Le Conseil de sécurité débat des moyens de renforcer le leadership africain dans la lutte contre le terrorisme sur le continent
Le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui un débat public sur le thème « Lutte antiterroriste menée par l’Afrique et axée sur le développement: renforcer le leadership africain et la mise en œuvre des initiatives africaines de lutte contre le terrorisme ». Présidée par le Ministre algérien des affaires étrangères, de la communauté nationale à l’étranger et des affaires africaines, M. Ahmed Attaf, cette réunion constituait l’un des événements phares de la présidence algérienne du Conseil en janvier.
Le pays qui a lui-même « vaincu le terrorisme » dans les années 90, selon les mots de M. Attaf, entendait ainsi « souligner l’impérieuse nécessité de raviver l’intérêt mondial et de relancer la dynamique internationale pour s’attaquer sérieusement à ce fléau ». Dans une lettre datée du 10 janvier (S/2025/23) et adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l’Algérie auprès de l’ONU, il est souligné que, selon le Centre de l’Union africaine (UA) pour la lutte contre le terrorisme, entre janvier et septembre 2024, les pays d’Afrique ont été la cible de 3 200 attaques terroristes ayant fait 8 400 victimes civiles. Une menace qui compromet l’initiative de l’UA « Faire taire les armes » et entrave les progrès de l’Agenda 2063 de l’organisation régionale, précise la lettre.
Le terrorisme est aujourd’hui la menace la plus importante pour la paix, la sécurité et le développement durable sur le continent africain, a confirmé la Vice-Secrétaire générale de l’ONU. Mme Amina J. Mohammed a constaté que les groupes affiliés à Al-Qaida et à l’État islamique ont étendu leurs tentacules meurtriers aux pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, avec une augmentation des attaques violentes de plus de 250% en seulement deux ans. Elle a évoqué l’attaque du 8 janvier au Bénin, revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), la plus meurtrière depuis 2021. Quelques jours plus tôt, le 4 janvier, des extrémistes avaient lancé une attaque brutale contre une base militaire de Sabon Gida, à Damboa, au Nigéria, tuant six soldats.
Un nouvel élan donné par le Pacte pour l’avenir
Dans d’autres régions d’Afrique, des groupes terroristes tels que les Chabab en Somalie, les Forces démocratiques alliées en République démocratique du Congo et Ahl al-Sunna wal-Jama‘a au Mozambique continuent de déchaîner une violence horrible. À ce rythme, en Afrique de l’Ouest, l’avenir est en jeu, a-t-elle mis en garde. La marginalisation des jeunes, associée à l’explosion du chômage, a laissé toute une génération vulnérable aux groupes extrémistes, a constaté Mme Mohammed. Selon elle, « si nous n’agissons pas, nous risquons de perdre cette génération dans les horreurs du terrorisme ».
En outre, les terroristes exploitent et brutalisent fréquemment les femmes par le biais de violences sexuelles et sexistes, provoquant un traumatisme profond qui se répercute sur des communautés entières, s’est émue la Vice-Secrétaire générale. Dans ce contexte, elle a estimé que le Pacte pour l’avenir, adopté en septembre dernier, donne un nouvel élan aux efforts mondiaux contre le terrorisme. Trois domaines sont selon elle prioritaires dans cette lutte. Il faut d’abord continuer de s’attaquer aux moteurs du terrorisme, lequel se nourrit de la fragilité et de la pauvreté, des inégalités et de la désillusion. Elle a également appelé à des approches s’appuyant sur des institutions responsables et inclusives. Elle a enfin présenté la coopération régionale comme le « pivot de toute stratégie antiterroriste efficace », jugeant que la fragmentation des efforts joue en faveur des terroristes. Mais les engagements ne suffisent pas: des ressources adéquates doivent être mises en place, a-t-elle prescrit.
Soutenir une réaction régionale cohérente
L’UA et l’ONU doivent apporter un financement prévisible, durable et flexible aux opérations de paix dans un contexte d’antiterrorisme, a renchéri le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’UA. Pour ce faire, M. Bankole Adeoye a appelé à l’activation rapide de la résolution 2719 (2023) du Conseil de sécurité sur le financement des missions de soutien à la paix de l’UA.
Rappelant que, pour la première fois depuis un demi-siècle le terrorisme touche aujourd’hui cinq régions d’Afrique, le Commissaire a indiqué que l’UA a procédé à un recalibrage de son approche. « Nous avons adapté nos politiques en nous appuyant sur des projections faisant état d’une escalade des activités terroristes de 10 à 15% en 2025 », a-t-il relevé. M. Adeoye a ensuite indiqué que, dans le cadre du renforcement du leadership de l’UA sur la problématique terroriste, son centre de lutte contre ce fléau deviendra prochainement un établissement d’excellence promouvant une approche à l’échelle des sociétés.
En plus de ses répercussions graves sur la sécurité, la stabilité économique et la cohésion sociale, le terrorisme perturbe le commerce, le tourisme et les investissements, ce qui entrave considérablement le développement économique du continent, a fait observer M. Said Djinnit, conseiller principal à l’African Centre for the Constructive Resolution of Disputes (ACCORD). Pour y répondre, cet ancien responsable de l’ONU et de l’UA a préconisé une combinaison de mesures de sécurité, de gouvernance et socioéconomiques, en mettant fortement l’accent sur la prévention et la lutte contre les inégalités systémiques.
Même si la responsabilité première de la protection des populations contre le terrorisme incombe aux États et à leurs forces de défense et de sécurité, les organisations de la société civile jouent un rôle complémentaire essentiel, a souligné M. Djinnit. Malgré leurs ressources limitées, ces organisations contribuent activement à favoriser la résilience des communautés, à mettre en œuvre des programmes de lutte contre la radicalisation, à faciliter la réhabilitation et la réintégration des communautés, et à veiller à ce que tous les segments de la société soient pris en compte dans le processus d’élaboration des stratégies de lutte contre le terrorisme.
Une action exclusivement militaire ne peut suffire
Faisant part de l’expérience de son pays en la matière, le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Somalie a fait état de mesures visant à contrecarrer la propagande et l’idéologie des groupes terroristes, en complément des opérations militaires. Plus de 500 comptes bancaires des Chabab et de leurs affiliés ont ainsi été fermés en Somalie et en dehors du pays. Au niveau idéologique, le Gouvernement fédéral somalien a organisé une conférence nationale de dirigeants religieux et de spécialistes de la question, ce qui a permis de dénoncer les approches erronées et les interprétations fallacieuses de l’islam par les groupes terroristes. Le haut dignitaire a également salué le rôle essentiel qu’a joué la force de l’UA en appui à ces efforts, tout en reconnaissant qu’une solution exclusivement militaire ne peut suffire à elle seule.
La France a développé la même analyse, jugeant essentiel, en sus de l’action militaire destinée à protéger les civils et à défendre les cibles vulnérables, de renforcer la résilience des communautés sur le long terme, en lien avec les États de la région. Cela passe par la prise en compte des facteurs socioéconomiques qui contribuent au recrutement terroriste, y compris la pauvreté, les inégalités et les changements climatiques, a soutenu la délégation. Le Royaume-Uni a quant à lui rappelé qu’il a fourni 60 millions de dollars aux efforts régionaux contre les Chabab et Daech, avant de plaider à son tour pour une approche antiterroriste multidimensionnelle, avec le plein soutien de l’ONU, des États et de la société civile.
Le développement socioéconomique comme parade au terrorisme
« Il est crucial de restaurer un contrat social avec les jeunes et de miser sur leur potentiel », a insisté le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Sierra Leone en évoquant des mesures sociétales en plus de l’action militaire contre le terrorisme. Il a appelé de ses vœux des ripostes adaptées aux contextes locaux, non sans exiger un financement adéquat des opérations de paix africaines. Dans la même veine, la Slovénie a suggéré de s’attaquer à la conjoncture sociale et économique, aux violations des droits humains, aux effets des changements climatiques et à la concurrence pour les ressources naturelles, ainsi qu’aux tensions intra et intercommunautaires.
De son côté, le Panama a proposé, par la voix de son Vice-Ministre des relations extérieures, de donner la priorité aux programmes d’éducation, à l’emploi des jeunes et l’autonomisation des communautés, avec un financement tiré des partenariats public-privé qui sont alignés sur les objectifs de l’Agenda 2063 de l’UA. Étant entendu que les femmes jouent un rôle fondamental dans la détection précoce de la radicalisation, ainsi que dans la réconciliation des communautés.
Comment le Conseil de sécurité peut-il apporter son appui?
Par souci d’efficacité, les États-Unis ont exhorté les membres du Conseil à inscrire sur les listes des sanctions davantage de groupes terroristes affiliés à Daech afin qu’ils fassent l’objet d’un gel des avoirs. Une mesure similaire devrait être prise pour les personnes coopérant avec les Chabab, ont-ils ajouté, avertissant que les liens entre ces derniers et les houthistes yéménites peuvent conduire à des conséquences délétères pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Le Pakistan, qui s’est vanté d’avoir « une longue histoire contre le terrorisme », a pour sa part déploré l’absence de consensus sur les questions de financement des groupes extrémistes, ce qui selon lui entrave les stratégies de lutte antiterroriste à l’échelle mondiale.
Consciente de cette situation controversée, la Chine a mis en garde contre le « deux poids, deux mesures » et une lutte sélective contre le terrorisme au nom d’intérêts géopolitiques. Elle a averti qu’une telle approche pourrait conduire à un « effet boomerang ». La Fédération de Russie s’est, elle, élevée contre l’hypocrisie des Occidentaux, constatant qu’au Sahel, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et d’autres pays sont presque seuls à lutter contre le terrorisme international. La délégation russe a également jugé que la destruction de l’État et de l’économie de la Libye, à la suite de « l’agression militaire occidentale » contre ce pays en 2011, a créé un terrain propice au renforcement du terrorisme sur le continent. En outre, elle n’a pas manqué d’accuser l’Ukraine d’avoir fourni une assistance à l’attaque contre Forces armées maliennes à la frontière avec l’Algérie, dans la zone de Tin-Zaouatène, en juillet 2024.
Plus centré sur ses intérêts nationaux, le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Soudan du Sud a demandé au Conseil de lever l’embargo sur les armes et les sanctions ciblées qui lui sont imposées, faisant valoir que ces mesures limitent souvent la capacité des pays africains à répondre efficacement aux menaces sécuritaires.
Enfin, le Chef de la diplomatie algérienne s’est enorgueilli du fait que son pays a vaincu le terrorisme « grâce à la force de ses institutions, à la globalité de sa réponse et, surtout, à l’unité, à la résilience et à la détermination de son peuple ». Il a assuré que son pays continue de remplir ses devoirs au niveau continental, en sa qualité de champion de l’UA dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, une haute mission que les chefs d’État et de gouvernement africains ont confiée au Président Abdelmadjid Tebboune. Le succès de l’Afrique sera un succès mondial, a-t-il prophétisé, estimant que « son échec serait préjudiciable à nous tous »
NOUVEAU - Suivez la couverture des réunions en direct sur notre LIVE
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Lutte antiterroriste menée par l’Afrique et axée sur le développement: renforcer le leadership africain et la mise en œuvre des initiatives africaines de lutte contre le terrorisme (S/2025/23)
Déclarations liminaires
La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme AMINA J. MOHAMMED, a relevé que l’Afrique est « tragiquement restée l’épicentre du terrorisme mondial ». Sous toutes ses formes et manifestations, le terrorisme est aujourd’hui la menace la plus importante pour la paix, la sécurité et le développement durable sur le continent africain, a-t-elle affirmé. Elle a noté que l’Afrique subsaharienne représente désormais près de 59% de tous les décès liés au terrorisme dans le monde, le Sahel étant le « point zéro » de cette crise. En effet, ces trois dernières années, le nombre de décès liés au terrorisme y a dépassé les 6 000, soit plus de la moitié de tous les décès dans le monde. Et dans cette vague meurtrière, le Burkina Faso est en tête de classement avec une augmentation stupéfiante de 68% des décès et peu de soutien apporté pour inverser la tendance.
Les groupes affiliés à Al-Qaida et à l’État islamique ont étendu leurs tentacules meurtriers aux pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, avec une augmentation des attaques violentes de plus de 250% en seulement deux ans, a indiqué Mme Mohammed. Elle a évoqué l’attaque du 8 janvier au Bénin, revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), la plus meurtrière depuis 2021. Quelques jours plus tôt, le 4 janvier, des extrémistes avaient lancé une attaque brutale contre une base militaire de Sabon Gida, à Damboa, au Nigéria, tuant six soldats.
Pendant ce temps, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale, un nouveau groupe connu sous le nom de « Lakurawa » mène des attaques transfrontalières dans le nord-ouest du Nigéria, au Niger et au Tchad. Les risques d’infiltration et de radicalisation augmentent également dans les régions du nord du Ghana, ainsi qu’au Togo, en Côte d’Ivoire et au Nigéria. Dans d’autres régions d’Afrique, des groupes terroristes tels que les Chabab en Somalie, les Forces démocratiques alliées en République démocratique du Congo et Ahlu Sunnah Wal Jama’a au Mozambique continuent de déchaîner une violence horrible. À ce rythme, en Afrique de l’Ouest, l’avenir est en jeu, a-t-elle mis en garde. La marginalisation des jeunes, associée à l’explosion du chômage, a laissé toute une génération vulnérable aux groupes extrémistes, a constaté Mme Mohammed. Selon elle, « si nous n’agissons pas, nous risquons de perdre cette génération dans les horreurs du terrorisme ».
En outre, les terroristes exploitent et brutalisent fréquemment les femmes par le biais de violences sexuelles et sexistes, provoquant un traumatisme profond qui se répercute sur des communautés entières. Mme Mohammed a souligné que les réseaux terroristes mettent désormais en commun leurs ressources, finances, combattants et expertise, tout en affinant leurs capacités grâce à de nouvelles technologies, notamment des systèmes aériens sans pilote. Le terrorisme évolue et nous devons évoluer en conséquence, a-t-elle argué, plaidant pour une approche innovante qui place le respect des droits humains et de l’état de droit au cœur de ses préoccupations.
La Vice-Secrétaire générale a estimé que le Pacte pour l’avenir donne un nouvel élan aux efforts mondiaux contre le terrorisme. Il réaffirme l’engagement des États Membres à renforcer leurs capacités à prévenir et à combattre le terrorisme, tout en renforçant le rôle du système des Nations Unies. Trois domaines doivent être prioritaires, selon elle. D’abord continuer à s’attaquer aux moteurs du terrorisme, lequel se nourrit de la fragilité et de la pauvreté, des inégalités et de la désillusion. De ce fait, lorsque le financement du développement régresse, lorsque des institutions fragiles s’accompagnent d’une gouvernance faible, lorsque les femmes et les jeunes sont exclus de la prise de décisions, lorsque les services publics sont rares ou inégaux, ces conditions créent un terrain fertile pour la radicalisation et le recrutement. « Construire des sociétés inclusives, résilientes et durables doit donc être notre objectif. » Pour Mme Mohammed, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 constitue une feuille de route pour y parvenir.
La haute fonctionnaire a également appelé à des approches de lutte contre le terrorisme ancrées dans des institutions responsables et inclusives. Trop souvent, les mesures antiterroristes aboutissent à des violations évitables des droits humains, a-t-elle déploré. À ses yeux, cela expose les pays à une aggravation de l’instabilité et de l’insécurité, tout en érodant la confiance dans les institutions étatiques. Elle a enfin présenté la coopération régionale comme « le pivot de toute stratégie efficace de lutte contre le terrorisme », jugeant que la fragmentation de nos efforts ne fait que jouer en faveur des terroristes.
Avant de conclure, Mme Mohammed a évoqué le rôle majeur de l’Union africaine (UA) et des communautés économiques régionales, ainsi que celui de la Mission d’appui et de stabilisation de l’UA en Somalie (AUSSOM) et de la Force multinationale mixte dans le bassin du lac Tchad. Les solutions menées et détenues par les Africains doivent prendre l’initiative dans la lutte contre le terrorisme sur tout le continent, a—t-elle souligné. Mais les engagements seuls ne suffisent pas: des ressources adéquates doivent être mises en place. Elle a ainsi salué la résolution 2719 (2023) du Conseil de sécurité qui répond à l’appel de longue date des États d’Afrique pour un financement adéquat, prévisible et durable des opérations de soutien à la paix dirigées par l’UA.
M. BANKOLE ADEOYE, Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA), a précisé qu’il y a eu pour la seule année 2024 plus de 3 400 attaques terroristes sur le continent, faisant plus de 13 900 morts. Ces groupes armés non étatiques entravent la gouvernance démocratique et une croissance inclusive en Afrique, a-t-il tranché. « Nous sommes en train d’atteindre un point de non-retour. » Les hautes aspirations du continent, telles que contenues dans l’Agenda 2063, sont menacées si notre réponse collective n’est pas à la hauteur, a-t-il poursuivi. Rappelant que pour la première fois depuis un demi-siècle le terrorisme touche cinq régions d’Afrique, il a indiqué que l’UA a procédé à un recalibrage de son approche. « Nous avons adapté nos politiques en nous appuyant sur des projections faisant état d’une escalade des activités terroristes de 10 à 15% en 2025. »
Il a rappelé l’adoption en 2022 de la Déclaration de Malabo qui souligne la nécessité d’approches multidimensionnelles pour réaliser la paix, la sécurité et le développement durable. La stratégie régionale de l’UA pour la stabilisation, le redressement et la résilience du bassin du lac Tchad est un exemple majeur de ce lien fait entre sécurité et développement. Selon lui, les résultats obtenus sont encourageants avec le retour en toute sécurité des personnes déplacées et de la reconstruction des infrastructures sociales essentielles. Il a précisé qu’aux fins du renforcement du leadership de l’UA sur ce dossier, son Centre pour la lutte contre le terrorisme sera renforcé pour devenir un centre d’excellence promouvant une approche à l’échelle des sociétés.
L’UA et l’ONU doivent apporter un financement prévisible, durable et flexible aux opérations de paix dans un contexte d’antiterrorisme, a-t-il estimé, en appelant à une « activation rapide » de la résolution 2719 (2023). « L’UA réaffirme son plein soutien à l’opérationnalisation du cadre prévu par cette résolution. » L’Afrique ne doit pas devenir un havre de paix pour les terroristes et les rebelles, a-t-il conclu.
M. SAID DJINNIT, Conseiller principal à l’African Centre for the Constructive Resolution of Conflicts (ACCORD), a déclaré que « rien n’est plus précieux pour le peuple africain que sa sécurité ». Il a constaté cependant que cette sécurité a été gravement mise à mal par des conflits internes, en particulier ceux à dimension ethnique qui ont éclaté au début des années 1990, et par la montée du terrorisme « avec une ampleur, une intensité et une complexité sans précédent ». Cela a eu des répercussions graves sur la sécurité, la stabilité économique et la cohésion sociale, a-t-il souligné ajoutant que récemment, les attaques terroristes sont devenues plus fréquentes, plus importantes et se sont étendues à des régions qui n’étaient pas touchées auparavant. De plus, le terrorisme a perturbé le commerce, le tourisme et les investissements, ce qui a considérablement entravé le développement économique du continent.
Alimenté par les problèmes de gouvernance, la pauvreté, l’instabilité politique, les conflits, la marginalisation et l’ingérence extérieure, la lutte contre le terrorisme nécessite une approche globale et intégrée, a estimé M. Djinnit. Cette approche doit, selon lui, combiner des mesures socioéconomiques, de sécurité et de gouvernance en mettant fortement l’accent sur la prévention et la lutte contre les inégalités systémiques. Elle doit permettre aux communautés marginalisées de rejeter les récits extrémistes, veiller à ce que les réponses militaires minimisent les dommages causés aux civils et promouvoir la responsabilité et la justice pour les victimes. En outre, la nature transfrontalière et la propagation du terrorisme en Afrique, ses liens avec des groupes extrémistes mondiaux et, dans certains cas, son association avec des milices locales impliquées dans des conflits internes, font qu’une coopération régionale et internationale solide est essentielle à l’efficacité des efforts de lutte contre le terrorisme.
En ce qui concerne la gouvernance, l’intervenant a mis en avant l’importance d’une forte présence de l’État dans les territoires, notant que les autorités locales doivent être dotées de ressources adéquates pour jouer un rôle actif dans la prévention de l’extrémisme. Leur proximité avec les communautés les place dans une position unique pour répondre aux griefs locaux et favoriser la résilience, a souligné M. Djinnit tout en concédant que la gestion de vastes territoires reste un défi de taille pour de nombreux États africains.
Dans les régions touchées par le terrorisme, on a pu constater que lorsque les civils s’opposaient au terrorisme et se sentaient protégés par leur État et ses structures de défense et de sécurité, les efforts de lutte contre le terrorisme étaient plus fructueux, a-t-il signalé. De plus, même si la responsabilité première de la protection des populations contre le terrorisme incombe aux États et à leurs forces de défense et de sécurité, les organisations de la société civile jouent un rôle complémentaire essentiel. Malgré leurs ressources limitées, ces organisations contribuent activement à favoriser la résilience des communautés, à mettre en œuvre des programmes de lutte contre la radicalisation, à faciliter la réhabilitation et la réintégration des communautés, et à veiller à ce que tous les segments de la société soient pris en compte dans le processus d’élaboration des stratégies de lutte contre le terrorisme. Les cadres de lutte contre le terrorisme adoptés par l’Union africaine et l’ONU tiennent d’ailleurs compte du rôle de la société civile, a-t-il relevé. Les diverses initiatives prises par l’Union africaine reflètent aussi la détermination de ses États membres à faire face collectivement à la menace terroriste sur le continent. Toutefois, des capacités limitées, des ressources insuffisantes et l’instabilité politique dans certains pays entravent l’efficacité de ces efforts.
Interventions des États et organisations non membres
Nombre des délégations des États et organisations non membres du Conseil, notamment l’Allemagne, l’Autriche et les Philippines ainsi que des pays africains et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), se sont accordées sur l’importance du leadership de l’Afrique dans la lutte contre le terrorisme sur le continent. Notant que la pauvreté et le sous-développement en sont les principales causes, elles ont insisté sur la nécessité de réaliser le Programme 2030, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et l’Architecture africaine de paix et de sécurité.
Des délégations comme le Nigéria et la CEDEAO ont exhorté les gouvernements à prendre des mesures pratiques appropriées pour faire en sorte que leurs territoires respectifs ne soient pas utilisés pour l’organisation ou le financement d’actes terroristes devant être commis contre d’autres États. Elles se sont également levées contre les ingérences étrangères qui exacerbent les conflits et nuisent à l’efficacité du Conseil de sécurité en matière de paix et de sécurité, selon les mots du Nigéria.
Le Ministre des affaires étrangères de l’Ouganda et son homologue de l’Angola, entre autres, ont pointé l’importance de lutter contre la radicalisation des jeunes par les groupes terroristes, appelant à des mesures drastiques pour combattre le recrutement d’enfants et développer des opportunités économiques pour les jeunes. Il faut promouvoir un dialogue interconfessionnel pour contrer la radicalisation des jeunes, a suggéré le Ministre ougandais. Le Japon a annoncé pour sa part la publication prochaine d’une étude sur les liens entre les jeux en ligne et l’extrémisme violent en Afrique.
Plusieurs pays africains ont également mis l’accent sur la nécessité d’assurer un financement pérenne et prévisible des efforts du continent pour contrer le fléau du terrorisme. « Les États africains sont confrontés à la nécessité d’allouer une partie de leur budget national à la lutte contre le terrorisme, ce qui détourne des fonds indispensables des priorités sociales et des programmes gouvernementaux destinés à favoriser le développement », a expliqué le Ministre des relations internationales et de la coopération de la Namibie.
À ce propos, l’Union européenne (UE) a rappelé qu’elle a investi plus de 600 millions d’euros par an dans des programmes nationaux visant à renforcer les forces de sécurité, à prévenir la radicalisation et à s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de l’extrémisme violent. Ses missions de formation en Somalie et au Mozambique, ainsi que le soutien ciblé apporté aux pays d’Afrique de l’Ouest pour contrer les débordements terroristes en provenance du Sahel, font également partie de cet engagement.
Mais aucun de ces efforts ne peut aboutir si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes, a insisté l’UE qui a appelé à investir dans l’éducation, l’autonomisation des femmes et de la société civile et le renforcement des communautés locales afin de contrer la radicalisation. « Et soyons clairs: il faut promouvoir le respect des droits humains et de l’état de droit. »
L’Égypte a fait le lien entre terrorisme et désertification, tandis que le Rwanda a engagé les pays africains à créer des canaux de partage de renseignements sécurisés. La lutte contre le terrorisme doit être enracinée dans les principes d’impartialité, de justice et un vrai attachement à la paix, et donner la priorité à la coopération régionale et au partage de renseignements, a insisté la délégation.
À cet égard, l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) a indiqué que son réseau sécurisé permet l’échange d’informations en temps réel et regroupe 132 000 profils de terroristes. INTERPOL fournit en outre aux 54 États membres africains une assistance technique sur mesure, notamment en ce qui concerne les opérations frontalières et maritimes, la formation et le renforcement des capacités.
La lutte contre le terrorisme en Afrique doit être menée par les pays africains, axée sur l’état de droit, la responsabilisation des forces armées et la prévention, ont souligné l’Allemagne et l’Afrique du Sud.
De son côté, l’Éthiopie a appelé à mobiliser les moyens financiers nécessaires pour réaliser le développement durable « qui reste toujours le meilleur moyen pour défendre nos intérêts contre le terrorisme ». Les pénuries de financements de la lutte contre le terrorisme sont un obstacle de taille, ont renchérit les Émirats arabes unis.
Le Ministre des relations extérieures de l’Angola a plaidé pour un plus grand partage de l’information et le renforcement des capacités intégrées du Centre antiterroriste de l’Union africaine. Selon lui, il est essentiel que les actions de lutte contre le terrorisme soient soutenues par des ressources financières durables et un soutien technique et logistique, notamment grâce à des synergies accrues entre l’ONU et l’UA, en particulier pour la mobilisation de fonds dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 2719 (2023) sur le financement des opérations de paix menées par l’UA.
L’Afrique ne doit pas être abandonnée son sort, a plaidé Israël.