Session de 2025
280e et 281e séance – matin & après-midi
AG/PK/250

Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix entame sa session de 2025 qui marque 60 ans de « détermination collective à faire régner la paix »

Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix, cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, également connu sous le nom de Comité des 34 (C34), a entamé, aujourd’hui, sa session de fond de 2025 qui se prolongera jusqu’au 14 mars.  Cette année marque un jalon pour le Comité établi en 1965 et qui a pour mandat d’entreprendre chaque année une étude d’ensemble de la question des opérations de maintien de la paix et de faire des recommandations. 

Après avoir organisé ses travaux et adopté son ordre du jour, le Comité a lancé son débat général qui a permis à une cinquantaine de délégations de débattre des thématiques et questions majeures du maintien de la paix: sécurité des Casques bleus; financement des opérations de maintien de la paix (OMP); complexité de plus en plus grande des mandats; défis émergents, comme les effets des changements climatiques; mutations technologiques; ainsi que désinformation ou mésinformation affectant le soutien apporté aux pays et communautés hôtes. 

À l’ouverture des travaux, la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix et au Département des opérations de paix, a observé que ce jalon de six décennies marque « notre détermination collective à faire régner la paix et protéger les plus vulnérables parmi nous ».  Mme Martha Ama Akyaa Pobee, qui prenait la parole au nom du Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a aussi relevé que l’importance du Comité se mesure par le fait qu’il est passé de 34 membres à sa création à plus de 150 aujourd’hui. 

Mme Pobee a également rappelé que les délibérations du Comité sont fondamentales pour les Casques bleus et les communautés qu’ils servent.  Ce soixantième anniversaire intervient alors que nous vivons des changements profonds et des défis complexes liés à la paix et la sécurité, a-t-elle observé, notant aussi que le maintien de la paix a récemment fait peau neuve avec le Pacte pour l’avenir qui réaffirme son rôle central dans le travail des Nations Unies. 

Les mandats doivent être adaptés à l’évolution des menaces et il vaut mieux planifier et gérer les OMP, a recommandé pour sa part, le Vice-Président de l’Assemblée générale et Représentant permanent de la Thaïlande auprès des Nations Unies.  Alors que l’on célèbre le vingt-cinquième anniversaire de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, M. Cherdchai Chaivaivid, qui s’exprimait au nom du Président de l’Assemblée générale, M. Philemon Yang, a souhaité voir les femmes impliquées davantage dans le maintien de la paix.  Il a également rappelé que l’Assemblée générale organisera un dialogue sur la paix et la sécurité en Afrique en juin prochain, afin d’évoquer notamment la question de la coopération avec les organisations régionales comme l’Union africaine (UA). 

Sécurité et santé mentale des Casques bleus

Au cours du débat général, le Royaume-Uni a rendu hommage aux 61 Casques bleus ayant perdu la vie en 2024 et aux 4 qui sont décédés en 2025.  Un bilan qui a motivé les nombreux appels des délégations à une meilleure sécurité des soldats de la paix et du personnel des OMP. C’est ainsi que, pour le Népal, actuellement le plus grand contributeur de troupes et de policiers aux OMP de l’ONU, il faut placer la sûreté, la sécurité et le moral des soldats de la paix au centre de la planification des missions de maintien de la paix. 

Une même préoccupation a été exprimée par le Liban, qui a rappelé que les Casques bleus de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) ont été victimes de nombreuses attaques cette année.  Il a condamné à cette occasion les attaques israéliennes délibérées contre la Force et son personnel, dont le dernier en date a eu lieu le 14 février dernier. 

Le Mouvement des pays non alignés, qui compte 90% du personnel déployé dans les OMP, a lui aussi, par la voix du Maroc, exhorté tous les acteurs pertinents à assurer la sécurité des Casques bleus et de tout le personnel du maintien de la paix.  Le Mouvement a dit attendre l’édification d’un mémorial pour les soldats de la paix tombés au cours de leur mission.  Plusieurs délégations ont tenu à rappeler qu’une attaque contre les Casques bleus peut être considérée comme un crime de guerre. Elles ont aussi appelé à la poursuite en justice des auteurs de tels crimes.

L’Uruguay, qui a parlé également au nom de l’Argentine, du Brésil et du Mexique, a également évoqué, comme d’autres délégations, la question de la santé mentale des membres du personnel des OMP.  Le Costa Rica a même félicité le Département de l’appui opérationnel pour ses initiatives novatrices en matière de santé mentale, lesquelles sont alignées sur les principes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui mettent l’accent sur la prévention, la protection, la promotion et le soutien. 

Les mandats et leur financement

Ce soutien au personnel est d’autant plus important que les OMP sont confrontées à une complexité et à des défis croissants.  C’est ce qu’ont observé les membres du Comité, le Népal relevant de plus une baisse du soutien politique des principales parties prenantes et l’insuffisance des ressources qui mettent en danger des vies et des mandats.  Forte de ce constat, l’Union européenne (UE), dont les membres réunis sont les principaux donateurs des OMP, a réaffirmé que ces missions doivent être financées de manière adéquate par des contributions obligatoires.  La plupart des avis ont convergé sur le besoin de mandats clairs et réalistes accompagnés de ressources appropriées afin d’assurer que les Casques bleus puissent mener à bien leur mission, comme l’a indiqué l’Indonésie qui s’exprimait au nom de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). 

En plus du financement, d’autres orateurs ont mis l’accent sur les tâches confiées au personnel et sur la représentation géographique équitable, notamment au Secrétariat et sur le terrain.  Au nom du Groupe des amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, le Venezuela a constaté que « ces dernières années, les mandats des OMP ont changé de portée, passant de leur rôle traditionnel de maintien de cessez-le-feu à une variété de tâches complexes qui, dans de nombreux cas, relèvent de la compétence des États hôtes ».  Ces changements dans la manière dont fonctionnent les missions onusiennes de maintien de la paix doivent être abordés avec beaucoup de prudence et dans le strict respect des objectifs et principes consacrés par la Charte des Nations Unies, a rappelé la délégation. 

La Türkiye a tenu à ce que soient respectés les principes cardinaux du maintien de la paix, comme le consentement des parties, et à ce que soient planifiées bien en amont les stratégies de sortie des OMP.  Une posture partagée par la Suisse qui a estimé que la planification opérationnelle est un instrument clef pour intégrer les différentes composantes des missions et gagner en efficacité.  Toutes les opérations de paix ont un plan, a renchéri la Norvège.  Selon elle, le problème vient du fait que la plupart de ces plans semblent être élaborés de bas en haut plutôt que de haut en bas. 

Des mandats intégrant davantage les femmes et les questions environnementales

Parmi les conditions à remplir pour une bonne planification des mandats, le Brésil a appuyé l’intégration d’une perspective sexospécifique dans l’ensemble des recommandations du rapport du C34, souhaitant des recommandations spécifiques sur le leadership des femmes ainsi que sur leur participation pleine, sûre, égale et significative dans les opérations de maintien de la paix et dans les processus politiques qu’elles soutiennent.  Le Népal a rassuré sur sa volonté de mettre à contribution des femmes soldats de la paix. 

Alors que l’on commémore les 25 ans de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, plusieurs orateurs ont insisté sur la nécessité d’avancer dans la mise en œuvre intégrale de l’agenda sur les femmes et la paix et la sécurité. 

Les questions écologiques n’étaient pas en reste.  Le Canada, au nom du Groupe des CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a appelé à prendre en compte les changements climatiques dans l’élaboration des mandats des missions de paix.  Pour sa part, l’UE a encouragé les acteurs du maintien de la paix à aider les États hôtes à « “écologiser” le secteur de la sécurité » et à réduire l’empreinte écologique des OMP.

La technologie et son impact

Pour aider à évaluer les résultats des missions, le Japon a estimé que chacune d’entre elles devrait tirer parti de la technologie et utiliser pleinement les données.  Le but est d’évaluer leurs rendements et d’obtenir des impacts positifs.  Le Japon est déterminé à améliorer les performances et l’efficacité opérationnelle en soutenant les initiatives de partenariat en matière de renforcement des capacités, telles que le programme de partenariat triangulaire, qui fournit une formation aux pays fournisseurs de contingents.  Le Viet Nam a de même encouragé l’utilisation d’outils numériques et de technologies innovantes dans le maintien de la paix, notamment pour améliorer les systèmes d’alerte précoce, la surveillance par satellite et la communication. 

Désinformation et mésinformation

L’importance d’une bonne communication a été précisément un élément du débat, nombre de délégations décriant la mauvaise image véhiculée au sujet des OMP.  La Fédération de Russie a avancé que les réactions négatives à propos de l’ONU ne sont pas toujours des tentatives de ternir sa réputation.  Souvent, ce n’est qu’une manifestation de déception, a-t-elle lancé en appelant les missions de maintien de la paix à être proactives dans leur communication et à mener divers projets locaux à « impact rapide ».  Alors que, pour la Côte d’Ivoire, l’ONU doit lutter davantage contre la désinformation, la mésinformation et les discours de haine visant les missions de paix, la République de Corée a appelé à établir la confiance avec la population locale afin de mener cette lutte. 

Coopération et multilinguisme à renforcer

L’une des solutions pour éviter la désinformation, ont convenu plusieurs intervenants, serait que l’ONU renforce sa coopération avec tous les acteurs impliqués dans les OMP. C’est dans cette optique que le Royaume-Uni a plaidé pour le resserrement de la coopération et des partenariats entre l’ONU, les États Membres et les partenaires régionaux.  Quelques voix ont d’ailleurs salué la résolution décisive du Conseil de sécurité 2719 (2023) sur la consolidation de la paix en Afrique, qui prévoit le financement par l’ONU d’initiatives de paix africaines agréées par le Conseil.  Selon le Sénégal, cette résolution traduit l’engagement de la communauté internationale à adapter les missions de paix pour gérer les défis sécuritaires complexes en Afrique. 

L’Union européenne a pour sa part magnifié le partenariat stratégique UE-ONU sur la paix et la sécurité. Alors que de nouveaux prestataires de services de sécurité, des forces régionales et des acteurs non traditionnels jouent un rôle de plus en plus important dans la stabilité mondiale, le Costa Rica a dit attendre de l’ONU qu’elle assure la cohérence, l’alignement stratégique et l’inclusion dans tous les efforts de paix collaboratifs.  Il a souligné la nécessité de mettre en place des cadres solides qui respectent les droits. 

Au nom des Ambassadeurs de pays francophones, la République démocratique du Congo (RDC) a appelé à améliorer la coopération avec les pays hôtes des OMP, tout en renforçant le multilinguisme car « plusieurs pays francophones sont freinés par des obstacles linguistiques ».  En tout cas, l’Iraq qui possède une vaste expérience dans la gestion des problèmes de sécurité s’est dit prêt à contribuer à l’échange d’expériences et de connaissances pour soutenir ces efforts. 

En début de séance, le Comité a élu son bureau.  Il a constaté que la délégation du Nigéria a réaffirmé sa volonté de continuer à exercer les fonctions de Président du Comité spécial.  De même, les délégations de l’Argentine, du Canada, du Japon et de la Pologne ont toutes exprimé leur souhait de continuer à exercer les fonctions de vice-présidents, tandis que la délégation de l’Égypte a également exprimé le souhait de continuer à exercer les fonctions de Rapporteur du Comité spécial. De ce fait, l’Ambassadeur rancisco Fabián Tropepi de l’Argentine; l’Ambassadeur Michael Christian Gort du Canada; M. Iriya Takayuki du Japon; et M. Michal Daniel Miarka de Pologne ont été élus Vice-Présidents du Comité spécial.  Le Rapporteur étant M. Mohamed Soliman d’Égypte. 

Par ailleurs, l’Ambassadeur Michael Christian Gort, du Canada, assumera également la fonction de Président du Groupe de travail plénier. 

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