Assemblée générale: le Secrétaire général présente ses priorités pour 2025, assurant que l’espoir existe dans notre monde tumultueux
Devant l’Assemblée générale, ce matin, le Secrétaire général de l’ONU a exposé ses priorités pour 2025, année de célébration des 80 ans de « l’Organisation qui représente, depuis le premier jour, la conscience du monde ». Si l’espoir pour notre monde tumultueux est permis, avec notamment l’annonce aujourd’hui d’un accord sur l’obtention d’un cessez-le-feu et la libération des otages à Gaza, M. António Guterres a porté un jugement incisif sur la situation actuelle: « nos actions, ou notre inertie, ont ouvert une boîte de Pandore des temps modernes » contenant quatre maux - le déchaînement des conflits, les inégalités généralisées, la crise climatique qui fait rage et la technologie qui échappe à tout contrôle.
L’Assemblée générale a ensuite entendu, dans l’après-midi, des réactions de délégations au rapport du Secrétaire général sur l’activité de l’Organisation au cours de l’année écoulée (A/79/1), avant d’adopter par consensus deux textes.
Les signes d’espoir
Dans son discours, M. António Guterres a commencé par les bonnes nouvelles et ce qu’il a désigné comme « des lueurs d’espoir », jugeant important de ne jamais perdre de vue les progrès et le potentiel, même si le monde est « en pleine tourmente ».
Un accord a enfin été conclu en vue d’un cessez-le-feu à Gaza et de la libération des otages, s’est-il réjoui. De même, le cessez-le-feu au Liban est en grande partie respecté, a-t-il rappelé en se félicitant que le pays a enfin pu élire un président après plus de deux années d’impasse. Sur le front du climat, il a souligné que le monde investit aujourd’hui presque deux fois plus dans les énergies propres que dans les combustibles fossiles. Et presque partout, l’énergie solaire et l’énergie éolienne sont désormais les sources d’électricité les moins chères et celles qui connaissent la croissance la plus rapide de l’histoire.
De plus, s’est enorgueilli le Secrétaire général, dans une grande partie du monde, la parité entre les filles et les garçons a été atteinte dans le domaine de l’éducation. La moitié de l’humanité s’est rendue aux urnes l’année dernière, a-t-il encore noté en se réjouissant que les femmes occupent désormais un nombre record de sièges parlementaires à l’échelle mondiale. Il a aussi noté que jamais autant d’enfants n’ont survécu et que les infections au VIH continuent de diminuer de façon spectaculaire, de même que les taux de mortalité due au paludisme. Dans la même veine, de nouvelles mesures concrètes ont été prises pour faire diminuer le nombre de mariages d’enfants, protéger les océans et élargir l’accès à Internet.
« Nous commençons 2025 portés par les engagements du Pacte pour l’avenir, du Pacte numérique mondial et de la Déclaration sur les générations futures », a également fait valoir M. Guterres en misant sur l’effet d’élan de ces promesses. Des mesures qui confirment de plus le pouvoir et la finalité des Nations Unies, a-t-il ajouté.
L’ONU, une force de construction
Depuis le premier jour, l’Organisation représente « la conscience du monde », a poursuivi M. Guterres, soulignant que dans un monde qui semble vouloir la destruction, notre Organisation est « une force de construction ». Pour trouver des solutions mondiales à la hauteur de la situation, il a donc conseillé de passer par l’ONU. « Plus les Nations Unies agissent ensemble pour relever les grands défis partout dans le monde, moins le fardeau qui pèse sur chaque pays est lourd », a-t-il argué en martelant que les problèmes mondiaux exigent des solutions mondiales.
« Nous avons les plans qui nous permettront de relever ces défis », a-t-il insisté en observant qu’il n’est nul besoin de réinventer la roue. La formule qu’il a proposée passe par l’accélération et la transformation, guidées par le Pacte pour l’avenir, dont l’application sera au cœur de ses priorités en 2025.
Les défis des conflits en cours
En passant en revue les conflits qui se multiplient, il a relevé que, parallèlement, les droits humains sont constamment pris pour cible. De même, la menace nucléaire est à son plus haut niveau depuis des décennies, s’est-il inquiété en notant l’aggravation des divisions géopolitiques et la méfiance, qui jettent de l’huile sur le feu. L’impunité est endémique, marquée par des violations récurrentes du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies, ainsi que des attaques systématiques contre nos institutions elles-mêmes, a déploré le Secrétaire général. Il a salué l’accord enfin conclu en vue d’un cessez-le-feu et de la libération des otages à Gaza et a salué le travail effectué par l’Office de secours et des travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) dans la réponse humanitaire.
« En Syrie, après des années d’effusion de sang, verrons-nous un pays qui peut enfin être un havre pour les différentes confessions, traditions et communautés et façonne un avenir inclusif, libre et pacifique, alors que nous continuons à tout faire en ce sens? » s’est-il interrogé avant d’annoncer partir ce jour-même pour le Liban afin d’exprimer sa solidarité au peuple libanais et aux forces onusiennes de maintien de la paix. Outre le Moyen-Orient, il a évoqué les situations de conflit en Ukraine, au Soudan et au Sahel, où sévissent l’extrémisme violent et la terreur. Il a également mentionné Haïti où la terreur provient des gangs criminels armés, ainsi que les situations d’insécurité en Somalie, au Myanmar, en République démocratique du Congo et au Yémen.
Lutter contre les inégalités en finançant la réalisation des ODD
Cette boîte de Pandore moderne propage également les inégalités, a expliqué le Secrétaire général. Selon lui, ces énormes inégalités sont le signe indéniable que quelque chose est profondément rompu dans nos systèmes sociaux, économiques, politiques et financiers.
Se montrant néanmoins rassurant, il a affirmé qu’il est possible de venir à bout des inégalités si nous nous engageons à mener des politiques favorisant l’équité, au lieu de nous accrocher aux vieilles recettes qui ont tant échoué. Cela commence selon lui par une accélération des efforts pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), en se concentrant sur les domaines à fort impact comme l’éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l’éducation de qualité pour tous, la protection sociale, la couverture sanitaire universelle, l’accès à l’énergie, la transition numérique et la réduction des effets des changements climatiques.
Le Chef de l’ONU a appelé à accorder une attention particulière aux besoins de l’Afrique, tout en précisant que le financement est essentiel. Le Pacte pour l’Avenir apporte un soutien clair à un plan de relance des ODD visant à combler l’écart de financement, a-t-il dit.
De l’avis de M. Guterres, nous devons également lutter contre les inégalités en réformant et en modernisant les institutions financières mondiales afin qu’elles reflètent l’économie de notre époque, et non celle de 1945. Il a dit avoir demandé à un groupe d’experts de proposer des mesures concrètes en vue de sortir de l’impasse de la dette et d’impulser un élan d’action sur la question.
« 2025 nous offre des opportunités uniques pour réaliser des avancées majeures dans le financement des ODD », a-t-il espéré, évoquant la Conférence internationale de juillet sur le financement du développement, le Sommet mondial pour le développement social en novembre, le Sommet du G20 sous la présidence de l’Afrique du Sud, et la COP30 au Brésil ou encore Beijing + 30.
Augmenter les chances d’inclusion pour les femmes et les jeunes
Pour combattre les inégalités, il a également appelé au développement des opportunités pour les femmes et les filles et à lutter contre les inégalités en soutenant la jeunesse, partout dans le monde. Des communautés inclusives sont essentielles, a-t-il souligné sachant que les inégalités sont notamment alimentées par les fléaux de la discrimination et des discours de haine. Il a dès lors appelé à mettre fin à la propagation de la haine et de l’intolérance, y compris l’antisémitisme, l’islamophobie et la discrimination envers les communautés chrétiennes minoritaires.
L’action climatique à accélérer
De la boîte de Pandore a aussi surgi la crise climatique qui dévaste et ravage notre monde, a poursuivi le Chef de l’ONU en notant qu’« il suffit de regarder les collines de Los Angeles ». Malgré l’élévation des températures, il a évoqué une formidable possibilité s’offrant à nous avec la révolution des énergies renouvelables qui profitera à des gens ordinaires.
De plus, 10 ans après l’Accord de Paris, 90% des pays du monde sont maintenant engagés à atteindre l’objectif de zéro émission nette, a-t-il salué, tout en demandant de passer la vitesse supérieure pour atteindre collectivement les objectifs dudit Accord. Il a annoncé une manifestation spéciale en septembre pour faire le point sur les nouveaux plans d’action nationaux pour le climat, pour inciter les pays à se mobiliser afin d’atteindre l’objectif de 1,5 °C et d’assurer la justice climatique. Il a assuré que l’ONU aidera à mobiliser le soutien en faveur de transitions énergétiques justes.
Une technologie à contrôler
Comme autre danger sortant de la boîte de pandore, il a cité ceux « d’une technologie incontrôlée », en demandant à l’Assemblée générale de créer sans attendre le Groupe scientifique international indépendant de l’intelligence artificielle (IA). Il faut, a-t-il exhorté, promouvoir une gouvernance de l’IA qui protège les droits humains tout en favorisant l’innovation; une IA éthique, sûre et sécurisée. Cela implique d’aider les pays en développement à mettre l’IA au service du développement durable.
Afin précisément d’aider les pays du Sud à tirer parti de l’IA pour le bien commun, le Secrétaire général a annoncé un rapport à venir sur les modèles innovants de financement volontaire et les initiatives de renforcement des capacités. Il s’est appuyé sur le nouveau Bureau des technologies numériques et émergentes pour apporter une aide aux États Membres et assurer une coordination des efforts.
Après avoir laissé échapper de la boîte de Pandore ces quatre maux, le Secrétaire général a rappelé que, comme dans le poème ancien évoquant le mythe de Pandore, « seule resta l’Espérance en son infrangible demeure ». « En cette quatre-vingtième année de l’Organisation, bâtissons un monde plus pacifique, plus juste et plus prospère, dont nous savons malgré tout qu’il est à notre portée », a-t-il invité.
Débat sur l’activité de l’ONU en 2024
Lançant la discussion, la République démocratique du Congo (RDC), qui s’exprimait au nom du Groupe des ambassadeurs francophones, a insisté sur le principe du multilinguisme à l’ONU, qui ne devrait pas, selon elle, être affecté par la crise de liquidités. Il a demandé au Secrétaire général de publier les directives administratives visant à mettre en œuvre ce principe. L’Indonésie, elle, a appelé à renforcer le respect de la Charte de l’ONU, et à faire avancer la réforme du Conseil de sécurité et celle de la structure de consolidation de la paix. La délégation a souhaité des efforts accrus en faveur du développement durable, en mettant en œuvre le Programme 2030 et en réformant l’architecture financière internationale, afin de permettre le développement des pays du Sud.
« Il faut dépasser les approches cloisonnées, tant au sein du Système des Nations Unies qu’entre les États », a demandé le Costa Rica demandant le groupement de tous les processus et priorités afin de réaliser les ODD. L’année 2025 devrait être consacrée à l’action pour les océans et au climat, à l’égalité entre les sexes, à l’autonomisation des femmes, à l’accès à des financements durables ainsi qu’au développement durable et inclusif qui protège les populations vulnérables et réduit les écarts freinant le progrès humain.
En parlant de frein aux progrès, le Zimbabwe a appelé la levée des sanctions unilatérales qui frappent son pays. Ces mesures coercitives illégales minent le développement national, a-t-il argué. Cuba a fait de même en se joignant aux voix de ceux qui demandent d’augmenter l’aide aux pays en développement pour réaliser les ODD, dont seuls 17% sont actuellement concrétisés. Cela nécessite notamment de résoudre la crise de la dette, a plaidé la délégation cubaine qui a aussi dénoncé « la politisation des questions des droits humains ». Le représentant a salué au passage la décision de « bon sens » des États-Unis de retirer son pays de la liste des pays soutenant le terrorisme.
Cuba a aussi demandé au Conseil de sécurité de ne pas s’ingérer dans les domaines de compétence de l’Assemblée générale. À propos du Conseil de sécurité, le Kirghizistan, rappelant qu’il n’y a jamais siégé, a appelé les États Membres à soutenir sa candidature pour la période 2025-2027.
Le Timor-Leste a listé plusieurs domaines clefs nécessitant en 2025 une attention continue, notamment des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour atténuer les impacts des changements climatiques, pour combler les écarts en matière d’accès à la technologie, à l’éducation et à l’information.
Le Népal, qui s’exprimait au nom du Groupe des pays les moins avancés (PMA), a appelé les pays développés notamment à respecter le taux de 0,7% de PIB consacré à l’aide publique au développement (APD), à ouvrir leurs marchés pour les produits de ces pays, à résoudre la crise de la dette et à débourser 500 milliards de dollars par an pour l’action climatique. L’année 2025 devrait être celle qui verra changer la donne pour les PMA.
Adoption de deux résolutions
L’Assemblée a, par ailleurs, adopté par consensus une résolution présentée par l’Angola et intitulée « Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique: progrès accomplis dans la mise en œuvre et appui international » (A/79/L.45). L’Assemblée prie ainsi les organismes des Nations Unies de continuer à aider le Nouveau Partenariat et les pays d’Afrique à élaborer des projets et des programmes s’inscrivant dans les priorités du Nouveau Partenariat. S’adressant aussi au Secrétaire général, elle le prie d’encourager le renforcement de la cohérence des activités menées par le système des Nations Unies à l’appui de l’Agenda 2063, de son projet phare et du deuxième plan décennal de mise en œuvre. Les organismes des Nations Unies devront continuer de prendre en compte les besoins particuliers de l’Afrique dans toutes leurs activités normatives et opérationnelles, invite la résolution.
Après l’adoption de ce texte, la Fédération de Russie a regretté l’inclusion « de dispositions ambiguës et axées sur les priorités des pays développés, qui risqueraient d’avoir des répercussions négatives sur le fonctionnement de l’ONU ». Elle a rappelé ne pas approuver l’ensemble du Pacte pour l’avenir. L’Argentine s’est dissociée des paragraphes qui font référence au Programme 2030 et au Pacte pour l’avenir et à ses documents annexes, ainsi qu’aux mandats qui iraient à l’encontre des principes directeurs de protection de la vie, de la liberté et de la propriété privée. En particulier, l’Argentine a dit se dissocier du paragraphe 26 du dispositif de la résolution, de même que les États-Unis.
L’Assemblée a adopté, également par consensus, un autre texte présenté par l’Ouganda et intitulé « Promotion d’une paix durable par la voie du développement durable en Afrique » (A/79/L.47). Par ce texte, elle demande aux organismes des Nations Unies et aux États Membres, ainsi qu’aux partenaires bilatéraux et multilatéraux d’honorer promptement leurs engagements et de soutenir l’application intégrale et rapide des dispositions de la déclaration politique sur les besoins de développement de l’Afrique, du Programme 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Elle appelle de nouveau au renforcement de la participation pleine, égale, véritable et en toute sécurité des femmes à la prévention et au règlement des conflits ainsi qu’à la consolidation de la paix, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et aux résolutions ultérieures du Conseil sur les femmes et la paix et la sécurité.
Après l’adoption de ce texte, la Hongrie a rappelé n’avoir pas souscrit aux dispositions relatives au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, dont elle ne participe pas à la mise en œuvre. Comme les migrations n’ont pas d’effet positif sur le développement, selon elle, il faut se focaliser sur les pays de départ en apportant un appui au niveau local pour que les populations puissent rester chez elles dans la paix et la prospérité. Les efforts collectifs doivent se pencher sur les causes profondes de la migration, a plutôt recommandé la Hongrie qui s’est dissociée, pour toutes ces raisons, du paragraphe 27 du préambule et du paragraphe 17 du dispositif de la résolution.
***NOUVEAU - Suivez la couverture des réunions en direct sur notre LIVE***