En cours au Siège de l'ONU

Soixante-neuvième session
17e séance plénière - après-midi
FEM/2247

La Commission de la condition de la femme dialogue avec des expertes sur l’importance de l’environnement et de sociétés pacifiques inclusives

La Commission de la condition de la femme a poursuivi, cet après-midi, sa série de dialogues interactifs avec des expertes, le premier sur le thème « Préservation, protection et régénération de l’environnement », le second consacré aux « sociétés pacifiques et inclusives ».

Table ronde 1: Préservation, protection et régénération de l’environnement

Pour parvenir à un développement durable, il est essentiel d’assurer la participation égale des femmes dans les économies verte et bleue, ainsi que d’augmenter le financement d’une lutte contre les changements climatiques sensibles au genre.  C’est sur la base de ces recommandations que le premier dialogue interactif a mis en évidence les bonnes pratiques pour accélérer l’adoption d’une réponse environnementale coordonnée sensible au genre, tout en examinant les lacunes dans les efforts de résilience à la crise climatique planétaire, à la perte de biodiversité et à la pollution.  Personne ne doit être laissé pour compte dans la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing et la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), ont martelé les délégations et les intervenantes de la société civile. 

Mme Manasiti Omar, fondatrice et Présidente-Directrice générale de Spring of the Arid and Semi-arid lands au Kenya, a rappelé les obstacles que rencontrent les femmes et les filles autochtones dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du financement et du leadership avant d’appeler à l’action.  Ainsi, elle a demandé des bourses d’études et des formations techniques pour les jeunes filles.  Elle a plaidé pour que les initiatives menées par les jeunes femmes en matière de climat bénéficient de financements fiables.  Enfin, elle a prié de veiller à ce que les jeunes femmes ne soient pas seulement présentes dans les espaces de prise de décisions en matière de climat, mais qu’elles aient aussi le pouvoir de les façonner. 

C’est une synergie qu’il faut pour réaliser les ODD, a enchaîné Mme Astrid Puentes Riaño, Rapporteuse spéciale sur le droit humain à un environnement propre, sain et durable, en dénonçant une compartimentalisation des actions.  Elle a ainsi plaidé pour une intégration systématique des droits humains dans toutes les activités visant le développement durable, arguant que cela permet d’assurer le respect de ces droits par les États, y compris le droit à un environnement sain.  De plus, elle a réclamé des cadres juridiques en matière d’environnement qui soient sensibles au genre.  La voix des femmes, notamment celle des femmes autochtones, doit être entendue dans l’élaboration des lois et des rapports, a encore recommandé l’oratrice. 

« Je vois rouge », a déclaré à son tour Mme Sascha Gabizon, Directrice exécutive du réseau international Women Engage for a Common Future, en exprimant sa colère à cause de la lenteur de la transition climatique et des conséquences des trois crises interconnectées (changements climatiques, perte de biodiversité et pollution).  En outre, s’est-elle indignée, les régimes autoritaires tentent de réduire au silence et de criminaliser les militantes du climat et les défenseuses des droits environnementaux.  Elle a donné l’exemple du Gouvernement des Pays-Bas qui a fait reculer les lois et les institutions relatives à l’égalité des sexes et qui a réduit au silence les féministes et la société civile en adoptant une loi sur les « agents étrangers ».  Cette tactique inspire aujourd’hui d’autres pays, qui ciblent les défenseurs des droits humains et de l’environnement.  Les vrais criminels sont les entreprises de combustibles fossiles, responsables des changements climatiques.  La moitié des émissions mondiales de CO2 proviennent de seulement 36 entreprises de combustibles fossiles. 

« Les gouvernements antidroits, comme celui de mon pays [Pays-Bas], détruisent des décennies de progrès en matière de droits humains et d’environnement », s’est-elle encore insurgée en soulignant notamment les coupures dans le financement de l’action climatique. Chaque année, a-t-elle aussi signalé, quelque 700 milliards de dollars sont consacrés aux subventions aux combustibles fossiles, tandis que les milliardaires produisent plus de carbone en 90 minutes que chacun d’entre nous dans toute notre vie.  La triple crise planétaire des changements climatiques, de la perte de biodiversité et de la pollution ne peut être résolue sans défendre l’égalité des sexes et le leadership féministe, a-t-elle conclu en appelant les États Membres à veiller à ce que l’espace civique et les droits humains soient au cœur de leur travail au cours des cinq prochaines années. 

C’est aussi une politique d’autonomisation des femmes et une stratégie d’intégration de la dimension de genre qui est nécessaire pour préserver l’environnement, a fait valoir Mme Valbona Mazreku, fondatrice et Directrice de Milieukontakt Albania.  Elle a donné l’exemple d’agricultrices albanaises qui ont développé des parcs solaires et qui ont ainsi inspiré d’autres citoyens à utiliser l’énergie renouvelable.  Elle a aussi expliqué que son ONG investit dans l’autonomisation des femmes entrepreneures en leur donnant une formation sur les technologies photovoltaïques et des modèles d’affaires durables.  De plus, elle déploie pour les jeunes et les étudiants le programme « Énergie renouvelable: la voie vers un avenir durable » visant à encourager les femmes à participer dans le secteur de l’énergie. 

Mme Yuli Velázquez, Directrice de la Fédération des pêcheurs artisanaux, environnementaux et touristiques de Santander, en Colombie, a, elle, encouragé les femmes à continuer de dénoncer la pollution de l’eau et à défendre cet élément vital pour les pêcheurs, hommes et femmes.  Elle a réclamé la justice environnementale pour protéger des vies et l’environnement. Elle a incité à s’insurger contre l’impunité accordée aux criminels environnementaux.  Les femmes autochtones veulent rester sur leurs territoires pour pouvoir transmettre aux générations futures leurs savoirs ancestraux en matière de pêche artisanale, a-t-elle expliqué, signalant que la pêche est la première activité économique de la Colombie avant le pétrole qui est un secteur dans lequel les femmes n’ont aucune compétence. 

À la suite de ces interventions, de nombreuses délégations ont énuméré les mesures prises au niveau national pour préserver et protéger l’environnement, comme le Venezuela qui a appelé à lever les sanctions internationales frappant son pays qui l’empêchent de prendre des mesures pour protéger l’environnement.  Le Brésil a souligné le rôle moteur de son pays au niveau mondial dans la lutte contre les changements climatiques, invitant les gouvernements et les autres parties prenantes à venir nombreux à la COP25 sur le climat qu’il accueillera cette année.  De son côté, Cuba a parlé de son plan d’incitation de la population et des scientifiques à s’impliquer dans la lutte climatique et à renforcer la résilience climatique.  Les femmes sont responsables de centres d’alerte précoce dans tout le pays, a ajouté Cuba.  Quant aux Philippines, elles investissent dans la protection de l’environnement y compris dans les territoires autochtones.  Les femmes et les filles philippines sont d’ailleurs consultées dans l’élaboration de feuille de route nationale sur la question.

Une représentante des femmes autochtones a plaidé pour le droit à la terre des femmes grâce auquel elles peuvent défendre l’environnement.  Elle a demandé un engagement collectif en faveur du droit à la terre et aux ressources naturelles pour plus de 100 millions de femmes autochtones dans le monde. « L’heure est venue de joindre la parole aux actes: ces droits doivent être promus contre vents et marrées. »  L’Iraq a pour sa part fait valoir sa stratégie nationale de l’environnement et assuré que les femmes participent à sa mise en œuvre.  Au Kenya, la Constitution jette les bases de la protection de l’environnement et de la participation des femmes dans ce domaine. Le Gouvernement kényan a développé une action climatique qui tient compte de l’impact des changements climatiques sur les femmes.  Il a lancé l’initiative « 2 milliards d’arbres » et un plan d’investissement énergétique visant l’indépendance énergétique à moyen terme.  L’Ukraine a pour sa part dénoncé les conséquences de l’agression de la Russie sur ses sols, empoisonnés, sur sa biodiversité, détruite, et sur ses terres, minées.  Ainsi, le Gouvernement a lancé le plus grand plan de restauration écologique d’Europe comprenant notamment des plans de régénération des forêts, de restauration des sols et de déminage.  Les femmes participent activement à ce plan.  Enfin, Human Rights Now a demandé aux États Membres de mettre en œuvre les recommandations des rapporteurs spéciaux pour chaque pays. 

Table ronde 2: Des sociétés pacifiques et inclusives

Cet échange visait à réfléchir aux moyens de promouvoir un maintien de la paix, une consolidation de la paix et une imposition de la paix qui soient véritablement inclusifs et tiennent compte de l’égalité des sexes, selon les mots de la modératrice, Mme Awa Dabo, Directrice et Cheffe adjointe du Bureau d’appui à la consolidation de la paix des Nations Unies.

Les études à cet égard sont formelles, a souligné Mme Sarah Hendriks, Directrice de la Division des politiques, des programmes et des affaires intergouvernementales d’ONU-Femmes.  « Lorsque les femmes siègent à la table de négociation, il a été prouvé que les accords de paix sont plus pérennes, plus inclusifs et bien plus susceptibles d’être mis en œuvre », a-t-elle souligné.

Pourtant, malgré ces preuves irréfutables, le pourcentage de femmes dans les négociations de paix stagne à 10% depuis près d’une décennie.  Quoiqu’indignée par ce constat, la panéliste s’est déclarée convaincue que cette situation n’est pas pour autant inéluctable.  Elle a appelé à faire fond sur le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, « véritable feuille de route pour parvenir à un monde qui fait le choix du dialogue plutôt que de la destruction, le choix de l’inclusion plutôt que de l’exclusion et le choix de la paix plutôt que de la guerre ». 

Pour promouvoir cet objectif, faire entendre les voix des femmes et faire en sorte qu’elles soient écoutées, ONU-Femmes a noué, l’an dernier, des partenariats avec plus de 30 États Membres, a précisé Mme Hendricks.  À l’instar des autres intervenantes, elle a estimé que cet effort d’inclusion impose d’éliminer les obstacles à la participation des femmes aux processus de paix, de financer directement les organisations de la société civile dirigées par des femmes et de protéger celles qui prônent la paix et les droits humains.

Pour avoir vécu la guerre d’indépendance de son pays en 1991, Mme Darja Bavdaž Kuret, ambassadrice itinérante pour les femmes, la paix et la sécurité de Slovénie, a consacré sa carrière à défendre la paix, « valeur ultime de notre monde », selon elle.  Or, comme l’a rappelé Mme Hendriks, 612 millions de femmes vivent aujourd’hui en situation de conflit armé, soit 50% de plus qu’il y a 10 ans. 

Compte tenu de cette tendance plus qu’alarmante, la Slovénie et la Norvège misent sur une politique étrangère féministe.  Ainsi Mme Kuret a-t-elle expliqué que l’intégration du programme pour les femmes et la paix et la sécurité aux travaux du Conseil de sécurité est une priorité de son pays, membre élu de l’organe pour la période 2024-2025.  Que ce soit en Afghanistan ou à Gaza, les femmes doivent être associées aux processus d’aide humanitaire, de relèvement et de paix, a-t-elle exigé, avant de plaider également pour plus d’investissements dans les défenseuses des droits humains. C’est dans cet esprit que la Slovénie soutient la campagne mondiale « Investir dans les femmes » financée par le Fonds de consolidation de la paix.

Abondant dans le même sens, Mme Anne M. Havn, conseillère à la Mission permanente de la Norvège, a affirmé sans ambages que « sans inclusion, il n’y aura pas de paix pérenne ».  Bien qu’il existe un cadre normatif de qualité sur lequel on peut s’appuyer, à savoir la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, sa mise en œuvre laisse à désirer, a-t-elle déploré en témoignant de sa propre expérience de « boys club » dans les négociations de paix.

Parmi les panélistes de la société civile, Mme Pascale Solages, d’Haïti, cofondatrice et Directrice exécutive de l’ONG Nègès Mawon, Mme Maria Victora « Mavic » Cabrera-Balleza, des Philippines, Présidente-Directrice générale de Global Network of Women Peacebuilders (« Réseau mondial des femmes bâtisseuses de paix »), et Mme Khouloud Baghouri, de la Tunisie, membre de Young Women Peacebuilders Network (« Réseau des jeunes femmes bâtisseuses de paix »), sont venues apporter leurs éclairages. 

Mme Baghouri a notamment insisté sur l’intersection entre le programme pour les femmes et la paix et la sécurité et celui pour les jeunes, revendiquant la place qui doit revenir aux jeunes femmes -40% de la population mondiale- à la table de négociation pour modeler des accords de paix plus inclusifs.  À ce jour, ont regretté ces trois intervenantes, les femmes restent sous-représentées et marginalisées dans la sphère politique et dans les mécanismes de justice transitionnelle et de réforme constitutionnelle.  Or, ce n’est qu’en étant aux commandes que les choses pourront changer.

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