En cours au Siège de l'ONU

9835e séance - matin
CS/15964

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour le Yémen s’inquiète du risque d’erreurs de calcul

Dans un contexte marqué par l’internationalisation du conflit au Yémen, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen a dit craindre, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, que les parties ne réévaluent leurs options de paix et commettent des erreurs de calcul basées sur des hypothèses erronées. 

« L’unité de ce Conseil et son message cohérent aux parties sur l’importance d’un règlement négocié seront essentiels dans les mois à venir », a notamment souligné M. Hans Grundberg.

Parmi ses préoccupations, l’Envoyé spécial a alerté que des escalades sur plusieurs lignes de front risquent de mettre à mal la stabilité relative et les conditions de sécurité améliorées pour les civils qui existent depuis la trêve de 2022.  Il a également évoqué les dernières frappes d’Ansar Allah en Israël et ses attaques en mer Rouge qui ont entraîné des représailles de la part des États-Unis, du Royaume-Uni et d’Israël sur le Yémen. 

L’escalade du cycle de frappes et de contre-attaques entrave les perspectives de paix au Yémen et en détourne l’attention requise et les ressources cruciales, a regretté l’Envoyé spécial qui reste pourtant déterminé à œuvrer à une relance d’un processus politique inclusif et piloté par les Yéménites.  Il n’en reste pas moins, que les agissements d’Ansar Allah menacent la sécurité maritime en mer Rouge, déstabilisent l’économie du Yémen et mettent à mal la stabilité régionale. 

Pas plus tard que la semaine dernière, des frappes aériennes israéliennes ont endommagé des infrastructures civiles essentielles, notamment les ports de Hodeïda et de Ras Issa, et l’aéroport international de Sanaa, a corroboré la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence.  Mme Joyce Msuya était d’autant plus alarmée que le Yémen dépend des importations pour plus des deux tiers de la nourriture et environ 90% de tous les médicaments et fournitures médicales pour la population.  Or, le port de Hodeïda ne fonctionne plus qu’à environ 30% de ses capacités.  Aussi a-t-elle appelé le Conseil de sécurité à user de son « influence collective » pour veiller à épargner les infrastructures civiles critiques au Yémen.

De son côté, l’Envoyé spécial a émis l’espoir que les discussions en cours en vue d’un cessez-le-feu à Gaza et de la libération des otages offrent une réelle possibilité de désescalade au Yémen.  Il a également insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu national et de la libération immédiate et sans condition, par Ansar Allah, de tous les membres du personnel de l’ONU, des organisations nationales et internationales, des missions diplomatiques et du secteur privé ainsi que les 25 membres d’équipage du navire Galaxy Leader et des citoyens yéménites détenus arbitrairement. 

Cet appel a été soutenu par la grande majorité des membres du Conseil, à commencer par le Royaume-Uni qui a demandé au Conseil d’exiger la libération immédiate et sans condition des personnes détenues par les houthistes afin de permettre la mise en place d’un environnement sûr pour l’acheminement de l’aide humanitaire aux 20 millions de Yéménites qui en ont besoin. 

Les houthistes, soutenus par l’Iran, portent une responsabilité prépondérante dans la crise régionale en cours et leurs actions démontrent une fois de plus leur indifférence totale vis-à-vis de la souffrance du peuple yéménite, s’est indignée la France.

Aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni, d’autres nations maritimes du Conseil ont condamné les attaques des houthistes contre les navires en mer Rouge. Alors que plus d’une dizaine de navires battant pavillon panaméen y ont été attaqués à ce jour, le Panama, appuyé par le Danemark, a martelé que le droit à la navigation, principe essentiel du droit international, doit être garanti par tous.  De son côté, la Grèce a rappelé qu’elle dirige l’opération ASPIDES de l’Union européenne qui a été mise sur pied pour préserver la liberté de navigation en réponse à la crise en mer Rouge.  La délégation grecque a également appelé les membres du Conseil à soutenir le projet de résolution sur la mer Rouge porté par son pays et les États-Unis qui sera présenté cet après-midi. 

« Il est temps d’agir en s’assurant que l’Iran réponde de ses actes puisqu’il fournit les missiles de longue portée utilisés dans les attaques houthistes », ont plaidé les États-Unis qui se sont exprimés en faveur d’une nouvelle autorisation d’un texte demandant au Secrétaire général un rapport périodique sur la fourniture d’armes utilisées par les houthistes.

La Fédération de Russie a appelé à relancer le processus politique, exhortant puissances mondiales et acteurs régionaux à aider les Yéménites à cette fin. Elle a dénoncé par ailleurs les frappes de la coalition emmenée par « les États-Unis et leurs satellites » contre les infrastructures indispensables au Yémen.  Nous ne justifions en aucun cas les frappes des houthistes contre Israël mais la réponse de ce dernier doit être proportionnée, a souligné le délégué. 

Réagissant à cette condamnation, les États-Unis ont affirmé agir en vertu de leur droit à la légitime défense.  Cela vaut notamment pour ses dernières « frappes chirurgicales » du 8 janvier qui visaient deux sites sous-marins houthistes et des lieux de stockage d’armes utilisés pour cibler des navires marchands américains.

Tout en condamnant les attaques de l’entité israélienne contre le Yémen et la violation de sa souveraineté, la délégation yéménite n’en a pas moins tenu les milices houthistes pour responsables d’avoir entraîné le Yémen dans « cette arène de conflit ».  Ces milices hypothèquent le destin du Yémen et de son peuple, et les embarquent dans leurs « batailles insensées » afin de servir les intérêts du régime iranien et son projet expansionniste dans la région, s’est indigné le représentant yéménite.

Soucieux de parvenir à une paix pérenne au Yémen, il a exhorté les houthistes à s’engager de manière constructive et de bonne foi dans les efforts régionaux et internationaux visant à mettre fin à la crise yéménite. « Cela suppose qu’ils abandonnent l’option de la guerre et de l’escalade et qu’ils fassent primer les intérêts du peuple yéménite sur les intérêts de leurs dirigeants et de leur parrain, le régime iranien.  Cela signifie aussi qu’ils abandonnent leur approche terroriste qui déstabilise la sécurité et la stabilité au Yémen et dans la région ». 

Pour sa part, a affirmé le représentant, le Gouvernement yéménite est ouvert aux efforts de la région et des Nations Unies pour parvenir à un règlement politique global qui garantisse la fin du coup d’État et la restauration des institutions de l’État.

En attendant, il ne faut pas perdre de vue que toute nouvelle escalade risque de compromettre les engagements existants et d’avoir des conséquences humanitaires dévastatrices pour le peuple yéménite, a mis en garde l’Envoyé spécial. Un retour à la violence généralisée entraînerait de nouveaux déplacements, l’effondrement des services essentiels et l’aggravation de la crise humanitaire déjà terrible, éloignant davantage le Yémen de la paix. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Exposés

M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a indiqué que le contexte s’est de plus en plus internationalisé, notant que les frappes d’Ansar Allah en Israël et ses attaques en mer Rouge ont entraîné des représailles de la part des États-Unis, du Royaume-Uni et d’Israël sur le Yémen.  Les récentes frappes aériennes israéliennes ont endommagé des infrastructures civiles essentielles, notamment le port de Hodeïda et l’aéroport international de Sanaa, a-t-il confirmé, ajoutant que les dégâts subis sur le port et les remorqueurs empêchent le déchargement de l’aide humanitaire. 

M. Grundberg a émis l’espoir que les discussions en cours en vue d’un cessez-le-feu à Gaza et de la libération des otages offrent une réelle possibilité de désescalade.  À ce jour, l’escalade du cycle de frappes et de contre-attaques a entravé les perspectives de paix et détourné du Yémen une attention et des ressources cruciales, a-t-il regretté.  Ces actions menacent la sécurité maritime, déstabilisent l’économie du Yémen et mettent à mal la stabilité régionale. 

L’Envoyé spécial a également demandé à Ansar Allah de libérer immédiatement et sans condition tous les membres du personnel de l’ONU, des organisations nationales et internationales, des missions diplomatiques et du secteur privé ainsi que les 25 membres d’équipage du navire Galaxy Leader.  De même, il a dit compter sur le soutien du Conseil pour la libération inconditionnelle de toutes les personnes détenues de façon arbitraire.

Alors que les tensions régionales font la une, le Yémen a connu une escalade le long de plusieurs lignes de front, ce qui risque de remettre en cause la stabilité relative et l’amélioration des conditions de sécurité pour les civils qui existent depuis la trêve de 2022, a mis en garde M. Grundberg.  Il a notamment évoqué un incident tragique qui s’est produit dans le gouvernorat de Taëz, où deux enfants ont été tués et deux autres blessés, et d’informations faisant état d’opérations militaires menées par Ansar Allah dans le village de Hankah Al Masoud, dans le gouvernorat de Beïda. Les parties doivent de toute urgence prendre des mesures concrètes pour parvenir à un accord de cessez-le-feu à l’échelle nationale, a-t-il insisté, ajoutant que son bureau poursuit ses discussions avec les parties sur les actions nécessaires pour créer les conditions d’un cessez-le-feu. 

À ce stade critique, toute nouvelle escalade risque de compromettre les engagements existants et aura des conséquences humanitaires dévastatrices pour le peuple yéménite, a-t-il mis en garde.  Un retour à la violence généralisée entraînerait de nouveaux déplacements, l’effondrement des services essentiels et l’aggravation de la crise humanitaire déjà terrible, éloignant davantage le Yémen de la paix. 

Poursuivant, M. Grundberg a indiqué que le Gouvernement du Yémen et Ansar Allah ont pris des mesures pour faire face à la détérioration économique, tout en signalant que les défis structurels profonds doivent être réglés par des mesures collaboratives.  Il s’agit notamment de l’unification de la Banque centrale, de la reprise des exportations de combustibles fossiles et du paiement intégral des salaires du secteur public.

Dans le contexte d’escalade dans la région et d’incertitude dans la région et la communauté internationale, l’Envoyé spécial a dit craindre que les parties ne réévaluent leurs options de paix et commettent des erreurs de calcul basées sur des hypothèses erronées.  « L’unité de ce Conseil et son message cohérent aux parties sur l’importance d’un règlement négocié seront essentiels dans les mois à venir », a-t-il souligné. 

Mme JOYCE MSUYA, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a indiqué que le mois dernier a été marqué par une augmentation inquiétante des attaques contre des infrastructures civiles vitales dont dépendent des millions de personnes. 

Elle a précisé qu’à la suite d’une série de frappes aériennes –la plus récente ayant eu lieu le 10 janvier sur les ports de Hodeïda et de Ras Issa–, les ports yéménites de la mer Rouge ont notamment subi des dommages considérables, entraînant une réduction significative de leurs capacités, celui de Hodeïda ne fonctionnant plus qu’à 30% de ses capacités.  « Or, le Yémen dépend des importations pour plus de deux tiers de son alimentation et à 90% pour ses médicaments. »  Les infrastructures essentielles doivent être préservées, a-t-elle tranché. 

De même, elle a rappelé que la frappe israélienne contre l’aéroport de Sanaa du 26 décembre dernier a causé la mort de trois civils et s’est produite alors que le Directeur général de l’OMS était dans cet aéroport.  Toutes les parties doivent respecter le droit international humanitaire, a-t-elle dit, avant d’exhorter les houthistes à libérer le personnel humanitaire et onusien qu’ils détiennent.

Mme Msuya a indiqué que la crise humanitaire au Yémen ne cesse de s’aggraver, près de la moitié de la population ne pouvant subvenir à ses besoins alimentaires.  Près de la moitié des enfants de moins de 5 ans souffrent de rachitisme en raison de la malnutrition.  Les cas de choléra ont atteint un niveau alarmant.  Et près de 4,8 millions de personnes demeurent déplacées, dont une majorité de femmes et d’enfants, a-t-elle dit. 

Elle a fait état de certains progrès dans l’accès humanitaire, en se félicitant notamment d’une plus grande célérité dans l’octroi de visas pour le personnel humanitaire dans les zones sous contrôle des houthistes.  Enfin, elle a appelé le Conseil à user de son « influence collective » pour faire respecter le droit international humanitaire et veiller à épargner les infrastructures civiles critiques au Yémen. Elle a également plaidé pour l’apport des ressources financières nécessaires afin de remédier à la crise humanitaire.  Seul un règlement politique durable permettra de mettre fin à une décennie de souffrances au Yémen, a-t-elle conclu.

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