Conseil de sécurité: le Représentant spécial s’inquiète de la détérioration rapide de la situation politique et sécuritaire au Soudan du Sud
Le Représentant spécial pour le Soudan du Sud, M. Nicholas Haysom, s’est alarmé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, de la détérioration « rapide » de la situation politique et sécuritaire dans ce pays, en y voyant une « sombre réminiscence » des conflits de 2013 et de 2016. Les délégations ont largement partagé son inquiétude et appelé les parties à respecter l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud de 2018.
Le Représentant spécial a tout d’abord évoqué les tensions croissantes entre les deux principales parties dudit Accord. Ces tensions ont dégénéré en une confrontation militaire directe, l’élément déclencheur ayant été les récents évènements dans l’État du Haut-Nil, a-t-il expliqué. L’Armée blanche, constituée de jeunes locaux armés, a en effet pris le contrôle de la caserne des Forces sud-soudanaises de défense du peuple à Nasser.
Le 7 mars, a poursuivi M. Haysom, un hélicoptère de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), qu’il dirige, a été la cible d’attaques provoquant la mort d’un membre d’équipage appartenant à la MINUSS et de plusieurs membres des Forces sud-soudanaises de défense du peuple. « Depuis, nous assistons à une inquiétante spirale négative avec une mobilisation accrue de l’Armée blanche et des Forces sud-soudanaises de défense du peuple dans le Haut-Nil. »
Le Représentant spécial a indiqué que le déploiement des forces ougandaises à la demande du Gouvernement sud-soudanais alimente les peurs. M. Haysom a également évoqué la révocation de responsables du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (M/APLS dans l’opposition) par le Président Salva Kiir Mayardit, ainsi que l’arrestation du Premier Vice-Président Riek Machar. « Il s’agit d’un nouveau point critique dans les relations entre les deux parties. »
Fort de ce constat, M. Haysom a appelé à des efforts nationaux et internationaux pour assurer une cessation des hostilités, préserver l’intégrité de l’Accord revitalisé et prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux cycles constants de transitions incomplètes au Soudan du Sud. « Il suffit de regarder de l’autre côté de la frontière au Soudan pour voir comment un pays peut rapidement sombrer dans un conflit catastrophique. »
De son côté, Mme Jackline Nasiwa, fondatrice et Directrice exécutive du Center for Inclusive Governance, Peace and Justice, a souligné l’urgence de trouver une solution politique au conflit persistant qui déchire son pays. Cette crise compromet tout ce que nous espérions de la période de transition, à savoir la justice, l’élaboration d’une constitution, la réforme du secteur de la sécurité et les préparatifs des élections démocratiques de 2026, a-t-elle constaté. Mme Nasiwa a exhorté le Conseil à faire pression sur les parties afin qu’elles se réengagent à respecter l’Accord revitalisé.
La situation humanitaire très critique au Soudan a été largement évoquée, notamment par Mme Edem Wosornu, Directrice des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Celle-ci a précisé que 9,3 millions de Sud-Soudanais, soit les trois quarts de la population, ont besoin d’une aide humanitaire. Les violences qui ont ravagé l’État du Haut-Nil ont causé le déplacement de 130 000 personnes, dont plusieurs milliers auraient traversé la frontière vers l’Éthiopie, a-t-elle précisé.
Mme Wosornu a relevé que cette montée de la violence et des déplacements a accru l’exposition des femmes et des filles à la violence sexiste et à l’exploitation. « Dans ces conditions, l’accès humanitaire reste trop limité pour atteindre les personnes dans le besoin et les fournitures médicales essentielles s’épuisent rapidement, sur fond d’épidémie de choléra en cours. » Selon nos estimations, 650 000 enfants de moins de 5 ans risquent de souffrir de malnutrition aiguë sévère cette année, a-t-elle averti.
Les interventions des délégations ont été d’une même tonalité, la France jugeant la situation au Soudan du Sud inquiétante. « Il faut éviter que la situation ne dégénère et la France se joint aux appels à la désescalade et au dialogue des pays de la région, des organisations régionales, des Nations Unies et de la communauté internationale. » La France, appuyée par la Chine notamment, a exhorté les parties à revenir à l’Accord revitalisé et à se conformer à sa lettre comme à son esprit. « Nous soutenons l’appel de l’Union africaine à la libération de M. Machar. »
Le processus de paix s’effondre au Soudan du Sud, ont tranché les États-Unis, en déplorant, à l’instar du Royaume-Uni, l’arrestation de M. Machar. Cette délégation a mis en garde contre les risques d’un conflit à grande échelle et exhorté les parties à respecter l’Accord revitalisé. Le Conseil doit faire pression sur les autorités sud-soudanaises à cette fin, ont déclaré les États-Unis. La République de Corée a exhorté les parties, en particulier le Président Kiir, à cesser immédiatement les hostilités et à engager un dialogue constructif et direct.
Même son de cloche du côté de la Sierra Leone qui, au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), a exhorté les dirigeants du pays à s’engager dans un dialogue politique inclusif et direct pour résoudre leurs différends, conformément à l’Accord revitalisé. Les dirigeants sud-soudanais doivent par ailleurs veiller à ce que des élections générales puissent se tenir en décembre 2026, a déclaré la Sierra Leone, en appelant la communauté internationale à mobiliser les ressources nécessaires à cette fin.
Une note quelque peu divergente est venue de la Fédération de Russie qui a estimé que la situation est « sous le contrôle du Gouvernement actuel ». Elle s’est référée aux paroles du Président Kiir qui a en effet assuré qu’il ne laisserait pas le pays sombrer dans une nouvelle guerre civile. Dans ce contexte, le rôle du Conseil est de soutenir les efforts de stabilisation des autorités, plutôt que d’exercer des pressions inutiles, a argumenté la Russie. La délégation russe s’est par ailleurs alarmée des informations selon lesquelles le territoire du Soudan du Sud servirait de « tremplin » pour soutenir l’une des parties au conflit du Soudan voisin. La Chine s’est également inquiétée des risques de contagion.
« Mon pays fera tout pour mettre pleinement en œuvre l’Accord revitalisé et rester sur la voie de la transition démocratique », a réagi la déléguée du Soudan du Sud. Face aux effets catastrophiques de la violence intercommunautaire et des activités de groupes armés, le Gouvernement a renforcé ses patrouilles et déployé des tribunaux mobiles pour garantir la justice et l’application du principe de responsabilité, a-t-elle précisé, faisant également état de nouveaux cadres légaux pour « avancer ensemble ».
Elle a toutefois reconnu que les « fantômes du passé » restent présents, comme l’atteste l’arrestation du Vice-Président Machar et d’autres personnalités. « Mais le Président Kiir a assuré que nous ne pouvons pas nous permettre de retomber dans le conflit », s’est-elle empressée d’ajouter, affirmant que le Gouvernement ne laissera pas ces problèmes saper les aspirations à long terme de son peuple. Enfin, elle a assuré que le Soudan du Sud, résolu à mettre en œuvre l’Accord revitalisé, continue d’avancer.
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