En cours au Siège de l'ONU

9864e séance – matin 
CS/16001

Conseil de sécurité: malgré des foyers d’insécurité, la MINUSCA est engagée aux côtés de la République centrafricaine dans les préparatifs des élections de 2025

Ce matin, le Conseil de sécurité s’est penché sur la situation en République centrafricaine, où la Représentante spéciale du Secrétaire général pour ce pays a fait le point sur l’avancement des préparatifs des élections locales, législatives et présidentielle prévues cette année.  Mme Valentine Rugwabiza a vu dans la tenue de ces scrutins une occasion importante de consolider les progrès réalisés dans la consolidation de l’autorité de l’État et de jeter les bases d’une gouvernance décentralisée, mais aussi de s’attaquer aux causes profondes des conflits récurrents.

Dans ce contexte, les membres du Conseil ont salué le rôle crucial de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation dans ce pays (MINUSCA), que dirige Mme Rugwabiza, notamment pour renforcer l’implantation de l’État dans l’ensemble du pays.  La haute fonctionnaire a donc plaidé pour un soutien et des ressources suffisantes pour que la Mission puisse s’acquitter de son mandat, qui a été renouvelé en novembre dernier.

« Il est urgent d’allouer des ressources proportionnelles au mandat de la MINUSCA pour lui permettre de mettre en œuvre les tâches prioritaires qui lui ont été confiées », a exigé le Pakistan, dont un contingent de 1 300 soldats est déployé en République centrafricaine.  Il s’est inquiété de constater qu’au 4 févrierles contributions non versées au Compte spécial de la MINUSCA s’élevaient à 570,7 millions de dollars.  Reste que le travail accompli par le Gouvernement centrafricain et la MINUSCA dans le cadre de la première phase de la révision de la liste électorale dans 11 des 20 préfectures, fin 2024, a été salué unanimement.  À l’appui de cet effort, la France a alloué une contribution de 2 millions d’euros au fonds du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dédié aux élections.

Des élections locales libres, transparentes et inclusives ont été décrites comme une étape clef dans la décentralisation du processus de paix et l’affermissement de la démocratie dans le pays, les membres du Conseil insistant sur la nécessité de créer des conditions favorables à cet égard.  Les membres du Groupe des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana) ont encouragé le Gouvernement centrafricain à envisager de restructurer l’Autorité électorale nationale et le Conseil constitutionnel afin d’accroître l’inclusivité des scrutins à venir.

« En soutenant ce processus, la communauté internationale contribuera directement à la paix et au développement de notre pays », a déclaré le représentant centrafricain.  Aussi a-t-il appelé « certains des membres du Conseil de sécurité » à laisser de côté leurs considérations géopolitiques « qui ne nous concernent nullement et qui les poussent vaille que vaille à chercher une aiguille dans une botte de foin » et à continuer d’accompagner son pays dans cette dynamique démocratique.  Le délégué a appelé à une mobilisation internationale pour assurer la réussite du processus électoral et garantir que les Centrafricains puissent exercer leur droit de vote en toute sécurité.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont affirmé disposer d’informations selon lesquelles des agents russes envisageraient de s’ingérer dans les élections centrafricaines en cherchant à étouffer les voix de certains opposants politiques et en menant des campagnes de désinformation.  Des propos catégoriquement démentis par la Fédération de Russie, qui s’est étonnée que les délégations américaine et britannique s’efforcent de la noircir, un tableau « contredit par la réalité », alors qu’elle ne cherche qu’à aider la République centrafricaine dans un respect mutuel.

La Cheffe de la MINUSCA a concédé que des poches d’insécurité persistent dans le pays, en particulier dans les zones où des groupes armés se livrent à des opérations de prédation pour contrôler les sites miniers et les couloirs de transhumance.  Si la situation s’est améliorée dans l’ensemble du pays, elle reste fragile dans les zones frontalières, où la MINUSCA continue de coopérer étroitement avec le Gouvernement pour renforcer la présence et l’autorité effectives de l’État. Partageant ce constat, la France a mis l’accent sur l’impératif de mettre en œuvre la politique centrafricaine de gestion des frontières.  Comme le leur ont rappelé la délégation de ce pays et la Représentante spéciale, cela nécessite toutefois un soutien supplémentaire, en particulier dans le nord-est, déstabilisé par les retombées du conflit soudanais, avec la présence d’unités rebelles et des trafics d’armes et de métaux précieux.

Pour remédier à cette instabilité, « le développement est la voie à suivre », a fait valoir la Chine, qui, aux côtés des A3+ et de la Fédération de Russie, a salué la levée des sanctions s’appliquant au commerce de diamants centrafricains, une décision qui permettra au Gouvernement centrafricain de mieux mettre en œuvre le plan national de développement 2024-2028 et d’améliorer la situation économique en mobilisant des ressources additionnelles au service de ce plan.  Une nouvelle étape a été franchie avec la confirmation de notre statut de participant à part entière au Processus de Kimberley et la levée, en novembre 2024, de toutes les restrictions sur les exportations de ses diamants bruts, a confirmé à son tour la délégation centrafricaine, qui a fait état des efforts de son gouvernement pour renforcer le cadre réglementaire et améliorer les mécanismes de contrôle et de traçabilité.  « Cette avancée témoigne de ce qui peut être accompli lorsque les efforts nationaux sont soutenus sans instrumentalisation et sans mauvaise foi par une coopération internationale solide et une vision commune du développement durable et de la gouvernance des ressources naturelles », s’est félicité le représentant centrafricain. 

 

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La situation en République centrafricaine

Exposés

Mme VALENTINE RUGWABIZA, Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République centrafricaine (RCA) et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine, a condamné le décès tragique de Seifeddine Hamrita, un casque bleu tunisien de 29 ans qui faisait partie du contingent tunisien pris en embuscade près de Zobassinda, dans la préfecture de Bamingui-Bangoran, il y a neuf jours. Elle a réitéré son appel aux autorités centrafricaines pour qu’elles ne ménagent aucun effort afin d’enquêter et de traduire en justice ceux qui en sont responsables. 

Sur le plan politique, elle a rappelé qu’en 2025, la République centrafricaine organisera des élections locales, législatives et présidentielle, une occasion importante de consolider les progrès réalisés dans l’extension de l’autorité de l’État et de jeter les bases d’une gouvernance décentralisée, ainsi que de s’attaquer aux causes profondes des conflits récurrents en RCA. 

Elle a salué une dynamique positive alimentée par un engagement national soutenu et une collaboration renforcée avec la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), l’équipe de pays des Nations Unies et d’autres partenaires pour faire avancer la révision du fichier électoral.  En effet, la première phase de la révision de la liste électorale a été menée à bien dans 11 des 20 préfectures de la RCA, du 24 novembre 2024 au 20 décembre 2024, avec un soutien multiforme de la MINUSCA aux autorités nationales.  Avec 98% des centres d’inscription opérationnels, il a été possible d’inscrire plus de 570 000 nouveaux électeurs, a précisé la Représentante spéciale, saluant  l’engagement pris par les autorités nationales de rouvrir, au cours de la deuxième phase, les 58 centres d’inscription sur les 2 469 qui n’étaient pas opérationnels en raison de problèmes de sécurité. 

Sur le plan sécuritaire, la Cheffe de la MINUSCA a concédé que des poches d’insécurité persistent, en particulier dans les zones où des groupes armés se livrent à des opérations de prédation pour contrôler les sites miniers et les couloirs de transhumance, « une réelle préoccupation ».  Si la situation sécuritaire s’est améliorée dans l’ensemble de la RCA, elle reste fragile dans les zones frontalières où la MINUSCA continue de travailler en étroite collaboration avec le Gouvernement pour renforcer la présence et l’autorité effectives de l’État.  À ce titre, la mise en œuvre de la politique nationale de gestion des frontières de la RCA nécessite un soutien supplémentaire, a-t-elle insisté, notamment dans le nord-est, où les retombées du conflit au Soudan continuent de générer de l’instabilité.  Sur ce point, elle a salué les mesures positives prises par le Gouvernement pour renforcer sa coopération en matière de sécurité avec les pays voisins. 

Ce mois-ci marque aussi le sixième anniversaire de la signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA).  La Représentante spéciale s’est dite encouragée par les progrès accomplis jusqu’à présent, notamment la dissolution de 9 des 14 groupes armés signataires et l’extension notable de la présence et de l’autorité de l’État dans les zones anciennement occupées par des groupes armés.  Toutefois, malgré les efforts continus du Gouvernement et des organisations non gouvernementales internationales pour poursuivre le dialogue avec les groupes armés encore actifs qui ont quitté l’Accord politique, les résultats se font encore attendre, s’est impatientée Mme Rugwabiza. 

Il est urgent selon elle de renforcer la mobilisation politique, en particulier de la part des garants, à savoir l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CCEAC), afin de faciliter le retour des chefs de ces groupes armés et le désarmement et la démobilisation à long terme de leurs éléments.  En outre, il reste encore beaucoup à faire dans la lutte contre l’impunité et la promotion de la justice transitionnelle en tant qu’élément clef de l’Accord politique. 

La Représentante spéciale a donc appelé le Gouvernement de la RCA à accélérer la mise en place de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation, avant de souligner aussi la nécessité urgente pour la Cour pénale spéciale d’obtenir un soutien financier durable, afin de remplir correctement ses fonctions et de rendre ainsi justice aux victimes, ce qui est primordial pour une réconciliation nationale efficace.  La Représentante spéciale a également pointé la détérioration de la situation humanitaire en République centrafricaine et les efforts de contrôle des frontières poreuses.  Elle a conclu en demandant un soutien et des ressources nécessaires à la pleine mise en œuvre du mandat de la mission. 

Mme PORTIA DEYA ABAZENE, Présidente de la Fédération des associations des femmes entrepreneuses de la République centrafricaine (FAFECA), a centré son intervention sur l’implication des femmes dans le développement de l’économie de son pays.  Elle a constaté qu’en dépit de conventions internationales et d’une constitution garantissant l’égalité des droits, des pratiques néfastes continuent de freiner les progrès des femmes en RCA.  Dans ce pays en proie à une crise politico-militaire depuis 2012 et confronté à des défis économiques majeurs, avec un taux de pauvreté croissant, les femmes ne représentent que 15,52% des propriétaires d’entreprises, a-t-elle indiqué.  Plus largement, les femmes manquent d’accès au foncier et aux moyens de production, mais aussi à l’éducation et aux formations, au financement, aux marchés et à un emploi décent, a déploré l’intervenante. 

Dans ce contexte, la FAFECA représente un espace d’échange et de partage d’expériences entre les femmes entrepreneuses au niveau local et permet ainsi d’associer les femmes de la sous-région et d’ailleurs, a expliqué Mme Abazene.  Créée en 2023, elle a pour but principal de fédérer les synergies entrepreneuriales féminines au sein d’un même organisme afin de mutualiser les efforts, de s’exprimer d’une voix concordante, d’être une force de propositions pour une économie plus juste et solidaire.  En deux ans d’existence, la FAFECA a constitué un réseau de 102 femmes entrepreneuses qui ont participé à des conférences et expositions internationales sur l’entrepreneuriat dans plusieurs pays, notamment le Salon International de l'Entrepreneuriat Féminin organisé en mars 2024 à Bangui.  Elle a aussi fourni des formations pratiques en leadership, management, éducation financière, marketing digital et gestion de projet à plus de 2 700 femmes, tout en contribuant au premier « Bootcamp National des femmes agripreneuses » qui, en avril 2024, a permis d’améliorer les compétences de 200 femmes rurales. 

Tout en saluant la volonté politique qui a accompagné ces réalisations, la Présidente de la FAFECA a reconnu que beaucoup reste à accomplir.  « Nous avons besoin de davantage de soutien, de ressources et de reconnaissance pour les femmes entrepreneuses, ainsi que de politiques et de programmes favorisant l’entrepreneuriat féminin et un accès facilité au financement », a-t-elle souligné, avertissant que la RCA ne pourra pas réaliser son potentiel tant que plus de 51% de sa population, c’est-à-dire les femmes, continuera d’être marginalisée.  Elle a donc lancé un appel à l’accompagnement des initiatives de soutien à l’entrepreneuriat féminin en RCA, avant de solliciter l’appui du Conseil de sécurité pour continuer à faire progresser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans le pays.  « Nous avons besoin de votre soutien pour construire une économie plus forte et plus inclusive en République centrafricaine », a-t-elle conclu. 

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