérer au moins 30% des zones marines et côtières d’ici à 2030.

Les États Membres ont également adopté l’Accord portant sur la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, qui marque une avancée historique.

J’exhorte toutes les délégations à ratifier cet accord et je me félicite des bonnes nouvelles partagées par le Président Macron et de l’impulsion donnée par la Conférence pour en favoriser l’entrée en vigueur rapide.

Par ailleurs, j’appelle tous les pays à s’entendre cette année sur un traité ambitieux et juridiquement contraignant sur la pollution plastique.

Il est également essentiel de conclure avec succès l’accord sur la pêche actuellement discuté à l’Organisation mondiale du commerce.

L’Organisation maritime internationale est résolue à faire en sorte que, d’ici à 2025, le transport maritime ne produise plus aucune émission nette.

L’année dernière, durant la réunion de l’Assemblée générale sur l’élévation du niveau de la mer, il a été dit avec force que la montée des eaux ne saurait porter atteinte à la souveraineté et à l’intégrité des États.

Toutes ces initiatives montrent que le multilatéralisme fonctionne, mais seulement si nous traduisons nos paroles en actes.

En développant des plans nationaux concrets alignés sur les objectifs mondiaux.

En exploitant la science, en stimulant l’innovation, et en garantissant un accès équitable à la technologie.

En donnant des moyens d’action aux pêcheurs, aux populations autochtones, aux scientifiques et aux jeunes.

Et, par-dessus tout, en investissant.

L’objectif de développement durable no 14 relatif à la vie aquatique demeure l’un des objectifs de développement durable les moins bien financés.

Les choses doivent changer.  Pour cela, il faut augmenter les financements publics, accroître l’appui apporté par les banques de développement et favoriser l’afflux de capitaux privés grâce à des modèles de financement audacieux.

J’exhorte tous les pays à prendre des engagements ambitieux [et je remercie ceux qui l’ont déjà fait].

Les petits États insulaires en développement ont besoin d’aide pour renforcer leur résilience et prospérer dans l’économie bleue.

Nombreux sont ceux qui peinent à se procurer une alimentation saine à un coût abordable, ce qui montre combien il est urgent de restaurer les pêches locales et de renforcer les systèmes alimentaires basés sur l’océan.

Nous devons également renforcer la sécurité maritime qui est l’un des piliers du développement durable.

Nous devons intégrer les priorités liées à l’océan dans toutes nos activités touchant le climat, les systèmes alimentaires et la finance durable.

Car sans un océan en bonne santé, il ne peut y avoir de planète en bonne santé.

Enfin, l’exploitation minière des fonds marins pose aux pays de nouveaux défis.

Je soutiens les travaux en cours de l’Autorité internationale des fonds marins sur cet enjeu important.

Les grands fonds ne peuvent pas devenir un Far West.

Nous vivons une époque de troubles, mais la détermination que je constate ici me donne de l’espoir.

J’espère que nous pourrons redresser la situation.

Que nous pourrons remplacer le pillage par la protection.

L’exclusion par l’équité.

La surexploitation à court terme par la bonne gestion à long terme.

Nous savons que c’est possible.

Lorsque nous sommes parvenus à un moratoire mondial sur la chasse commerciale à la baleine, les populations de baleines se sont reconstituées.

Lorsque nous protégeons des aires marines, la vie revient.

Aujourd’hui, nous avons la possibilité de redonner à l’océan son abondance.

Ce qui a été perdu en l’espace d’une génération peut renaître en l’espace d’une autre.

L’océan qu’ont connu nos ancêtres, qui regorgeait de vie et de diversité, peut être davantage qu’une légende.

Il peut être notre héritage.

Que votre conférence soit couronnée de succès.

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