En cours au Siège de l'ONU

9816e séance - après-midi
CS/15939

Conseil de sécurité: la situation humanitaire en Ukraine inquiète à l’approche d’un troisième hiver de guerre

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Alors que les températures commencent à descendre jusqu’à -20 °C, la crise humanitaire s’aggrave en Ukraine, où l’ONU et ses partenaires ont les plus grandes difficultés à venir en aide aux nécessiteux, en raison des dangers posés par les bombardements russes, mais aussi d’un manque cruel de financement, a expliqué, cet après-midi au Conseil de sécurité, la Directrice de la Division du financement et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Outre un fossé d’un montant de 1,1 milliard de dollars pour financer les opérations humanitaires, Mme Lisa Doughten s’est alarmée des attaques « répétées, à grande échelle et coordonnées », lancées depuis mars dernier par la Fédération de Russie contre les infrastructures civiles ukrainiennes, provoquant l’endommagement ou la destruction de plus de 60% de celles qui assurent l’approvisionnement en électricité, en gaz, en chauffage et en eau, a précisé la haute fonctionnaire. 

Les membres du Conseil ont été nombreux à dénoncer cet acharnement, la France rappelant que « plus de la moitié des capacités de génération électrique ukrainiennes sont aujourd’hui détruites ou endommagées, forçant le peuple ukrainien à affronter dans le froid un troisième hiver de guerre ».  Pour la Slovénie, les attaques contre le réseau électrique suscitent de graves inquiétudes quant à la sûreté et à la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes, un réseau électrique stable étant essentiel pour garantir la sûreté nucléaire des centrales en activité. « Un incident nucléaire en pleine guerre serait catastrophique pour l’Ukraine, dévastateur pour l’ensemble de la région et entraînerait des répercussions au niveau mondial.  Et le Conseil de sécurité devrait faire tout son possible pour l’empêcher »,a affirmé la délégation. 

La Lituanie, qui s’exprimait au nom des pays baltes –Estonie, Lettonie et Lituanie– a indiqué qu’au cours de la seule journée de vendredi dernier, la Russie a tiré 93 missiles et 200 drones, dont un missile nord-coréen, sur les installations de production et de distribution d’électricité de l’Ukraine, entraînant des pannes de courant massives, notamment dans les installations impliquées dans la conversion et la transmission de l’électricité des centrales nucléaires. 

Pour l’Ukraine, le début de la saison hivernale a une fois de plus mis en évidence le fait que les pratiques de la Russie contre la population civile ukrainienne constituent des « actes de génocide », tels que les énonce la Convention de 1948 pour la prévention et la répression de ce crime. Dans ce contexte, la délégation a rappelé que, le 13 décembre dernier, l’Ukraine a fait face à l’une des plus grandes attaques jamais perpétrées contre son système énergétique: 94 missiles et 193 drones ont ciblé des installations critiques à travers le pays.  En conséquence, cinq des neuf réacteurs en activité ont dû réduire leur puissance, a-t-elle précisé, avant d’accuser la Russie de s’en prendre aussi aux convois de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), « comme elle l’a fait le 10 décembre sur une route de la région de Zaporizhzhia ». 

La Fédération de Russie ne l’a pas entendu de cette oreille, évoquant pour sa part un incident survenu le 10 décembre, au cours duquel les forces ukrainiennes auraient frappé un véhicule appartenant au Secrétariat de l’AIEA.  « Nous avons donné des garanties de sécurité à l’AIEA mais l’Ukraine a violé ses propres obligations », a-t-elle tempêté, condamnant cette « énième provocation » qui a mis en danger le personnel de cette organisation et les militaires russes chargés de la rotation. Selon Moscou, le régime ukrainien continue de choisir « la confrontation plutôt que la conciliation, comme le prouve son utilisation de missiles à longue portée, et ce, contre l’avis du futur Président américain ».  Pourtant, a soutenu la délégation russe, « l’ancien comique » Zelenskyy ne cherche qu’à rallier les faveurs de la prochaine administration américaine en espérant qu’elle ne l’abandonnera pas.  « Il sait pourtant que ses efforts ne portent pas leurs fruits, que l’aide militaire ne va faire que diminuer et qu’une révision est inévitable, d’autant plus que certains à Washington cherchent à faire la lumière sur la manière dont toutes ces sommes colossales ont été dépensées », a soutenu la délégation russe.  Les États-Unis ont rejeté ce narratif, estimant que la Russie se perd en conjectures sur la politique étrangère de la future Administration Trump, « alors qu’il ne peut même pas expliquer sa propre politique d’agression contre l’Ukraine ». 

La Suisse, citant les rapports de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine et de la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine, a averti que les attaques contre les infrastructures électriques sont susceptibles de violer les principes fondamentaux de distinction, de précaution et de proportionnalité en temps de guerre.  Se joignant aux pays occidentaux pour condamner les agissements de la Russie, le Japon s’est par ailleurs alarmé du déploiement de troupes en provenance de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) en Ukraine.  Profondément préoccupé par l’approfondissement de la coopération entre Moscou et Pyongyang, la délégation nippone a fustigé dans les termes les plus vigoureux cette coopération militaire « illégale, injustifiée et inacceptable ».  Une critique reprise à son compte par l’Union européenne, qui a exhorté les pays tiers à cesser toute assistance à la guerre d’agression de la Russie, qu’il s’agisse d’un soutien militaire direct ou de la fourniture de biens à double usage. 

« Près de la ligne de front, les gens sont constamment bombardés et confrontés à des choix impossibles: fuir dans des conditions périlleuses en abandonnant tout ce qu’ils ont, peut-être pour la deuxième ou la troisième fois; ou rester et risquer d’être blessés ou tués », a résumé Mme Lisa Doughten. Et comme l’utilisation d’armes à longue portée n’a cessé d’augmenter depuis juillet, le nombre de victimes civiles aussi: novembre a connu une augmentation particulièrement meurtrière dans tout le pays, 65 civils tués et 372 blessés, soit le double du nombre d’octobre. 

Assurant que parvenir à une paix globale, juste et durable, conformément à la Charte des Nations Unies, demeure une « priorité essentielle » pour elle, l’Ukraine a constaté que sa vision contraste fortement avec ce que la Russie exige sous couvert de « propositions de paix ».  Alors que le Kremlin exige une capitulation et l’abandon volontaire de la souveraineté ukrainienne, qui « n’arrivera jamais », la délégation ukrainienne a exhorté le monde à ne pas « succomber au bluff du Kremlin », non sans rappeler que « la force est la seule langue qu’un agresseur puisse comprendre ».

Estimant que la « pseudo-formule de Zelenskyy » n’est pas réalisable, le délégué russe a affirmé pour sa part qu’en plus de manipuler les Occidentaux pour les convaincre de tout faire pour geler le conflit sur la ligne de contact, ce dernier veut une « invitation de l’OTAN », assortie de garanties d’élargissement sur la partie que l’Ukraine souhaite « contrôler à l’avenir ». « Aucun gel du conflit n’est envisageable pour nous », a tranché la délégation, selon laquelle le rôle de l’OTAN ne peut faire partie du règlement « puisque que c’est une partie du problème ». 

 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Exposé

Mme LISA DOUGHTEN, Directrice de la Division du financement et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a indiqué que les attaques quotidiennes se poursuivent en Ukraine, infligeant des morts, des blessés et des souffrances indicibles aux Ukrainiens ordinaires, ainsi que des destructions et des dommages aux infrastructures civiles.  « Près de la ligne de front, les gens sont constamment bombardés et confrontés à des choix impossibles: fuir dans des conditions périlleuses en abandonnant tout ce qu’ils ont, peut-être pour la deuxième ou la troisième fois; ou rester et risquer d’être blessés ou tués », a résumé la haute fonctionnaire.  Et comme l’utilisation d’armes à longue portée n’a cessé d’augmenter depuis juillet, le nombre de victimes civiles aussi: novembre a connu une augmentation particulièrement meurtrière dans tout le pays, 65 civils tués et 372 blessés, soit le double du nombre d’octobre. 

Alors que les températures commencent à descendre jusqu’à moins 20 °C, notre inquiétude pour les civils s’intensifie, en particulier au vu des dégâts considérables causés aux infrastructures critiques, a poursuivi Mme Doughten.  Depuis mars de cette année, les forces armées russes ont mené des attaques répétées, à grande échelle et coordonnées, contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), plus de 60% des infrastructures énergétiques ont été endommagées, avec un impact considérable sur l’accès des civils à l’électricité, au gaz, au chauffage et à l’eau. 

Simultanément, a précisé la Directrice, les travailleurs humanitaires n’ont pas été épargnés, passant de 4 d’entre eux tués en 2022 à 11 jusqu’à présent en 2024.  En Ukraine, quelque 14,6 millions de personnes ont actuellement besoin d’une aide humanitaire.  Dix millions de personnes ont désormais été déplacées, sans compter près de 6,8 millions de réfugiés dans d’autres pays.  La communauté humanitaire fait tout ce qu’elle peut pour fournir aux personnes l’aide dont elles ont besoin, a assuré Mme Doughten.  En 2024, plus de 630 organisations humanitaires ont fourni au moins une forme d’aide à 7,7 millions de personnes à travers l’Ukraine, le plus souvent un soutien vital aux plus vulnérables.  Dans le cadre du Plan d’intervention hivernal 2024-2025, les travailleurs humanitaires ont également jusqu’à présent fourni une assistance à plus de 144 000 personnes, dont 33% de personnes âgées et 9% de personnes handicapées. 

La haute fonctionnaire s’est dite préoccupée par le sort d’environ 1,5 million de nécessiteux dans certaines parties des régions de Donetsk, Kherson, Luhansk et Zaporizhzhia sous occupation russe.  L’absence d’aide dans ces zones pourrait entraîner des conséquences désastreuses, en particulier en hiver.  À ce stade, la communauté internationale a besoin d’un engagement sans équivoque en faveur du droit international humanitaire et d’un accès humanitaire sans entrave. 

« Ensuite, pour soutenir les opérations humanitaires dans un environnement de plus en plus complexe et dangereux, nous avons besoin de toute urgence que les donateurs augmentent et accélèrent le financement flexible de la réponse jusqu’en 2025 », a plaidé la Directrice, précisant qu’il manque encore 1,1 milliard de dollars pour soutenir les opérations humanitaires dans un environnement de plus en plus complexe et dangereux.  Mais ce dont l’Ukraine et son peuple ont besoin, c’est qu’il soit mis fin à cette guerre dévastatrice, a-t-elle ajouté en conclusion. 

 

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