En cours au Siège de l'ONU

9892e séance – matin
CS/16039

Conseil de sécurité: outre la surveillance du cessez-le-feu, la compréhension du terrain et l’action rapide sont attendues des opérations de maintien de la paix

Le Conseil de sécurité a tenu, ce matin, sa réunion annuelle avec les chefs des composantes militaires des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, avec un intérêt marqué pour la connaissance du terrain et le renseignement via les technologies, afin de pouvoir agir efficacement dans le cadre de la surveillance du cessez-le-feu.  En effet, si cette surveillance est « l’une des tâches et compétences fondamentales les plus anciennes des opérations de maintien de la paix des Nations Unies », comme l’a rappelé le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, elle ne se limite plus à une simple présence; il s’agit de comprendre et d’agir rapidement sur le terrain.

Dans des environnements opérationnels de plus en plus changeants et souvent caractérisés par des menaces hybrides, les délégations ont donc tout naturellement appuyé l’utilisation des technologies de pointe, tout en insistant sur une plus grande collaboration entre tous les acteurs du maintien de la paix, en particulier l’ONU et les parties impliquées - les belligérants et surtout le pays hôte. 

Selon M. Jean-Pierre Lacroix, la technologie peut aider à mettre en œuvre des stratégies cohérentes, fondées sur les principes de consentement, d’impartialité et de non-recours à la force.  Mais, a-t-il précisé, elle doit s’inscrire dans un processus politique marqué par le soutien unifié des États Membres, et en particulier du Conseil de sécurité. 

Les technologies, outil pour mieux surveiller et agir en conséquence

Au Département des opérations de paix, des plateformes intégrées permettent de suivre les violations du cessez-le-feu en temps quasi réel, tandis que les outils mobiles facilitent le signalement et la vérification rapides des incidents, a indiqué M. Lacroix en citant notamment la plateforme Unite Aware.  Selon lui, les efforts de surveillance futurs devront s’attaquer aux menaces qui dépassent les domaines physiques traditionnels.  Il a évoqué notamment les opérations d’influence, les cyberattaques et autres menaces hybrides qui remettent en question les modèles conventionnels et exigent des approches nouvelles et innovantes.

Pour innover, justement, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), chargée de maintenir la stabilité le long de la Ligne bleue, a besoin de capacités technologiques que peuvent apporter des drones, des radars au sol et des appareils photo de grandes surfaces, en complément du déploiement de longue durée des troupes, a plaidé le général de corps d’armée Aroldo Lázaro Sáenz, commandant de la force.  Il est certain, selon lui, que l’utilisation de la technologie renforcera la capacité de la Force à surveiller et à rendre compte des violations de la résolution 1701 (2006). 

La Fédération de Russie a observé à ce propos qu’au Liban, Israël n’a pas tenu compte de l’instauration du cessez-le-feu obtenu le 26 novembre 2024, mais a, au contraire, ciblé le territoire libanais.  La délégation a mentionné le rapport du Secrétaire général de l’ONU, publié en mars dernier, qui laisse voir que depuis la trêve, Israël a mené plus de 50 bombardements au nord de la Ligne bleue.

Rassurante, la délégation américaine a indiqué que les violences ont diminué de façon drastique depuis l’entrée en vigueur du mécanisme créé par les États-Unis, avec la participation de la France, qui fait le suivi de toutes les violations de l’accord entre Israël et le Liban.  D’ailleurs, avec l’appui de la FINUL, le mécanisme a contribué au déploiement de forces armées libanaises au sud du fleuve Litani, a-t-elle signalé.  La délégation des États-Unis a également apprécié que les avancées de l’intelligence artificielle puissent être des outils permettant aux États de prévoir et de prévenir des violations.

La France a fait remarquer que l’acquisition de ces technologies, comme des drones de dernière génération ou des caméras fixes, exige de doter les missions de maintien de la paix de ressources financières suffisantes et d’y mettre en place des programmes de formation.  Si les avantages apportés par ces technologies ont été reconnus par le Guyana, la délégation a attiré l’attention sur l’importance de veiller à ce que l’introduction des nouvelles technologies se fasse dans le respect des droits humains, du droit international et de la souveraineté des États hôtes. 

Un avis partagé par la Chine pour qui ces technologies, telles que les drones, doivent impérativement être utilisées dans le respect de la souveraineté du pays hôte.  La Sierra Leone a ajouté que l’appui du pays hôte et son engagement à l’égard du mandat de cessez-le-feu sont essentiels à la réussite de la mise en œuvre.

Les dangers de la désinformation/mésinformation

L’efficacité du contrôle du cessez-le-feu dépend précisément de la coopération et du consentement de l’État hôte et des populations locales, a relevé lui aussi le général de corps d’armée Ulisses De Mesquita Gomes, commandant de la force de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).  C’est pourquoi, a-t-il prescrit, il faut maintenir la confiance par le biais de la transparence, de la responsabilisation et d’une communication efficace.

Par ailleurs, a-t-il avancé, la collaboration avec les fournisseurs de télécommunications peut contribuer à la mise en place de systèmes d’alerte précoce mobiles, permettant aux civils de signaler rapidement et efficacement les violations du cessez-le-feu.  Cependant, il a rappelé que ces mêmes technologies de surveillance sont également utilisées par des groupes armés, des milices et des réseaux criminels.  Ces derniers mois, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), on a par exemple observé que des groupes armés utilisaient des drones à des fins de reconnaissance, ainsi que des applications de messagerie cryptées aux fins de coordination et de propagande, contournant ainsi les méthodes de surveillance traditionnelles. 

Le général Gomes a insisté à cet égard sur l’importance de la lutte contre la menace croissante de la mésinformation et de la désinformation, des fléaux qui sapent la crédibilité des missions de maintien de la paix et compromettent l’exécution de leurs mandats.  Pour y faire face, la MONUSCO a diffusé proactivement des preuves factuelles sur de multiples plateformes de communication.  Dans le cas de la FINUL également, la désinformation est une menace croissante, a témoigné le général Lázaro Sáenz.  Il est important selon lui que les acteurs gouvernementaux prennent également des mesures pour sensibiliser la population sur le rôle et le mandat de la FINUL, afin d’éviter les malentendus. 

De nombreuses délégations ont aussi évoqué cette question, dont le Royaume-Uni, qui a estimé que des technologies avancées, telles que les systèmes d’alerte précoce et une surveillance renforcée, peuvent contribuer à atténuer les menaces de la désinformation et de la mésinformation. 

La contribution d’acteurs régionaux et sous-régionaux

La surveillance du cessez-le-feu peut également bénéficier de la contribution d’acteurs régionaux et sous-régionaux, ont plaidé certains États. C’est ainsi que l’Algérie s’est dite convaincue que les acteurs régionaux comme l’Union africaine et les organisations sous-régionales disposent à la fois des capacités nécessaires et de la légitimité requise pour prêter appui aux Nations Unies dans l’exécution de ces mandats dans le cas de l’est de la RDC où la Communauté de l’Afrique de l’Est et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) remplissent les critères pour se voir confier un mandat de surveillance du cessez-le-feu.  C’est réalisable avec un appui logistique de l’ONU, a argumenté l’Algérie.  Pour le Pakistan, comme pour d’autres délégations, il ne faut pas perdre de vue que cette surveillance doit pouvoir servir les objectifs politiques. 

M. Lacroix a en outre exprimé sa gratitude à l’Allemagne qui accueille, le mois prochain, la réunion ministérielle sur le maintien de la paix de 2025.  Ce sera à son avis une occasion unique de tenir des discussions de haut niveau sur l’avenir du maintien de la paix et ses réformes.

 

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Opérations de maintien de la paix des Nations Unies

Exposé

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a d’emblée exprimé sa gratitude à l’Allemagne pour son accueil, le mois prochain, de la réunion ministérielle sur le maintien de la paix de 2025.  Ce sera une occasion unique de tenir des discussions de haut niveau sur l’avenir du maintien de la paix et ses réformes, a-t-il expliqué.

M. Lacroix est revenu sur « l’une des tâches et compétences fondamentales les plus anciennes des opérations de maintien de la paix des Nations Unies », à savoir la surveillance d’un cessez-le-feu ou d’une trêve. Le mandat initial des Casques bleus était d’assurer une observation impartiale, un compte rendu rigoureux et un soutien au renforcement de la confiance dans les processus politiques visant à résoudre pacifiquement les conflits.  M. Lacroix a fait observer qu’aujourd’hui, l’efficacité de la surveillance des cessez-le-feu repose essentiellement sur le strict respect des principes fondamentaux du maintien de la paix: consentement, impartialité et non-recours à la force, afin de garantir que les Casques bleus soient, à tout moment, perçus comme des observateurs crédibles et impartiaux, capables d’enregistrer et de signaler avec précision les incidents.

En outre, l’environnement opérationnel actuel est de plus en plus dynamique et souvent caractérisé par des menaces hybrides qui brouillent les frontières entre les domaines.  Dans ce contexte, la surveillance du cessez-le-feu ne se limite plus à une simple présence; il s’agit de comprendre et d’agir rapidement sur le terrain, a relevé le Secrétaire général adjoint.  Il a noté que la technologie peut aider à mettre en œuvre des stratégies cohérentes, fondées sur les principes de consentement, d’impartialité et de non-recours à la force.  Elle doit s’inscrire dans un processus politique soutenu par le soutien unifié des États Membres, et en particulier du Conseil de sécurité.

La Stratégie pour la transformation numérique du maintien de la paix des Nations Unies, déclinée dans le cadre d’Action pour le maintien de la paix Plus, vise à améliorer l’efficacité des missions en fournissant de meilleurs outils pour détecter rapidement les violations, coordonner efficacement les interventions et maintenir la confiance des communautés qu’elles servent.  Des plateformes intégrées permettent de suivre les violations du cessez-le-feu en temps quasi réel, tandis que les outils mobiles facilitent le signalement et la vérification rapides des incidents, a indiqué M. Lacroix.  La plateforme Unite Aware, par exemple, a transformé notre façon de surveiller les zones critiques, a-t-il relevé.  Selon lui, les efforts de surveillance futurs devront s’attaquer aux menaces qui dépassent les domaines physiques traditionnels.  Les opérations d’influence, les cyberattaques et autres menaces hybrides remettent en question nos modèles conventionnels et exigent des approches nouvelles et innovantes, a-t-il constaté.

M. Lacroix a en outre rappelé que le Pacte pour l’avenir a réaffirmé l’importance du maintien de la paix en tant qu’instrument des Nations Unies, soulignant la nécessité pour celui-ci de s’adapter « aux nouveaux défis et aux nouvelles réalités ».  Nous prenons déjà des mesures en ce sens, a-t-il assuré.  Il a enfin souligné que si le maintien de la paix peut faire partie intégrante d’un régime de surveillance du cessez-le-feu, le succès de tout cessez-le-feu relève de la seule responsabilité des parties.  Et le maintien de la paix ne peut jamais remplacer la volonté politique. 

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