Conseil de sécurité: la volonté du nouveau pouvoir syrien de détruire les restes d’armes chimiques du régime Al-Assad saluée comme une étape historique
À l’occasion de sa première séance d’information sur le dossier de l’élimination des armes chimiques en Syrie depuis la chute du régime de Bashar Al-Assad en décembre dernier, les membres du Conseil de sécurité ont pris acte, ce matin, de l’engagement pris par les nouvelles autorités du pays de détruire les restes du programme développé par le pouvoir déchu et de coopérer à cette fin avec le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Si tous ont salué cette évolution encourageante, la Chine et la Fédération de Russie ont dit compter sur une approche dépolitisée de l’OIAC pour clore le dossier. Un grand nombre de délégations ont par ailleurs condamné les actions militaires d’Israël en territoire syrien.
Dans son exposé, la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, a rappelé que, depuis la dernière réunion du Conseil sur cette question, une « nouvelle réalité politique » est apparue dans le pays. C’est à son avis l’occasion d’obtenir les éclaircissements attendus de longue date sur l’étendue et la portée du programme d’armes chimiques syrien, de débarrasser le pays de toutes les armes chimiques, de normaliser les relations avec l’OIAC et de garantir le respect à long terme de la Convention sur les armes chimiques.
« Détruire tout vestige du programme d’armes chimiques »
Saluant le fait que les nouvelles autorités ont exprimé « le désir et l’engagement d’entamer un nouveau chapitre de coopération avec l’OIAC » pour régler les 19 questions encore en suspens concernant la déclaration initiale de la Syrie, Mme Nakamitsu a rendu compte de la visite à Damas, le 8 février, du Directeur général de l’OIAC, M. Fernando Arias, et d’une délégation de haut niveau du Secrétariat technique de l’Organisation, à l’invitation du Ministre des affaires étrangères par intérim, M. Asaad al-Shaibani. Une visite au cours de laquelle le nouveau dirigeant de la Syrie, M. Ahmed al-Sharaa, a « donné l’assurance de l’intention des nouvelles autorités de coopérer avec l’OIAC ».
Après avoir pris note de la nomination par la Syrie d’un « point focal pour les questions liées aux armes chimiques » afin de faire avancer le plan d’action en neuf points élaboré par l’OIAC, Mme Nakamitsu s’est réjouie de la déclaration faite, mercredi dernier à La Haye, par le Chef par intérim de la diplomatie syrienne lors de la session de cette semaine du Conseil exécutif de l’OIAC, dans laquelle il a souligné l’engagement des nouvelles autorités à « détruire tout vestige du programme d’armes chimiques développé sous les autorités précédentes, à rendre justice aux victimes et à garantir le respect du droit international par la Syrie ».
La Haute-Représentante a constaté avec satisfaction que les nouvelles autorités syriennes et le Secrétariat technique de l’OIAC ont déjà commencé à œuvrer pour atteindre ces objectifs. Concrètement, elle a indiqué qu’une équipe d’experts techniques serait déployée à Damas dans les prochains jours pour préparer l’établissement de la présence physique permanente de l’OIAC en Syrie et les déploiements sur les sites d’armes chimiques.
Une occasion historique de clore ce dossier
Ces développements majeurs ont été jugés positivement par les membres du Conseil, mais à différents degrés. « C’est une opportunité à ne pas manquer », s’est enflammé le Panama, tandis que la République de Corée et la Slovénie évoquaient un « élan historique » à saisir par le nouveau pouvoir syrien pour traiter rapidement les questions restant en suspens en coopération avec l’OIAC. Un avis partagé par la Grèce, qui a invité le Conseil à faire fond sur cette nouvelle dynamique pour aboutir à des progrès tangibles, qui seraient les premiers depuis de nombreuses années.
« Nous avons l’occasion historique de clore un chapitre bien sombre et d’en ouvrir un autre », ont abondé les États-Unis, non sans rappeler que le Président Trump a répondu à l’emploi d’armes chimiques en Syrie par des frappes militaires en 2017, puis en 2018, aux côtés de ses alliés, la France et le Royaume-Uni. La délégation américaine a confirmé l’importance de la destruction de tous les restes du programme syrien sous supervision internationale, afin notamment que ces éléments ne tombent pas « entre de mauvaises mains ». Le risque que de telles armes ou leurs vecteurs soient disséminés et détenus par des acteurs non étatiques constitue une menace immédiate pour la paix et la sécurité internationales, a appuyé la France, elle aussi consciente de l’« opportunité historique » que présente la transition politique en Syrie pour progresser vers l’élimination de l’arsenal chimique de ce pays.
C’est avant tout une occasion de coopération « ouverte, transparente et constructive » entre l’OIAC et la Syrie qu’a soulignée l’Algérie, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), une coopération qui permette d’atteindre les objectifs fondamentaux de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques. Le Pakistan a insisté sur le devoir des nouvelles autorités de résoudre les questions en suspens et de permettre à l’OIAC d’effectuer, sans entrave, un contrôle de l’élimination des armes chimiques et des menaces de prolifération.
Des défis à relever et des soupçons de politisation à dissiper
« Nous ne devons pas sous-estimer l’ampleur de la tâche qui attend l’OIAC », a cependant averti le Danemark, relevant que plus de 100 sites doivent encore être inspectés, conformément à la résolution 2118 (2013) du Conseil. La mise en œuvre intégrale de ce texte impose de fournir l’assistance financière et technique requise par l’OIAC, a souligné le Royaume-Uni, avant de rappeler son appui financier, à hauteur de plus d’un million de dollars, aux missions de l’Organisation en Syrie depuis la chute de l’ancien régime.
À l’instar de la Chine, de la Fédération de Russie, du Pakistan, de la République de Corée ou encore de la Türkiye, invitée à cette séance, la délégation britannique s’est émue de l’activité militaire d’Israël en territoire syrien. Cela « risque de déstabiliser une situation sécuritaire déjà fragile », a-t-elle mis en garde, appelant toutes les parties à fournir les conditions de sécurité nécessaires pour que l’OIAC puisse mener à bien son travail. Son homologue turque a, elle, exhorté le Conseil à prendre des mesures immédiates et décisives contre les « actes expansionnistes et déstabilisateurs » d’Israël.
Elle aussi favorable à une clôture « dès que possible » du dossier des armes chimiques syriennes, la Chine a regretté que, par le passé, « des facteurs géopolitiques aient entravé la coopération entre la Syrie et l’OIAC ». Compte tenu des changements intervenus dans le pays, elle a encouragé le Secrétariat technique de l’Organisation à travailler « de manière technique et scientifique » avec les nouvelles autorités et d’éviter « toute politisation des questions pertinentes ». Plus offensive, la Fédération de Russie a déclaré « douter toujours de la capacité de l’OIAC à s’acquitter en toute honnêteté de ses fonctions purement techniques, vu le niveau de politisation de son travail depuis des années ».
De l’avis de la délégation russe, le Secrétariat technique a « porté atteinte à sa propre réputation en se livrant à des jeux politiques et des machinations, au risque de formuler des accusations creuses à l’encontre de l’ancien régime syrien ». Elle a donc recommandé à l’OIAC de se concentrer sur l’étude des données existantes, tout en estimant que, dans les conditions actuelles en Syrie, « la présence d’armes chimiques n’est absolument pas la priorité ».
La Syrie, prête à coopérer, espère une levée des sanctions
« Le programme d’armes chimiques et l’emploi qui en a été fait remonte à l’ancien régime », a fait observer le délégué syrien en se désolant que le nouveau Gouvernement syrien « hérite d’obligations juridiques découlant de violations qu’il n’a pas commises ». Il n’en a pas moins assuré de la « volonté indéfectible » des nouvelles autorités de coopérer avec l’OIAC, dans le cadre d’un « nouveau chapitre caractérisé par l’ouverture et la transparence » et destiné à régler toutes les questions en suspens pour arriver à clore ce dossier. Il a aussi réitéré l’engagement de son pays à sécuriser tous les matériaux d’armes chimiques pour qu’ils ne tombent pas dans de mauvaises mains.
Après avoir évoqué la première visite du Directeur général de l’OIAC et de l’Équipe d’enquête et d’identification à Damas, ainsi que les mesures à prendre pour mettre en œuvre le plan d’action, la délégation a répété que la Syrie souhaite une coopération fructueuse avec l’OIAC, mais « avec les droits et privilèges qui lui reviennent en tant qu’État partie à la Convention », lesquels ont été suspendus en 2021 en raison de violations répétées. Elle a formé le vœu que ces « mesures punitives » ainsi que les sanctions liées aux « pratiques de l’ancien régime » soient prochainement levées « car elles remontent à une ère qui n’a plus lieu d’être ».
Pour garantir l’application du principe de responsabilité, indispensable dans la transition actuelle, la délégation a assuré qu’elle continuera d’œuvrer pour la justice en faveur des victimes de l’ancien régime, notamment en établissant des instances pour « garantir que ces atrocités ne se produisent plus ». Enfin, après avoir remercié le Qatar pour avoir accepté de représenter temporairement la Syrie auprès de l’OIAC, elle a condamné à son tour les attaques menées par Israël contre plusieurs sites militaires et civils de son pays, expliquant que ces actions sont venues « compliquer la situation aux plans logistique et technique ».
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La situation au Moyen-Orient S/2025/127
Exposé
Mme IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe et Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a rappelé que, depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité sur la question de l’élimination des armes chimiques en Syrie, une « nouvelle réalité politique » est apparue dans le pays, après la chute en décembre dernier du régime de Bashar Al-Assad. Outre l’occasion historique de construire un avenir stable et pacifique pour le peuple syrien après 14 années de guerre brutale, cette nouvelle réalité permet, selon elle, d’envisager des éclaircissements attendus de longue date sur l’étendue et la portée du programme d’armes chimiques syrien, de débarrasser le pays de toutes les armes chimiques, de normaliser les relations avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de garantir le respect à long terme de la Convention sur les armes chimiques. « La Syrie a commencé à prendre des mesures en vue d’atteindre cet objectif », s’est-elle félicitée.
Soulignant l’importance de régler toutes les questions en suspens liées au dossier des armes chimiques de la Syrie, Mme Nakamitsu a rappelé que les autorités syriennes précédentes ont soumis 20 amendements à la déclaration initiale de la République arabe syrienne, sans que l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC n’ait jamais été en mesure de confirmer que cette déclaration soumise était exacte et complète, en raison des informations insuffisantes et inexactes qu’elle contenait. Au cours des 11 dernières années, l’Équipe a soulevé et signalé un total de 26 questions en suspens concernant la déclaration de la Syrie, dont 19 restent non résolues, a précisé la Haute-Représentante. Pour le Secrétariat technique de l’OIAC, a-t-elle relevé, le contenu de ces questions en suspens reste un motif de grave préoccupation car il concerne de grandes quantités d’agents de guerre chimique et de munitions chimiques potentiellement non déclarés ou non vérifiés. En outre, la mission d’établissement des faits de l’OIAC et l’Équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC ont documenté l’utilisation d’armes chimiques en Syrie et, dans un certain nombre d’incidents, identifié les Forces armées arabes syriennes comme étant les auteurs de ces actes.
Mme Nakamitsu a ajouté que, selon le Secrétariat technique de l’OIAC, il est « indéniable » que les autorités syriennes précédentes n’ont pas déclaré l’ampleur réelle du programme d’armes chimiques syrien et qu’elles ont continué à utiliser, et peut-être à produire, des armes chimiques après avoir adhéré à la Convention sur les armes chimiques en 2013. Qualifiant d’« extrêmement préoccupante » la situation laissée par les autorités syriennes précédentes, la haute fonctionnaire s’est déclarée encouragée par le fait que les nouvelles autorités aient exprimé « le désir et l’engagement d’entamer un nouveau chapitre de coopération avec l’OIAC » pour régler les questions en suspens. Ainsi, a-t-elle souligné, le 8 février, le Directeur général de l’OIAC et une délégation de haut niveau du Secrétariat technique de l’OIAC se sont rendus à Damas, à l’invitation du Ministre des affaires étrangères par intérim, M. Asaad Al-Shaibani. Au cours de cette visite, le Directeur général a également rencontré le dirigeant syrien, M. Ahmed al-Sharaa, qui a « donné l’assurance de l’intention des nouvelles autorités de coopérer avec l’OIAC ».
La Haute-Représentante a indiqué avoir ensuite été informée de la nomination par le Ministère syrien des affaires étrangères d’un « point focal pour les questions relatives aux armes chimiques », lequel s’est rendu à La Haye pour des réunions en personne avec le Secrétariat technique de l’OIAC sur la manière de faire avancer le « plan d’action en neuf points pour la Syrie » de l’OIAC. À cet égard, Mme Nakamitsu s’est réjouie de la déclaration faite mercredi dernier par le Ministre des affaires étrangères par intérim lors de la session de cette semaine du Conseil exécutif de l’OIAC, dans laquelle il a souligné l’engagement des nouvelles autorités à « détruire tout vestige du programme d’armes chimiques développé sous les autorités précédentes, à rendre justice aux victimes et à garantir le respect du droit international par la Syrie ». Constatant avec satisfaction que les nouvelles autorités syriennes et le Secrétariat technique de l’OIAC « ont déjà commencé à œuvrer pour atteindre ces objectifs », elle a indiqué que, dans les prochains jours, une équipe d’experts techniques sera déployée à Damas pour travailler à l’établissement de la présence physique permanente de l’OIAC en Syrie et commencer à planifier conjointement les déploiements sur les sites d’armes chimiques.
Si l’engagement pris par les autorités intérimaires en Syrie de coopérer pleinement et de manière transparente avec le Secrétariat technique de l’OIAC est « louable », « le travail qui nous attend ne sera pas facile », compte tenu des défis humanitaires, sécuritaires et de relèvement que connaît le pays, a reconnu l’intervenante, avant d’inviter la communauté internationale à fournir aux deux parties un soutien solide et des ressources supplémentaires. Exhortant les membres de ce Conseil à s’unir pour apporter le soutien que nécessitera cet « effort sans précédent », elle a assuré que l’ONU continuera de faire sa part pour faire respecter la norme interdisant l’utilisation d’armes chimiques « où que ce soit et à tout moment ».