Conseil de sécurité: débat sur la situation en Afrique centrale, en proie aux crises sécuritaires, aux urgences climatiques et aux rivalités géopolitiques
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Le Conseil de sécurité a débattu, ce matin, de la situation dans une Afrique centrale marquée par des crises sécuritaires et climatiques et des rivalités géopolitiques, alors que la sous-région traverse des cycles électoraux et une situation humanitaire qui devient encore plus complexe.
Face à ce tableau, le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) entend faire en sorte que la sous-région tire autant que possible profit de la dynamique insufflée par le Pacte pour l’avenir, en termes de prévention de conflits, de développement durable, de réforme du système financier international et du Conseil de sécurité et autres questions prioritaires pour la sous-région, a affirmé, devant le Conseil, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale et Chef du BRENUAC.
M. Abdou Abarry a indiqué que le soutien du Bureau à la sous-région passe par l’accompagnement des cycles électoraux passés et en cours, évoquant des élections présidentielle et législatives qui se sont déroulées au Rwanda le 15 juillet dernier « dans un environnement pacifique et calme », selon la mission d’observation de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).
Il a également mentionné le Burundi, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine qui organiseront des élections législatives ou présidentielles en 2025, tandis que la République du Congo et Sao Tomé-et-Principe auront une élection présidentielle en 2026.
Pour le Japon, le fait que plusieurs pays de la région d’Afrique centrale entrent dans une période préélectorale interpelle le BRENUAC pour la mise en place d’un environnement propice à des élections pacifiques, transparentes, inclusives et crédibles. En dehors du Burundi et du Congo, les autres pays ont sollicité une assistance électorale des Nations Unies et la plupart ont déjà reçu des missions d’évaluation des besoins, a rassuré le Représentant spécial. Il a promis un accompagnement de ces pays, y compris en veillant à la prévention de la violence électorale, du discours de haine et en appuyant la participation pleine et entière des jeunes et des femmes.
Militante pour la cause des femmes justement, la représentante de la société civile, Mme Daniele Nlate, s’est désolée des statistiques sur les féminicides en Afrique centrale, où 65% des femmes ont subi des violences selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). De plus, les mariages forcés et les mariages d’enfants sont des pratiques courantes en Afrique centrale et contribuent à la vulnérabilité des femmes face aux violences, a expliqué la Présidente du Réseau des femmes actives d’Afrique centrale (REFAC).
Alors que la délégation nippone a déploré les restrictions de l’espace civique dans certains pays, Mme Nlate a estimé que la société civile ne doit plus « toujours susciter » la méfiance et être perçue comme une menace ou un élément facilitant l’intrusion de puissances taxées de prédatrices ou déstabilisatrices. Elle a expliqué qu’au contraire, la société civile d’Afrique centrale œuvre sans relâche au développement, à l’épanouissement, la paix et la sécurité des communautés, en coopération avec les gouvernants et les autorités de tous types.
En outre, face à la situation humanitaire préoccupante que connaît la région, en raison de l’apparition de la maladie de la variole du singe (mpox), la CEEAC, en collaboration avec le BRENUAC, planifie un sommet des chefs d’État et de gouvernement sur la question en février 2025. M. Abarry a lancé un appel pour le financement du Plan de réponse humanitaire et le projet pour la résilience et la stabilisation de l’est du Tchad (2025-2027), ainsi que la stratégie régionale révisée pour la stabilisation, le relèvement et la résilience des zones affectées par Boko Haram dans la région du bassin du lac Tchad. Il a par ailleurs déclaré que le Tchad et les autres pays du bassin du lac Tchad continuent de subir les attaques des groupes affiliés à Boko Haram ou dissidents, dont celle particulièrement meurtrière perpétrée contre l’armée tchadienne le 27 octobre dernier.
Au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), le Mozambique a appelé à la mise à disposition de ressources financières adéquates pour permettre au Bureau de relever les défis transfrontaliers et faire progresser la stabilité et le développement dans la région. Le groupe a également appelé à renforcer les capacités opérationnelles de la Force multinationale mixte, notamment par une meilleure collaboration et un meilleur partage des ressources, pour faire face aux conflits et à l’insécurité dans la sous-région. Pour la Chine, la mise en œuvre du concept de sécurité commune permettrait des synergies afin de préserver la sécurité régionale.
Le Royaume-Uni s’est dit préoccupé par la violence en cours dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, et son impact sur la vie des civils. Le BRENUAC est bien placé pour soutenir un dialogue mené par le Cameroun et, à terme, une résolution du conflit menée par le Cameroun, a plaidé la délégation. L’arrestation par les autorités norvégiennes, le 25 septembre dernier, du leader séparatiste, M. Cho Lucas Ayaba, aura un impact certain sur la réduction des actes de violence contre les populations civiles, de même qu’elle marquera un tournant vers la fin de l’impunité pour tous les responsables d’atteintes aux droits humains, a espéré M. Abarry. La France l’a d’ailleurs encouragé à continuer d’accompagner les autorités camerounaises pour trouver une solution à cette crise afin que l’ensemble des populations puissent cohabiter en paix.
La délégation française a par ailleurs annoncé une contribution de 2 millions d’euros pour soutenir l’organisation des législatives de l’an prochain en République centrafricaine (RCA), en particulier la révision du fichier électoral en cours d’élaboration. Pour sa part, la délégation américaine a dénoncé les tentatives de la Fédération de Russie, par le biais de campagnes de désinformation, de dénigrer le travail important de la Mission multidimensionnelle des Nations Unies pour la stabilisation en RCA (MINUSCA).
La Fédération de Russie a quant à elle expliqué qu’« avec l’appui des partenaires bilatéraux, dont la Russie, ainsi que de la MINUSCA, Bangui a réussi à surmonter la phase la plus difficile de la lutte contre les gangs ». Elle a également plaidé en faveur d’une intensification des efforts conjoints entre la RCA et le Tchad pour éliminer les défis et les menaces transfrontalières.
Le Représentant spécial a par ailleurs indiqué que depuis le début de l’année 2024, presque tous les pays d’Afrique centrale ont été affectés par des phénomènes climatiques extrêmes qui ont touché plus de 3,2 millions de personnes, ce qui exacerbe les tensions sociales et économiques dans la sous-région. Il a déploré le fait que les financements climatiques nécessaires pour protéger le bassin du Congo sont largement insuffisants. Moins de 15% des engagements internationaux en faveur de l’Afrique centrale ont été honorés.
La Suisse a dit qu’elle allait continuer de plaider pour une atténuation des risques émergents des changements climatiques, une question évoquée comme majeure par plusieurs délégations.
Le Représentant spécial a enfin mentionné « l’immense espoir » suscité récemment par le processus de Luanda sous la direction de M. João Manuel Gonçalves Lourenço, Président de l’Angola, pour mettre fin à la crise dans l’est de la RDC.
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RÉGION DE L’AFRIQUE CENTRALE (S/2024/865)
Exposés
M. ABDOU ABARRY, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a présenté le vingt-septième rapport du Secrétaire Général sur la situation en Afrique centrale et les activités du BRENUAC. Il a rappelé que depuis le dernier rapport présenté le 10 juin 2024, le Conseil de sécurité a prolongé le mandat du BRENUAC pour une période de trois ans et adopté une déclaration présidentielle sur l’Afrique centrale. M. Abarry a indiqué que la région n’a échappé ni aux crises sécuritaires, ni aux urgences climatiques, ni aux rivalités géopolitiques. C’est fort justement que les États d’Afrique centrale ont apporté un soutien sans réserve à l’engagement renouvelé au multilatéralisme porté par le Pacte pour l’avenir, et le BRENUAC entend faire en sorte que la région tire autant que possible profit de la dynamique insufflée par le Pacte, en termes de prévention de conflits, de développement durable, de réforme du système financier international et du Conseil de sécurité et autres questions prioritaires pour la sous-région.
Au cours de la période couverte par le présent rapport, le Représentant spécial s’est rendu au Cameroun, en Guinée équatoriale, à Sao Tomé-et-Principe, au Tchad et en République centrafricaine. Il a indiqué que des cycles électoraux se sont tenus ou vont se tenir dans la sous-région, précisant que le 15 juillet, des élections présidentielle et législatives ont eu lieu au Rwanda. Selon la mission d’observation de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), elles « se sont déroulées dans un environnement pacifique et calme », s’est-il félicité. Le Burundi, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine organiseront des élections législatives ou présidentielles en 2025, tandis que le Congo et Sao Tomé-et-Principe iront vers une élection présidentielle en 2026. En dehors du Burundi et du Congo, les autres pays ont sollicité une assistance électorale des Nations Unies et la plupart ont déjà reçu des missions d’évaluation des besoins. Il a promis un accompagnement de ces pays, y compris en veillant à la prévention de la violence électorale, du discours de haine et en appuyant la participation pleine et entière des femmes et des jeunes.
Le Représentant spécial a ensuite indiqué que depuis le début de l’année 2024, presque tous les pays d’Afrique centrale ont été affectés par des phénomènes climatiques extrêmes qui ont touché plus de 3,2 millions de personnes, ce qui exacerbe les tensions sociales et économiques dans la sous-région. Il a déploré le fait que les financements climatiques nécessaires pour protéger le bassin du Congo, cet écosystème vital, sont largement insuffisants. Moins de 15% des engagements internationaux en faveur de l’Afrique centrale ont été honorés. Par ailleurs, la situation humanitaire devient encore plus complexe avec l’apparition de la maladie de la variole du singe (mpox), dont l’épicentre se situe à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Face à la situation humanitaire préoccupante que connaît la région, la CEEAC en collaboration avec le BRENUAC planifie un sommet des chefs d’État et de gouvernement sur la question en février 2025, a-t-il indiqué.
M. Abarry a relevé que le processus de transition au Gabon se poursuit conformément au chronogramme fixé par les autorités. Il a salué le fait que plus de 30 organisations d’observation, au nombre desquelles les observateurs de la société civile gabonaise, de nombreux partenaires internationaux dont ceux de la CEEAC et de l’Union africaine ont pu observer le referendum constitutionnel du 16 novembre. À Sao Tomé-et-Principe, « modèle d’alternance politique pacifique en Afrique centrale », les autorités ont manifesté leur intention de réviser la Constitution de 2003 afin d’adapter le cadre institutionnel aux réalités sociales et politiques du pays. Au Cameroun, institutions, électeurs et acteurs politiques se mobilisent déjà en vue de l’élection présidentielle de 2025, alors que les groupes séparatistes poursuivent leurs activités déstabilisatrices dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. En plus des violences de toutes sortes, d’après l’OCHA, les exactions ont conduit à la déscolarisation de près de 250 000 enfants pour l’année scolaire 2023-2024, en violation de la résolution 2601 (2021) du Conseil. L’arrestation par les autorités norvégiennes, le 25 septembre dernier, du leader séparatiste, M. Cho Lucas Ayaba, aura un impact certain sur la réduction des actes de violence contre les populations civiles, de même qu’elle marquera un tournant vers la fin de l’impunité pour tous les responsables d’atteintes aux droits humains, a espéré M. Abarry.
Il a par ailleurs déclaré que le Tchad et les autres pays du bassin du lac Tchad continuent de subir les attaques des groupes affiliés à Boko Haram ou dissidents, dont celle particulièrement meurtrière perpétrée contre l’armée tchadienne le 27 octobre dernier. Il a lancé un appel pour le financement du Plan de réponse humanitaire et le projet pour la résilience et la stabilisation de l’est du Tchad (2025-2027), ainsi que la stratégie régionale révisée pour la stabilisation, le relèvement et la résilience des zones affectées par Boko Haram dans la région du bassin du lac Tchad. Il a également évoqué « l’immense espoir » suscité récemment par le processus de Luanda sous la direction de M. João Manuel Gonçalves Lourenço, Président de l’Angola, pour mettre fin à la crise dans l’est de la RDC.
Mme DANIELE NLATE, Présidente du Réseau des femmes actives d’Afrique centrale (REFAC), a indiqué que les agendas politiques des États africains tiennent compte progressivement de la lutte contre les violences sexistes. Cependant, nous constatons une recrudescence des violences conjugales, de féminicides, assassinats, viols, séquestrations des enfants, jeunes filles et femmes de tous types, a observé l’activiste. « Les politiques du genre produisent des résultats très mitigés, et ne sont pas toujours très efficaces, car la plupart n’accèdent pas aisément aux postes décisionnaires dans tous les secteurs d’activité », a-t-elle expliqué.
Les statistiques sur les féminicides en Afrique centrale sont alarmantes. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 65% des femmes y ont subi des violences. En ce qui concerne les féminicides, l’Afrique compte 21 700 victimes en 2023, soit environ la moitié des féminicides mondiaux, a précisé Mme Nlate. Plus précisément, au Cameroun, 3 femmes sur 10 sont victimes de violences. De plus, les mariages forcés et les mariages d’enfants sont des pratiques courantes en Afrique centrale et contribuent à la vulnérabilité des femmes face aux violences. Selon l’intervenante, ces chiffres sont probablement en deçà de la réalité, car beaucoup de cas de violences et de féminicides ne sont pas déclarés ou documentés.
Poursuivant, elle a estimé que la société civile ne doit plus « toujours susciter » la méfiance et être perçue comme une menace ou un élément facilitant l’intrusion des puissances taxées de prédatrices ou déstabilisatrices « par ceux-là qui nous discriminent, cherchant parfois à nous étouffer, lorsqu’ils ne récupèrent pas simplement nos idées de projet pour les mettre en œuvre eux-mêmes ». Ceux qui sont censés nous soutenir et appuyer nos actions ou nous encadrer deviennent des redoutables bourreaux qui nous poussent vicieusement dans les abîmes de l’inaction et la dépression, s’est alarmée la Présidente. Elle a expliqué qu’au contraire, la société civile d’Afrique centrale œuvre sans relâche au développement, à l’épanouissement, la paix et la sécurité des communautés, en coopération avec les gouvernants et les autorités de tous types.
Le REFAC, a expliqué Mme Nlate, organise ainsi depuis plus de 15 ans la Foire annuelle transfrontalière d’Afrique centrale (FOTAC), une plateforme de rencontres, d’échanges et de partage des acteurs du développement et des partenaires au développement à la frontière du Cameroun avec le Gabon et la Guinée équatoriale. Les violences fondées sur le genre sont légion le long des corridors et aux frontières, « et le fait de quelques agents véreux, agents de police douaniers, gendarmes », pourtant censés veiller à la sécurité des personnes, à la libre circulation des personnes et des biens, a déploré la Présidente. Elle s’est également inquiétée de l’impact de la corruption et de l’insécurité aux frontières, avec un trafic notable des armes et munitions venant des zones de conflit. Elle a ensuite salué la collaboration qui prévaut entre les forces de police du Cameroun et de Guinée équatoriale, qui a permis de démanteler des tentatives de coups d’État aux trois frontières.