En cours au Siège de l'ONU

9832e séance – matin
CS/15961

Syrie: un mois après la chute du régime Al-Assad, l’Envoyé spécial Geir Pedersen appelle à éviter les faux pas pour ne pas mettre en danger l’avenir du pays

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Ce sont les « énormes possibilités de jeter les bases d’une paix et d’une stabilité durables en Syrie » qu’a voulu voir l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le pays, ce matin, devant le Conseil de sécurité qui examinait la situation politique et humanitaire du pays, un mois après la chute de Bashar Al-Assad.  M. Geir Pedersen a néanmoins prévenu que « les faux pas ou les occasions manquées pourraient mettre en danger l’avenir de la Syrie et semer l’instabilité ». Il a exprimé, comme la plupart des intervenants, un sentiment ambivalent de « grandes opportunités et de réels dangers » pour le pays, tout comme le vœu de voir préserver l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie.

La Syrie cherche à tracer une nouvelle voie après la chute de l’ancien régime, a souligné M. Pedersen, en indiquant que les autorités intérimaires, constituées en grande partie d’individus issus de l’ancien Gouvernement basé à Edleb, ont procédé à la nomination des responsables.  Ceux du nouveau Ministère de la défense semblent provenir de diverses factions, dont Hay’at Tahrir el-Cham, et comprennent des combattants de pays étrangers. M. Pedersen a en outre observé que les autorités intérimaires ont tenu des réunions avec un très large éventail de représentants et d’individus de différents groupes syriens, et qu’elles ont rencontré des ministres des affaires étrangères et de hauts fonctionnaires étrangers.

Préserver l’intégrité territoriale de la Syrie

Pour le moment, le conflit continue et la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie sont menacées, a prévenu l’Envoyé spécial en signalant que des zones importantes échappent encore au contrôle des autorités intérimaires. Ainsi, le nord-est du pays ainsi que des parties de la ville d’Alep restent sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS) et des Unités de protection du peuple kurde.  Malgré un cessez-le-feu négocié par les États-Unis près de Manbej en décembre, il y aurait des affrontements et des échanges de tirs d’artillerie entre les FDS et les forces de l’Armée nationale syrienne, tandis que la Türkiye a prévenu de la possibilité d’intensifier ses opérations militaires dans le nord-est. 

M. Pedersen s’est également inquiété des activités militaires israéliennes en Syrie, notamment au-delà de la zone de séparation, en violation de l’Accord de désengagement de 1974.  Il a demandé à Israël la levée de restrictions à la liberté de mouvement de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) imposées par les Forces de défense israéliennes (FDI).  « Les attaques contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent cesser. »

Une autre préoccupation majeure exprimée par M. Pedersen est la continuation des activités de Daech. Il a craint que l’organisation cherche à tirer profit de la situation sécuritaire instable dans certaines zones. Pour y parer, la coalition dirigée par les États-Unis a poursuivi ses actions contre Daech, a-t-il dit. 

Ce souci pour le respect de la souveraineté de la Syrie a été repris par les membres du Conseil ainsi que par les pays de la région invités à la séance.  Le délégué de la République arabe syrienne, lui-même, a clamé que les acteurs extérieurs ne devraient pas s’immiscer dans le processus politique en Syrie ni chercher à obtenir des avantages qui iraient à l’encontre des intérêts du peuple syrien.  Il a assuré que les autorités syriennes ont la volonté de nouer des relations amicales avec tous les États Membres de l’ONU dans le cadre du respect mutuel, de la coopération constructive et des intérêts communs, « bien loin des politiques clivantes ».  Il a aussi condamné Israël pour ses tentatives d’imposer une nouvelle réalité par la multiplication des incursions militaires en Syrie et dans la région, lui demandant de respecter l’accord de 1974 sur le dégagement du Golan syrien. 

Au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le Koweït n’a pas dit le contraire en rappelant que le Golan est un territoire syrien.  Même son de cloche du côté de l’Égypte qui parlait au nom du Groupe des États arabes. La délégation a condamné les actions d’Israël dans le Golan syrien ainsi que ses bombardements d’autres parties du territoire syrien.  Le Groupe des États arabes a également appelé à redoubler d’efforts pour lutter contre le terrorisme qui met à mal la stabilité de toute la communauté internationale, avant d’insister sur le nécessaire soutien de cette dernière pour accompagner la reconstruction de la Syrie et garantir des conditions sûres pour le retour des réfugiés. 

Si la délégation chinoise s’est étonnée de voir que des combattants étrangers avaient eu des postes au Ministère syrien de la défense, elle a exhorté la communauté internationale à respecter le choix des Syriens qui doivent décider du destin de leur pays. Le respect du territoire de la Syrie a aussi été invoqué, notamment par le représentant russe qui a dénoncé l’occupation de facto des États-Unis, « depuis des années », de la région du nord-est de la Syrie, « la plus riche en ressources ».  De plus, les États-Unis exercent une forte pression sur Damas par le biais de sanctions, a aussi décrié la Russie. 

La République islamique d’Iran a, elle, fait observer qu’Israël pose la principale menace à la Syrie, ayant réussi à étendre de 500 kilomètres carrés son occupation avec l’aide des États-Unis.  Après avoir souligné l’importance du respect des droits de toutes les minorités ethniques dans le pays, le représentant iranien a exprimé sa préoccupation devant la résurgence de la menace terroriste, notamment les opérations de cellules dormantes liées à Al-Qaida et Daech.  À cet égard, il a prié pour le rapatriement dans leurs pays d’origine respectifs des combattants terroristes détenus dans le nord-est de la Syrie.  

Il faut coordonner l’action contre le terrorisme en Syrie, en collaboration avec les autorités nationales, a suggéré l’Algérie qui parlait au nom du Groupe A3+ (Algérie, Guyana, Sierra Leone et Somalie).  Les A3+ ont dit rejeter les tentatives de division de la nation syrienne ou d’annexion de portions de son territoire, ainsi que le viol de sa souveraineté et son intégrité territoriale.  Il n’y a pas de place pour les terroristes en Syrie, a renchéri la Türkiye selon qui « il est illusoire de croire que les Unités de protection du peuple kurde/Forces démocratiques syriennes seraient distinctes du PKK ».  La délégation a également dénoncé les opérations militaires d’Israël en Syrie, avant d’apporter son soutien à une gouvernance inclusive et pluraliste du pays. 

Une transition inclusive dirigée par les Syriens et Syriennes

L’Envoyé spécial a par ailleurs évoqué des inquiétudes sur le manque de transparence par rapport au calendrier, au cadre, aux objectifs et aux procédures de toute conférence de dialogue national, ainsi que sur la participation de toutes les composantes du peuple syrien.  Il a rassuré sur la volonté de l’ONU d’accompagner les autorités dans la transition politique. C’est pourquoi il a dit vouloir renforcer la présence et l’expertise de la mission politique de son bureau à Damas. Alors que moult délégations ont rappelé la place centrale de la résolution 2254 (2015) dans le processus de transition syrien, M. Pedersen a précisé qu’elle ne peut être appliquée de manière littérale.  Par exemple, l’ancien régime ne sera partie à aucun processus futur.  De toute évidence, de nouvelles approches et de nouveaux modes de pensée sont nécessaires sur de nombreux fronts, a-t-il argué. 

Le Pakistan s’est félicité des assurances reçues de la part des nouveaux dirigeants de la Syrie, tout en soulignant la nécessité pour les Syriens eux-mêmes de conduire un processus politique conforme aux objectifs énoncés dans la résolution 2254 du Conseil.   

Soulignant l’importance de la protection des civils, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, M. Thomas Fletcher, s’est inquiété du risque de marginalisation des femmes et des filles dont dépend pourtant l’avenir du pays.  « Leurs voix doivent être entendues durant cette période critique. » Un appel d’ailleurs fortement relayé par les orateurs du jour, y compris la Slovénie selon qui la participation « entière, égale et sûre » des femmes et des minorités aux processus de paix et de sécurité, ainsi qu’à la prise de décisions à tous les niveaux est cruciale.  Les droits des personnes appartenant aux différentes communautés et les droits des femmes doivent être protégés et respectés dans le cadre de la future constitution, a insisté la France. 

Pour la Grèce, il est vital de protéger la communauté orthodoxe grecque historique en Syrie.  Le délégué a appelé à n’épargner aucun effort pour protéger « tous les Syriens touchés, y compris les chrétiens et toutes les minorités religieuses et tous les groupes ethniques ».  Il a aussi demandé de sauvegarder l’héritage culturel et les monuments religieux de la Syrie.  Une préoccupation qui est revenue chez nombre de délégations qui ont rappelé le pluralisme religieux et culturel du pays.

Les États-Unis ont averti qu’ils jugeront les nouvelles autorités à l’aune de leurs actes, et pas seulement de leurs paroles.  Ils ont dit attendre d’elles une franche collaboration avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) dans le but de détruire ce qui reste d’armes chimiques de l’ancien régime.  Il est temps de clore le dossier des armes chimiques syriennes une fois pour toutes, a embrayé le Royaume-Uni qui a appelé les dirigeants de Damas à éliminer les armes chimiques qu’Al-Assad a utilisées contre sa population. 

Autre attente de la délégation américaine: laisser aux partenaires de la société civile et autres acteurs l’espace nécessaire pour identifier les charniers afin de déterminer les responsabilités de l’ancien régime.  À sa suite, le Danemark a insisté sur l’importance de la reddition de la justice.  C’est dans cette optique que la délégation danoise a exhorté les autorités intérimaires à recueillir les éléments de preuve des crimes commis dans les prisons syriennes et à coopérer avec la commission d’enquête sur la Syrie. 

Situation humanitaire préoccupante

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a parlé, dans son exposé, de « la nécessité de préserver et de reconstruire les services essentiels » en Syrie.  En effet, les services de santé, déjà affaiblis par des années de conflit, ont été fermés ou réduits à un moment où près de 15 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, s’est-il alarmé.  Et près de 13 millions sont toujours confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, alors que le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de réduire l’aide de 80% au cours des deux dernières années, en raison d’un manque de financement.  La pénurie de vivres, d’eau et d’électricité est aggravée par le manque de carburant et de liquidités, a-t-il décrit. 

Alors que beaucoup des personnes ayant été déracinées en novembre et décembre derniers sont rentrées chez elles, plus de 620 000 restent déplacées, au moment où l’hiver complique les choses dans de nombreuses régions du pays, a constaté M. Fletcher. À ce chiffre, s’ajoute plus de 7 millions de personnes qui étaient déjà déplacées.  Rien que dans le nord-ouest, 2 millions de personnes continuent de vivre dans des camps et des sites informels, a précisé le Secrétaire général adjoint.  Il a été clair sur le fait que les « les sanctions ne doivent pas entraver l’acheminement de l’aide ».  Il a d’ailleurs salué l’annonce par les États-Unis d’une nouvelle licence générale couvrant les transactions avec les institutions gouvernementales syriennes.  

Cette « Licence 24 » a été délivrée cette semaine à la Syrie, ont confirmé les États-Unis.  Cela vaut autorisation pour six mois pour les échanges commerciaux internationaux, ce qui démontre l’engagement américain à veiller à ce que les sanctions n’entravent pas les activités humanitaires, a fait valoir la délégation.  Le représentant syrien a saisi l’occasion pour appeler les autres pays concernés à lever immédiatement et intégralement des mesures de restrictions qui visaient « l’ancien régime et ses agissements criminels ». 

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LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Exposés

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, s’exprimant par visioconférence, a souligné que la Syrie cherche à tracer une nouvelle voie après la chute de l’ancien régime, il y a à peine un mois. Les décisions prises aujourd’hui détermineront l’avenir pour longtemps, a-t-il estimé, notant qu’il existe « de grandes opportunités et de réels dangers ».  Il a relevé que les autorités intérimaires, constituées en grande partie d’individus issus de l’ancien Gouvernement basé à Edleb, ont procédé à la nomination des responsables, y compris les gouverneurs semblant être des affiliés à ces autorités ou des membres de groupes armés. Il a fait état de rapports selon lesquels existe un accord de principe visant à fusionner les factions sous un seul ministère de la défense, bien que le statut de mise en œuvre reste flou, certaines factions ne faisant pas encore partie de cet accord. 

L’Envoyé spécial a parlé d’incidents où les forces locales ont restreint l’accès des forces affiliées aux autorités intérimaires à certaines zones, en particulier dans le sud du pays.  Parallèlement, un processus a été lancé pour régler le statut des anciens responsables de l’armée par le biais de centres de réconciliation.  Les responsables nommés au sein du nouveau Ministère de la défense semblent provenir de diverses factions, dont Hay’at Tahrir el-Cham, et comprennent également des combattants de pays étrangers.  Dans le même temps, les autorités intérimaires ont tenu des réunions avec un très large éventail de représentants et d’individus de différents groupes et composantes syriens.  Elles ont également rencontré des ministres des affaires étrangères et de hauts fonctionnaires de pays étrangers.  En outre, le Ministre des affaires étrangères intérimaire Al-Shaibani vient de rentrer d’une visite régionale. 

Après avoir donné ces précisions, M. Pedersen a relevé que des signes d’instabilité apparaissent dans les zones sous le contrôle des autorités intérimaires. Celles-ci ont mené des patrouilles et ce qu’elles appellent des « opérations de ratissage », arrêtant d’anciens responsables ou des éléments qu’elles accusent d’avoir commis des crimes de guerre ou de refuser de rendre les armes.  Des affrontements avec ce que l’on décrit comme des éléments de l’ancien régime ont été rapportés, en précisant les victimes qui en résultent, y compris au sein des autorités intérimaires.  Des vidéos circulent montrant ce qui semble être des abus ou des exécutions extrajudiciaires à l’encontre de responsables de l’ancien régime. Il semblerait que les autorités intérimaires aient arrêté certains auteurs de ces actes, a relayé M. Pedersen. 

Il existe selon lui des zones importantes qui échappent au contrôle des autorités intérimaires, ce qui veut dire que le conflit continue et que la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriales de la Syrie sont menacées.  Ainsi, le nord-est du pays, ainsi que certaines parties de la ville d’Alep, restent sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS) et des Unités de protection du peuple kurde.  Malgré un cessez-le-feu négocié par les États-Unis près de Manbej en décembre, des rapports font état d’affrontements et d’échanges de tirs d’artillerie entre les FDS et les forces de l’Armée nationale syrienne.  La Türkiye a fait des déclarations pour signaler la possibilité d’intensifier ses opérations militaires dans le nord-est. 

M. Pedersen s’est également inquiété de la présence et des activités militaires israéliennes continues, y compris au-delà de la zone de séparation, en violation de l’Accord de désengagement de 1974.  Il a de plus demandé la levée sans délai des restrictions à la liberté de mouvement de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) imposées par les Forces de défense israéliennes (FDI). « Les attaques contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent cesser. » 

L’Envoyé spécial a exprimé d’autres préoccupations concernant Daech, qui demeure une préoccupation majeure.  Il a relevé ses activités en cours et a craint qu’il cherche à tirer profit de la situation sécuritaire instable dans certaines zones.  Il a néanmoins relevé que les opérations menées contre Daech par la coalition dirigée par les États-Unis se sont poursuivies, y compris les frappes aériennes ciblées des États-Unis et de la France.  Concernant les sanctions, il a salué la récente délivrance d’une nouvelle licence générale temporaire par le Gouvernement des États-Unis, même s’il faudra des décisions plus importantes pour traiter pleinement des sanctions et des désignations. 

« La voie à suivre pour la transition politique n’est pas claire », a ensuite déclaré l’Envoyé spécial, en relevant des éléments positifs mais aussi des points de préoccupation exprimés par les Syriens, notamment le manque de transparence sur le calendrier, le cadre, les objectifs et les procédures de toute conférence de dialogue national.  De même pour ce qui concerne la participation à ce dialogue, en termes de critères de présence et d’équilibre de représentation.  L’Envoyé spécial s’est dit prêt à travailler avec les autorités intérimaires sur la manière dont les idées et les mesures formulées et initiées jusqu’à présent pourraient être développées vers une transition politique crédible et inclusive. 

Il a également précisé que la résolution 2254 (2015) ne peut pas être appliquée de manière littérale.  Par exemple, l’ancien régime ne sera partie à aucun processus futur. De toute évidence, de nouvelles approches et de nouveaux modes de pensée sont nécessaires sur de nombreux fronts, a-t-il déclaré avant de mettre l’accent sur les femmes syriennes qui ont renforcé leur intention de participer à la prise de décisions tout au long du processus de transition et au-delà, aux niveaux national et local. 

Pour M. Pedersen, s’il existe donc d’énormes possibilités de jeter les bases d’une paix et d’une stabilité durables en Syrie, tout faux pas ou occasion manquée pourrait mettre en danger l’avenir de la Syrie et semer l’instabilité.  Il a dit croire fermement que travailler à une transition politique inclusive est le moyen le plus efficace d’inspirer la confiance et de veiller à ce que la Syrie reçoive rapidement le soutien économique dont elle a désespérément besoin.  Afin de fournir tout l’engagement et le soutien nécessaires, l’Envoyé spécial a dit vouloir renforcer la présence et l’expertise de « notre mission politique à Damas ». 

M. TOM FLETCHER, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a commencé par déclarer que les dernières semaines en Syrie avaient été moins turbulentes, mais que l’ampleur de la crise humanitaire y reste tout aussi importante.  Au cours du mois écoulé, il s’est rendu à Homs, Alep et Edleb pour rencontrer des civils et des humanitaires syriens, ce qui lui a permis de relever trois défis humanitaires cruciaux.  Tout d’abord, la nécessité de préserver et de reconstruire les services essentiels, a déclaré le haut fonctionnaire en s’alarmant de voir les services de santé, déjà affaiblis par des années de conflit, fermés ou réduits à un moment où près de 15 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire. En outre, l’accès à l’eau a été restreint, notamment par les combats au barrage de Techrine, à l’est d’Alep, touchant plus de 400 000 personnes.  Et près de 13 millions sont toujours confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, alors que le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de réduire l’aide de 80% au cours des deux dernières années en raison d’un manque de financement.  La pénurie de vivres, d’eau et d’électricité est aggravée par le manque de carburant et de liquidités, a-t-il en outre constaté. 

Le deuxième défi sur lequel M. Fletcher a attiré l’attention est la protection des civils.  Si beaucoup des personnes déracinées en novembre et décembre 2024 sont rentrées chez elles, plus de 620 000 restent déplacées, au moment où l’hiver complique les choses dans de nombreuses régions du pays.  À ce chiffre, s’ajoute plus de 7 millions de personnes qui étaient déjà déplacées.  Rien que dans le nord-ouest, 2 millions de personnes restent dans des camps et des sites informels, a précisé le Secrétaire général adjoint.  Le dernier défi qu’il a évoqué, c’est la menace de la marginalisation des femmes et des filles, dont dépend pourtant l’avenir du pays.

La situation sécuritaire s’étant stabilisée, l’OCHA et ses partenaires ont pu reprendre leurs opérations humanitaires à plus grande échelle, s’est félicité le haut fonctionnaire.  Il a déclaré avoir envoyé en décembre 298 convois d’aide par les postes-frontières avec la Türkiye, soit autant que ceux franchis au cours des six mois précédents.  Et l’Organisation mondiale de la Santé a soutenu un pont aérien humanitaire à partir de l’Union européenne, qui a permis d’apporter 50 tonnes de fournitures dans le nord de la Syrie.  « Mais davantage doit être fait », a reconnu le haut fonctionnaire qui prévoit de lancer une évaluation rapide des besoins à l’échelle du pays ce mois-ci.  L’OCHA procède déjà à une réévaluation de ses structures de coordination pour répondre au nouveau contexte opérationnel.

M. Fletcher a fait trois demandes au Conseil de sécurité.  Tout d’abord, qu’il apporte son soutien aux assurances claires reçues des autorités intérimaires selon lesquelles le droit international humanitaire sera respecté, les civils protégés et les organisations humanitaires autorisées à opérer sans entrave.  Ensuite, que l’aide humanitaire soit mieux financée, même si M. Fletcher s’est félicité que le Fonds central pour les interventions d’urgence de l’ONU allouera 8 millions de dollars supplémentaires, soit un total de 20 millions de dollars, pour soutenir l’intensification des opérations humanitaires en Syrie.  Enfin, nous devons garantir un flux efficace du soutien vers et à travers toute la Syrie. « Cela signifie que les sanctions ne doivent pas entraver l’acheminement de l’aide. »  Le haut fonctionnaire a, à ce titre, jugé encourageante l’annonce faite par les États-Unis d’une nouvelle licence générale couvrant les transactions avec les institutions gouvernementales syriennes. Et cela, a-t-il ajouté, signifie également un soutien des voisins de la Syrie.  En effet, les opérations se poursuivent à grande échelle aux postes-frontières avec la Türkiye.  Il a toutefois relevé que les déplacements transfrontaliers demeurent un défi dans le nord-est.

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