La Commission de la population et du développement lance sa session de 2025 centrée sur la santé et le bien-être de tous à tout âge
« Assurer une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tout âge »: tel est le thème de la cinquante-huitième session de la Commission de la population et du développement, qui a entamé ses travaux aujourd’hui au Siège de l’ONU à New York. Après les interventions d’ouverture et le lancement du débat général, un débat entre experts, suivi d’un échange interactif, a permis d’entrer dans le vif du sujet, l’accent étant mis sur l’application, dans le domaine sanitaire, du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD).
Plus de 30 ans après la CIPD, qui s’est tenue au Caire en 1994, force est de constater que trop d’objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 liés à la santé ne sont pas en voie d’être atteints, a déploré la Présidente de cette session, Mme Catharina Jannigje Lasseur (Pays-Bas), en ouvrant cette semaine de travaux.
« Trop de femmes et de filles sont encore privées de leur autonomie corporelle ou sont victimes de violences, trop de femmes meurent encore en couches, trop de jeunes n’ont toujours pas accès à une éducation sexuelle complète et trop de communautés, en particulier celles qui vivent dans des contextes humanitaires et vulnérables aux changements climatiques, sont encore laissées pour compte », a-t-elle résumé, appelant à l’établissement de systèmes de santé résilients et équitables, qui donnent la priorité aux soins de santé primaires et à la couverture sanitaire universelle afin de répondre aux besoins des personnes tout au long de la vie, en s’adaptant aux tendances démographiques du monde de demain.
Des progrès inégaux et des financements insuffisants
Les progrès réalisés ces dernières décennies sont pourtant indéniables, a observé le Secrétaire général adjoint aux politiques, en rappelant que, depuis 2000, l’espérance de vie a augmenté de 10 ans en Afrique et de 9 ans en Asie du Sud. Dans le même temps, la mortalité infantile au niveau mondial a été diminuée de près de moitié, tandis que les infections au VIH reculaient de 50% et que les décès liés au tabagisme et aux accidents de la route diminuaient fortement. « Cela montre que nous pouvons avancer grâce à une volonté politique et des investissements », a indiqué M. Guy Ryder, tout en reconnaissant que les financements nationaux et l’assistance internationale restent globalement insuffisants pour réaliser les objectifs sanitaires du Programme 2030.
« Toutes les deux minutes, une femme meurt de causes liées à la grossesse ou à l’accouchement, une autre d’un cancer du col de l’utérus et deux autres d’un cancer du sein », a alerté à cet égard la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Assurant que la plupart de ces décès sont évitables, Mme Natalia Kanem a relevé que, derrière chacun d’eux, se cache « une clinique dépourvue de médicaments essentiels, une communauté sans sages-femmes qualifiées et une crise où les soins de santé de base sont inaccessibles ». Selon elle, investir dans la santé maternelle et néonatale est le gage d’une main-d’œuvre en meilleure santé, capable de stimuler l’économie mondiale à hauteur de 400 milliards de dollars par an.
« Il incombe à chacun de nous de veiller à ce que la promesse d’une couverture sanitaire universelle et la réalisation des droits sexuels et reproductifs soient une réalité pour tous », a renchéri la Première Ministre de Sri Lanka, Mme Harini Amarasuriya, qui s’est alarmée de la résistance croissante à cette dimension de la santé et à l’égalité des genres dans de nombreuses régions du monde. Cette situation menace de saper les progrès initiés par la CIPD, a-t-elle averti. Le Ministre d’État chargé du développement et de la coordination de l’action gouvernementale, M. Abdoulaye Bio Tchané a, lui, insisté sur le rôle des femmes dans la réduction des risques sanitaires, la promotion de l’hygiène et les bonnes pratiques en matière de planification familiale.
Reste que les coupes sombres qui sont actuellement opérées dans l’assistance humanitaire et l’aide au développement risquent d’avoir des conséquences dévastatrices pour les populations vulnérables du monde entier, a averti le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales. Pour atténuer cet impact négatif, il importe selon M. Li Junhua d’identifier de nouvelles sources d’aide extérieure afin d’atteindre les objectifs liés à la santé. Le haut fonctionnaire a notamment plaidé en faveur des « conversions dette contre santé » permettant aux pays créanciers d’annuler la dette des pays débiteurs si ces derniers utilisent ces fonds pour investir dans des programmes de santé nationaux.
Une transition démographique mondiale qui nécessite des moyens
La table ronde organisée dans l’après-midi a permis à des experts de l’ONU d’échanger avec les États Membres sur la base de deux rapports du Secrétaire général, intitulés respectivement « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge » (E/CN.9/2025/2) et « Programmes et interventions menés aux fins de l’application du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement pour permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge » (E/CN.9/2025/3).
Détaillant ces rapports, la Cheffe du Service de l’analyse et des tendances démographiques au Département des affaires économiques et sociales (DESA), Mme Cheryl Sawyer, a indiqué qu’ils reflètent la transition démographique de grande ampleur que connaît le monde, avec des différences marquantes en termes de vieillissement selon les régions. Ces 25 prochaines années, la population âgée de 60 ans ou plus devrait en effet augmenter de 72%, passant de 1,22 milliard en 2025 à 2,11 milliards en 2050, ce qui nécessitera des changements dans les systèmes de santé et de protection sociale et accroîtra la pression budgétaire pour la viabilité des retraites. Ainsi, le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus augmentera de 25% d’ici à 2050 dans les pays à revenu élevé, contre plus de 90% dans les pays à revenu intermédiaire inférieur.
Pour Mme Sawyer, l’efficacité et l’équité des systèmes de santé peuvent être améliorées au moyen d’une prise de décisions fondée sur des données pour recenser et hiérarchiser les besoins essentiels. Grâce à ce type d’action, le retour sur investissement de la prévention et de la maîtrise des maladies non transmissibles, par exemple, dépasse largement le coût des interventions, a-t-elle relevé, ajoutant que l’accroissement de l’efficacité de la gestion de la chaîne d’approvisionnement et des achats peut également se traduire par des gains importants pour les systèmes de santé. À ce sujet, elle a fait état d’initiatives lancées pour réduire le coût des médicaments et des vaccins en groupant les achats.
Garantir une couverture sanitaire universelle
Le lien entre bonne santé et développement a été abordé par le responsable de l’unité développement Chef par intérim du Service de la population et du développement du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), selon qui promouvoir la couverture sanitaire universelle est la meilleure solution pour réduire les problèmes de santé et jeter les bases d’une productivité économique pour toute société.
M. Alessio Cangiano a cependant constaté que, depuis 2000, les dépenses de santé publique en proportion du PIB tendent à stagner voire reculer. Tout aussi inquiétantes, les décisions de pays donateurs de réduire drastiquement leur aide publique au développement (APD) aura des effets importants en termes de santé, a-t-il prévenu, avant d’appeler les États concernés à optimiser leurs efforts en la matière, tout en rectifiant l’équilibre entre aide humanitaire et aide au développement. Si l’APD représentait 13% des dépenses totales de santé dans les pays à faible revenu il y a 20 ans, elle représente maintenant plus de 30%, a fait remarquer le responsable du FNUAP, encourageant les gouvernements de ces pays à adopter des stratégies multiples pour financer durablement leurs systèmes de santé et garantir une couverture sanitaire universelle.
Appelant de son côté à renforcer le financement de la santé pour éliminer les obstacles à l’accès aux services de santé essentiels et les conséquences paupérisantes des dépenses de santé à la charge des ménages, la Directrice, Santé sexuelle et reproductive, et recherche à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Mme Pascale Allotey, a averti que la diminution de l’aide internationale mondiale à la santé dans les pays à revenus faible et intermédiaire de la tranche inférieure pourrait encore aggraver les difficultés que connaissent ces derniers en termes de coûts de santé.
Parmi les autres priorités, Mme Allotey a cité l’augmentation du nombre de personnels de santé et de soins, passant de 10 millions à 11,1 millions dans le monde; l’exploitation accrue du potentiel des données, de la santé numérique et de l’intelligence artificielle pour améliorer équitablement le lettrisme en santé, ainsi que l’efficacité et la qualité des services de santé; et l’amélioration de l’accès aux services de santé de base dans les contextes fragiles, touchés par des conflits et vulnérables, où vivront 60% des personnes les plus pauvres du monde d’ici à 2030 et où se situe la moitié de la mortalité maternelle.
Les États Membres en quête de solutions
Le dialogue interactif avec les États Membres a donné lieu à des interventions d’une grande variété, en fonction du niveau de développement des États représentés. « À l’échelle mondiale, nous avons les mêmes objectifs, malheureusement nous n’avons pas les mêmes moyens, c’est là le problème », a pointé la Gambie, non sans relever que le budget de santé d’un pays développé est souvent plusieurs fois supérieur au budget global d’un pays en développement. Que fait l’OMS pour fournir un accès à la santé, aux médicaments et aux équipements médicaux vitaux? a interrogé la délégation.
À l’instar des Philippines, qui ont fait état du vieillissement de leur population en raison des effets conjugués de la baisse de la fertilité et de l’augmentation de l’espérance de vie, l’Indonésie a mis en avant sa politique en matière de santé qui inclut toutes les personnes, à toutes les étapes de leur vie. L’accent est également mis sur les maladies non transmissibles et la santé mentale, a expliqué la délégation, rejointe sur ce point par la Serbie, qui a dit avoir lancé en 2019 un programme de santé mentale visant toutes les générations, avec comme priorité l’exercice des droits humains des personnes âgées.
Comme d’autres pays du Sud, le Paraguay a détaillé les efforts qu’il déploie pour venir en aide sur le plan sanitaire aux populations vulnérables, qu’il s’agisse de migrants, de personnes âgées ou encore d’enfants défavorisés. Il a évoqué en particulier son programme d’alimentation des enfants vulnérables en milieu scolaire, évoquant des résultats prometteurs.
Ce matin, en début de séance, la Commission a élu par acclamation Mmes Stefany Romero Veiga (Uruguay), Joselyne Kwishaka (Burundi) et Galina Nipomici (République de Moldova) aux fonctions de Vice-Présidentes pour cette cinquante-huitième session, Mme Kwishaka assumant en outre la responsabilité de rapporteuse. La Commission a également adopté son ordre du jour provisoire (E/CN.9/2025/1)avant d’approuver la proposition d’organisation de ses travaux (E/CN.9/2025/L.1/Rev.1).
Elle poursuivra ses travaux jusqu’au vendredi 11 avril.
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