En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/22631

Moyen-Orient: le Secrétaire général appelle les dirigeants à concrétiser leurs promesses, en particulier la solution des deux États

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat public du Conseil de sécurité consacré à la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, à New York, aujourd’hui:

La région traverse des bouleversements fondamentaux, marqués par la violence et la volatilité, mais également porteurs d’opportunités et de potentiel.

Au Liban, le cessez-le-feu et l’intégrité territoriale doivent être respectés et tous les engagements doivent être mis en œuvre.  En Syrie, nous devons poursuivre nos efforts pour accompagner le pays sur la voie d’une transition politique inclusive de toutes les composantes de la population syrienne – une transition qui garantisse la reddition de comptes, favorise la réconciliation nationale, et jette les bases du redressement à long terme de la Syrie ainsi que de son intégration future au sein de la communauté internationale. 

Cela inclut la situation dans le Golan syrien occupé, qui demeure précaire en raison de violations majeures de l’Accord de désengagement des forces de 1974 – notamment la présence continue des Forces de défense israéliennes dans la zone de séparation, ainsi que leurs multiples frappes contre des sites au-delà de la ligne de cessez-le-feu.

À travers le Moyen-Orient, les populations réclament et méritent un avenir meilleur – et non des conflits et des souffrances sans fin. Nous devons agir ensemble pour faire en sorte que cette période de turbulences et de transition réponde à ces aspirations – et qu’elle apporte justice, dignité, droits, sécurité, et une paix durable.

Cela commence par la reconnaissance de deux faits fondamentaux: Premièrement, la région se trouve à un moment charnière de son histoire.  Et, deuxièmement, que toute paix vraiment durable au Moyen-Orient dépend d’une question centrale.

Un élément essentiel que ce Conseil de sécurité a affirmé et réaffirmé, année après année, décennie après décennie: une solution à deux États, Israël et la Palestine, vivant côte-à-côte dans la paix et la sécurité, avec Jérusalem comme capitale des deux États.

Aujourd’hui, la promesse de la solution des deux États court le risque de s’effilocher au point de disparaître.  L’engagement politique en faveur de cet objectif de longue date n’a jamais été aussi ténu.

De ce fait, les droits des Israéliens et des Palestiniens de vivre en paix et sécurité ont été mis à mal – et les aspirations nationales légitimes des Palestiniens ont été niées – alors qu’ils continuent de subir une présence israélienne que la Cour internationale de justice a jugée illicite. 

Depuis les effroyables attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre, la situation s’est aggravée sur tous les fronts.  Premièrement, avec le conflit incessant et la dévastation que subit la bande de Gaza: les conditions de vie sont absolument inhumaines, les habitants sont la cible d’attaques à répétition et sont confinés dans des espaces de plus en plus réduits et privés d’une aide vitale.  S’appuyant sur le droit international, le Conseil de sécurité a rejeté toute tentative de changement démographique ou territorial dans la bande de Gaza, y compris tout acte visant à réduire le territoire. 

Gaza fait partie intégrante d’un futur État palestinien et doit le rester.

Deuxièmement, en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, les opérations militaires israéliennes et l’emploi d’armes lourdes dans des zones résidentielles, les déplacements forcés, les démolitions, les restrictions de circulation et l’expansion des colonies transforment radicalement les réalités démographiques et géographiques.  Les Palestiniens sont cantonnés dans certains endroits et contraints d’en quitter d’autres. Ils sont cantonnés dans des zones où les opérations militaires se multiplient et où l’Autorité palestinienne est soumise à des pressions croissantes, et contraints de quitter les zones où les colons étendent leur emprise. 

Troisièmement, la violence exercée par les colons se poursuit dans un climat d’impunité, parfois avec la complicité de soldats israéliens, et atteint des niveaux alarmants: des communautés palestiniennes tout entières sont agressées et victimes de destructions à répétition.  Les attaques menées par des Palestiniens contre des Israéliens en Israël et en Cisjordanie occupée se poursuivent également.

Le monde ne peut pas se permettre de voir la solution des deux États s’évanouir. Les dirigeants politiques ont le choix: se taire, acquiescer ou agir.  À Gaza, rien ne laisse entrevoir la fin de la tuerie et des souffrances. Le cessez-le-feu avait apporté une lueur d’espoir: la libération des otages, tant attendue, et l’acheminement d’une aide humanitaire vitale. 

Hélas, cette lueur d’espoir s’est éteinte avec la rupture du cessez-le-feu le 18 mars.  Depuis, les frappes et les opérations militaires israéliennes ont fait près de 2 000 morts parmi les Palestiniens dans la bande de Gaza, y compris des femmes, des enfants, des journalistes et du personnel humanitaire. Le Hamas continue également de tirer des roquettes sur Israël sans discernement – tandis que les otages sont toujours détenus dans des conditions épouvantables. 

Déjà mauvaise, la situation humanitaire dans la bande de Gaza n’a fait qu’empirer et dépasse aujourd’hui l’entendement.  Depuis près de deux mois, Israël bloque les livraisons de nourriture, de carburant, de médicaments et de marchandises, privant ainsi plus de deux millions de personnes d’une aide vitale.  Et ce, au vu et au su du monde entier. 

Je suis alarmé par les déclarations de représentants d’Israël concernant l’utilisation de l’aide humanitaire comme moyen de pression militaire.  L’aide humanitaire n’est pas négociable.  Israël est tenu de protéger les civils; il doit accepter les programmes d’aide et en faciliter l’exécution. 

Je rends hommage au personnel des Nations Unies, femmes et hommes, ainsi qu’à tous les autres agents humanitaires, en particulier à nos collègues palestiniens, qui continuent à travailler malgré les frappes et dans des conditions inouïes.  Et je pleure toutes les femmes et tous les hommes des Nations Unies qui ont été tués - y compris certains avec leurs familles.

L’acheminement de l’aide doit être rétabli immédiatement, la sécurité du personnel des Nations Unies et des partenaires humanitaires doit être garantie et les entités des Nations Unies doivent pouvoir travailler dans le plein respect des principes humanitaires: humanité, impartialité, neutralité et indépendance.  Il ne doit y avoir aucune entrave à l’aide humanitaire, notamment au travail vital que fait l’UNRWA. 

Il faut que tous les otages soient libérés immédiatement et sans conditions.  Et il faut un cessez-le-feu permanent.  Il est temps de mettre un terme aux déplacements répétés de la population de Gaza, ainsi qu’à la question des déplacements forcés en dehors de Gaza.  Et il faut cesser de bafouer le droit international.  J’engage tous les États Membres à user de leur influence pour que le droit international soit respecté et que l’impunité ne l’emporte pas. 

Je veux parler notamment de la frappe du 19 mars contre une résidence des Nations Unies, qui a fait un mort et six blessés parmi nos collègues et pour laquelle Israël a désormais reconnu sa responsabilité ...  de l’attaque du 23 mars, dans laquelle du personnel paramédical et d’autres secouristes ont trouvé la mort à Rafah ...  et de bien d’autres encore.  Aucun acte ne saurait rester impuni. 

Une procédure consultative a été engagée à la Cour internationale de Justice sur les obligations d’Israël, Puissance occupante et membre de l’ONU, en ce qui concerne la présence et les activités des entités des Nations Unies dans le Territoire palestinien occupé et en lien avec celui-ci.  En février, la Conseillère juridique de l’ONU a soumis en mon nom une déclaration écrite à la Cour, et hier, elle a fait une déclaration orale devant la Cour, également en mon nom. 

Cette déclaration reprend des points que j’ai soulevés à plusieurs reprises.  En particulier, le fait que toutes les parties au conflit sont tenues de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits humains.

Qu’Israël, Puissance occupante, est tenu d’assurer l’approvisionnement de la population en produits alimentaires et fournitures médicales.  Qu’il est tenu d’accepter les programmes d’aide et d’en faciliter l’exécution dans le Territoire palestinien occupé.  Que le personnel humanitaire et médical, ainsi que le personnel des Nations Unies, doit être respecté et protégé.

Je tiens à insister sur l’obligation faite en droit international de respecter les privilèges et immunités des Nations Unies et de leur personnel, y compris l’inviolabilité absolue des locaux, des biens et des avoirs des Nations Unies, ainsi que l’immunité de juridiction des Nations Unies. 

Cette immunité s’applique à toutes les entités des Nations Unies dans le Territoire palestinien occupé, y compris l’UNRWA, organe subsidiaire de l’Assemblée générale.  J’engage les États Membres à soutenir tous ces efforts. 

En cette période de tourmente et de transition pour la région, les États Membres doivent énoncer clairement comment ils concrétiseront l’engagement qu’ils ont pris et la promesse qu’ils ont faite quant à la solution des deux États.  Ce n’est pas le moment d’exprimer rituellement son soutien, de cocher une case et de passer à autre chose.  Nous avons dépassé le stade des cases à cocher: le temps presse. 

Pour la solution des deux États, le glas a presque sonné.  La communauté internationale a la responsabilité d’empêcher l’occupation et la violence perpétuelles.  L’appel que je leur lance est urgent et sans équivoque: Prenez des mesures irréversibles pour concrétiser la solution des deux États.  Ne laissez pas les extrémistes de tout bord saper ce qu’il reste du processus de paix.

La Conférence de haut niveau qui se tiendra en juin, co-présidée par la France et le Royaume d’Arabie saoudite, est une véritable occasion de revitaliser le soutien international.  J’encourage les États membres à aller au-delà des affirmations et à réfléchir de manière créative aux mesures concrètes qu’ils prendront pour soutenir une solution viable à deux États avant qu’il ne soit trop tard.  J’encourage les États Membres à traduire les paroles en actes et à réfléchir de manière créative pour déterminer les mesures concrètes qu’ils prendront pour soutenir une solution viable de deux États – avant qu’il ne soit trop tard.

Parallèlement, l’Autorité palestinienne a besoin d’un soutien accru et durable, tant sur le plan politique que financièrement parlant.  C’est une condition essentielle pour garantir la viabilité des institutions palestiniennes, asseoir les réformes engagées et permettre à l’Autorité palestinienne d’exercer de nouveau toutes ses responsabilités dans la bande de Gaza.

À ce moment charnière de l’histoire pour les peuples du Moyen-Orient – et vis-à-vis de cette question dont dépendent tant de choses – les dirigeants doivent concrétiser leur promesse. 

Faites preuve de courage et de volonté politiques, tenez vos engagements vis-à-vis de cette question centrale pour la paix: pour les Palestiniens, les Israéliens, la région et l’humanité tout entière. 

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