En cours au Siège de l'ONU

9803e séance - matin
CS/15925

Au Conseil de sécurité, des appels insistants à préserver la souveraineté de l’Iraq dans une région « en feu »

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Ce matin devant le Conseil de sécurité, M. Mohamed Al Hassan, qui s’exprimait pour la première fois en sa qualité de Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, a appelé, comme de nombreuses délégations, à l’atténuation des tensions et à la préservation de la souveraineté iraquienne, dans une région « en feu ».  La fermeture de la Mission d’assistance des Nations Unies pour ce pays (MANUI), prévue pour la fin 2025, a également été au cœur des débats. 

En préambule de son intervention, le Représentant spécial a estimé que l’Iraq est aujourd’hui, malgré les obstacles, un pays plus sûr et plus stable.  Il a notamment salué les progrès enregistrés dans la Région du Kurdistan, avec la tenue d’élections législatives après deux ans de négociations et de retards.  La légitimité des institutions de cette région a été renforcée:  « sur les 100 sièges à pourvoir, 31 femmes ont été élues, dépassant le quota de 30% », s’est félicité le haut fonctionnaire.   

M. Al Hassan a également salué les principes de gouvernance que se sont fixés les dirigeants iraquiens: intégrité et compétence dans l’exécution des mandats publics; préservation de toute ingérence extérieure; respect de l’état de droit; contrôle des armes et lutte contre une corruption, qu’il a qualifiée de « systémique ».  Évoquant les amendements proposés à la loi relative à la situation personnelle en Iraq, le Représentant spécial a souligné, à l’instar du Royaume-Uni ou encore de la Suisse, la nécessité de les rendre conformes aux engagements de l’Iraq dans le domaine des droits humains.  

Mme Hanaa Edwar, Présidente de l’association iraquienne Al-Amal, a estimé que le but de ces amendements est de supprimer le droit des femmes au divorce, aux pensions alimentaires et à l’héritage.  Ces modifications, qui constituent un « dangereux précédent », doivent être retirées, a-t-elle tranché.  Elle s’est par ailleurs élevée contre la campagne gouvernementale visant à interdire le mot « genre » dans les documents officiels de l’État et dans le milieu académique.  L’activiste a enfin dénoncé la limitation de la liberté d’expression et la propagation d’une haine antifemmes sur les réseaux sociaux. 

Mais c’est bien la « dynamique régionale complexe », selon l’expression du Mozambique, qui a dominé les interventions.  « Le Gouvernement iraquien fait montre d’une grande détermination à tenir le pays à l’écart d’un conflit régional grandissant, tout en défendant la paix et la stabilité », s’est ainsi félicité le Représentant spécial. La France a également soutenu ses efforts pour éviter que le pays ne soit entraîné dans les conflits régionaux. « Les voisins de l’Iraq doivent cesser toute ingérence dans les affaires intérieures du pays », a sommé la délégation française. 

La Chine s’est alarmée des retombées potentielles de la situation en Syrie, en appelant toutes les parties impliquées à respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Iraq.  Mentionnant à son tour les récents événements en Syrie, le Royaume-Uni s’est dit préoccupé par le risque d’une nouvelle escalade régionale et son impact sur l’Iraq et la Région du Kurdistan.  La délégation britannique a exhorté ceux qui détiennent une influence à encourager les milices basées en Iraq à s’abstenir d’attaquer, y compris les bassins de population israéliens. 

« Dans le contexte d’escalade des tensions au Moyen-Orient, il importe de prévenir les tentatives visant à impliquer l’Iraq dans les conflits qui font rage dans la région », a déclaré la Fédération de Russie, pour qui l’utilisation par Israël de l’espace aérien iraquien est particulièrement préoccupant.  « L’Iraq ne doit pas devenir une arène de règlement de comptes », a-t-elle tranché. 

De son côté, le représentant de l’Iraq a exprimé le refus catégorique de son gouvernement de voir le sol et l’espace aérien iraquiens utilisés pour lancer des offensives militaires contre quelque pays que ce soit, insistant sur l’importance de la souveraineté et de la neutralité de son pays.  Il a ainsi dénoncé les incursions israéliennes destinées à mener des attaques contre l’Iran voisin, appelant les États impliqués à se conformer aux principes de la Charte des Nations Unies pour résoudre les conflits et contribuer à la paix et à la sécurité régionale. 

Le Mozambique, au nom du groupe des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone), a également demandé le respect de la souveraineté du pays, avant de réclamer un cessez-le-feu à Gaza et le respect de celui conclu au Liban.  « La transition de la Coalition internationale contre Daech à des partenariats sécuritaires bilatéraux est un signe encourageant de la capacité grandissante de l’Iraq à combattre le terrorisme et garantir sa propre sécurité », s’est félicité le groupe. 

Prévue pour décembre 2025, conformément à la résolution 2732 (2024), la fermeture de la MANUI a été abondamment commentée.  « Nous sommes en train de finaliser une feuille de route qui devrait être présentée au Conseil d’ici au 31 décembre 2024 », a annoncé le Représentant spécial, en demandant que la Mission soit dotée des ressources nécessaires en 2025 pour conduire son processus de retrait.  « Il nous paraît essentiel pour les mois à venir que la reconfiguration de la présence des Nations Unies, avec le retrait de la MANUI, soit un succès collectif », a déclaré la Suisse.  

Nous sommes encouragés par les informations sur la coordination de la transition entre l’ONU et le Gouvernement, a poursuivi la délégation suisse. La France a, elle aussi, encouragé l’Iraq à poursuivre sa coopération avec l’ONU afin d’assurer une fermeture « graduelle et ordonnée » de la Mission.  « L’Iraq fournira à la MANUI tout le soutien nécessaire jusqu’à sa clôture fin 2025 », a assuré le délégué iraquien. 

« En 20 ans d’activité, la Mission a pleinement réalisé son potentiel pour rétablir et renforcer l’État iraquien, notamment par la normalisation de la vie sociale et politique et l’organisation du processus électoral », s’est félicitée la Fédération de Russie.  Une position partagée par les États-Unis, qui ont estimé que la MANUI a apporté une contribution « inestimable » à l’Iraq en l’aidant à relever des défis sociaux et économiques, en soutenant les droits des femmes et en appuyant la réforme de la gouvernance et les efforts climatiques. 

Le dossier koweïtien –des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus, ainsi que des biens koweïtiens disparus– a aussi été discuté. Le Koweït a ainsi rappelé que 308 personnes sont toujours portées disparues, avant de demander une accélération de l’opération de recherche et d’identification des dépouilles.  Nous rencontrons néanmoins des résistances, a regretté le délégué, en appelant à ne pas politiser cette question essentiellement humanitaire. 

Les États-Unis ont précisé avoir fourni de nouvelles images satellite pour identifier de potentiels sites d’inhumation, tout en poursuivant leurs recherches de témoins.  Évoquant la fermeture de la MANUI, le délégué du Koweït a réitéré sa conviction que l’ONU devrait nommer un Coordonnateur spécial pour ce dossier.  Enfin, il a déploré certaines décisions prises en 2023 par l’Iraq qui ont entravé les relations bilatérales, notamment celles portant sur la démarcation maritime entre les deux pays. 

 

LA SITUATION CONCERNANT L’IRAQ

Exposés

M. MOHAMED AL HASSAN a estimé, pour sa toute première intervention devant le Conseil de sécurité en sa qualité de Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, que ce pays est aujourd’hui, malgré les obstacles, plus sûr et stable.  Un jalon important selon lui a été la conduite réussie du recensement national le 20 novembre dernier, le premier à l’échelle nationale à inclure la population de la Région du Kurdistan depuis 1987.  La population nationale a quasiment doublé en plus de trois décennies, atteignant près de 45 millions de personnes.  Un autre évènement clef, a-t-il dit, a été l’élection, le 31 octobre, d’un nouveau Speaker à la Chambre des députés, élément important pour la bonne conduite du dialogue parlementaire.  « Dans une région “en feu”, le Gouvernement iraquien fait montre d’une grande détermination à tenir le pays à l’écart d’un conflit régional grandissant, tout en défendant la paix et la stabilité régionales », a considéré le Représentant spécial, en indiquant que le Premier Ministre avait plaidé avec insistance en faveur de l’atténuation des tensions et de la préservation de la souveraineté iraquienne.   

Le haut fonctionnaire a détaillé les progrès accomplis dans la Région du Kurdistan, avec la tenue d’élections législatives après deux ans de négociations et de retards.  La légitimité des institutions de cette région a été renforcée.  « Sur les 100 sièges à pourvoir, 31 femmes ont été élues dépassant le quota de 30% ».  Le Représentant spécial a estimé que ces développements positifs sont fragilisés par la corruption systémique, nonobstant les efforts des autorités pour y remédier.  Des réformes d’ampleur doivent être menées, a-t-il dit, en soulignant les mesures prometteuses prises à cette fin.  Il a regretté que la sélection du nouveau bureau des commissaires au sein de la Haute Commission iraquienne des droits humains soit toujours retardée.  Le Représentant spécial a ensuite évoqué les amendements proposés à la loi relative à la situation personnelle en Iraq, en soulignant la nécessité d’un dialogue inclusif: « Toute réforme devra être conforme aux engagements de l’Iraq dans le domaine des droits humains. » 

M. Al Hassan a ensuite déclaré que l’impact de Daech est toujours visible en Iraq, comme le montrent les camps abritant des milliers de personnes déplacées, en majorité yézidies.  Les conditions de vie déplorables dans ces camps sont inacceptables, a-t-il dit.  Il a également invité le Gouvernement à créer les conditions d’un retour des déplacés, l’Accord de Sinjar n’ayant pas été, quatre ans après sa signature, pleinement appliqué.  « Une administration unifiée dans le [district de] Sinjar et des structures sécuritaires stables sont les seuls moyens de créer les conditions propices à un retour », a-t-il argué.  Davantage doit également être fait pour accélérer le retour des personnes vivant en « enfer », comme à Al-Hol, a souligné le Représentant spécial.  « Nous avons obtenu des engagements renouvelés du Gouvernement iraquien d’œuvrer avec la MANUI [Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq] et la communauté internationale afin de rapatrier les citoyens iraquiens du camp d’Al-Hol et autres camps du Nord-Est syrien d’ici à la fin 2025. »  Les autres pays ayant des ressortissants dans le camp d’Al-Hol devraient également les rapatrier.  S’agissant du dossier koweïtien –des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus, ainsi que des biens koweïtiens disparus–, il a appelé à une intensification des efforts pour identifier et excaver les sites potentiels de dépouilles. 

Le Représentant spécial a ensuite évoqué le projet de transition et de liquidation de la MANUI, conformément à la résolution 2732 (2024).  Nous sommes en train de finaliser une feuille de route qui devrait être présentée au Conseil d’ici au 31 décembre 2024, a-t-il assuré.  En attendant, la Mission doit être dotée des ressources nécessaires en 2025 afin de conduire sans heurts son processus de retrait dans les délais fixés par ladite résolution.  Enfin, le haut fonctionnaire a salué les principes de gouvernance fixés par les dirigeants iraquiens: intégrité et compétence dans l’exécution des mandats publics; préservation contre toute ingérence extérieure; respect de l’état de droit; contrôle des armes et lutte contre la corruption. 

Mme HANAA EDWAR, Présidente de l’association iraquienne Al-Amal, s’est réjouie de représenter la société civile iraquienne devant le Conseil.  Elle a rappelé que, le 21 novembre dernier, le Gouvernement iraquien a mené à bien un recensement qui fait apparaître que le pays compte plus de 45 millions d’habitants, dont la moitié sont des femmes et un tiers des enfants.  Elle a constaté que l’Iraq est entré dans une nouvelle phase démographique puisque la population en âge de travailler représente désormais 60% du total.  Elle a toutefois relevé que le pays fait face à un contexte négatif, marqué par une forte dépendance aux revenus pétroliers, un haut niveau de corruption dans les administrations de l’État, un taux de chômage élevé, une impunité généralisée et l’intervention de forces armées étrangères.  Ces facteurs, auxquels s’ajoutent la pollution de l’environnement et les effets des changements climatiques, accroissent la fragilité du système et la défiance dans les institutions publiques, a-t-elle déploré, avant d’évoquer la situation des femmes, confrontées à des discours de haine, à des violences, notamment sexuelles, à la traite des personnes et à la pauvreté.  Dénonçant la faiblesse du système de protection sociale et de l’aide aux rescapées de violences, l’intervenante a également noté que les femmes participent peu à la main d’œuvre nationale, la majorité travaillant dans le secteur public.  

Dans ce contexte, Mme Edwar s’est élevée contre la campagne du Gouvernement visant à interdire le mot « genre » dans les documents des institutions de l’État et dans le milieu de la recherche.  Elle a également dénoncé la limitation de la liberté d’expression et la propagation d’une haine anti-femmes sur les réseaux sociaux.  Il y a trois mois, a-t-elle ajouté, des projets d’amendement de la loi relative à la situation personnelle ont été inscrits à l’ordre du jour du Conseil des représentants.  Alors que cette loi garantissait les droits personnels et religieux, notamment un espace approprié sur le libre choix présidant au mariage, les projets déposés entendent remplacer ces principes par des codes doctrinaires dont on ne connaît pas le contenu, s’est-elle indignée.  « On veut supprimer le droit des femmes au divorce, aux pensions alimentaires et au droit d’hériter, ce qui va à l’encontre des obligations internationales de l’Iraq et des principes de la Constitution ».  Pour l’intervenante, ces projets d’amendement constituent un « dangereux précédent » qui pourrait avoir de graves conséquences pour les femmes et les enfants en Iraq.  

Appelant à maintenir la loi en vigueur, Mme Edwar a exigé le retrait immédiat des amendements proposés pour défendre la Constitution de l’Iraq et se prémunir contre l’isolement sectaire.  À ses yeux, il faut au contraire des amendements qui améliorent la sécurité au sein de la famille et renforcent le tissu social.  Elle a en outre demandé que soient respectées les libertés d’expression, d’opinion, d’association et de réunion pacifique, avant d’exhorter le pouvoir judiciaire iraquien à poursuivre les individus et les institutions qui lancent des menaces contre la société civile.  Les Iraquiennes ne permettront pas la destruction de ce qu’ont bâti les générations précédentes, a-t-elle assuré en conclusion.  

 

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