Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial du Secrétaire général s’alarme des ambitions politiques et sécuritaires concurrentes dans la région des Grands Lacs
Cet après-midi, au Conseil de sécurité, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs a mis en garde contre les ambitions politiques et sécuritaires concurrentes qui secouent la région, où les conséquences du conflit en République démocratique du Congo (RDC) se font partout ressentir, alors que se multiplient les initiatives diplomatiques pour y mettre fin.
« Ce que nous avons observé à ce jour, c’est une compétition d’ambitions politiques et de sécurité ouvertement proclamées le long des zones d’intérêt stratégiques, entretenues par l’existence de multiples groupes armés, l’exploitation illégale des ressources naturelles, mais aussi l’absence de l’autorité de l’État dans ces zones », a expliqué M. Xia Huang, venu présenter le rapport semestriel du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région.
Le haut fonctionnaire a regretté que, malgré les injonctions du Conseil de sécurité, des organisations régionales et sous-régionales africaines, de l’Union européenne, et les restrictions et mesures de sanction prises jusqu’à présent, les combats se poursuivent dans l’est de la RDC, où l’Alliance Fleuve Congo/M23 n’a cessé de poursuivre son expansion territoriale, avec un appui extérieur. Les violations du droit international et des droits humains sont légion, et la crise humanitaire ne cesse de s’aggraver, tant en RDC que dans certains pays voisins, notamment au Burundi, en Ouganda et au Rwanda.
La Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Catherine Russell, a confirmé que, depuis janvier, plus d’un million de personnes, dont 400 000 enfants, avaient été déracinées, venant s’ajouter aux 5 millions déjà présentes dans des camps de déplacés. Les mineurs représentent plus de 40% des près de 10 000 cas de viols et de violences sexuelles signalés pour les seuls mois de janvier et février. « L’UNICEF estime que pendant la phase la plus intense du conflit de cette année dans l’est de la RDC, un enfant a été violé toutes les demi-heures », a révélé Mme Russell, suscitant des condamnations vigoureuses, dont celle de la France.
Surenchère d’initiatives diplomatiques
L’Envoyé spécial a invité à redoubler d’efforts pour que les récentes avancées politiques et diplomatiques, notamment les processus de paix de Nairobi et de Luanda, la feuille de route des chefs d’État de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) le 24 mars dernier, débouchent sur « un mouvement irréversible vers la paix ». Outre ces initiatives, il a cité la rencontre initiée le 18 mars à Doha par l’Émir du Qatar entre les Présidents de la RDC et du Rwanda, ainsi que la reprise des échanges entre les services de sécurité du Burundi et du Rwanda. Comme les États-Unis, M. Xia a également salué la nouvelle disposition affichée par le Gouvernement congolais à engager un dialogue direct avec le M23, tout en soulignant la nécessité de bien coordonner ces multiples efforts régionaux et internationaux. Chef de file du processus de Nairobi, le Kenya a souligné la primauté du processus unifié de Nairobi-Luanda, rappelant que les efforts des partenaires internationaux, notamment du Qatar, devaient compléter, et non supplanter, le cadre africain. Pour le Ministre des relations extérieures de l’Angola, M. Téte António, la révision en cours de l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), que son pays préside actuellement, devra contribuer efficacement à l’objectif de mettre fin aux conflits sur le continent d’ici à 2030.
Pour la Ministre des affaires étrangères de la RDC, rien n’a changé depuis l’adoption de la résolution 2773 (2025), qui demande au M23 de cesser immédiatement les hostilités, de se retirer de Goma, de Bukavu et de toutes les zones sous son contrôle, et à la Force de défense rwandaise de cesser de soutenir ce groupe armé et de se retirer immédiatement de la RDC. Mme Thérèse Kayikwamba Wagner a donc préconisé l’imposition de sanctions à la chaîne de commandement des forces armées et aux décideurs politiques rwandais. La cheffe de la diplomatie congolaise a également demandé la révocation du statut de pays contributeur de troupes du Rwanda et un embargo sur les minerais issus de l’exploitation illégale des ressources en RDC, ainsi qu’un régime de notification obligatoire sur les transferts d’armes à destination de Kigali. Mme Wagner a appelé le Conseil de sécurité à mettre sur pied sans délai les organes chargés de sa vérification, à prendre des sanctions ciblées le cas échéant et à mettre en place un mécanisme de suivi garantissant l’établissement des responsabilités et la cohérence de la réponse internationale.
Réaffirmant son « engagement sincère » en faveur de la paix et de la coopération régionales, le Rwanda a désigné les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) comme la plus grande menace pour la sécurité régionale. « Malgré les 20 résolutions du Conseil de sécurité appelant à leur désarmement et à leur démantèlement depuis 2003, les FDLR continuent aujourd’hui de recruter et de se livrer à des atrocités. » Un groupe armé « génocidaire » qui a été intégré aux forces armées congolaises, compromettant non seulement la stabilité régionale, mais aussi le respect de l’Accord-cadre lui-même, a accusé la délégation. Pour inverser cette dynamique, il a demandé au Conseil de veiller à ce que les FDLR et les groupes dissidents soient neutralisés et désarmés, et les discours de haine qui alimentent la persécution des communautés tutsies congolaises condamnés. Le Rwanda a en outre exigé que la RDC cesse de faire de lui « le bouc émissaire de ses propres problèmes », un appel repris à son compte par la Fédération de Russie, pour qui « Kinshasa doit cesser de soutenir les FDLR ».
Au nom des A3+ –Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana–, la Somalie a souhaité la reprise d’un dialogue inclusif afin de désamorcer les tensions entre les parties. Elle a également appelé à la revitalisation de l’Accord-cadre, exhortant tous les signataires à cesser immédiatement tout soutien aux groupes armés qui opèrent dans la région et à mettre fin à l’exploitation illicite des ressources naturelles. La Grèce et la République de Corée ont souligné l’importance du processus régional, saluant la désignation de M. Faure Gnassingbé, le Président du Togo, comme nouveau médiateur de l’Union africaine. Les États-Unis ont plaidé pour que les auteurs de violations des droits humains soient traduits en justice. Pour la Chine, partisane des « solutions africaines aux problèmes africains », le cessez-le-feu doit être décrété dans les meilleurs délais, « sans quoi une paix durable restera une illusion ».
Alors que la Directrice générale de l’UNICEF demandait 57 millions de dollars pour financer une aide d’urgence aux enfants de l’est de la RDC au cours des trois prochains mois, le Royaume-Uni a préconisé une meilleure coordination entre l’ONU et les donateurs pour qu’elle parvienne aux populations qui en ont le plus besoin.
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