Conseil de sécurité: appels unanimes à la diplomatie et au dialogue sur la question du programme nucléaire iranien, dans un contexte régional détérioré
Le Conseil de sécurité s’est penché, cet après-midi, sur la question de la mise en œuvre du Plan d’action global commun concernant la République islamique d’Iran. À 10 mois de l’expiration de la résolution 2231 (2015), l’impasse dans la restauration du Plan d’action sur le programme nucléaire iranien persiste, a déclaré la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix.
Dans un contexte régional détérioré, la nécessité d’une solution globale à long terme qui rétablirait les objectifs du Plan d’action n’a jamais été aussi grande, a expliqué Mme Rosemary DiCarlo. Une majorité d’intervenants ont dénoncé la trajectoire « très préoccupante » du programme nucléaire de l’Iran et déploré le manque de coopération de ce pays avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Le Conseil était saisi du dix-huitième rapport de la Commission conjointe, créée en application du Plan d’action global commun (PAGC), qui porte sur l’état d’application des décisions du Groupe de travail sur l’approvisionnement et les éventuelles difficultés de mise en œuvre. Il donne un aperçu des travaux entrepris par le Groupe de travail du 1er juin au 4 décembre 2024.
Les États-Unis ne sont pas revenus au Plan d’action et n’ont pas non plus levé ou renoncé aux sanctions unilatérales qu’ils ont réimposées après s’être retirés du Plan d’action en mai 2018, a indiqué Mme Rosemary DiCarlo. L’Iran, pour sa part, n’est revenue sur aucune des mesures prises depuis mai 2019 pour s’éloigner de ses engagements liés au nucléaire.
Quant à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), elle n’est toujours pas en mesure de vérifier les stocks d’uranium enrichi du pays, une situation qui persiste depuis février 2021, a précisé Mme DiCarlo. Or l’AIEA estime que le stock total d’uranium enrichi de l’Iran est environ 32 fois supérieur à la quantité autorisée.
La Secrétaire générale adjointe a appelé les parties à faire preuve de volonté politique et à reprendre d’urgence les négociations. La Facilitatrice chargée par le Conseil de sécurité de promouvoir l'application de la résolution 2231 (2015), Mme Vanessa Frazier (Malte), est allée dans le même sens. Le maximum, a-t-elle dit, doit être fait pour garantir la mise en œuvre efficace du Plan d’action et de ladite résolution, tout en s’appuyant sur « la confiance mutuelle et la coopération ».
Appelant aussi à la désescalade et au rétablissement de la confiance, l’Union européenne a rappelé qu’il faut veiller à ce que l’Iran n’acquière, ni ne développe, d’armes nucléaires. C’est une priorité sécuritaire essentielle, a dit son représentant. Si l’Iran était déjà loin de ses engagements au titre du Plan d’action, elle a, avec une augmentation de sa production d’uranium enrichi à 60%, « proche des niveaux militaires », choisi de franchir une nouvelle étape dans l’escalade, a déploré M. Stavros Lambrinidis.
De plus, M. Lambrinidis s’est dit extrêmement préoccupé par le soutien militaire de l’Iran à la guerre d’agression de la Russie en Ukraine, notamment par des livraisons de drones et de missiles balistiques.
L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont indiqué rechercher activement une solution diplomatique. Face aux violations graves et persistantes de l’accord par l’Iran, nous avons déclenché, dès janvier 2020, le mécanisme de règlement des différends prévu par le PAGC, a informé la déléguée française. « Nous avons déployé dans ce cadre des efforts considérables. » Ceux-ci ont inclus des négociations, en 2021 et en 2022 à Vienne, qui auraient permis le retour des États-Unis à l’accord et de l’Iran à la pleine mise en œuvre de ses engagements. La déléguée a regretté que l’Iran n’ait pas saisi ces opportunités.
Tout en se déclarant convaincus que la diplomatie reste la meilleure manière d’apporter une réponse aux inquiétudes de la communauté internationale à ce sujet, les États-Unis ont néanmoins lancé un ferme avertissement: « une Iran nucléaire ne sera jamais envisageable, et nous sommes prêts à utiliser tous les outils à notre disposition au niveau national pour atteindre cet objectif ».
Promouvoir « agressivement » des menaces imaginaires ne permettra pas de faire porter à Téhéran la responsabilité des erreurs de calcul des Occidentaux, ainsi que de leurs violations flagrantes de la résolution 2231 (2015) et du PAGC, a rétorqué la Fédération de Russie, espérant que les acteurs clefs feront preuve de la volonté politique nécessaire à cet effet, sachant que cette résolution reste en vigueur jusqu’en octobre 2025. Le Conseil doit adresser un signal fort et sans ambiguïté aux « faucons » américains et israéliens, a estimé le représentant russe.
Pour la Chine aussi, les parties au PAGC ne devraient pas exercer de pressions, ni imposer de sanctions, et la confiance ne doit pas être remise en cause, en particulier à la lumière des turbulences au Moyen-Orient. Téhéran est prêt à s’engager de manière significative, à condition que les autres pays fassent preuve d’une véritable volonté politique et adhèrent au droit international, a assuré le représentant du pays concerné.
Tout le monde sait très bien, a poursuivi le représentant russe, que les actions que l’on reproche à Téhéran ne sont rien d’autre qu’une réaction aux politiques irresponsables des États-Unis, et du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne qui les ont rejoints. « Si Washington, Londres, Paris et Berlin voulaient vraiment plus de transparence, ils auraient dû prendre des mesures concrètes en vue de rétablir la pleine mise en œuvre du PAGC. » Il a invité la « troïka occidentale » à s’appuyer sur les dispositions du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de l’accord de garanties généralisées avec l’AIEA, que l’Iran « respecte scrupuleusement ».
Les accusations infondées portées aujourd’hui contre l’Iran par les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ne peuvent déformer les faits sur le terrain, ni servir à obscurcir ou justifier leurs propres échecs dans le respect de leurs engagements au titre du Plan d’action global commun et de la résolution 2231 (2015), a abondé la délégation iranienne. « Le programme nucléaire iranien est et a toujours été exclusivement pacifique et fonctionne sous le régime de surveillance le plus rigoureux de l’histoire de l’AIEA », s’est défendu le représentant.
Il a également rejeté les tentatives visant à lier les engagements iraniens du Plan d’action à des questions régionales ou géopolitiques « sans rapport ». Ainsi a-t-il jugé que les allégations concernant les prétendus transferts d’armes de l’Iran vers la Russie pour les utiliser dans le conflit ukrainien sont totalement infondées et « politiquement motivées ».
Face au blocage actuel et aux divergences entre les parties au Plan d’action, la priorité doit être donnée au multilatéralisme et à la diplomatie, a conclu Mme DiCarlo. « Le temps presse et la région ne peut pas se permettre davantage d’instabilité. »
NON-PROLIFÉRATION - S/2024/880
Exposés
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déclaré qu’à 10 mois de la date d’expiration de la résolution 2231 (2015), l’impasse sur le rétablissement du Plan d’action global commun (PAGC) persiste, alors que le contexte régional s’est encore détérioré. « Dans ce contexte, la nécessité d’une solution globale à long terme qui rétablirait les objectifs du Plan d’action n’a jamais été aussi grande. » Mme DiCarlo a rappelé que les États-Unis ne sont pas revenus au Plan global, et n’ont pas non plus levé ou renoncé aux sanctions unilatérales qu’ils ont réimposées après s’être retirés du PAGC en mai 2018. Ils n’ont par ailleurs pas accordé de dérogations concernant le commerce du pétrole avec la République islamique d’Iran. L’Iran, pour sa part, n’a annulé aucune des mesures qu’il a prises depuis mai 2019 pour s’éloigner de ses engagements liés au nucléaire.
La Secrétaire générale adjointe a aussi relevé que le dernier rapport trimestriel, daté du 19 novembre dernier, de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a de nouveau observé que ses activités de vérification et de surveillance liées au Plan d’action global commun ont été « gravement affectées par la cessation de la mise en œuvre par l’Iran de ses engagements liés au nucléaire au titre du Plan d’action ». L’Agence n’est pas en mesure d’assurer la communauté internationale du caractère pacifique du programme nucléaire iranien. L’AIEA n’est toujours pas en mesure de vérifier le stock d’uranium enrichi dans le pays, une situation qui persiste depuis février 2021. Cependant, elle a estimé que le stock total d’uranium enrichi de l’Iran est environ 32 fois supérieur à la quantité autorisée par le PAGC. Cela comprend des quantités accrues d’uranium enrichi à 20% et 60%. « Un tel stock d’uranium enrichi et un tel niveau d’enrichissement restent très préoccupants. »
Mme DiCarlo a aussi indiqué la préoccupation du Secrétaire général face aux désaccords persistants, et à un moment critique, entre les participants au Plan d’action, notamment la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie. Ces derniers ne sont pas d’accord sur les causes profondes de l’impasse actuelle concernant la mise en œuvre du PAGC. Elle les a tous exhortés, y compris les États-Unis, à relever ce défi en donnant la priorité au multilatéralisme et à la diplomatie, principes qui ont rendu possible le Plan d’action en 2015. « Le temps presse et la région ne peut se permettre une plus grande instabilité », a-t-elle mis en garde.
M. STAVROS LAMBRINIDIS (Union européenne) a déclaré que veiller à ce que l’Iran n’acquière, ni ne développe, d’armes nucléaires est une priorité sécuritaire essentielle. Or, nous sommes alarmés par la trajectoire nucléaire de l’Iran, qui ne cesse de s’élargir, comme le confirment les rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a indiqué le représentant, pour qui l’accumulation par Téhéran d’uranium hautement enrichi et l’expansion de son infrastructure d’enrichissement sont particulièrement graves. De plus, le manque de coopération de l’Iran avec l’AIEA affecte la capacité de cette organisation à s’acquitter de ses fonctions de surveillance et à fournir des assurances que le programme nucléaire iranien est exclusivement pacifique. Les rapports de l’Agence à la fin du mois de novembre sur la nouvelle expansion de la capacité et des opérations d’enrichissement de Téhéran, ainsi que, début décembre, sur une forte augmentation de la production d’uranium enrichi à 60%, proche des niveaux militaires, sont extrêmement préoccupants. L’Iran était déjà loin de ses engagements au titre du Plan d’action, et avec ces mesures, il a choisi de franchir une nouvelle étape dans l’escalade, s’est désolé le délégué européen.
Nous continuons de reconnaître que l’Iran a été confronté et continue de subir de très graves conséquences économiques négatives à la suite du retrait des États-Unis du Plan d’action global commun (PAGC) et à la réimposition de sanctions unilatérales américaines précédemment levées, a poursuivi le représentant. Washington a également imposé des sanctions supplémentaires liées au programme nucléaire, et dans le même temps, le programme nucléaire iranien est désormais plus avancé que jamais. Se disant également extrêmement préoccupé par le soutien militaire de l’Iran à la guerre d’agression de la Russie en Ukraine, notamment par des livraisons de drones et de missiles balistiques, M. Lambrinidis a indiqué que l’UE a adopté de nouvelles mesures restrictives importantes concernant les entités impliquées dans l’expédition d’équipements militaires iraniens, a précisé son représentant.
Il a donc appelé toutes les parties prenantes au PAGC et les États-Unis à maintenir le dialogue sur le programme nucléaire iranien et les questions de sanctions connexes. Dans le même temps, il a exhorté l’Iran à reprendre pleinement sa coopération avec l’AIEA et à s’abstenir de s’écarter davantage de ses engagements au titre du Plan d’action en tant que première mesure de confiance. « Des mesures de désescalade sur le front nucléaire contribueraient à rétablir la confiance et pourraient recréer un environnement propice à la reprise des négociations », a estimé le délégué.
Mme VANESSA FRAZIER, représentante de Malte, présentant son quatrième rapport en tant que Facilitatrice désignée par le Conseil de sécurité pour la mise en œuvre de la résolution 2231 (2015), a estimé que le Plan d’action global commun (PAGC), tel qu’approuvé par ce Conseil par la résolution 2231 (2015), est la meilleure option disponible pour garantir que le programme nucléaire iranien reste exclusivement pacifique. Tout en reconnaissant l’environnement difficile auquel le « format 2231 » est confronté, elle a dit que grâce au dialogue et au multilatéralisme, le « maximum » peut être fait pour garantir que le Plan d’action et ladite résolution soient mis en œuvre efficacement, « tout en nous appuyant sur la confiance mutuelle et la coopération ».
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